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Date : 20180319


Dossier : IMM-2284-17

Référence : 2018 CF 309

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 mars 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

AIN FOOR KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Ain Foor Khan a fui le Pakistan en 2014 et, après avoir voyagé plusieurs mois dans de nombreux pays, il a demandé l’asile aux États-Unis. Il a fondé sa demande sur sa crainte d’être persécuté par les talibans. En 2016, après le rejet de sa demande d’asile aux États-Unis, M. Khan est arrivé au Canada et a présenté une demande d’asile à la frontière.

[2]  Un tribunal de la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande de M. Khan au motif qu’il pourrait vivre en toute sécurité ailleurs qu’à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan où les talibans sont le plus actifs. Autrement dit, il existait pour lui des possibilités de refuge intérieur (PRI) au Pakistan. M. Khan a interjeté appel devant la Section d’appel des réfugiés (SAR), qui a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés.

[3]  M. Khan soutient que la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle il existait pour lui des possibilités de refuge intérieur au Pakistan était déraisonnable, car elle a omis de prendre en compte les éléments de preuve montrant que les talibans sont capables de mener des attaques dans tout le Pakistan. Il me demande d’annuler la décision de la Section d’appel des réfugiés et d’ordonner que son affaire soit réexaminée par un autre tribunal.

[4]  Je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la Section d’appel des réfugiés puisque sa conclusion était étayée par les éléments de preuve au dossier.

[5]  La seule question à trancher consiste à déterminer si la décision de la Section d’appel des réfugiés était déraisonnable.

II.  Contexte factuel

[6]  M. Khan vivait à Zangali dans le district de Peshawar au Pakistan. En 2007, après des affrontements entre les talibans et l’armée pakistanaise, M. Khan a rejoint un comité de paix local, devenant finalement chef d’un sous-groupe. Il participait au suivi des activités des talibans et rendait compte au gouvernement du Pakistan. En 2011, les talibans ont pris connaissance des actions de M. Khan et ont laissé des pamphlets chez lui exigeant qu’il cesse ses activités.

[7]  En 2012, M. Khan et sa famille ont déménagé à Adam Khel, dans la province de Khyber Pakhtunkhwa, où un groupe militant appelé Ansar-UI Islam était actif. Le groupe a demandé à M. Khan un paiement de protection et l’a battu lorsqu’il a refusé de payer.

[8]  L’année suivante, en raison d’affrontements entre le groupe Ansar-UI Islam et les talibans, M. Khan et sa famille sont repartis à Zangali. Après le passage de membres des talibans à sa résidence, la famille a déménagé à nouveau dans la région de Gulbahar à Peshawar. M. Khan est parti pour les États-Unis en 2014.

III.  La décision de la Section d’appel des réfugiés

[9]  La Section d’appel des réfugiés a examiné la décision antérieure de la Section de la protection des réfugiés, dans laquelle elle avait conclu que le compte rendu des événements de M. Khan était crédible. Cependant, la Section de la protection des réfugiés avait estimé que les talibans s’intéressaient rarement aux personnes ne constituant pas des cibles prioritaires. Par conséquent, M. Khan, chef d’un petit sous-groupe, pourrait probablement vivre en toute sécurité dans des endroits comme Hyderabad, Multan ou Lahore où, en tant que mécanicien d’automobiles expérimenté, il pourrait probablement trouver un emploi.

[10]  La Section d’appel des réfugiés s’est dite d’accord avec l’analyse et la conclusion de la Section de la protection des réfugiés. Elle a examiné les éléments de preuve documentaire, y compris les nouveaux éléments de preuve déposés par M. Khan, et a conclu que les talibans formaient une organisation fragmentée incapable de suivre les mouvements de personnes au Pakistan. En fait, rien n’indiquait qu’ils aient mené des attaques ciblées dans les endroits proposés comme possibilités de refuge intérieur. En outre, rien n’indiquait que les talibans continuaient à s’intéresser à lui. Par conséquent, selon la Section d’appel des réfugiés, il serait raisonnable pour M. Khan de chercher refuge à l’intérieur du Pakistan au lieu de demander l’asile au Canada.

IV.  La décision de la Section d’appel des réfugiés était-elle déraisonnable?

[11]  M. Khan soutient que la Section d’appel des réfugiés a commis trois erreurs qui l’ont menée à une conclusion déraisonnable. Premièrement, la Section d’appel des réfugiés a affirmé à tort que la Section de la protection des réfugiés avait conclu qu’il manquait de crédibilité. Deuxièmement, la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en n’accordant aucun poids au rapport d’une psychothérapeute, qui a conclu qu’il présentait des symptômes de trouble de stress post-traumatique (TSPT). Troisièmement, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle il existait trois possibilités de refuge intérieur au Pakistan était déraisonnable selon les éléments de preuve.

[12]  Je ne suis pas d’accord avec les observations de M. Khan.

[13]  Premièrement, il est vrai que la Section d’appel des réfugiés a affirmé à tort que la Section de la protection des réfugiés avait conclu que M. Khan n’était pas crédible. Cependant, en tenant compte du contexte, je suis convaincu que la Section d’appel des réfugiés a simplement commis une erreur de transcription par inadvertance en insérant le mot « pas » (« not » dans la version anglaise). La Section d’appel des réfugiés a reconnu tout le témoignage de M. Khan comme étant vrai et, en tout état de cause, a examiné de nouveau ses éléments de preuve.

[14]  Deuxièmement, la Section d’appel des réfugiés a écarté le rapport de la psychothérapeute au motif qu’elle n’était pas qualifiée pour fournir le diagnostic qu’il contenait. Même si M. Khan soutient que la psychothérapeute a simplement fourni une évaluation, et non un diagnostic, la Section d’appel des réfugiés avait le droit de considérer que le rapport méritait peu de poids, étant donné qu’il n’a pas été rédigé par un médecin, un psychologue ou un psychiatre accrédité. En outre, la psychothérapeute avait peu d’éléments sur lesquels faire reposer son opinion quant aux répercussions que pourrait avoir un retour au Pakistan sur M. Khan; elle s’est éloignée de la pure perspective de la santé mentale pour prendre la défense de M. Khan.

[15]  Troisièmement, les éléments de preuve documentaire dont disposait la Section d’appel des réfugiés n’indiquaient pas que M. Khan serait menacé par les talibans dans les endroits proposés comme possibilités de refuge intérieur. Même les nouveaux éléments de preuve présentés par M. Khan indiquaient que les autorités antiterroristes pakistanaises avaient réussi à vaincre ou à arrêter des membres de l’État islamique et des talibans dans ces villes. Rien de tout cela ne montrait que les talibans menaient des attaques ciblées contre des personnes en particulier.

[16]  M. Khan cite une décision de 2015 dans laquelle la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il n’existait aucune possibilité de refuge intérieur au Pakistan pour un demandeur d’asile qui avait été ciblé par les talibans ([2015] DSAR 1052). Cette affaire concernait toutefois un demandeur qui avait reçu des menaces personnelles par téléphone, qui avait été blessé par balles par des tireurs talibans, et dont le frère avait été enlevé dans le but d’obtenir des renseignements sur les allées et venues du demandeur. La Section d’appel des réfugiés a conclu que les éléments de preuve documentaire montraient que les talibans avaient mené des attaques de représailles à Lahore, le seul endroit proposé comme possibilité de refuge intérieur en l’espèce. La situation n’est pas comparable à celle de M. Khan. Il n’y a aucun élément de preuve montrant que M. Khan était ciblé de la même façon et il existe d’autres possibilités que Lahore en l’espèce.

V.  Conclusion et décision

[17]  La Section d’appel des réfugiés a tiré une conclusion raisonnable quant aux risques allégués auxquels M. Khan serait exposé s’il retournait au Pakistan. Notamment, sa conclusion selon laquelle il existait des possibilités de refuge intérieur raisonnables n’était pas déraisonnable compte tenu des éléments de preuve. Je dois, par conséquent, rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2284-17

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2284-17

 

INTITULÉ :

AIN FOOR KHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 janvier 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

Christina Maria Gural

POUR LE DEMANDEUR

 

Susan Gans

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Christina Maria Gural

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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