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Date : 20170627


Dossier : T-1070-16

Référence : 2017 CF 625

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2017

En présence de madame la protonotaire Mandy Aylen

FONDATION DAVID SUZUKI,

LES AMI(E)S DE LA TERRE CANADA,

ONTARIO NATURE ET
WILDERNESS COMMITTEE

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ,

SUMITOMO CHEMICAL COMPANY LIMITED,
BAYER CROPSCIENCE INC. ET
VALENT CANADA INC.

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  VU LA REQUÊTE de la défenderesse, Bayer CropScience Inc. [Bayer], visant à obtenir une ordonnance portant que les documents énumérés à l’annexe A de l’avis de requête soient considérés comme confidentiels lorsqu’ils sont déposés auprès de la Cour, conformément aux articles 151 et 152 des Règles des Cours fédérales [les Règles];

[2]  VU l’avis de requête déposé le 19 mai 2017, les documents énumérés à l’annexe A de l’avis de requête, l’affidavit souscrit par Seshadri Iyengar le 18 mai 2017 et les pièces qui y sont jointes, l’affidavit supplémentaire souscrit par Seshadri Iyengar le 24 mai 2017, l’affidavit souscrit par Jeffrev Parsons le 22 juin 2017 et les pièces qui y sont jointes, ainsi que les observations écrites de Bayer;

[3]  VU QUE les autres défendeurs ne s’opposent pas à la réparation sollicitée;

[4]  VU les observations écrites des demandeurs, qui s’opposaient au départ à la totalité de la réparation demandée, mais qui ont consenti par la suite à ce que l’on considère comme confidentielles certaines parties des paragraphes 59, 60, 62, 63, 64, 67, 76, 88, 89, 90, 108, 115, 117, 150, 151 et 175 de l’affidavit souscrit par Jeffrey Parsons le 30 mars 2017 [l’affidavit de Parsons] et de certaines parties des pièces P, Q, R, S, V, AA, GG, HH, II, JJ, OO, UU, VV, WW, YY, ZZ, AAA, CCC, JJJ, MMM, QQQ, SSS, TTT, UUU, WWW, FFFF, GGGG et HHHH jointes à l’affidavit de Parsons;

[5]  VU QUE Bayer a renoncé à sa demande d’ordonnance de confidentialité concernant certaines parties des pièces II, CCC, DDD et WWW de l’affidavit de Parsons et les paragraphes 89, 124 et 157 de l’affidavit de Parsons;

[6]  VU les observations que les parties ont formulées à l’audience tenue les 16 juin et 23 juin 2017 au sujet de la présente requête et l’exposé des retranchements proposés aux éléments de preuve qui demeurent en litige :

[7]  La seule question qu’il reste à trancher dans le cadre de la présente requête est celle de savoir s’il y a lieu de protéger par une ordonnance de confidentialité certaines parties des pièces AAA, BBB et UUU jointes à l’affidavit de Parsons qui a été versé au dossier conjoint de requête des défendeurs de façon à ce que ceux-ci puissent s’en servir à l’appui de leur requête en rejet de la présente demande [les renseignements contestés];

[8]  Les renseignements contestés figurent dans des lettres que l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire [l’ARLA] de Santé Canada a envoyées à Bayer en réponse aux demandes de cette dernière quant à la conversion de certaines homologations conditionnelles de deux de ses pesticides en homologations complètes. Les trois lettres contiennent chacune l’analyse qu’a effectuée l’ARLA au sujet de certaines études de ruches d’abeilles que Bayer a présentées à l’appui de ses demandes de conversion et elles énoncent en détail les préoccupations que l’ARLA a soulevées à propos de certains aspects de ces études.

[9]  Selon la preuve de Bayer, l’évaluation qu’a effectuée l’ARLA au sujet des études de ruches dont il est question dans les pièces AAA et BBB (qui sont identiques) soulève trois sujets de préoccupation : (1) la contamination des ruches d’abeilles de contrôle par la clothianidine [préoccupation n° 1]; (2) le fait de ne pas avoir traité de la période de survie hiémale [préoccupation no 2] et, enfin, (3) l’applicabilité des résultats aux sites de culture de pommes de terre traitées [préoccupation n° 3]. Les préoccupations nos 1 et 2 sont également évoquées dans la pièce UUU.

[10]  Bayer reconnaît que les faits qui sous-tendent la préoccupation no 1 sont divulgués dans une étude publique que les demandeurs ont fournie à Bayer en réponse à la présente requête et qui est annexée en tant que pièce G à l’affidavit que M. Parsons a souscrit le 22 juin 2017 [l’étude publique no 1].

[11]  Selon la preuve de Bayer, les faits qui sous-tendent la préoccupation no 2 ne concordent pas avec l’analyse de la survie hiémale que l’on trouve dans l’étude publique no 1 et, selon M. Parsons, ils [traduction] « semblent se rapporter à d’autres données que [Bayer] a transmises à l’ARLA à titre confidentiel ». Bayer n’a pas indiqué la source de ces autres données, ni à quel moment elle les a transmises à l’ARLA.

[12]  Toujours selon la preuve de Bayer, les faits qui sous-tendent la préoccupation no 3 ne sont divulgués nulle part dans l’étude publique no 1 ou dans une autre étude sur les ruches d’abeille que les demandeurs ont transmise à Bayer en réponse à la présente requête et qui est annexée en tant que pièce F à l’affidavit de M. Parsons souscrit le 22 juin 2017 [l’étude publique no 2]. Bayer n’a pas indiqué quand elle a transmis ces faits à l’ARLA, mais elle mentionne qu’ils sont fondés sur des données d’essai confidentielles qu’elle a fournies à l’ARLA.

[13]  À l’audition de la requête, Bayer a renoncé à sa demande d’ordonnance de confidentialité concernant les parties des renseignements confidentiels liés à la préoccupation no 1, après avoir admis que les faits liés à cette préoccupation sont du domaine public. La Cour ne doit donc traiter que des renseignements contestés qui ont trait aux préoccupations nos 2 et 3.

[14]  Bayer fait valoir que les renseignements contestés concernant les préoccupations nos 2 et 3 constituent des données d’essai confidentielles [DEC] au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les produits antiparasitaires [LPA]. Bayer a fourni les renseignements contestés à l’ARLA conformément aux dispositions de la LPA et s’attendait à ce qu’ils soient tenus confidentiels. Elle affirme qu’elle a toujours considéré ces renseignements comme confidentiels, qu’ils ont été désignés comme des renseignements confidentiels conformément à l’ordonnance de non-divulgation que la Cour a rendue à l’égard de la présente demande et que le fait de ne pas les protéger par une ordonnance de confidentialité causerait un grave préjudice à ses intérêts commerciaux, propriétaux et scientifiques.

[15]  Bayer soutient que la Cour devrait rendre l’ordonnance de confidentialité demandée en vertu de l’article 152 des Règles, parce que la LPA exige que les renseignements contestés soient considérés comme confidentiels. Elle soutient, subsidiairement, que la Cour devrait rendre l’ordonnance de confidentialité demandée en vertu de l’article 151 des Règles parce qu’elle satisfait au critère qu’a énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Énergie atomique du Canada Limitée c Sierra Club du Canada, 2002 CSC 41 [Sierra Club].

[16]  Le paragraphe 152(1) des Règles énonce ce qui suit :

Dans le cas où un document ou un élément matériel doit, en vertu d’une règle de droit, être considéré comme confidentiel ou dans le cas où la Cour ordonne de le considérer ainsi, la personne qui dépose le document ou l’élément matériel le fait séparément et désigne celui-ci clairement comme document ou élément matériel confidentiel, avec mention de la règle de droit ou de l’ordonnance pertinente.

Where the material is required by law to be treated confidentially or where the Court orders that material be treated confidentially, a party who files the material shall separate and clearly mark it as confidential, identifying the legislative provision or the Court order under which it is required to be treated as confidential.

[17]  Lorsqu’un document ou un élément matériel doit, en vertu d’une règle de droit, être considéré comme confidentiel, il n’est pas nécessaire qu’une partie réponde aux exigences du critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club [le critère de Sierra Club]. Il lui suffit de démontrer que les renseignements sont protégés par le texte législatif en cause et que celui-ci exige que notre Cour traite ces renseignements de manière confidentielle.

[18]  La première question à trancher consiste donc à savoir si les renseignements contestés sont des DEC au sens de la LPA. Le paragraphe 2(1) de la LPA définit les DEC comme suit : « données d’essai dont la communication peut être refusée sous le régime de la Loi sur l’accès à l’information ». À l’audition de la requête, Bayer a confirmé que la disposition pertinente de la Loi sur l’accès à l’information [LAI] est l’alinéa 20(1)b), qui autorise une institution fédérale à refuser de communiquer tout document demandé sous son régime qui contient :

des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;

financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;

[19]  Pour avoir droit à l’exception que prévoit l’alinéa 20(1)b) de la LAI, il faut que les renseignements soient : i) financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques; ii) de nature confidentielle et traités comme tels de façon constante par le tiers; et iii) fournis à une institution fédérale par un tiers [voir l’arrêt Merck Frosst Canada Ltée c Canada (Santé), 2012 CSC 3, au paragraphe 133 [Merck]].

[20]  L’une des exigences que comporte l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b) de la LAI est que les renseignements soient fournis à une institution fédérale par un tiers. Comme les documents en litige renferment l’analyse de l’ARLA au sujet des études de ruches de Bayer, il y a lieu de se demander si Bayer a effectivement fourni les renseignements contestés à l’ARLA. Dans l’arrêt Merck, la Cour suprême du Canada a confirmé, au paragraphe 158, que :

[…] la question de savoir si des renseignements confidentiels ont été « fournis à une institution fédérale par un tiers » en est une de fait. C’est le contenu plutôt que la forme des renseignements qui doit être pris en compte : le simple fait que les renseignements figurent dans un document d’une institution fédérale ne règle pas en soi la question. Il faut appliquer l’exception aux renseignements qui révèlent les renseignements confidentiels fournis par le tiers ainsi qu’à ces derniers. De façon générale, les jugements ou les conclusions auxquels parviennent les fonctionnaires sur la base de leurs propres observations ne peuvent être considérés comme des renseignements fournis par un tiers.

[21]  J’ai passé en revue les renseignements contestés ainsi que les éléments de preuve spécifiques que Bayer a fournis à leur égard dans l’affidavit de James Parsons signé le 22 juin 2017. Je suis d’avis que les éléments de preuve que M. Parsons a fournis au sujet des renseignements contestés et de leur transmission à l’ARLA ne sont pas suffisamment détaillés en ce qui a trait au moment où ils ont été fournis à celle-ci et à la façon dont ils l’ont été. Cependant, si l’on considère les renseignements contestés dans le contexte de l’analyse plus générale que l’ARLA a entreprise ainsi que les renseignements fournis par Bayer qui auraient servi de base à cette analyse, je suis disposée à admettre que les renseignements contestés sont des renseignements commerciaux, scientifiques ou techniques confidentiels de Bayer et que celle-ci les a traités comme confidentiels de façon constante.

[22]  Quant au troisième élément de l’exception prévue à l’alinéa 20(1)b), je conclus que Bayer a fourni les renseignements contestés à l’ARLA. Bien que les documents en cause contiennent l’analyse et les conclusions de l’ARLA au sujet des données d’essai fournies par Bayer, je conviens avec cette dernière que l’analyse et les données en question sont inextricablement liées, et ce, au point où on l’on ne peut dissocier l’analyse des données d’essai. Je conclus donc que les renseignements contestés constituent des DEC au sens de la LPA, car il s’agit de données d’essai dont la communication peut être refusée en application de l’alinéa 20(1)b) de la LAI.

[23]  Les demandeurs m’ont invitée à approfondir mon analyse à l’égard de la question de savoir si les renseignements contestés répondent à la définition de DEC, et ce, non seulement en examinant si la communication de ces renseignements peut être refusée au titre de l’alinéa 20(1)b) de la LAI, mais en examinant également si le responsable d’une institution fédérale communiquerait les renseignements confidentiels en application du paragraphe 20(6) même s’ils répondent aux exigences de l’alinéa 20(1)b), au motif que la communication se ferait pour des raisons d’intérêt public concernant la protection de l’environnement et que ces raisons l’emporteraient manifestement sur l’importance de toute perte financière que subirait Bayer.

[24]  Je rejette l’argument des demandeurs selon lequel il est nécessaire d’effectuer cette analyse supplémentaire pour s’assurer que les renseignements en question répondent à la définition des DEC que donne la LPA. Cette définition nécessite une analyse de la question de savoir si le responsable d’une institution fédérale « peut » refuser la communication des données d’essai en vertu de la LAI, et non s’il la « refuserait ». L’alinéa 20(1)b) énonce une exception impérative et, une fois que les critères sont établis, je suis d’avis que la communication des données peut être refusée en vertu de la LAI au sens du paragraphe 2(1) de la LPA. La question de savoir si le responsable d’une institution fédérale peut, s’il le juge à propos, produire tout de même les documents conformément au paragraphe 20(6) de la LAI importe peu.

[25]  Ayant conclu que les renseignements contestés sont des DEC au sens de la LPA, il convient ensuite de se demander si la LPA exige que les renseignements en question soient traités de manière confidentielle conformément à l’article 152 des Règles.

[26]  Les avocats des parties n’ont pu été en mesure de me citer de décisions où la LPA a été analysée sous l’angle de l’article 152 des Règles. Il existe également peu de décisions dans lesquelles la Cour fédérale a appliqué cette disposition sans qu’une ordonnance de confidentialité soit rendue en application de l’article 151 des mêmes Règles. Toutefois, dans ces affaires, la loi dont il était question contenait en général des dispositions qui exigeaient expressément que la Cour prenne toutes les mesures raisonnablement nécessaires pour protéger les renseignements qui étaient considérés comme confidentiels sous le régime de la loi en question.

[27]  Dans l’affaire British Columbia Lottery Corporation c Canada (Procureur général), 2012 CF 1204 [Lottery Corp.], la Cour était saisie d’une demande de contrôle de la décision de la protonotaire Milczynski, qui avait rendu une ordonnance de confidentialité à l’égard de renseignements protégés par l’article 55 de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. En rendant l’ordonnance de confidentialité, la protonotaire Milczynski n’avait pas appliqué le critère que la Cour suprême du Canada avait énoncé dans l’arrêt Sierra Club, mais avait plutôt conclu qu’il fallait rendre une ordonnance de confidentialité en raison de l’application des dispositions claires et non ambigües de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, qui exigeaient notamment ce qui suit :

73.21 (4) À l’occasion d’un appel, la Cour fédérale prend toutes les précautions possibles, notamment en ordonnant le huis clos si elle le juge indiqué, pour éviter que ne soient communiqués de par son propre fait ou celui de quiconque des renseignements visés au paragraphe 55(1).

ss. 73.21 (4) In an appeal, the Court shall take every reasonable precaution, including, when appropriate, conducting hearings in private, to avoid the disclosure by the Court or any person or entity of information referred to in subsection 55(1).

[28]  L’ordonnance de la protonotaire Milczynski a été confirmée en appel.

[29]  Des dispositions similaires figurent dans la LAI et la Cour a déjà jugé qu’elle pouvait se fonder sur ces dispositions pour rendre une ordonnance de confidentialité au titre de l’article 152 des Règles [voir la décision Bradwick Property Management Services Inc. c Canada (Ministre du Revenu national), 2016 CF 1056].

[30]  La LPA ne comporte aucune disposition qui oblige la Cour fédérale à prendre des mesures de précaution pour préserver la confidentialité des renseignements que protège la LPA. Bayer affirme toutefois qu’aucune disposition de cette nature n’est nécessaire pour que l’article 152 des Règles s’applique. La Cour doit plutôt examiner la loi dans son intégralité pour déterminer s’il y a lieu de rendre une ordonnance de confidentialité « en vertu d’une règle de droit ». Selon Bayer, il ressort d’un examen de la LPA dans son ensemble que celle‑ci exige que l’on rende une ordonnance de confidentialité pour protéger les renseignements contestés.

[31]  J’ai passé en revue la LPA et, bien que cette dernière soit clairement conçue pour protéger d’une certaine façon les DEC qu’un tiers (comme Bayer) fournit à l’ARLA, les mesures de protection qui concernent les DEC sont restreintes. Bien que la LPA ne permette pas que des DEC convenablement désignés soient accessibles au public du fait de leur inclusion dans le Registre des produits antiparasitaires [le Registre] de l’ARLA, le public peut consulter ces données et le ministre est habilité à les rendre publiquement accessibles en vertu de dispositions spécifiques de la LPA, dont l’un des objectifs accessoires est précisément de « sensibiliser le public aux produits antiparasitaires en l’informant, en favorisant son accès aux renseignements pertinents et en encourageant sa participation au processus de prise de décision ».

[32]  En vertu de l’article 42 de la LPA, le ministre établit et tient à jour un registre qui contient des renseignements sur différents produits antiparasitaires, ainsi que le prévoit le paragraphe 42(1). En vertu du paragraphe 42(4), le ministre doit permettre au public d’avoir accès aux renseignements contenus dans le Registre et d’en obtenir copie si ceux-ci répondent à l’un des critères suivants :

a)  il ne s’agit pas de données d’essai confidentielles ni de renseignements commerciaux confidentiels;

(a)  Is not confidential test data or confidential business information; or

b)  il s’agit de données d’essai confidentielles qui font l’objet d’une divulgation en conformité avec les règlements pris en vertu de l’alinéa 67(1)m).

(b)  Is confidential test data that has been made subject to public disclosure in accordance with the regulations made under paragraph 67(1)(m).

[33]  Cependant, le paragraphe 43(1) de la LPA permet à une personne de consulter les DEC contenus dans le Registre, à la condition que cette personne présente au ministre :

a)  une demande accompagnée d’un affidavit ou

(a) an application in the form and manner directed by the Minister; and

b)  d’une déclaration solennelle — faits aux termes de la Loi sur la preuve au Canada — reçus devant tout commissaire compétent et faisant état, à la fois :

(b) an affidavit made under oath or a statutory declaration under the Canada Evidence Act made before a commissioner for oaths or for taking affidavits, stating

i)  de l’objet de cette consultation;

(i) the purpose of the inspection, and

ii)  du fait que le demandeur n’a pas l’intention d’utiliser les données d’essai confidentielles pour obtenir ou modifier l’homologation d’un produit antiparasitaire au Canada ou à l’étranger ni de mettre ces données à la disposition d’un tiers à cette fin.

(ii) that the person does not intend to use the test data, or make the test data available to others, in order to register a pest control product in Canada or elsewhere or to amend a registration.

[34]  Le ministre peut, conformément au paragraphe 43(2), permettre à une personne qui a présenté une demande et un affidavit de consulter les DEC s’il est convaincu que cette personne n’a l’intention :

a)  ni de les utiliser pour obtenir ou modifier l’homologation d’un produit antiparasitaire au Canada ou à l’étranger;

(a)  use the test data in order to register a pest control product in Canada or elsewhere, or to amend a registration; or

b)  ni de les mettre à la disposition d’un tiers pour obtenir ou modifier l’homologation d’un produit antiparasitaire au Canada ou à l’étranger.

(b)  make the test data available to others for the purpose of registering a pest control product in Canada or elsewhere, or of amending a registration.

[35]  Les parties ont confirmé à l’audition de la requête que les membres du public qui obtiennent la permission de consulter des DEC peuvent prendre des notes au sujet de celles-ci et se servir des DEC dans les observations écrites qu’elles remettent au ministre dans le cadre d’une consultation publique. À cet égard, dans le cadre de ce processus, le paragraphe 28(6) de la LPA permet au ministre de divulguer dans l’énoncé de consultation visé au paragraphe 29(2) et dans l’énoncé de décision visé au paragraphe 29(5) les DEC qu’il estime être d’intérêt public.

[36]  Le ministre est également habilité à rendre publiques des DEC dans les décisions et les motifs qu’il communique au titre des paragraphes 35(5) et 39(2) de la LPA.

[37]  Qui plus est, le ministre est investi, en vertu du paragraphe 42(3), d’un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet d’inclure dans les rapports d’évaluation contenus dans le Registre les DEC qu’il estime indiquées.

[38]  Après avoir passé en revue la LPA dans son intégralité, je suis d’avis que, même si les DEC bénéficient de certaines protections, notamment à l’encontre des concurrents d’une partie, ces mesures ne sont pas suffisantes pour me permettre de conclure que la LPA exige que notre Cour rende une ordonnance de confidentialité à l’égard des renseignements considérés comme des DEC sous le régime de la LPA. Pour en arriver à cette conclusion, je me fonde sur le fait que la LPA permet au public de consulter des DEC dans de nombreuses circonstances et, par-dessus tout, qu’aucune disposition de la LPA n’ordonne à la Cour de prendre des mesures de protection pour sauvegarder des renseignements qui sont considérés comme confidentiels sous le régime de la LPA. En conséquence, la requête de Bayer en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité au titre de l’article 152 des Règles est rejetée.

[39]  Voyons maintenant s’il y a lieu de rendre une ordonnance de confidentialité en vue de protéger les renseignements contestés, conformément à l’article 151 des Règles. Cet article autorise à rendre une ordonnance afin de permettre de déposer des documents ou des éléments matériels de manière confidentielle si la Cour est « convaincue de la nécessité de considérer les documents ou éléments matériels comme confidentiels, étant donné l’intérêt du public à la publicité des débats judiciaires ».

[40]  Dans l’arrêt Sierra Club, la Cour suprême du Canada a décidé qu’une ordonnance de confidentialité en vertu de l’article 151 des Règles ne doit être rendue que si :

a)  cette ordonnance est nécessaire pour écarter un risque sérieux pour un intérêt important, y compris un intérêt commercial, dans le contexte d’un litige, en l’absence d’autres options raisonnables pour écarter ce risque;

b)  les effets bénéfiques de l’ordonnance de confidentialité, y compris ses effets sur le droit des justiciables civils à un procès équitable, l’emportent sur ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur la liberté d’expression qui, dans ce contexte, comprend l’intérêt du public dans la publicité des débats judiciaires.

[41]  Le premier volet du critère de l’arrêt Sierra Club exige que les trois conditions suivantes soient remplies :

a)  Le risque en cause doit être réel et important, être bien étayé par la preuve et menacer gravement l’intérêt commercial en question.

b)  L’importance de l’intérêt commercial doit pouvoir se définir en termes d’intérêt public à la confidentialité. Si aucun principe général n’entre en jeu, il ne peut y avoir d’intérêt commercial important pour les besoins du critère énoncé dans l’arrêt Sierra Club.

c)  La Cour doit déterminer s’il existe d’autres options raisonnables et restreindre l’ordonnance autant qu’il est raisonnablement possible de le faire tout en préservant l’intérêt commercial en question.

[42]  En ce qui concerne le premier volet du critère, le seul élément de preuve que Bayer a présenté au sujet des conséquences de la communication des renseignements contestés figure dans les paragraphes suivants de l’affidavit que Seshadri Iyengar a souscrit le 18 mai 2017 :

[traduction]

23.  La communication au public des renseignements commerciaux confidentiels et des données d’essai confidentielles de Bayer CropScience dont il est fait mention dans les pièces A et B créerait un risque réel et important pour ses intérêts commerciaux, propriétaux et scientifiques.

24.  La communication de renseignements commerciaux, scientifiques et techniques confidentiels mettrait en péril la position sur le marché de Bayer CropScience, qui injecte plusieurs millions de dollars dans l’élaboration de ses produits antiparasitaires et dans les tests connexes. Cet investissement serait miné et les investissements ultérieurs dans ce domaine seraient freinés si les renseignements commerciaux confidentiels et les données d’essai confidentielles de Bayer CropScience étaient rendus publics.

[43]  Bayer a déposé les preuves qui précèdent à un moment où la demande d’ordonnance de confidentialité visait un groupe de documents beaucoup plus vaste. Lors de la période précédant l’audition de la présente requête, les renseignements en litige ont été nettement circonscrits. Après l’ajournement de l’audition de la présente requête pour permettre à Bayer de répondre à l’étude publique no 1 et à l’étude publique no 2, j’ai ordonné à Bayer de déposer un affidavit supplémentaire d’un représentant de Bayer qui fournirait une preuve, si preuve il y avait, à l’appui du maintien de la revendication de confidentialité visant les renseignements contestés L’affidavit souscrit par Jeffrey Parsons le 22 juin 2017 et que Bayer a déposé en réponse à ma directive ne comporte aucun élément de preuve quant aux conséquences que subirait Bayer du fait de la communication au public des renseignements contestés.

[44]  Je conclus que Bayer n’a présenté aucun élément de preuve concernant le risque que présente la divulgation des renseignements contestés pour sa position sur le marché, ainsi que l’exige le premier volet du critère de l’arrêt Sierra Club. Aucune preuve précise ne montre en quoi la communication des préoccupations de l’ARLA au sujet de la période hiémale (préoccupation no 2) et de l’applicabilité des résultats des essais de Bayer aux sites de culture de pommes de terre traitées (préoccupation no 3) pose un risque sérieux pour les intérêts commerciaux de Bayer. À l’audition de la requête, les avocats de Bayer ont tenté d’expliquer le risque de communication qui touchait précisément les renseignements contestés, mais il n’existe tout simplement aucune preuve à l’appui de cette explication dans le dossier de requête, malgré l’occasion que Bayer a eue de le faire à la suite de ma directive du 16 juin 2017. Je conclus donc que Bayer n’a pas satisfait au premier volet du critère de Sierra Club.

[45]  En conséquence, étant donné que j’ai conclu que Bayer n’a pas satisfait au premier volet du critère de l’arrêt Sierra Club, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres éléments de ce critère. La demande de Bayer en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité au titre de l’article 151 des Règles est rejetée.

[46]  En ce qui concerne les dépens, je ne vois aucune raison de m’écarter de la règle générale selon laquelle les dépens doivent suivre l’issue de la cause. Les parties ont peut-être bien réussi à s’entendre sur une bonne partie des renseignements et documents visés par la demande d’ordonnance de confidentialité, mais les renseignements contestés sont demeurés en litige et Bayer n’a finalement pas obtenu gain de cause sur cet aspect de sa requête. C’est la raison pour laquelle les demandeurs ont droit à leurs dépens.

[47]  Pour déterminer le juste montant des dépens, je tiens compte du fait que les parties ont dû se présenter à deux occasions devant la Cour pour plaider la présente requête. À la première occasion, Bayer a sollicité un ajournement au début de l’audience afin de pouvoir prendre connaissance des études publiques nos 1 et 2, que les demandeurs lui avaient remises la veille, en soirée, afin de réfuter la preuve de Bayer selon laquelle aucun des renseignements qui demeuraient alors en litige relativement à la requête n’appartenait au domaine public. Après avoir pris connaissance de ces études, Bayer a renoncé à sa demande de confidentialité à l’égard de certains paragraphes de l’affidavit de Parsons et de certaines parties de quelques pièces qui y sont jointes. Les demandeurs n’auraient pas dû être contraints de comparaître le 16 juin 2017 et de payer les frais liés à cette comparution, ni de répondre à la requête de Bayer, qui a été modifiée à maintes reprises et à nouveau le matin de l’audience du 23 juin 2017.

[48]  En conséquence, je conclus que les demandeurs ont droit à leurs dépens afférents à la présente requête, lesquels sont fixés au montant de 2 200 $, inclusion faite des honoraires, débours et taxes.


ORDONNANCE 

LA COUR ORDONNE :

  1. Sur consentement des parties, des parties des paragraphes 59, 60, 62, 63, 64, 67, 76, 88, 89, 90, 108, 115, 117, 150, 151 et 175 de l’affidavit de Parsons et des pièces P, Q, R, S, V, AA, GG, HH, II, JJ, OO, UU, VV, WW, YY, ZZ, AAA, CCC, JJJ, MMM, QQQ, SSS, TTT, UUU, WWW, FFFF, GGGG, et HHHH jointes à l’affidavit souscrit par James Parsons le 30 mars 2017 [les renseignements confidentiels] pourront être déposées et considérées comme des renseignements confidentiels conformément à la présente ordonnance de confidentialité, notamment l’annexe A ci-jointe.

  2. La demande d’ordonnance de confidentialité de Bayer Cropscience Inc. à l’égard de certaines parties des pièces AAA (page 1659 du dossier de requête conjoint des défendeurs), BBB (page 1666 du dossier de requête conjoint des défendeurs) et UUU (page 1783 du dossier de requête conjoint des défendeurs) jointes à l’affidavit souscrit par James Parsons le 30 mars 2017 est rejetée.

  3. Chaque fois qu’une partie souhaitera déposer devant la Cour des documents ou des parties de documents, notamment des affidavits, des pièces, des transcriptions ou des éléments matériels relatifs à la requête qui contiennent ou concernent des renseignements confidentiels, au sens du premier paragraphe de la présente ordonnance, d’une manière qui en révélerait la teneur, ces renseignements confidentiels devront être séparés des autres renseignements et documents présentés pour dépôt et devront être présentés à la Cour dans des enveloppes scellées faisant mention de la présente instance et identifiées de façon permanente par la légende suivante :

RENSEIGNEMENTS CONFIDENTIELS :

CONFORMÉMENT À L’ORDONNANCE RENDUE LE 27 JUIN 2017 PAR LA COUR FÉDÉRALE DANS LE DOSSIER N° T-1070-16, LA PRÉSENTE ENVELOPPE DOIT DEMEURER SCELLÉE DANS LES DOSSIERS DE LA COUR ET ÊTRE TRAITÉE CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 152 DES RÈGLES.

  1. Lorsqu’il n’est pas raisonnablement possible de séparer les renseignements confidentiels désignés des renseignements non confidentiels, les parties peuvent déposer un document ou un volume entier qui le contiendra dans une enveloppe scellée, pour autant qu’une version publique du document ou du volume, dont les renseignements confidentiels ont été retirés ou caviardés, soit aussi versée au dossier public. Lorsqu’ils seront versés au dossier public dans le cadre de la requête (qu’il s’agisse d’un dossier conjoint de requête aux fins de la présente instance et de l’instance correspondant au dossier de la Cour no T-1071-16, ou d’une autre instance) ou à toute autre étape de l’instance, les renseignements confidentiels seront caviardés de la manière exposée dans le document joint aux présentes en annexe A.

  2. Les conditions d’utilisation des renseignements confidentiels et le respect de leur confidentialité lors de toute audience tenue dans le cadre de la présente instance sont des questions qui relèvent du pouvoir discrétionnaire du tribunal saisi de l’affaire. En tout état de cause, les modalités de la présente ordonnance ne s’appliqueront pas à l’audition de la présente demande sur le fond ou à la manière dont le jugement et les motifs définitifs doivent être rédigés et traités, à moins d’une ordonnance précise de la Cour.

  3. Lorsqu’il semble à la Cour ou à une partie que des documents ont été déposés sous scellé conformément à la présente ordonnance sans être visés par cette dernière ou que les renseignements désignés dans la présente ordonnance à titre de renseignements confidentiels sont accessibles ou ont été obtenus par la partie qui les reçoit autrement que par une communication dans le cadre de la présente instance, ou qu’ils sont ou ont été rendus publics et qu’ils ne devraient plus être considérés comme des renseignements confidentiels, la partie peut demander des directives ou la Cour peut unilatéralement donner des directives afin que la partie qui présente les documents fasse valoir les raisons pour lesquelles les scellés devraient être levés à leur égard et pour lesquelles ces documents devraient être versés au dossier public.

  4. Les renseignements confidentiels déposés auprès de la Cour conformément à la présente ordonnance doivent être considérés comme confidentiels par le greffe de la Cour et ne doivent pouvoir être consultés par quiconque autre que les parties et le personnel compétent de la Cour.

  5. La défenderesse Bayer CropScience Inc. est condamnée à payer aux demandeurs leurs dépens de la présente requête, fixés au montant de 2 200 $, y compris les honoraires, débours et taxes.

« Mandy Aylen »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1070-16

 

INTITULÉ :

FONDATION DAVID SUZUKI, LES AMI(E)S DE LA TERRE CANADA, ONTARIO NATURE ET WILDERNESS COMMITTEE c MINISTRE DE LA SANTÉ, SUMITOMO CHEMICAL COMPANY LIMITED, BAYER CROPSCIENCE INC. ET VALENT CANADA INC.

 

LIEUX DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

Edmonton (Alberta)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

LES 16 ET 23 JUIN 2017

 

ordonnance ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE AYLEN

 

DATE DE L’ORDONNANCE

ET DES MOTIFS :

LE 27 JUIN 2017

 

COMPARUTIONS :

Julia Croome

Charles Hatt

 

POUR LES demandeurS

 

Solomon Lam

 

POUR LES défenderesseS

SUMITOMO CHEMICAL LIMITED ET VALENT CANADA INC.

 

Grant Worden

Tosh Weyman

 

POUR LA défenderesse

BAYERCROP SCIENCE INC.

 

Andrea Bourke

 

POUR LE défendeUr

PROCUREUR GÉNÉRAL DU
CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ECO JUSTICE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES demandeurS

 

Dentons LLP Canada

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES défenderesseS

SUMITOMO CHEMICAL LIMITED ET VALENT CANADA INC.

 

Torys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA défenderesse

BAYERCROP SCIENCE INC.

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureur généraledu Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeUr

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

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