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Date : 20180302


Dossier : IMM-3671-17

Référence : 2018 CF 238

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

À Ottawa (Ontario), le 2 mars 2018

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

VAN BAO CHUNG

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie du contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration d’accueillir l’appel interjeté contre la décision d’un agent des visas de refuser la demande de résidence permanente de l’épouse du défendeur. La Section d’appel de l’immigration a conclu que le mariage était authentique.

La véritable question à trancher en l’espèce est le refus de la Section d’appel de l’immigration, avant la date pour la tenue de l’audience, d’accorder au ministre une remise de l’audience en raison du manque de disponibilité d’agents d’audience.

II.  Exposé des faits

[2]  La règle régissant les remises est prévue dans les Règles de la Section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230 [RSAI], à l’article 48 :

48 (1) Toute partie peut demander à la Section de changer la date ou l’heure d’une procédure.

48 (1) A party may make an application to the Division to change the date or time of a proceeding.

(2) La partie :

(2) The party must

a) fait sa demande selon la règle 43, mais n’a pas à y joindre d’affidavit ou de déclaration solennelle;

(a) follow rule 43, but is not required to give evidence in an affidavit or statutory declaration; and

b) indique dans sa demande au moins six dates, comprises dans la période fixée par la Section, auxquelles elle est disponible pour commencer ou poursuivre la procédure.

(b) give at least six dates, within the period specified by the Division, on which the party is available to start or continue the proceeding.

(3) Dans le cas où les destinataires reçoivent la demande deux jours ouvrables ou moins avant la procédure, la partie doit se présenter à la procédure et faire sa demande oralement.

(3) If the party’s application is received by the recipients two working days or less before the date of a proceeding, the party must appear at the proceeding and make the request orally.

(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

(4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

a) dans le cas où elle a fixé la date et l’heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

b) le moment auquel la demande a été faite;

(b) when the party made the application;

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

d) les efforts qu’elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

e) dans le cas où la partie a besoin d’un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d’aller de l’avant en l’absence de ces renseignements sans causer une injustice;

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party’s arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

f) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l’expérience de son conseil;

(f) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

g) tout report antérieur et sa justification;

(g) any previous delays and the reasons for them;

h) si la date et l’heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

(h) whether the time and date fixed for the proceeding were peremptory;

i) si le fait d’accueillir la demande ralentirait l’affaire de manière déraisonnable;

(i) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings; and

j) la nature et la complexité de l’affaire.

(j) the nature and complexity of the matter to be heard.

(5) Sauf si elle reçoit une décision accueillant sa demande, la partie doit se présenter à la date et à l’heure qui avaient été fixées et être prête à commencer ou à poursuivre la procédure.

(5) Unless a party receives a decision from the Division allowing the application, the party must appear for the proceeding at the date and time fixed and be ready to start or continue the proceeding.

[3]  Ces Règles ont été complétées par les Directives numéro 6 du président : Mise au rôle et changement de la date ou de l’heure d’une procédure, qui ont été données par le président en application de l’alinéa 159(1)h) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27. Les dispositions applicables sont les suivantes :

3.2.2 Dans les cas où une demande est présentée une seconde fois, après avoir été rejetée précédemment, la CISR tiendra dûment compte de la décision rendue et des motifs qui ont motivé le refus de la demande précédente, et n'accueille la nouvelle demande que dans des circonstances exceptionnelles et lorsqu'un tel changement est justifié (par exemple, en raison de nouveaux éléments de preuve).

3.2.2 In cases where an application is made a second time, having previously been denied, the IRB will have careful regard for the decision and reasons for the denial of the earlier application and will only allow the new application in exceptional circumstances and where such a change is justified (for example, based on new evidence).

[...]

...

3.6.3 La CISR donne toujours aux parties un avis raisonnable de la date et de l'heure de la procédure, qui varie en fonction des circonstances et du type de procédure. La CISR s'attend donc à ce que les conseils soient disponibles et préparés à présenter le cas de la partie. Si, pour une raison quelconque, le conseil ne peut se présenter à l'audience prévue, il doit prendre les mesures nécessaires pour se faire remplacer par un autre conseil qui est prêt à poursuivre l'affaire à la date et à l'heure prévues. Si le conseil ne se présente pas, la CISR peut décider de poursuivre l'affaire en l'absence du conseil ou, s'il y a lieu, d'entamer la procédure de désistement ou de prononcer le désistement de l'affaire.

3.6.3 The IRB provides the parties with reasonable notice of the date and time of a proceeding in every case, which will vary according to the circumstances and the type of proceeding. The IRB therefore expects that counsel will be available and prepared to present the party's case on the date and time set by the IRB. Where, for any reason, counsel is unable to appear at a proceeding, counsel is expected to make the necessary arrangements to be replaced by another counsel who is prepared to proceed with the case on the scheduled date and time. If counsel does not appear, the IRB may decide to proceed without counsel or, if applicable, to start abandonment proceedings or to conclude that a case has been abandoned.

[...]

...

4.1 La SAI n'accueille les demandes de changement de la date ou de l'heure de la procédure que dans des circonstances exceptionnelles et seulement dans les cas où un tel changement est justifié. Lorsqu'il examine une demande, le commissaire prend en considération tous les facteurs pertinents, y compris ceux énoncés au paragraphe 48(4) des Règles de la SAI, en tenant compte d'un élément d'importance, à savoir si les parties ont été consultées par la SAI et si elles ont convenu de la date et de l'heure de l'audience. Lorsque les parties ont accepté la date et l'heure d'une procédure, cette entente doit être considérée comme un engagement explicite et réel devant la SAI à être présentes et prêtes à poursuivre l'affaire à la date et à l'heure fixées.

4.1 The IAD allows applications to change the date or time of a proceeding only in exceptional circumstances and where such a change is justified. When considering an application, the member considers all relevant factors, including those set out in IAD Rule 48(4), with an important consideration being whether or not the parties were consulted by the IAD and had agreed to the date and time. Where the parties have agreed to the date and time of a proceeding, that agreement will be regarded as an explicit and positive commitment to the IAD to be present and to be prepared to proceed at that date and time.

Le paragraphe 162(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR] est lié indirectement :

162 (2) Chacune des sections fonctionne, dans la mesure où les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle le permettent, sans formalisme et avec célérité.

162 (2) Each Division shall deal with all proceedings before it as informally and quickly as the circumstances and the considerations of fairness and natural justice permit.

[4]  Le défendeur est citoyen canadien. Mme Tran, l’épouse du défendeur, est une citoyenne du Vietnam. Aux fins de la présente décision, les détails de leur rencontre, de leurs communications subséquentes et de leur mariage ne sont pas nécessaires. Ils se sont mariés à la fin de 2012 et le défendeur a demandé de parrainer son épouse à titre de résidente permanente.

[5]  À la suite d’une lettre relative à l’équité procédurale et d’une entrevue de Mme Tran, le visa a été refusé parce que l’agent n’était pas convaincu du caractère authentique du mariage.

Le défendeur a interjeté appel du refus de la Section d’appel de l’immigration.

[6]  L'audience sur l’appel a été fixée au 18 juillet 2017.

[7]  Le 7 juillet 2017, le ministre demandeur a déterminé qu’il n’y avait aucun agent d’audience disponible pour comparaître à cette audience et a demandé que la date de l’audience soit reportée pour cette raison. Le demandeur a demandé que l’audience soit reportée après le 11 août 2017.

[8]  La SAI a refusé la remise en citant sa décision dans Ahmad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CanLII 45644, 2017 CarswellNat 3395 (WL Can) (Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Section d’appel)) qui, quelques jours plus tôt, avait refusé une remise semblable demandée au motif qu’il n’y avait aucun agent d’audience disponible. La Section d’appel de l’immigration a ensuite cité les facteurs énumérés au paragraphe 48(4) des Règles et au paragraphe 162(2) de la LIPR et a conclu que le manque de ressources ne constituait pas une circonstance exceptionnelle qui justifie une remise.

[9]  L’audience a été tenue et la décision rendue, faisant renvoi à la remise refusée, était que le mariage était authentique et que la demande de visa était accueillie.

III.  Discussion

A.  Norme de contrôle

[10]  Tout comme pour bon nombre de contrôles judiciaires, les sables mouvants de la norme de contrôle l’emportent presque sur les véritables questions en litige.

[11]  Comme il a été reconnu dans Chi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 641, 280 ACWS (3d) 828, il existe un caractère partagé en ce qui concerne la question de savoir si dans le cas d’une remise, la norme applicable est celle de la décision raisonnable parce que la décision est discrétionnaire ou celle de la décision correcte parce qu’une décision déraisonnable crée un manquement à l’équité procédurale.

[12]  À mon avis, il est peu utile d’analyser ce type de question [traduction] « combien d’anges peuvent danser sur la tête d’une épingle ». La présente affaire ne se prête pas à une analyse de la démarcation très nette entre les deux normes. La décision en litige ne peut être ni déraisonnable ni injuste – il n’est pas nécessaire d’établir lequel des deux maux était le pire.

B.  Décision susceptible de contrôle judiciaire

[13]  Le défendeur a soutenu que la décision en litige est celle qui concerne la remise et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire ne respecte pas les délais prévus à l’alinéa 72(2)b) de la LIPR. Le demandeur a fait valoir que la décision qui concerne la remise est une décision interlocutoire et, par conséquent, la décision susceptible de contrôle judiciaire est la décision définitive sur le fond de la décision relative au visa et que la remise constitue une question qui peut être soulevée dans cette décision.

[14]  Je suis d’accord en principe avec le demandeur. La décision concernant la remise constituait une décision interlocutoire et, sauf circonstances spéciales, de telles décisions ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire : Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Kahlon, 2005 CF 1000, [2006] 3 RCF 493; Szczecka v Canada (Minister of Employment and Immigration), (1993), 116 DLR (4th) 333, 170 NR 58 (CAF). Cela est motivé d’une part par l’économie des ressources judiciaires qui vise à éviter de multiples contrôles judiciaires lors du traitement d’une question administrative, et d’autre part par l’exigence selon laquelle la décision interlocutoire a eu plus qu’une incidence théorique, qui ne peut être déterminée qu’après une décision sur le fond.

C.  Décision concernant la remise

[15]  Le demandeur soutient que selon la pratique antérieure, la Section d’appel de l’immigration s’adapte à la disponibilité réduite des agents d’audience pendant les périodes hivernales et estivales en fixant un nombre réduit d’audiences et en offrant une souplesse accrue en accordant des remises pendant ces périodes. Toutefois, le demandeur n’affirme pas que cette pratique et le fait qu’il se fie à cette pratique atteignent le niveau d’une « attente légitime ».

[16]  Le demandeur fait également valoir que la Section d’appel de l’immigration a mis l’accent presque exclusivement sur la commodité administrative et n’a pas tenu compte de plusieurs facteurs énoncés au paragraphe 48(4) des Règles, y compris le fait que le ministre n’est pas consulté à l’avance au sujet des dates, qu’il n’a aucun contrôle sur la charge de travail, que la demande n’était pas contestée, qu’elle a été présentée dans le délai prescrit et qu’elle ne visait qu’une courte période, ainsi que le ministre n’était pas responsable des retards antérieurs. Le demandeur indique également qu’il est nettement dans l’intérêt public de ne pas laisser les demandes de visa comme celle-ci être traitées sans opposition et sans examen pour déterminer s’il y a fraude ou d’autres conséquences négatives sur le système d’immigration. À cet égard, le ministre fait valoir que certains éléments financiers non expliqués pourraient être contestés et, par conséquent, l’absence d’un représentant du ministre aurait pu donner lieu à une issue différente.

[17]  Ce dernier point constitue un élément important et un des facteurs dont un tribunal doit tenir compte lorsqu’il évalue la décision concernant la remise. Toutefois, je souligne qu’il s’agit d’un motif potentiel de contestation de la demande de visa, mais qu’on ne peut être certain d’obtenir gain de cause. En conséquence, il n’existe aucun motif raisonnable de conclure que la décision concernant la remise a facilité une fraude ou une conséquence négative sur le système d’immigration.

[18]  Afin que le demandeur obtienne gain de cause en l’espèce, il doit démontrer qu’il a non seulement allégué une absence de ressources ou d’agents d’audience, mais également qu’il n’avait aucune autre solution de rechange raisonnable que la remise.

[19]  Selon les éléments de preuve à la date de l’audience, rien n’indique qu’aucun agent d’audience n’était disponible pour d’autres affaires mises au rôle. Si certains agents d’audience étaient disponibles, mais que le nombre de ces agents était insuffisant pour toutes les affaires mises au rôle, il incombe au ministre d’expliquer la raison pour laquelle l’espèce a été choisie comme une des affaires à l’égard de laquelle il n’y avait aucun agent d’audience.

[20]  Aucun élément de preuve n’indique la façon dont le ministre a tenté de gérer la question relative aux ressources. Il ne revient pas à la Cour de remettre en question le caractère raisonnable des choix faits par la gestion, s’il existait des éléments de preuve selon lesquels des choix raisonnables avaient été faits. Il n’y en avait pas.

[21]  Si aucun élément de preuve ne justifie la mesure prise par le ministre, le demandeur ne peut pas plus démontrer ni le caractère déraisonnable ni le caractère injuste.

IV.  Conclusion

[22]  Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[23]  Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3671-17

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour d'octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3671-17

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c VAN BAO CHUNG

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 février 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 2 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

Manuel Mendelzon

 

Pour le demandeur

 

Nicolas Pham

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Nicolas Pham & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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