Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180215


Dossier : IMM-3571-17

Référence : 2018 CF 182

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 15 février 2018

En présence de monsieur le juge Grammond

ENTRE :

JIE ZHOU

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Jie Zhou, est citoyen de la République populaire de Chine. Arrivé au Canada en avril 2015, il a présenté une demande d’asile en octobre 2016. Il affirme s’être joint au Falun Gong en 2014, s’être échappé à une descente du Bureau de la sécurité publique [BSP] visant son groupe d’adeptes du Falun Gong et avoir été informé que des agents du BSP s’étaient rendus chez lui pour l’arrêter.

[2]  Le 13 janvier 2017, la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR] a rejeté sa demande. La SPR a relevé de nombreuses contradictions et incohérences dans le témoignage de M. Zhou. En particulier, la SPR a conclu que M. Zhou n’aurait pas réussi à quitter la Chine avec son passeport, comme il l’a indiqué dans son témoignage, parce qu’il aurait été cerné par le système de sécurité du « Bouclier d’or » s’il était recherché par le BSP. La SPR a aussi conclu que l’assignation à comparaître que le BSP aurait signifiée à M. Zhou n’était pas un document authentique.

[3]  M. Zhou a ensuite interjeté appel devant la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la CISR. Le 2 août 2017, la SAR a rejeté son appel. Après avoir examiné en profondeur la décision de la SPR, les éléments de preuve et les arguments avancés par M. Zhou, la SAR est essentiellement arrivée aux mêmes conclusions que la SPR.

[4]  M. Zhou a ensuite demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de la SAR devant la Cour fédérale, ce qui lui a été accordé.

[5]  La Cour examine les décisions rendues par la SAR selon la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157, aux paragraphes 30 à 35). Je dois m’assurer que la décision de la SAR se fonde sur une interprétation justifiable des principes juridiques applicables et sur une évaluation raisonnable des éléments de preuve.

[6]  Dans son mémoire, l’avocat de M. Zhou soulève les trois questions qui suivent : a) les circonstances de l’initiation de M. Zhou au Falun Gong; b) les circonstances de la descente effectuée par le BSP; et c) l’authenticité de l’assignation à comparaître. Dans sa plaidoirie, il a soulevé un certain nombre d’autres questions et a grandement insisté sur des erreurs commises par la SPR et que la SAR a relevées. À cet égard, je formulerai deux commentaires. Premièrement, la Cour fédérale n’a pas comme rôle d’examiner la décision rendue par la SPR, mais bien celle rendue par la SAR. Si la SAR cerne des erreurs dans la décision de la SPR, mais qu’elle parvient au même résultat en empruntant un chemin différent, les erreurs contenues dans la décision de la SPR ne sont pas pertinentes à la demande de contrôle judiciaire présentée à la Cour fédérale. Deuxièmement, le mémoire joue un rôle crucial pour garantir l’équité et l’efficience du processus de la Cour. Si un demandeur avance des arguments qui n’ont pas été annoncés dans le mémoire, il devient difficile pour le défendeur de présenter des observations utiles et pour la Cour de faire une étude du dossier. La Cour peut refuser d’entendre des arguments qui ne se trouvaient pas dans le mémoire (Huong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 73, au paragraphe 10; Qureshi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CanLII 16005 (CF), au paragraphe 10; Pelletier c Canada (procureur général), 2005 CF 1545, au paragraphe 91).

[7]  Quoi qu’il en soit, après avoir écouté tous les arguments avancés par M. Zhou, je ne suis pas convaincu que la SAR a commis une erreur susceptible de contrôle. M. Zhou répète essentiellement les arguments présentés à la SAR et invite la Cour à adopter un point de vue différent. Comme je l’ai indiqué ci‑dessus, ce n’est pas le rôle que la Cour est appelée à jouer lorsqu’elle siège en contrôle judiciaire. Les arguments avancés par M. Zhou portent sur des conclusions de faits qui se fondaient raisonnablement sur les éléments de preuve présentés à la SAR.

[8]  M. Zhou insiste particulièrement sur la conclusion tirée par la SAR relativement à l’assignation à comparaître signifiée par le BSP. La SAR a fondé ses conclusions sur des renseignements objectifs sur le pays qui indiquent que le format des assignations n’a pas changé depuis 2003 et est censé s’appliquer uniformément dans toute la Chine. L’assignation présentée par M. Zhou semble toutefois s’écarter de ce format standard. La SAR a donc conclu que ce document n’était pas authentique. M. Zhou soutient que la décision est déraisonnable à cet égard parce qu’elle ne tient pas compte d’autres renseignements sur le pays selon lesquels les policiers en Chine ne respectent pas uniformément les procédures applicables.

[9]  La SPR et la SAR possèdent une expertise considérable en appréciation de la preuve. Elles sont mieux placées que la Cour pour déterminer l’authenticité d’un document prétendument délivré par une autorité étrangère. Je précise que leur conclusion, en plus de se fonder sur la disparité entre le document prétendument délivré à M. Zhou et le modèle trouvé dans les renseignements objectifs sur le pays, tient aussi compte du fait que la SAR avait déjà conclu que M. Zhou avait déjà faussement affirmé être un adepte du Falun Gong.

[10]  La décision de la SAR se fonde principalement sur le fait que M. Zhou n’aurait pas été en mesure de quitter la Chine s’il était recherché par le BSP. Le mémoire de M. Zhou ne contient rien à cet égard. Dans sa plaidoirie, l’avocat de M. Zhou a mentionné que ce dernier avait quitté la Chine continentale pour se rendre à Hong Kong avec un permis de sortie et non un passeport. La SAR a examiné cette question en profondeur et a conclu que M. Zhou n’aurait pas pu se voir délivrer un permis de sortie non plus (aux paragraphes 31 à 35). Je conclus que la SAR a tiré des conclusions raisonnables à cet égard.

[11]  Dans l’ensemble, M. Zhou ne m’a pas convaincu que la SAR a fait un examen déraisonnable de la preuve.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3571‑17

 

INTITULÉ :

JIE ZHOU c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 février 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 février 2018

 

COMPARUTIONS :

Me Peter Lulic

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Neeta Logsetty

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Lulic

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.