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Date : 20180207


Dossier : IMM-1136-17

Référence : 2018 CF 140

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 février 2018

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

FLORENS DERXHIA

SUELA DERXHIA

ANUAR DERXHIA

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

 DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La famille de demandeurs sollicite l’annulation d’une décision de la Section d’appel des réfugiés qui rejette sa demande d’asile. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la famille de demandeurs n’était pas crédible et a ainsi confirmé la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les membres de la famille n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger selon les définitions figurant aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2]  Les demandeurs sont Florens Derxhia [Florens], son épouse Suela Derxhia, et leur fils mineur Anuar Derxhia. Ils sont citoyens de l’Albanie. Florens soutient que s’il retournait en Albanie, sa famille et lui seraient tués par des groupes de criminels organisés en raison de son travail pour une agence privée qui luttait contre le trafic de la drogue et la traite des personnes, le terrorisme et la corruption en Albanie.

[3]  Florens indique qu’en mai 2013, il a commencé à travailler pour une agence privée, le Bureau central des enquêtes (BCE), qui collabore avec d’autres entités internationales pour lutter contre la corruption, le terrorisme, le trafic de la drogue et la traite des personnes en Albanie. Plus précisément, il indique qu’il a travaillé pour le service des enquêtes de l’organisme Stop Crime. Le demandeur allègue qu’il vivait près du village de Lazarat, considéré comme la capitale de la drogue en Albanie et contrôlé par des groupes du crime organisé. Il allègue qu’en raison de ses contacts à Lazarat et en Europe, il était en mesure de fournir des renseignements au BCE/Stop Crime concernant le trafic de la drogue dans ces régions.

[4]  Florens allègue qu’en juin 2013, il a fourni des renseignements au BCE/Stop Crime au sujet de certains criminels, qui ont ensuite été arrêtés par la police d’État de l’Albanie (la PÉA).

[5]  En février 2014, des rumeurs selon lesquelles Florens travaillait pour BCE/Stop Crime ont commencé à circuler à Lazarat. En juin 2014, Florens a commencé à recevoir des messages textes et des appels téléphoniques de menaces de la part de personnes non identifiées. Une note de menaces a été laissée à son domicile et, en octobre 2014, quelqu’un est entré par effraction dans sa maison. Il a signalé l’incident à la police, qui a exprimé des préoccupations pour sa sécurité. Florens a décidé qu’il devait quitter l’Albanie avec sa famille.

[6]  La Section d’appel des réfugiés a examiné la recevabilité de trois copies papier provenant du site Web officiel du gouvernement de l’Albanie à titre de nouveaux éléments de preuve. Les documents ont été présentés pour montrer que la PÉA relevait du ministère des Affaires intérieures. La Section d’appel des réfugiés a conclu que bien que ces documents étaient disponibles au moment de l’audience de la Section de la protection des réfugiés, la famille de demandeurs n’a eu connaissance de la question à savoir si la PÉA relevait du ministère des Affaires intérieures qu’au moment où elle a reçu la décision de la Section de la protection des réfugiés et, par conséquent, on ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce qu’elle présente ces documents en preuve à l’audience. La Section d’appel des réfugiés a également conclu que les documents étaient crédibles et pertinents et, par conséquent, elle les a acceptés comme nouveaux éléments de preuve en application du paragraphe 110(4) de la Loi.

[7]  La Section d’appel des réfugiés a examiné la demande de tenue d’une audience présentée par la famille de demandeurs. Elle a conclu que la famille ne satisfaisait pas aux circonstances limitées énoncées au paragraphe 110(6) de la Loi; par conséquent, elle n’a pas tenu d’audience.

[8]  La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il incombait à la famille de demandeurs d’établir deux faits déterminants : 1) que BCE/Stop Crime entretenaient une relation d’échange de renseignements avec la PÉA concernant des enquêtes en cours sur le trafic de la drogue et 2) que Florens était un informateur pour BCE/Stop Crime. La Section d’appel des réfugiés a conclu que ces deux faits sous-tendaient l’exposé circonstancié tout entier de la famille.

[9]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que le témoignage de Florens selon lequel il négociait des transactions de drogues à Lazarat afin de fournir des renseignements au BCE était invraisemblable étant donné que Lazarat était contrôlé par un seul groupe criminel. La Section d’appel des réfugiés était d’accord avec la famille de demandeurs pour dire que cette conclusion a été tirée de façon erronée sans tenir compte des éléments de preuve.

[10]  La Section d’appel des réfugiés a indiqué que la Section de la protection des réfugiés a tiré d’autres conclusions défavorables quant à la crédibilité que la famille de demandeurs n’a pas contestées. La Section d’appel des réfugiés, renvoyant à Jele c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 24, au paragraphe 28, a indiqué que des conclusions non contestées quant à la crédibilité doivent être présumées véridiques.

[11]  La première conclusion non contestée concernait la carte d’identité de Florens. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en s’attendant à ce que des éléments de sécurité soient présents sur un document délivré par une entité privée, mais a souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il n’était pas crédible qu’un informateur secret porte une carte d’identité qui l’identifiait comme « informateur », et qu’il n’était pas vraisemblable non plus qu’une telle carte soit acceptée par la police de frontière.

[12]  La deuxième conclusion non contestée était l’évaluation par la Section de la protection des réfugiés d’un document de BCE/Stop Crime qui indiquait que Florens a fourni des renseignements le 29 juin 2013, ce qui a mené à l’arrestation de cinq personnes. La Section de la protection des réfugiés avait conclu que ce document était contredit par un reportage présenté par le ministre qui indiquait que ces mêmes personnes avaient été arrêtées en avril 2013. La famille de demandeurs n’a fourni aucune réponse à l’observation du ministre, et la Section de la protection des réfugiés a conclu que cette contradiction remettait sérieusement en question la crédibilité de Florens ainsi que la crédibilité de la documentation provenant de BCE/Stop Crime. La Section d’appel des réfugiés s’est dite d’accord avec l’analyse et la conclusion de la Section de la protection des réfugiés.

[13]  La troisième conclusion non contestée était celle de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle la carte de mérite de Florens et ses deux certificats de formation avaient été obtenus de manière frauduleuse à des fins d’immigration. La Section de la protection des réfugiés s’est appuyée sur un reportage albanais qui indiquait qu’une personne avait été arrêtée et poursuivie pour le trafic de documents frauduleux du BCE à des fins d’immigration et sur sa conclusion selon laquelle d’autres documents présentés par Florens n’étaient pas fiables. La Section d’appel des réfugiés n’a vu aucune raison de modifier la conclusion de la Section de la protection des réfugiés.

[14]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que ces trois conclusions nuisaient considérablement à l’allégation de Florens selon laquelle il était un informateur et a considérablement porté atteinte à sa crédibilité.

[15]  Ensuite, la Section d’appel des réfugiés a examiné le document « d’autorisation » du BCE du 11 novembre 2014. Elle a conclu que, contrairement tant aux motifs de la Section de la protection des réfugiés qu’aux observations de la famille de demandeurs, il n’existait aucun témoignage de vive voix quant au but du document. En outre, elle a conclu que les inscriptions en anglais de mauvaise qualité sur le document l’avaient rendu incompréhensible. La Section d’appel des réfugiés a aussi observé que le document portait la date du 11 novembre 2014, soit deux jours après l’arrivée de Florens au Canada. Pour ces motifs, la Section d’appel des réfugiés n’a accordé aucun poids à ce document.

[16]  La Section d’appel des réfugiés a ensuite examiné deux documents signés par Fatmir Sena, directeur général de « l’Agence Stop Crime ». Le premier indiquait que [traduction] « l’Agence Stop Crime a l’appui de la Police d’État ». Le deuxième indiquait que Florens [traduction] « a été membre de l’Agence pendant 2 ans et 6 mois et a contribué à l’éradication de la drogue à Lazarat. »  La Section d’appel des réfugiés a souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle ces documents étaient vagues, imprécis et trop généraux. La Section d’appel des réfugiés a observé que le fait que l’Agence Stop Crime avait « l’appui » de la police d’État ne suffit pas pour confirmer qu’elle a été chargée par la PÉA de fournir des renseignements ou des éléments de preuve pour les poursuites criminelles. De même, la Section d’appel des réfugiés a conclu que le fait d’être « membre » de Stop Crime et de contribuer à l’éradication de la drogue ne suffisait pas pour établir que Florens était un informateur.

[17]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que les conclusions défavorables de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité étaient suffisantes pour réfuter la présomption de véracité concernant le témoignage de Florens, et que la famille de demandeurs n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, le fait déterminant qu’il était un informateur pour BCE ou Stop Crime.

[18]  La Section d’appel des réfugiés a également porté son attention sur la question à savoir si BCE/Stop Crime avaient une entente d’échange de renseignements avec la PÉA.

[19]  La Section d’appel des réfugiés a observé que la famille de demandeurs contestait le traitement par la Section de la protection des réfugiés d’un certain nombre de documents de corroboration qu’elle avait présentés.

[20]  Elle a d’abord examiné l’ordonnance judiciaire no 837. Elle a conclu que l’ordonnance, lue dans son ensemble, définissait sans ambiguïté l’objectif de Stop Crime, qui était la recherche et la dissémination des résultats de la recherche à différents intervenants. La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’elle ne soutenait donc pas l’allégation selon laquelle Stop Crime prend une part active aux enquêtes sur le trafic de la drogue ou aux opérations secrètes de collecte de renseignements avec la PÉA.

[21]  Elle a ensuite examiné la lettre de vérification du directeur général de la police d’État du ministère des Affaires intérieures de l’Albanie. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur dans son analyse de la lettre de vérification, mais a conclu que, tout au plus, la lettre démontre que la PÉA collabore avec Stop Crime à des activités reconnues dans l’ordonnance judiciaire. Puisque l’ordonnance judiciaire se limite à la reconnaissance des activités d’enseignement et de recherche de Stop Crime, on a conclu que la lettre de vérification ne confirmait pas l’observation de la famille de demandeurs selon laquelle Stop Crime fournissait à la PÉA des renseignements pour des enquêtes en cours sur le trafic de la drogue.

[22]  La Section d’appel des réfugiés a ensuite examiné la lettre du service lié aux questions et plaintes internes du ministère des Affaires intérieures de l’Albanie. Elle a conclu que la Section de la protection des réfugiés a également commis une erreur dans son analyse de cette lettre; toutefois, la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’elle avait peu de valeur probante pour corroborer les faits essentiels de la demande. Elle a conclu que la lettre ne confirmait pas qu’il existait un rapport entre BCE/Stop Crime et la PÉA de mai 2013 à novembre 2014, étant donné qu’elle indiquait qu’à partir de mai 2015 le ministère répondait à une demande de collaboration de Stop Crime et qu’il était disposé à travailler avec un établissement privé conformément à la loi numéro 70/2014. La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’elle n’avait aucun élément de preuve quant au contenu de cette loi, et a conclu par conséquent que la Section de la protection des réfugiés avait raison d’accorder peu ou pas de poids à cette lettre.

[23]  La Section d’appel des réfugiés a ensuite examiné la note de la Direction des recherches de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), qui contenait des renseignements contredisant les allégations de la famille de demandeurs. La note comprend une déclaration du directeur de la collaboration et de la coordination internationales de la PÉA selon laquelle il n’existe pas de relations de collaboration avec la PÉA en ce qui concerne l’ordre public et la sécurité publique, et qu’aux termes de la loi, la PÉA est la seule organisation qui s’occupe de problèmes liés au crime organisé ou aux crimes en série, à la contrebande, au terrorisme, à l’ordre public et à la sécurité publique. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés avait raison d’accorder plus de poids à la note de la CISR qu’aux allégations de la famille de demandeurs selon lesquelles Stop Crime collaborait avec la PÉA.

[24]  La Section d’appel des réfugiés a également conclu que la Section de la protection des réfugiés avait raison de rejeter les lettres de la police, des amis et de la famille. La Section d’appel des réfugiés a indiqué que la Section de la protection des réfugiés avait déjà conclu que la famille de demandeurs avait présenté des documents frauduleux et, par conséquent, elle a conclu que Florens serait prêt à présenter d’autres faux documents pour établir le bien-fondé de sa demande. La Section d’appel des réfugiés a souscrit à ce raisonnement et a en outre souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle rien dans ces documents n’aidait à établir le bien-fondé de l’allégation principale de Florens, à savoir qu’il travaillait comme informateur, et que BCE/Stop Crime collaboraient avec la PÉA sur des enquêtes en cours.

[25]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que bien qu’il y ait eu quelques erreurs dans l’analyse de la preuve documentaire de la Section de la protection des réfugiés et ses conclusions d’invraisemblance, ses conclusions défavorables et non contestées quant à la crédibilité réfutaient la présomption de véracité. La Section d’appel des réfugiés a conclu que les documents présentés ne corroboraient pas suffisamment les affirmations de Florens, et étaient contredits par la déclaration claire d’un cadre supérieur de la PÉA selon laquelle il n’existait pas de relation avec le BCE ni avec Stop Crime en ce qui concerne l’ordre public et la sécurité. Ainsi, elle a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les membres de la famille de demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[26]  Dans la présente demande, la famille de demandeurs soulève deux questions : 1) la question de savoir si la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en ne menant pas sa propre évaluation indépendante des éléments de preuve et en supposant que les conclusions non contestées de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité étaient véridiques, et 2) la question de savoir si la Section d’appel des réfugiés a manqué à la justice naturelle en avançant de nouvelles conclusions quant à la crédibilité et de nouveaux arguments sans laisser à la famille de demandeurs l’occasion de répondre.

[27]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Section d’appel des réfugiés n’a commis aucune erreur qui suffise pour casser sa décision.

[28]  Je suis d’accord avec la famille de demandeurs pour dire que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en concluant que les conclusions non contestées de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité doivent être présumées véridiques par la Section d’appel des réfugiés. Bien que la Section d’appel des réfugiés puisse devoir faire preuve de retenue envers la Section de la protection des réfugiés sur des questions relatives à la crédibilité, la Cour d’appel fédérale, dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, a conclu au paragraphe 70 que la Section d’appel des réfugiés doit évaluer dans chaque cas si la Section de la protection des réfugiés a joui d’un véritable avantage en tirant ces conclusions quant à la crédibilité. En outre, l’alinéa 111(2)a) de la Loi exige que la Section d’appel des réfugiés évalue si la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur « en droit, en fait ou en droit et en fait. »  Une présomption voulant que des conclusions défavorables non contestées quant à la crédibilité sont véridiques porterait atteinte à cette obligation imposée par la loi. Bien qu’il puisse ne pas être judicieux de la part d’un appelant de laisser non contestées des conclusions quant à la crédibilité, cela n’exempte pas la Section d’appel des réfugiés de son rôle de déterminer si la décision de la Section de la protection des réfugiés est correcte en ce qui concerne toutes les questions pertinentes.

[29]  Toutefois, je suis d’accord avec le ministre pour dire que malgré sa déclaration selon laquelle il présume que les conclusions de la Section de la protection des réfugiés non contestées quant à la crédibilité étaient véridiques, la Section d’appel des réfugiés a tout de même entamé une analyse raisonnable de ces conclusions. La Section d’appel des réfugiés a précisément donné des cas où elle n’était pas d’accord avec les conclusions de la Section de la protection des réfugiés non contestées, et a expliqué les cas où elle était d’accord avec la Section de la protection des réfugiés. Par exemple, au sujet de la carte d’identité, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en s’attendant à ce que les mêmes caractéristiques de sécurité que l’on retrouve sur les cartes d’identité du gouvernement soient présentes sur une carte d’identité délivrée par des organismes d’enquête du secteur privé, mais elle a reconnu qu’il n’était pas vraisemblable qu’un informateur secret détienne une carte d’identité qui l’identifie comme « informateur ». Pour ce qui est des autres conclusions non contestées, il était raisonnable pour la Section d’appel des réfugiés d’énoncer les conclusions de la Section de la protection des réfugiés et de l’indiquer dès qu’elle souscrivait à l’analyse de la Section de la protection des réfugiés.

[30]  La famille de demandeurs soutient que la Section d’appel des réfugiés a soulevé de nouvelles questions au sujet de trois éléments de preuve, ce qui portait atteinte à son droit à la justice naturelle.

[31]  Elle affirme que la première nouvelle question soulevée par la Section d’appel des réfugiés concernait le document d’autorisation du BCE qui, selon sa conclusion, était inintelligible et, par conséquent, elle ne lui a accordé aucun poids. En outre, elle soutient que la Section d’appel des réfugiés a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité selon laquelle le document porte une date postérieure à la période où Florens travaillait prétendument comme informateur.

[32]  La famille de demandeurs soutient également que la Section d’appel des réfugiés a tiré de nouvelles conclusions défavorables quant à la crédibilité dans son analyse à la fois de l’ordonnance judiciaire et des lettres du ministère des Affaires intérieures qui allaient au-delà des conclusions de la Section de la protection des réfugiés.

[33]  Elle soutient que le fait que la Section d’appel des réfugiés tire de nouvelles conclusions quant à la crédibilité sans lui laisser l’occasion de présenter ses observations porte atteinte à son droit à l’équité procédurale.

[34]  Il n’y a pas eu manquement aux principes de justice naturelle.

[35]  Premièrement, la Section d’appel des réfugiés a expliqué clairement la raison pour laquelle elle n’a pas tenu d’audience. Elle a conclu que les nouveaux éléments de preuve ne portaient pas sur les questions centrales de l’espèce, et ne satisfaisaient donc pas aux exigences du paragraphe 110(6).

[36]  Deuxièmement, la Section d’appel des réfugiés n’a pas manqué aux principes de justice naturelle en tirant de nouvelles conclusions quant à la crédibilité. Dans son analyse de chacun des documents, comme il est exposé ci-après, la Section d’appel des réfugiés a indiqué pourquoi elle accordait peu de poids au document; elle n’a pas tiré de conclusions quant à la crédibilité.

[37]  Le document d’autorisation : la Section d’appel des réfugiés a conclu que la mauvaise traduction en anglais le rendait inintelligible et a souligné en outre que sa date était postérieure à la période où Florens a allégué avoir travaillé comme informateur. La Section d’appel des réfugiés n’a pas tiré de conclusion négative quant à la crédibilité, mais a plutôt conclu que le document n’avait pas de valeur probante. La déclaration de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle le document était postdaté ne constituait pas une conclusion défavorable quant à la crédibilité, mais plutôt une conclusion raisonnable voulant que le fait que le document porte une date postérieure à l’arrivée de la famille au Canada tend peu à confirmer que les affirmations de Florens selon lesquelles il l’utilisait pour faciliter les déplacements dans le cadre de son travail pour BCE/Stop Crime.

[38]  L’ordonnance judiciaire : la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés a tiré des conclusions déguisées quant à la crédibilité en ce qui concerne ce document. La Section d’appel des réfugiés a ensuite interprété le document, concluant que, pris dans son ensemble, il indique que BCE/Stop Crime participent principalement à des activités d’enseignement et de recherche. Il ne s’agissait pas d’une conclusion quant à la crédibilité, mais plutôt d’une conclusion selon laquelle le document n’aidait pas à établir les faits au cœur de la demande de la famille de demandeurs.

[39]  La lettre du ministre des Affaires intérieures de l’Albanie : la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en accordant de l’importance au fait que la lettre provenait du ministère des Affaires intérieures et non pas du ministère de l’Intérieur sans donner à la famille de demandeurs l’occasion de clarifier cet élément de preuve. La Section d’appel des réfugiés a accepté les nouveaux éléments de preuve selon lesquels ces termes sont traduits de façon interchangeable. La Section d’appel des réfugiés a ensuite mené un examen indépendant du document et a conclu que, tout au plus, il reconnaissait les activités d’enseignement et de recherche de Stop Crime; le document ne soutenait donc pas le fondement de la prétention voulant que Stop Crime fournissait des renseignements à la PÉA concernant les enquêtes en cours sur le trafic de la drogue. Une fois de plus, il s’agissait d’une décision visant à déterminer le poids, et non la crédibilité.

[40]  Note de la CISR : la Section d’appel des réfugiés n’a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité concernant la note de la CISR. Plutôt, en réponse aux observations de la famille de demandeurs voulant qu’elle contredisait directement la lettre du ministre des Affaires intérieures, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la note de la CISR et la lettre utilisaient le terme « collaboration » dans des contextes différents. La Section d’appel des réfugiés a conclu que les deux documents n’étaient pas contradictoires.

[41]  Loin de soulever de nouvelles questions, toutes les conclusions de la Section d’appel des réfugiés étaient axées sur les deux questions qui étaient au cœur du rejet de la demande par la Section de la protection des réfugiés. Comme le prescrit la loi, la Section d’appel des réfugiés a mené une analyse indépendante des éléments de preuve.

[42]  Par conséquent, je conclus qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale et je conclus en outre que la décision de la Section d’appel des réfugiés a été menée de façon adéquate, conformément à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, et qu’elle est raisonnable.

[43]  Aucune question de certification n’a été proposée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1136-17

LA COUR rejette la demande, et aucune question n’est à certifier.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-1136-17

INTITULÉ :

FLORENS DERXHIA ET AL. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JANVIER 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS :

LE 7 FÉVRIER 2018


COMPARUTIONS :

Ram Sankaran

Pour les demandeurs

 

Galina Bining

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Bureau régional des Prairies – Edmonton

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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