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Date : 20180129


Dossier : IMM-2938-17

Référence : 2018 CF 85

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2018

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

YOUSEF NASERI ASBAGH

demandeur

ET

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.  Nature de l’instance

[1]  Le demandeur, M. Asbagh, sollicite le contrôle judiciaire de la décision (la décision) du 3 mai 2017 d’un agent des visas de la Section de l’immigration de l’ambassade du Canada en France (l’agent), qui a rejeté sa demande de résidence permanente. Plus précisément, l’agent a conclu que M. Asbagh avait fait une fausse déclaration ou avait dissimulé certains faits importants dans sa demande, considérant ainsi qu’il était interdit de territoire au Canada pour une période de cinq ans, comme le précise l’article 40 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR).

[2]  Cette demande comprend un examen des motifs pour lesquels l’agent a conclu que la réponse de M. Asbagh à une lettre relative à l’équité procédurale n’était pas suffisante pour dissiper la préoccupation initiale que l’une des pièces justificatives initialement présentées par le demandeur était frauduleuse.

[3]  Pour les motifs établis ci-dessous, la demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Section de l’immigration pour un nouvel examen.

II.  Résumé des faits

[4]  M. Asbagh est un ressortissant iranien. En avril 2016, à la suite de sa nomination par la province de la Saskatchewan, il a présenté une demande de résidence permanente au Canada dans le cadre du Programme des travailleurs qualifiés (programme fédéral).

[5]  Pour prouver sa durée d’emploi en Iran, M. Asbagh a initialement présenté deux certificats de l’Organisation de la sécurité sociale (OSS), ainsi que des traductions certifiées. Un certificat était associé à son poste à Sana Pazhouhesh Gostar Technology Co. (Sana). Il couvrait la période du 23 août 2010 au 20 mai 2016 (le certificat de l’Organisation de la sécurité sociale relatif à la société Sana). L’autre certificat couvrait la période allant du 22 novembre 2005 au 18 février 2009 alors qu’il était employé par Fanavari Azmayeshgahi Ltd. Seul le certificat de l’Organisation de la sécurité sociale relatif à la société Sana est en cause en l’espèce.

[6]  Après avoir examiné les certificats, l’agent était préoccupé par le fait que les numéros du certificat de l’Organisation de la sécurité sociale relatif à la société Sana étaient écrits en « chiffres romains » (en fait, ce sont des chiffres arabes), alors qu’ils auraient dû être écrits en chiffres persans. De plus, le certificat de l’Organisation de la sécurité sociale relatif à la société Sana indiquait que le demandeur n’avait travaillé que 637 jours depuis 2010, soit beaucoup moins que ce qui avait été indiqué dans une lettre d’emploi déjà soumise. Par conséquent, l’agent a envoyé une lettre relative à l’équité procédurale à M. Asbagh. Dans ce document, l’agent a indiqué qu’il craignait que le certificat de l’Organisation de la sécurité sociale relatif à la société Sana fourni à l’appui de la demande soit frauduleux. Les motifs particuliers qui ont amené l’agent à penser que le certificat était frauduleux n’étaient pas énoncés dans la lettre.

[7]  Dans une lettre datée du 24 septembre 2016, par laquelle M. Asbagh donnait suite à la lettre relative à l’équité procédurale, la question des « chiffres romains » n’était pas abordée. Toutefois, M. Asbagh a abordé la divergence des jours de travail en expliquant que la société Sana avait versé ses primes d’assurance à deux succursales distinctes de l’Organisation de la sécurité sociale (succursales 1 et 5 de Tabriz), et que les cotisations versées à la succursale 1 n’avaient pas été comptabilisées dans le certificat de l’Organisation de la sécurité sociale relatif à la société Sana.

[8]  M. Asbagh avait joint à sa lettre un nouveau certificat de l’Organisation de la sécurité sociale qui combinait, corrigeait et mettait à jour les renseignements contenus dans les deux autres certificats (certificat consolidé de l’Organisation de la sécurité sociale). Il était certifié, signé et estampillé par la succursale 5 de l’Organisation de la sécurité sociale de Tabriz.

[9]  Enfin, M. Asbagh a également présenté une lettre d’« attestation d’emploi » de la société Sana. La lettre confirmait que M. Asbagh avait travaillé à temps plein pour Sana comme ingénieur électricien depuis le 23 août 2010 et que les renseignements contenus dans le certificat de l’Organisation de la sécurité sociale consolidé étaient exacts.

III.  Analyse

[10]  Les parties ne contestent pas que deux questions se posent dans la présente demande : La décision était-elle raisonnable et a-t-elle été conclue de manière équitable sur le plan procédural? Je suis d’accord.

[11]  La conclusion de fausse déclaration tirée par l’agent en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR est une conclusion mixte de fait et de droit qui est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Ge c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 594, au paragraphe 14 [Ge], Seraj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 38, au paragraphe 11). La norme de la décision correcte s’applique aux questions d’équité procédurale soulevées en l’espèce (Ge, décision précitée, Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43).

[12]  Comme je l’explique ci-dessous, je suis d’avis que la décision, qui comprend les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC), n’est pas raisonnable. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner la question de savoir si le processus était équitable sur le plan de la procédure.

[13]  La lettre énonçait deux raisons pour lesquelles l’agent avait conclu que M. Asbagh était interdit de territoire pour fausses déclarations ou dissimulation de faits importants quant à des objets pertinents :

[traduction] J’en arrive à cette conclusion parce que le format du certificat est incorrect et que votre numéro d’identité diffère d’un document à l’autre.

[14]  Le ministre concède que, contrairement à la décision de l’agent, le numéro d’identité était le même d’un document à l’autre. L’agent a commis une erreur en tirant la conclusion de fait qu’il était différent.

[15]  Les notes du SMGC, qui contiennent des motifs supplémentaires quant à la décision, indiquent que l’agent s’est fondé sur sa croyance erronée au sujet du numéro d’identification. La note rédigée le 3 mai 2017, à la même date que la lettre, indique dans la partie pertinente :

L’explication fournie par le requérant n’est pas satisfaisante du tout. En effet, les relevés ou certificats SSO sont toujours écrit en chiffres et lettres persanes. De plus, même si le paiement des cotisations avait été faite [sic] auprès de 2 branches différentes, les numéros de SS ou d’identification des personnes ne changeraient pas (tout comme au Canada ou en France).

[Translation] The explanation provided by the moving party is not at all satisfying. In fact, the SSO statements or certificates are always in Persian figures and letters. As well, although the contributions were paid to two different branches, the SS numbers or the identification of the individuals would not change (like in Canada or France).

[16]  Cette note confirme que l’agent n’avait que deux raisons de conclure que la réponse fournie par M. Asbagh à la lettre relative à l’équité procédurale n’était « pas du tout satisfaisante » : (1) les certificats de l’Organisation de la sécurité sociale sont toujours écrits en lettres et en chiffres persans; et (2) même si des paiements avaient été versés à deux succursales différentes, le numéro d’identification de l’individu n’aurait pas changé.

[17]  Dans la note du SMGC, la mention que « [d]e plus, même si le paiement des cotisations avait été faite [sic] auprès de 2 branches différentes » sous-entend que l’agent n’a pas été entièrement convaincu par l’explication du demandeur selon laquelle des paiements avaient été versés à deux succursales différentes de l’Organisation de la sécurité sociale (non souligné dans l’original). Il ressort également des mots qui suivent immédiatement dans la note du SMGC (c’est-à-dire que le numéro d’identification ne devrait pas changer) que l’agent s’est fondé sur son erreur concernant le numéro d’identification pour régler définitivement l’affaire contre M. Asbagh.

[18]  Il est clair que le numéro d’identification était un facteur important dans l’analyse de l’agent. Toutefois, on ignore si l’agent aurait tiré la même conclusion sur le fond si l’erreur concernant le numéro d’identification n’avait pas été commise.

[19]  Compte tenu de ce qui précède, les motifs ne sont pas transparents, intelligibles ou justifiés. Par conséquent, l’issue n’appartient pas aux issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[20]  Pour ces motifs, la demande est accueillie et l’affaire est renvoyée à la Section de l’immigration pour un nouvel examen.

[21]  Aucune question de certification ne découle des faits et aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2938-17

LA COUR accueille la présente demande et l’affaire est renvoyée à la Section de l’immigration de l’ambassade du Canada en France pour nouvel examen.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2938-17

 

INTITULÉ :

YOUSEF NASERI ASBAGH c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 janvier 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 janvier 2018

 

COMPARUTIONS :

Arghavan Gerami

 

Pour le demandeur

 

Adrian Johnston

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gerami Law Professional Corporation

Ottawa (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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