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Date : 20180117


Dossiers : IMM-2352-17

IMM-3966-16

Référence : 2018 CF 44

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2018

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

OMAR HUSSEIN

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, Omar Hussein, sollicite le contrôle judiciaire de deux décisions. Les demandes de contrôle judiciaire ont été entendues ensemble parce qu’elles découlent des mêmes événements. Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision d’une déléguée du ministre, datée du 11 mai 2017, refusant sa demande de réexaminer la décision rendue en juillet 2010, dans laquelle il a été conclu qu’il n’était pas admissible à présenter une demande d’asile au Canada en raison de l’Entente sur les tiers pays sûrs (ETPS). Le demandeur sollicite aussi le contrôle judiciaire de la décision d’une autre déléguée du ministre, datée du 6 septembre 2016, qui a délivré une mesure de renvoi contre lui conformément au paragraphe 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi].

[2]  Pour les motifs qui suivent, les deux demandes de contrôle judiciaire sont rejetées.

I.  Contexte

[3]  Le demandeur est citoyen de la Somalie. Il est arrivé aux États-Unis vers avril 2010 et il a une première fois tenté d’entrer au Canada en juillet 2010 pour présenter une demande d’asile.

[4]  Conformément à l’alinéa 101(1)e) de la Loi et de l’ETPS avec les États-Unis, le demandeur ne pourrait pas présenter une demande d’asile parce qu’il est d’abord arrivé aux États-Unis et qu’il aurait dû avoir demandé l’asile dans ce pays.

[5]  Malgré les dispositions de la Loi et de l’ETPS, le demandeur a tenté à plusieurs reprises d’entrer au Canada pour y présenter une demande d’asile, affirmant chaque fois être le neveu d’Ahmed Musse Gedi (M. Musse Gedi), un citoyen canadien et, par conséquent, que l’exception pour les demandeurs ayant des parents au Canada (c.-à-d. l’exception de « membre de la famille prêt à aider » de l’ETPS) s’applique pour lui permettre de présenter une demande d’asile.

[6]  Le demandeur est entré une première fois au Canada le 26 juillet 2010, au pont Ambassador à Windsor, en Ontario. Le demandeur et M. Musse Gedi ont été interrogés. En fin de compte, la déléguée du ministre n’était pas convaincue que tous les deux avaient un lien de parenté. Elle a donc décidé que le demandeur n’était pas admissible à présenter une demande d’asile.

[7]  Le demandeur est entré de nouveau au Canada le 22 février 2012, cette fois, à Fort Erie, en Ontario. Il a une nouvelle fois prétendu être le neveu de M. Musse Gedi. Le demandeur et M. Musse Gedi ont présenté des éléments de preuve documentaire qui n’avaient pas été présentés le 26 juillet 2010. Ils ont subi une nouvelle entrevue. Après examen des éléments de preuve et de leurs entrevues, la déléguée du ministre n’était toujours pas convaincue que le demandeur et M. Musse Gedi étaient en fait parents.

[8]  Le 17 avril 2016, le demandeur est entré au Canada à une frontière non balisée près d’Emerson, au Manitoba, et il a été arrêté. Il a tenté de présenter une demande d’asile à son arrestation, mais il a été décidé qu’il n’était pas admissible à le faire, conformément à l’alinéa 101(1)c) de la Loi, en raison de ses tentatives précédentes infructueuses.

[9]  Le 20 juillet 2016, le demandeur a présenté une demande écrite à l’ASFC pour le réexamen de la décision d’admissibilité initiale rendue le 26 juillet 2010. Il a soutenu qu’il y avait de nouveaux documents pertinents qui n’avaient pas été examinés en juillet 2010.

[10]  Avant de recevoir une décision en ce qui concerne sa demande de réexamen, il a été décidé que le demandeur était interdit de territoire au Canada en raison de son arrivée au Canada en avril 2016, et de son défaut de se conformer à l’alinéa 20(1)a) de la Loi. Le 6 septembre 2016, une ordonnance de renvoi a été prise en application du paragraphe 44(2).

[11]  Le 27 février 2017, le demandeur a déposé une demande de mandamus devant notre Cour afin d’obliger le défendeur à prendre une décision au sujet de sa demande de réexamen (IMM‑901-17). Cette demande a été retirée après que le défendeur a rendu sa décision au sujet de la demande de réexamen.

[12]  Le 11 mai 2017, la déléguée du ministre a rejeté la demande de réexamen du demandeur de la décision du 26 juillet 2010. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire (IMM-2352-17).

[13]  Le demandeur sollicite également le contrôle judiciaire de l’ordonnance de renvoi du 6 septembre 2016 qui, selon ce que soutient le demandeur, est le produit d’un pouvoir discrétionnaire restreint (IMM-3966-16).

II.  Décisions faisant l’objet du contrôle : décision de réexamen du 11 mai 2017

[14]  La décision de réexamen est en trois parties. La déléguée du ministre : en premier lieu, résume la décision d’irrecevabilité du 26 juillet 2010, selon des notes prises au moment de la décision, en deuxième lieu, résume la décision d’irrecevabilité du 22 février 2012, et, en troisième lieu, détermine si le réexamen est justifié.

[15]  Pour ce qui est de la décision d’irrecevabilité datée du 26 juillet 2010, à Windsor, en Ontario, la déléguée du ministre précise qu’à l’arrivée du demandeur à Windsor, en Ontario, il n’avait aucune pièce d’identité pour confirmer son nom, sa date de naissance ou son pays de citoyenneté. Il a prétendu être le neveu de M. Ahmed Musse Gedi, un citoyen canadien, qui était le demi-frère de sa mère. Il a présenté une photocopie du permis de conduire de l’Ontario de M. Musse Gedi, en plus d’une photocopie d’une déclaration solennelle assermentée, faite par M. Musse Gedi, laquelle déclarait que le demandeur était son neveu. Le demandeur a été interrogé en personne, et M. Musse Gedi a été interrogé par téléphone. Les notes indiquent que le demandeur a fourni des réponses vagues à ses propres détails biographiques, y compris en ce qui concerne ses résidences précédentes, et à l’âge et à l’endroit où se trouvaient sa femme et ses enfants.

[16]  Le demandeur et M. Musse Gedi ont donné plusieurs réponses contradictoires aux questions concernant leur famille et leurs histoires personnelles, y compris :

  • Le demandeur a déclaré que le nom de sa mère était Amina Elmi. M. Musse Gedi a déclaré que son nom était Amina Ibrahim.

  • Le demandeur a déclaré que sa mère avait eu cinq enfants : deux filles (toutes deux décédées pendant l’enfance) et trois fils. M. Musse Gedi a déclaré que sa sœur avait seulement eu trois enfants, tous des garçons.

  • Le demandeur a déclaré que les noms de ses frères étaient Abdi Hussein, âgé d’environ 36 ans, et Abdi Lahe, âgé d’environ 38 ans. M. Musse Gedi a dit que leurs noms étaient Said et Abdilli, et qu’il ne savait pas quel âge ils avaient.

  • Le demandeur a déclaré qu’il n’avait pas vu M. Musse Gedi depuis qu’il était un enfant. M. Musse Gedi a déclaré n’avoir jamais vu le demandeur, et que ce dernier l’avait seulement contacté récemment.

  • Le demandeur a déclaré que M. Musse Gedi avait payé 4 000 $ à un [traduction] « facilitateur » afin de l’aider à quitter l’Éthiopie et à se rendre aux États-Unis. Il a de plus déclaré que M. Musse Gedi avait fait tous les [traduction] « arrangements » avec le facilitateur. M. Musse Gedi a déclaré avoir envoyé 500 $ au demandeur une fois qu’il est arrivé aux États-Unis, afin de l’aider à prendre un vol vers le Canada, et que c’était la seule fois où il a donné de l’argent au demandeur, et qu’il ne savait pas comment le demandeur avait fait pour aller aux États-Unis.

[17]  Le résumé indique que le demandeur a été confronté à des divergences dans les deux récits. Le demandeur a répondu en implorant l’agent qui a procédé à l’entrevue [traduction] « de faire preuve de compassion et de le laisser entrer au Canada ». Pour ce qui est de savoir s’il avait déjà rencontré M. Musse Gedi, il a modifié son histoire et a déclaré qu’il ne se souvenait pas avoir déjà rencontré M. Musse Gedi lorsqu’il était enfant. Le résumé indique également que le demandeur et M. Musse Gedi ont fourni des déclarations différentes et contradictoires sur plusieurs aspects de leurs récits.

[18]  À l’issue des entrevues, la déléguée du ministre n’était pas convaincue que M. Musse Gedi était un [traduction] « vrai membre de la famille prêt à aider ».

[19]  Pour ce qui est de la décision d’irrecevabilité datée du 22 février 2012, à Fort Erie, en Ontario, le résumé précise que le demandeur a été interrogé pour savoir comment il avait obtenu les copies des certificats de naissance de lui-même, de sa mère, et de M. Musse Gedi à ce moment-là.

[20]  Le demandeur et M. Musse Gedi ont été interrogés en personne. Plusieurs contradictions ont été relevées dans leurs réponses aux questions, y compris :

  • M. Musse Gedi a déclaré qu’il avait fourni des documents afin de vérifier le lien qu’il avait avec le demandeur pendant l’entrevue du 26 juillet 2010. Toutefois, il ne l’avait pas fait.

  • Le demandeur a déclaré que, lorsqu’il est arrivé aux États-Unis la première fois, il est resté chez la cousine de sa mère, Basra Muse. Il a déclaré que Basra Muse a une fille nommée Ubax Cabdi. M. Musse Gedi a déclaré que Basra Muse est une amie de la famille de Somalie, et qu’il n’a aucun lien de parenté avec elle et qu’elle a une fille qui s’appelle Ubax Ali.

  • Le demandeur a déclaré qu’il n’avait jamais rencontré M. Musse Gedi, mais qu’il lui avait parlé au téléphone, de façon discontinue, à compter de 2002 et que sa mère et son oncle se parlaient au téléphone tous les deux ou trois mois. M. Musse Gedi a déclaré qu’il avait vu le demandeur pour la dernière fois lorsqu’il avait sept ans, et qu’il ne lui avait pas parlé avant 2010, lorsqu’il est arrivé aux États-Unis. M. Musse Gedi a déclaré qu’il ne parle pas à sa sœur et qu’il n’a pas son numéro de téléphone.

  • Le demandeur a déclaré que M. Musse Gedi avait envoyé de l’argent à la mère du demandeur en Somalie à plusieurs reprises. M. Musse Gedi a déclaré qu’il n’avait jamais envoyé d’argent à la mère du demandeur, ou à quiconque en Somalie.

  • Le demandeur a déclaré que M. Musse Gedi et sa mère n’ont pas grandi ensemble lorsqu’ils étaient enfants. M. Musse Gedi a déclaré qu’il avait vécu avec sa sœur toute sa vie.

[21]  Après un examen des éléments de preuve et des résultats des entrevues, il a été déterminé que les éléments de preuve étaient insuffisants pour appuyer la prétendue relation du demandeur avec M. Musse Gedi.

[22]  En ce qui concerne la demande de réexamen de la décision de juillet 2010, la déléguée du ministre a indiqué que la demande du demandeur était fondée sur son affirmation que la décision d’irrecevabilité initiale avait été prise [traduction] « sans tenir compte des documents fournis ». Elle a noté que les éléments de preuve fournis dans le cadre de la demande de réexamen consistaient en la déclaration de 2010 de M. Musse Gedi prêtant serment de l’authenticité de la relation, en plus des certificats de naissance du demandeur, de sa mère et de M. Musse Gedi.

[23]  La déléguée du ministre a mentionné le manque d’éléments de preuve documentaire présentés par le demandeur à son arrivée à Windsor en 2010. Elle a également noté les nombreuses contradictions dans les réponses données par le demandeur et M. Musse Gedi. Elle a conclu que ce qui avait été fourni en 2010 avait pleinement été pris en compte avant que la décision n’ait été prise. Elle ajoute également qu’à la deuxième entrevue le 22 février 2012, plus de documents avaient été fournis par le demandeur, y compris trois certificats de naissance, qui ont tous été examinés par l’agent qui a procédé à l’entrevue et par la déléguée du ministre à ce moment-là.

[24]  La déléguée du ministre a conclu que la deuxième décision d’irrecevabilité en février 2012 avait fourni une possibilité au demandeur de faire examiner et considérer à nouveau sa demande initiale par des agents qui n’avaient pas participé à la décision de juillet 2010, et de présenter des documents à l’appui et de faire des observations supplémentaires. Autrement dit, la déléguée du ministre a conclu que la deuxième décision d’irrecevabilité était [traduction] « à elle seule, un réexamen de la demande d’asile initiale » ce qui a permis au demandeur d’avoir la possibilité de présenter des documents supplémentaires et de participer au processus d’entrevue. La déléguée du ministre a souligné que les documents examinés à l’entrevue du 22 février 2012 comprenaient les documents présentés avec la demande actuelle de réexamen (c.-à-d. les trois certificats de naissance et la déclaration solennelle de 2010). Elle a noté que des entrevues détaillées avaient été tenues afin de donner la possibilité de recueillir des renseignements supplémentaires pour appuyer le lien familial, et que les documents présentés avec les éléments de preuve orale avaient été pleinement examinés avant que la décision n’ait été prise en 2012.

[25]  La déléguée du ministre a conclu qu’en fonction de son examen des documents et des notes prises par les décideurs des deux demandes d’asile précédentes, la demande de réexamen de la décision du 26 juillet 2010 ne serait pas accueillie, c.-à-d. la déléguée du ministre ne réexaminerait pas la décision.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle : la mesure d’exclusion de septembre 2016

[26]  Comme je l’ai mentionné ci-dessus, le demandeur est entré au Canada le 17 avril 2016, après s’être vu refuser l’entrée deux fois auparavant. Il a été conclu qu’il n’avait pas le droit de présenter une demande d’asile en raison des décisions d’irrecevabilité précédentes, conformément à l’alinéa 101(1)c).

[27]  Le 18 avril 2016, un agent d’immigration a rédigé un rapport conformément au paragraphe 44(1) de la Loi indiquant que le demandeur était interdit de territoire au Canada parce qu’il n’avait pas respecté l’alinéa 20(1)a), lequel exige que les personnes qui cherchent à entrer au Canada et à y demeurer possèdent un visa d’immigration.

[28]  Une déléguée du ministre (une autre déléguée que celle qui a rendu la décision du 11 mai 2017, c.-à-d. la [traduction] « déléguée en application de l’article 44 ») a examiné le rapport de l’agent et a interrogé le demandeur. Le demandeur a confirmé et reconnu tous les faits sur lesquels le rapport était fondé.

[29]  À l’entrevue, le demandeur a demandé que la déléguée en application de l’article 44 procède au réexamen de la décision d’irrecevabilité initiale (c.-à-d. la décision de 2010, pour laquelle il avait déjà demandé le réexamen dans sa lettre du 20 juillet 2016 à l’ASFC à Windsor) ou, subsidiairement, de reporter la mesure de renvoi jusqu’à ce que la demande de réexamen ait été tranchée. Le demandeur a cité une autre affaire où cela a été fait.

[30]  Les notes au dossier de la déléguée en application de l’article 44 reconnaissent qu’elle était au courant du cas cité par le demandeur. Toutefois, la déléguée en application de l’article 44 a refusé de tenir un réexamen ou de reporter sa décision. La déléguée en application de l’article 44 a informé le demandeur qu’elle [traduction] « avait examiné l’ensemble des éléments de preuve au dossier, en plus d’avoir été informée par [son superviseur] que la demande de réexamen serait traitée par le bureau d’origine ». La déléguée en application de l’article 44 a mené l’entrevue, examiné les éléments de preuve et les observations et ordonné une mesure de renvoi à l’encontre du demandeur conformément au paragraphe 44(2) de la Loi.

IV.  Questions en litige

[31]  En fonction des arguments du demandeur, les questions en litige sont les suivantes :

  • La déléguée du ministre a-t-elle manqué à l’obligation qui lui incombe en matière d’équité procédurale envers le demandeur en se fondant sur des réserves relatives à sa crédibilité qui ont surgi en juillet 2010 et en février 2012 auxquelles le demandeur n’a pas eu l’occasion de répondre?
  • La déléguée du ministre a-t-elle commis une erreur en refusant de réexaminer la décision de juillet 2010?
  • La déléguée en application de l’article 44 a-t-elle restreint son pouvoir discrétionnaire en demandant une mesure de renvoi?

V.  La norme de contrôle applicable

[32]  Une demande de réexamen est une décision discrétionnaire qui doit faire l’objet d’un examen selon la norme de la décision raisonnable (Trivedi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 422, au paragraphe 17, 187 ACWS (3d) 213 [Trivedi]).

[33]  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190). Il convient de faire preuve de déférence à l’égard du décideur, et la Cour ne réévaluera pas les éléments de preuve.

[34]  Les décisions qui sont le produit d’un pouvoir discrétionnaire restreint seront, en tant que telles, déraisonnables (Stemjion Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 24, 341 DLR (4th) 710 [Stemjion Investments]).

[35]  Les questions d’équité procédurale doivent être examinées par un tribunal judiciaire selon la norme de la décision correcte : (Trivedi, au paragraphe 18; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 43, [2009] 1 RCS 339).

VI.  La déléguée du ministre a-t-elle manqué à l’obligation qui lui incombe en matière d’équité procédurale envers le demandeur en se fondant sur des réserves relatives à sa crédibilité qui ont surgi en juillet 2010 et en février 2012 auxquelles le demandeur n’a pas eu l’occasion de répondre?

A.  Les observations du demandeur

[36]  Le demandeur fait valoir qu’on lui a refusé son droit à l’équité procédurale parce que la déléguée du ministre ne lui a pas donné la possibilité d’expliquer les réponses contradictoires qui lui ont été données par lui et par M. Musse Gedi en juillet 2010 et en février 2012 avant de rendre sa décision au sujet de la demande de réexamen, le 11 mai 2017. Il soutient que la déléguée du ministre s’est fondée sur ces contradictions dans son refus de sa demande de réexamen.

[37]  Il soutient qu’en juillet 2010, il avait seulement été confronté à une contradiction à savoir si M. Musse Gedi et le demandeur s’étaient déjà rencontrés pendant que le demandeur était en Somalie. Le demandeur soutient qu’il a expliqué que des membres de sa famille lui avaient dit qu’il l’avait rencontré lorsqu’il était plus jeune, mais qu’il ne s’en souvenait pas. Le demandeur soutient que l’agent et la déléguée du ministre se sont fiés à plusieurs contradictions qu’il aurait pu expliquer, y compris les diverses façons dont sa mère peut décliner son nom, le nombre d’enfants dans sa famille et l’argent fourni par M. Musse Gedi pour que le demandeur se rende au Canada. Il renvoie à son affidavit qui offre maintenant des explications pour ces contradictions.

B.  Les observations du défendeur

[38]  Le défendeur note que, dans la demande de réexamen, le demandeur a renvoyé aux trois certificats de naissance et n’a pas abordé les contradictions précédentes, dont il était au courant, et n’a pas non plus offert les explications qu’il offre maintenant dans son affidavit. Le défendeur souligne que les contradictions étaient importantes – à la fois, entre les réponses du demandeur et de M. Musse Gedi aux questions et entre leurs réponses aux mêmes questions ou à des questions semblables en 2010 et en 2012. Le défendeur soutient que le demandeur a été confronté aux contradictions dans ses réponses en 2010 et en 2012, concernant le moment où il avait vu son oncle pour la dernière fois, les noms des frères et sœurs de sa mère, et si son oncle lui avait envoyé 4 000 $ pour qu’il se rende au Canada ou si sa mère et lui avaient épargné cet argent. Les notes d’entrevue de 2010 ont également révélé que le demandeur avait été confronté de façon plus générale par l’agent qui l’a informé que leurs récits étaient parfois contradictoires et différents.

[39]  Le défendeur soutient également que, dans une demande de réexamen discrétionnaire, il n’y a aucune obligation d’aviser le demandeur des incohérences dans le dossier.

C.  La déléguée du ministre ne s’est pas soustraite au devoir d’équité procédurale

[40]  L’argument du demandeur qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale semble se fonder sur sa présomption erronée que la décision de la déléguée du ministre de ne pas réexaminer la décision de juillet 2010 était fondée sur des réponses contradictoires et les préoccupations de crédibilité qui en ont découlé.

[41]  La question de savoir s’il y a eu un manquement à l’équité procédurale ne surgit pas dans le contexte de la décision faisant l’objet du contrôle. La décision discrétionnaire de la déléguée du ministre de refuser le réexamen n’était pas fondée sur les réponses contradictoires fournies par le demandeur ou M. Musse Gedi, ou sur la crédibilité en général. Le demandeur a demandé le réexamen de la décision d’irrecevabilité du 26 juillet 2010 parce qu’elle [traduction] « a été prise sans tenir compte de la documentation » (c.-à-d. les certificats de naissance qui n’avaient pas été fournis). La décision de la déléguée du ministre de refuser la demande de réexamen a été fondée sur ce motif. Elle a conclu que les certificats de naissance avaient été examinés le 22 février 2012, et que le demandeur et M. Musse Gedi avaient été soigneusement interrogés, encore une fois, à cette date. Elle a, par conséquent, décidé qu’un autre réexamen n’était pas justifié. Autrement dit, le demandeur a déjà reçu en 2012 ce qu’il demande aujourd’hui.

[42]  Si la question en litige était en cause, il est bien établi que l’obligation en matière d’équité procédurale varie selon le contexte. Néanmoins, il y a un devoir d’équité élémentaire d’informer le demandeur des arguments qu’il aura à réfuter et de lui donner une occasion de répondre.

[43]  Si les décisions de 2010 et de 2012 avaient fait l’objet du contrôle judiciaire, je conclurais encore qu’il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale. Les contradictions quant aux aspects clés de leurs antécédents familiaux ont été soulevées, mais les explications fournies n’abordaient pas les contradictions. Le demandeur et M. Musse Gedi ont donné de nombreuses réponses contradictoires, et leurs propres réponses n’étaient pas uniformes entre 2010 et 2012. Ils avaient du temps entre 2010 et 2012 pour se familiariser avec leurs antécédents familiaux et ne l’ont apparemment pas fait. Certaines des contradictions étaient mineures, mais d’autres étaient plus importantes, notamment en ce qui concerne la question de savoir si M. Musse Gedi avait fourni de l’argent au demandeur pour qu’il se rende au Canada. Lorsqu’il a été confronté à la préoccupation générale que leurs récits différaient et à des contradictions précises, le demandeur a changé son récit et a demandé qu’on fasse preuve de compassion, plutôt que de fournir les explications qu’il offre maintenant et M. Musse Gedi s’est retiré de l’entrevue.

[44]  Le demandeur tente maintenant de fournir des explications; par exemple, qu’il y a une distinction entre affirmer que M. Musse Gedi n’a pas envoyé d’argent au demandeur pour son voyage et envoyer de l’argent à sa mère, qu’elle lui a à son tour donné pour qu’il se rende au Canada. Toutefois, son explication demeure incohérente avec la réponse de M. Musse Gedi voulant qu’il n’ait pas envoyé d’argent à la mère du demandeur, et la déclaration du demandeur en 2012 selon laquelle sa mère et lui avaient travaillé et économisé l’argent.

[45]  Pour ce qui est de la décision relative au réexamen, les faits diffèrent de ceux dans Cishahayo c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CF 1237, 420 FTR 136, où la Cour a conclu qu’un demandeur doit avoir la possibilité de répondre aux préoccupations quant à l’authenticité des documents invoqués avant que la décision de réexamen ne soit prise. Cette affaire portait sur un réexamen réel, par opposition à une demande de réexamen. De plus, le réexamen a été décidé en fonction d’une préoccupation concernant l’authenticité des documents. En l’espèce, la déléguée du ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande de réexamen; c.-à-d. elle n’a pas procédé au réexamen de la décision du 26 juillet 2010. De plus, comme je l’ai mentionné précédemment, cette décision discrétionnaire de rejeter le réexamen n’a pas été prise en se fondant sur toute préoccupation liée à la crédibilité. Par conséquent, la déléguée du ministre n’était pas tenue de présenter les contradictions au demandeur pour obtenir une explication (approfondie).

VII.  La décision de la déléguée du ministre de rejeter le réexamen de la décision de juillet 2010 était-elle raisonnable?

A.  Les observations du demandeur

[46]  Le demandeur soutient que la décision de réexamen est déraisonnable. Il soutient que la déléguée du ministre a commis une erreur en n’examinant pas et n’en analysant pas les trois certificats de naissance présentés dans le cadre de la demande de réexamen. Il soutient que les trois certificats de naissance établissent clairement la relation entre lui-même et M. Musse Gedi. Il soutient que la déléguée du ministre a implicitement conclu que les certificats de naissance n’étaient pas authentiques, et que cela aurait dû donner au demandeur une occasion distincte de répondre à la préoccupation.

[47]  Le demandeur réitère que la déléguée du ministre aurait dû lui présenter les préoccupations de crédibilité, qu’il aurait expliquées comme il l’a fait dans l’affidavit produit pour appuyer sa demande et qui aurait confirmé que M. Musse Gedi était son oncle.

[48]  Lors de l’audition de la présente demande, le demandeur n’a pas poursuivi son argumentation écrite selon laquelle la déléguée du ministre aurait dû écarter les notes d’entrevue du 22 février 2012 parce qu’il avait déjà été déclaré inadmissible à présenter une demande d’asile, et, par conséquent, que l’agent n’avait pas la compétence de l’interroger.

B.  Les observations du défendeur

[49]  Le défendeur fait remarquer une fois de plus que le fondement de la demande de réexamen du demandeur de la décision de juillet 2010 est que cette décision a été prise sans tenir compte des documents, et que la déléguée du ministre a abordé la demande sur ce fondement. Les seuls documents présentés en juillet 2010 étaient une photocopie du permis de conduire de M. Musse Gedi et une photocopie de sa déclaration solennelle. Les trois certificats de naissance ont seulement été fournis en 2012.

[50]  Le défendeur souligne que la déléguée du ministre exerce un pouvoir discrétionnaire de choisir de réexaminer une décision d’irrecevabilité. Le défendeur caractérise ce pouvoir discrétionnaire comme un examen préalable, lequel ne comporte pas un examen complet et l’appréciation de la preuve (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Gurumoorthi Kurukkal, 2010 CAF 230, au paragraphe 5, 324 DLR (4th) 292 [Kurukkal]). Le défendeur soutient qu’il n’y a aucun droit à un réexamen à la réception de nouveaux renseignements; il revient plutôt aux demandeurs de prouver que les intérêts de la justice ou que des circonstances inhabituelles justifient un réexamen (Ghaddar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 727, au paragraphe 19, 460 FTR 147 [Ghaddar]) et le demandeur ne l’a pas fait.

[51]  Le défendeur soutient que la déléguée du ministre a reconnu qu’elle avait le pouvoir discrétionnaire de réexaminer la décision, mais qu’elle a choisi de ne pas exercer ce pouvoir discrétionnaire dans les circonstances, en notant que tous les renseignements que le demandeur tentait de faire examiner l’avaient déjà été en 2012.

C.  La décision est raisonnable

[52]  Dans Kurukkal, la Cour d’appel a confirmé qu’un décideur administratif peut, en application de son pouvoir discrétionnaire, réexaminer une décision (au paragraphe 3) et a expliqué aux paragraphes 4 et 5 :

[4] [...] Le principe du functus officio n’empêchait pas l’agent d’immigration de réexaminer sa décision; l’agent avait la liberté d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexaminer, ou de refuser de réexaminer, la demande de l’intimé.

[5]  La juge a ordonné à l’agent d’immigration de tenir compte d’un nouvel élément de preuve et de déterminer le poids à y accorder, le cas échéant. À notre avis, cette directive était inappropriée. La juge a conclu à juste titre que le principe du functus officio n’empêchait pas le réexamen de la décision négative concernant la demande fondée sur l’article 25, mais à cette étape‑là, l’obligation de l’agent d’immigration était de décider, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, s’il y avait lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision.

[53]  Le juge Manson a appliqué les mêmes principes dans Borovic c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 939, [2016] ACF no 960 (QL), en faisant remarquer qu’un agent d’immigration a le pouvoir discrétionnaire de réexaminer une décision ou de refuser de le faire, au paragraphe 15 :

[15]  Il ne fait aucun doute que l’agent d’immigration doit exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il évalue une demande de réexamen, mais en l’absence d’une omission de reconnaître le pouvoir discrétionnaire par l’agent, l’agent peut exercer ce pouvoir pour réexaminer une demande ou refuser de le faire. Le principe du functus officio n’empêche pas le réexamen de la décision négative concernant une demande pour considération d’ordre humanitaire (article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27), l’obligation de l’agent d’immigration était simplement de décider, compte tenu de l’ensemble des circonstances pertinentes, s’il y avait lieu d’exercer le pouvoir discrétionnaire de réexaminer sa décision (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kurukkal, 2010 CAF 230, aux paragraphes 5 et 6; Rashed c. Canada (Citoyenneté et Immigration, 2013 CF 175, aux paragraphes 48 et 49).

[54]  La déléguée du ministre est tenue de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes pour décider d’exercer son pouvoir discrétionnaire de réexaminer (Kurukkal, au paragraphe 5).

[55]  La décision de la déléguée du ministre fait état de la jurisprudence applicable. La première étape de l’approche en deux étapes est que la déléguée du ministre doit déterminer s’il faut procéder au réexamen de la décision précédente. La deuxième étape – un réexamen réel de la décision précédente – n’aurait pas lieu à moins que la déléguée du ministre décide d’exercer son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la décision antérieure. La décision en l’espèce, laquelle n’a pas procédé au-delà de la première étape, révèle que la déléguée du ministre était très consciente des circonstances, et qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée.

[56]  La déléguée du ministre a noté l’historique détaillé du demandeur et a examiné si, dans le présent contexte, il serait approprié de procéder au réexamen. La déléguée du ministre a conclu que les trois certificats de naissance n’étaient pas de nouveaux éléments de preuve puisqu’ils avaient été examinés par l’agent et la déléguée du ministre pendant l’entrevue du 22 février 2012. Par conséquent, les intérêts de la justice n’avaient pas à faire l’objet d’un autre réexamen.

[57]  Il n’y a pas d’obligation générale d’accorder la demande de réexamen lorsque de [traduction] « nouveaux » éléments de preuve sont présentés. Il incombe au demandeur de démontrer que cela est justifié dans l’intérêt de la justice ou dans des circonstances exceptionnelles (Ghaddar, au paragraphe 19). La déléguée du ministre n’a pas commis d’erreur en n’analysant pas les trois certificats de naissance. L’examen de telle preuve aurait lieu à la deuxième étape – c.-à-d. au réexamen réel, si la déléguée du ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire de réexaminer.

[58]  La déléguée du ministre n’a pas conclu implicitement que les certificats de naissance n’étaient pas authentiques. Elle n’a tiré aucune conclusion concernant les certificats de naissance mis à part le fait qu’ils avaient déjà été examinés en 2012. Comme mentionné, la déléguée du ministre a conclu que le demandeur avait obtenu en 2012 le réexamen qu’il demande maintenant, étant donné que tous les documents qu’il tente de faire examiner l’ont déjà été.

[59]  Le rôle de la déléguée du ministre était d’évaluer les circonstances et de déterminer si le réexamen était justifié dans l’intérêt de la justice. La déléguée du ministre a raisonnablement conclu qu’il ne l’était pas, parce que le demandeur avait déjà obtenu un réexamen de fait le 22 février 2012, où tous les [traduction] « nouveaux » éléments de preuve disponibles avaient été examinés.

VIII.  La déléguée en application de l’article 44 a-t-elle restreint son pouvoir discrétionnaire en demandant une mesure de renvoi en septembre 2016?

A.  Les observations du demandeur

[60]  Le demandeur affirme que le superviseur de la déléguée en application de l’article 44 l’avait avisée de procéder à l’établissement du rapport en application du paragraphe 44(1) et de prendre une mesure de renvoi malgré sa demande voulant qu’elle tranche sa demande de réexamen de la décision d’irrecevabilité du 26 juillet 2010, ou qu’elle reporte sa décision jusqu’à ce que sa demande de réexamen (c.-à-d. mentionnée précédemment) ait été examinée (par le bureau de l’ASFC à Windsor).

[61]  Le demandeur affirme que la déléguée en application de l’article 44 a indûment restreint son pouvoir discrétionnaire en suivant les directives de son superviseur.

[62]  Le demandeur conteste l’argument du défendeur selon lequel sa demande de contrôle judiciaire est théorique. Il affirme que la mesure de renvoi empêcherait la détermination de son admissibilité à présenter une demande d’asile si un contrôle judiciaire est accueilli en ce qui concerne la décision de la déléguée du ministre de rejeter la demande de réexamen. Par conséquent, le caractère raisonnable de la décision de la déléguée en application de l’article 44 doit être déterminé.

B.  Les observations du défendeur

[63]  Le défendeur remarque que le demandeur a reconnu les faits qui ont constitué le fondement du rapport établi en application du paragraphe 44(1) et la mesure de renvoi subséquente.

[64]  Le défendeur soutient que la déléguée en application de l’article 44 possède un pouvoir discrétionnaire limité qui, en l’espèce, serait limité à décider si les faits sous-jacents concernant l’interdiction de territoire avaient été démontrés. Elle n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire en rejetant la demande du demandeur.

C.  La décision de prendre une mesure de renvoi est raisonnable; la déléguée en application de l’article 44 n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire

[65]  Le demandeur a présenté deux demandes de réexamen. La première demande de réexamen a été faite par lettre datée du 20 juillet 2016 à la déléguée du ministre, demandant que la décision de juillet 2010 prise à Windsor soit réexaminée par ce bureau. La deuxième demande a été faite en septembre 2016 – pendant que la première demande officielle était pendante – lorsque le demandeur faisait face à l’établissement d’un rapport au titre de l’article 44.

[66]  La portée du pouvoir discrétionnaire de la déléguée en application de l’article 44 dépend des circonstances, mais elle est habituellement considérée comme restreinte. La Cour a affirmé à plusieurs occasions que les délégués en application de l’article 44 « ne font que rechercher les faits », et que la « seule question » qu’ils doivent résoudre consiste à déterminer si une mesure de renvoi doit être prise (voir Pompey c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 862, aux paragraphes 40 à 42, et la jurisprudence qui y est citée).

[67]  De plus, l’allégation du demandeur – que la déléguée en application de l’article 44 l’a informé qu’on lui avait [traduction] « donné la directive » de ne pas examiner sa demande de réexamen – diffère des éléments de preuve de la déléguée en application de l’article 44. Les notes de la déléguée en application de l’article 44 suggèrent que, plutôt que d’avoir reçu la directive de son superviseur, elle a rendu une décision de nature discrétionnaire de ne pas faire droit à la demande. Ses notes étaient libellées ainsi :

[traduction]

J’ai informé [l’avocat du demandeur] que j’avais examiné l’ensemble des éléments de preuve au dossier, en plus d’avoir été informée par [son superviseur] que la demande de réexamen serait traitée par le bureau d’origine. J’ai fait savoir à [l’avocat du demandeur] qu’après un examen de tous les éléments de preuve, des observations écrites et de vive voix, j’ai décidé de procéder à l’examen de la déléguée du ministre.

[68]  Par conséquent, même si la déléguée en application de l’article 44 avait la compétence pour entendre la demande de réexamen du demandeur de la décision de juillet 2010, il n’y a aucune preuve qu’elle a restreint son pouvoir discrétionnaire. L’entrave a lieu lorsqu’un décideur « assujetti[t] à des restrictions » le pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par la loi de façon « obligatoire » (Thelwell c Canada (Procureur général), 2016 CF 1304, au paragraphe 14, 48 Imm LR (4th) 43, citant Stemjion Investments, au paragraphe 22).

[69]  Les notes révèlent que la déléguée en application de l’article 44 a été informée que le réexamen serait avantageusement instruit là où il a été signalé, il n’y aurait donc aucune raison pour elle d’outrepasser ou de modifier un processus en cours. La déléguée en application de l’article 44 a rempli son rôle en examinant le rapport que le demandeur avait accepté. Le demandeur a reconnu les faits qui justifiaient le renvoi et, dans ces circonstances, la déléguée du ministre disposait d’un pouvoir limité, à part le pouvoir de prendre la mesure de renvoi.

IX.  Conclusion

[70]  Le demandeur a utilisé plusieurs demandes dans le but de revenir en arrière et d’avoir une deuxième possibilité d’établir une relation avec un [traduction] « membre de la famille prêt à aider » qu’il n’était pas en mesure d’établir en 2010 parce qu’il n’avait pas produit les documents et qu’il n’avait pas établi de relation dans son témoignage. La déléguée du ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de rejeter le réexamen de la décision de 2010. Aucune erreur n’a été démontrée dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire. La décision est raisonnable.

[71]  La décision de la déléguée en application de l’article 44 de prendre une mesure de renvoi est également raisonnable. Le demandeur a reconnu les faits qui appuient la délivrance de l’ordonnance et la déléguée en application de l’article 44 n’a pas restreint son pouvoir discrétionnaire.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier IMM-2352-17 est rejetée.

  2. La demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier IMM-3966-16 est rejetée.

  3. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et l’affaire n’en soulève aucune.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM-2352-17 ET IMM-3966-16

 

INTITULÉ :

OMAR HUSSEIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 décembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 janvier 2018

 

COMPARUTIONS :

Max Berger

 

Pour le demandeur

 

Kareena R. Wilding

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MAX BERGER PROFESSIONAL LAW CORPORATION

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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