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Date : 20171220


Dossier : IMM-1870-17

Référence : 2017 CF 1157

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

JAMIE CARRASCO VARELA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire visant à annuler la décision qui rejetait la demande pour motifs d’ordre humanitaire (CH) présentée par le demandeur en application du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). La décision visée par le contrôle judiciaire a été rendue par une décideuse principale (agente) le 15 mars 2017 (décision). Il était nécessaire pour le demandeur, Jaime Carrasco Varela (M. Carrasco), de demander une dispense pour motifs d’ordre humanitaire parce qu’il a été déclaré interdit de territoire au Canada par la Section de l’immigration (Commission) pour crimes contre l’humanité, au sens du paragraphe 6(3) de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, LC 2000, c 24. Cette décision a été plus tard confirmée par le juge Sean Harrington dans Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 436, [2008] ACF no 568.

[2]  Au centre de cette affaire réside une histoire personnelle troublante, notamment des conclusions défavorables contre M. Carrasco pour cas de conduite inhumaine. En dépit de cette histoire et du fait que M. Carrasco n’a jamais été tenu responsable de ses actes, il a demandé une dispense pour motifs d’ordre humanitaire en raison de son établissement au Canada et des avantages de maintenir l’unité de sa famille.

[3]  Il est essentiel, dès le départ, de comprendre que la présente demande concerne le caractère raisonnable de la décision CH. La demande n’est décidément pas liée aux résultats d’une instance antérieure et, surtout, il ne s’agit pas d’une occasion de contester le bien-fondé de la conclusion d’interdiction de territoire à l’encontre de M. Carrasco. À l’étape de l’enquête sur l’interdiction de territoire, il a été déterminé qu’il avait participé au traitement inhumain de prisonniers politiques sous sa surveillance. Son excuse selon laquelle les ordres émanaient d’un supérieur a été rejetée pour le motif qu’il savait que les ordres qu’il a suivis étaient manifestement contraires à la loi; pourtant, il n’a pas quitté le service militaire. Son excuse quant à la contrainte a aussi été rejetée parce que les conséquences de quitter le service militaire étaient mineures comparativement aux sévices infligés aux détenus.

[4]  En fin de compte, la majeure partie du témoignage disculpatoire de M. Carrasco a été rejetée. Par exemple, son affirmation selon laquelle il ne savait pas que les détenus qui disparaissaient étaient assassinés a été rejetée. Son témoignage selon lequel il avait joué un rôle essentiellement passif pendant son service militaire et qu’il a souvent confronté ses supérieurs au sujet de leurs tactiques a également été rejeté, principalement en raison du fait que, longtemps après le début de son mandat, il a été choisi pour participer à un peloton d’exécution qui a assassiné quatre détenus, dont un mineur. Même après cet acte odieux, la Commission a observé que M. Carrasco avait mis une autre année avant de quitter le Nicaragua. Les conclusions de la Commission sur cette histoire se reflètent dans le passage suivant :

[traduction]

En dernière analyse, j’estime qu’il n’est pas possible, selon la prépondérance des probabilités, d’accorder une quelconque force probante à la plus grande partie du témoignage que Jaime Carrasco Varela a livré à l’audience sur l’interdiction de territoire. Je ne suis pas convaincu qu’il ait réellement connu des problèmes de discipline lorsqu’il travaillait pour l’armée nicaraguayenne ou comme membre du Front sandiniste de libération nationale (FSLN). J’estime qu’il existe des motifs raisonnables de penser qu’il était un participant actif et conscient dans la lutte contre les contras au Nicaragua, activité qui comprenait la perpétration d’atrocités contre les personnes dont il avait la garde, l’assassinat de paysans dans les montagnes et l’exécution des quatre prisonniers responsables d’avoir enlevé un attaché soviétique. J’estime que cette exécution constitue un autre exemple d’attaque systématique et répandue contre une population civile, plus précisément contre quatre personnes qui avaient commis des actes contraires aux règles imposées par le FSLN.

Aux termes de la demande CH de M. Carrasco, l’agente a estimé à juste titre que les conclusions ci-dessus étaient immuables : voir Sabadao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 815, au paragraphe 22, 462 FTR 121, et les motifs de l’agente au dossier certifié du tribunal, volume 1, pages 7 et 8, lignes 93 à 99.

[5]  Me Crane soulève plusieurs questions à l’appui de la demande de réparation de M. Carrasco. Ces questions sont les suivantes :

  1. L’agente a-t-elle commis une erreur en appliquant seulement un code d’identification à la décision faisant l’objet du contrôle?

  2. L’agente a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a examiné l’intérêt supérieur des enfants de M. Carrasco?

  3. L’agente a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve pertinents sous la forme des conditions actuelles d’emprisonnement au Nicaragua?

  4. L’agente a-t-elle commis une erreur dans l’appréciation des moyens de défense fondés sur la contrainte, les ordres des supérieurs et la complicité?

  5. L’agente a-t-elle commis une erreur en examinant la question d’une amnistie au Nicaragua?

[6]  J’appliquerai la norme de la décision correcte à la première question et la norme de la décision raisonnable aux autres questions.

L’agente a-t-elle commis une erreur en appliquant seulement un code d’identification à la décision faisant l’objet du contrôle?

[7]  Il s’agit d’un argument dénué de fondement. Une forte présomption de régularité s’applique aux décisions de ce genre : voir Canada c Weimer, (1998) 228 [NR] 341, aux paragraphes 12 et 13, [1999] [WDFL] 60. La présomption peut être réfutée à l’aide d’éléments de preuve convaincants selon lesquels le décideur n’avait pas le pouvoir de décider, mais aucun élément de preuve n’a été déposé en l’espèce. Concrètement, cette situation n’est pas différente de celle dans laquelle la signature du décideur est illisible. Si l’identité du décideur est en quelque sorte une question importante lors d’un contrôle judiciaire, la partie intéressée a l’obligation de la demander. Garder le silence et se plaindre par la suite n’est pas une option offerte.

L’agente a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle a examiné l’intérêt supérieur des enfants de M. Carrasco?

[8]  M. Carrasco fait valoir que l’agente a commis une erreur au moment d’examiner l’intérêt supérieur de ses cinq enfants. Plus précisément, il indique que l’agente a omis de rendre une décision quant à savoir s’il pouvait mieux assurer l’intérêt supérieur des enfants en restant au Canada ou, inversement, si son renvoi nuirait à l’intérêt de ses enfants. Cet argument est étayé, selon lui, par les références de l’agente concernant le fait que l’intérêt supérieur des enfants sera assuré dans l’une ou l’autre des éventualités.

[9]  Je rejette cet argument parce qu’il est fondé sur l’isolement de la langue du contexte périphérique. L’agente a manifestement compris que, si M. Carrasco était renvoyé et que ses enfants adultes demeuraient au Canada ou qu’ils retournaient au Nicaragua, ils seraient confrontés à des « difficultés affectives et logistiques ».

[10]  La décision, prise dans son ensemble, reconnaît qu’il serait bénéfique, en fin de compte, que l’unité familiale demeure intacte au Canada. Cette décision est exposée dans le résumé des facteurs de l’agente qui sont favorables à la dispense :

[traduction]

J’ai soupesé les antécédents connus de M. Carrasco au Nicaragua et sa participation dans des crimes contre l’humanité lorsqu’il était gardien à la prison El Chipote à Managua, et les facteurs favorables en l’espèce : sa résidence prolongée au Canada, la présence de ses enfants au Canada, qui sont tous désormais des citoyens canadiens, la séparation éventuelle d’avec sa conjointe, sa bonne conduite citoyenne et des éléments de preuve de son établissement démontrés par sa participation au sein de sa collectivité locale et les lettres d’appui présentées en son nom. Je suis d’avis que la gravité des circonstances entourant son interdiction de territoire l’emporte sur les facteurs favorables à l’exemption, y compris la prise en compte de l’intérêt supérieur des enfants directement touchés par la présente décision.

[11]  Dans l’ensemble, l’agente a traité cette question de manière approfondie et réfléchie et elle n’a fait preuve d’aucune erreur susceptible de révision.

[12]  L’insinuation selon laquelle l’agente a commis une erreur en omettant d’aborder les souhaits des enfants est également dénuée de fondement. L’agente a manifestement compris où se situent leurs intérêts perçus et elle reconnaît que ces intérêts étaient favorables à l’unité familiale au Canada. Cependant, à la fin, elle a raisonnablement conclu que les difficultés causées à la famille étaient dérisoires comparativement au préjudice que M. Carrasco a fait subir à ses nombreuses victimes. Il s’agissait d’une conclusion raisonnable dans le dossier de la preuve. En effet, une autre conclusion tendrait à choquer la conscience de gens raisonnables d’une société civilisée. Des personnes comme M. Carrasco qui commettent ce genre d’atrocités devraient rarement s’attendre à trouver refuge au Canada, compte tenu du genre de préoccupations de nature humanitaire qu’il a soulevées.

L’agente a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d’éléments de preuve pertinents sous la forme des conditions actuelles d’emprisonnement au Nicaragua?

[13]  Bien que j’accepte le point soulevé par l’avocat de M. Carrasco selon lequel la discussion de l’agente sur les conditions d’emprisonnement actuelles au Nicaragua n’était pas pertinente d’après son évaluation, il n’y a aucun fondement non plus à conclure que cet élément de preuve avait une incidence importante sur l’issue. Replacée dans son contexte, il ne s’agit ni plus ni moins d’une observation superflue et sans importance, selon laquelle peu de choses avaient changé dans l’intervalle.

L’agente a-t-elle commis une erreur dans l’appréciation des moyens de défense fondés sur la contrainte, les ordres des supérieurs et la complicité?

[14]  Les préoccupations de M. Carrasco concernant le traitement par l’agente des questions relatives à la contrainte, aux ordres des supérieurs et à la complicité ne sont pas tout à fait claires. Ces points ont été complètement examinés par l’agente, mais, en s’appuyant sur les points de vue du juge Harrington, chacun d’entre eux a été rejeté. M. Carrasco ne pouvait pas invoquer le moyen de défense fondé sur l’obéissance aux ordres d’un supérieur parce que ces ordres étaient manifestement contraires à la loi. Il ne pouvait pas tirer profit du moyen de défense de la contrainte parce qu’il ne l’a pas subie, étant donné qu’il n’a jamais été exposé à un péril corporel imminent. Bien que les points de vue du juge Harrington puissent avoir été une remarque incidente, ils représentent néanmoins une vision correcte de la loi à l’égard de ces questions. L’agente n’a pas commis une erreur lorsqu’elle a adopté l’analyse du juge Harrington comme étant sa propre analyse. De plus, dans le contexte d’une appréciation des motifs d’ordre humanitaire, il n’était pas loisible à M. Carrasco de contester le rejet de ces moyens de défense déposés à l’étape de l’enquête sur l’interdiction de territoire.

[15]  M. Carrasco s’est plaint du fait que l’agente a tenu compte de la décision dans l’arrêt Ezokola c Canada, 2013 SCC 40, [2013] 2 RCS 678, concernant la question de la complicité, uniquement pour en rejeter la pertinence (voir le paragraphe 87 du mémoire du demandeur). Voici ce que l’agente a réellement dit :

[TRADUCTION]

Je reconnais que la nouvelle jurisprudence dans l’affaire Ezokola offre une orientation sur l’évaluation de la complicité en ce qui concerne des atteintes aux droits de la personne dans le cas de personnes qui sont inadmissibles à la protection des réfugiés ou qui sont déclarées interdites de territoire, comme c’est le cas pour M. Carrasco. Toutefois, l’interdiction de territoire de M. Carrasco ne vise pas la complicité avec le régime sandiniste, mais bien ses activités à titre de gardien de prison à El Chipote où, en fournissant une aide aux agresseurs, il a contribué de façon non négligeable à commettre des crimes qu’il a décrits en détail et qui ont eu lieu dans cette prison lorsqu’il y travaillait.

[16]  Il s’agit non seulement d’une interprétation raisonnable de l’arrêt Ezokola, précité, mais il s’agit aussi de la bonne interprétation. M. Carrasco n’était pas un observateur passif des actes criminels graves qui ont eu lieu pendant plusieurs années à la prison El Chipote; il était un participant actif et conscient des mauvais traitements infligés. Comme l’agente l’a observé, M. Carrasco a été un persécuteur à part entière, et l’arrêt Ezokola, précité, ne s’appliquait pas dans son cas.

L’agente a-t-elle commis une erreur en examinant la question d’une amnistie au Nicaragua?

[17]  L’agente a traité une question d’amnistie en adoptant les points de vue du juge Harrington dans le cadre du contrôle judiciaire antérieur quant à la conclusion de la Commission au sujet de l’interdiction de territoire. Voici la décision du juge Harrington sur ce point :

[36]  La Commission a relevé l’argument de M. Carrasco lié au fait que l’Accord de Managua avait conduit à une amnistie générale visant tout autant les Sandinistes que les Contras. Cette amnistie entraînerait un dégagement total de responsabilité, et constituerait un moyen de défense à opposer à toute allégation d’interdiction de territoire. La Commission a manifestement estimé ces prétentions sans fondement, sans jamais les analyser toutefois. Plus la question en jeu est d’importance, plus importante est la nécessité d’énoncer des motifs. Si l’on stigmatise un individu en le qualifiant d’auteur d’un crime contre l’humanité, puis qu’il soumet un moyen de défense, on doit alors prendre en compte ce moyen et énoncer des motifs si on le rejette.

[...]

[39]  La question juridique qui se pose est de savoir si M. Carrasco aurait pu tirer avantage de l’existence d’une amnistie à l’enquête. Le ministre soutient à cet égard que le dossier fournit trop peu de détails sur la question de l’amnistie. Que cela soit exact ou non, toutefois, la Commission n’a pas rendu de décision sur ce point.

[40]  On m’a cité deux articles intéressants sur le sujet : Rikhof, Joseph « The Treatment of the Exclusion Clauses in Canadian Refugee Law » (1994), 24 Imm. L.R. (2d) 31 et Naqvi « Amnesty for War Crime: Defining the Limits of International Recognition », [2003] 85 I.R.R.C. 583. Les auteurs de ces articles soutiennent que les amnisties n’ont actuellement pas de portée internationale. Ils se penchent toutefois sur la question de savoir si, en contexte canadien, on peut et on doit inculper une personne de crime contre l’humanité même si une grâce ou une amnistie générale a été accordée. Tout particulièrement pertinents en l’espèce sont les Principes directeurs sur la protection internationale : Application des clauses d’exclusion : article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Le paragraphe 23 en prévoit ce qui suit :

Lorsque l’on considère que le crime a été expié, l’application des clauses d’exclusion ne semble plus être justifiée. Cela peut être le cas lorsque la personne a purgé une peine pour le crime en question ou éventuellement lorsqu’une période importante de temps s’est écoulée depuis que l’infraction a été commise. Les facteurs pertinents à prendre en compte sont la gravité de l’infraction, la période de temps écoulée et toute manifestation de regret exprimée par la personne concernée. En examinant l’effet d’une grâce ou d’une amnistie, il faut prendre en considération la question de savoir si cela reflète ou non la volonté démocratique du pays concerné et si la personne a été tenue pour responsable par d’autres moyens. Certains crimes sont cependant tellement graves et odieux que l’application de l’article 1F reste justifiée même en cas de grâce ou d’amnistie.

[41]  L’article 36 de la LIPR prévoit expressément qu’une déclaration de culpabilité pour grande criminalité n’emporte pas interdiction de territoire en cas de réhabilitation, ou encore de verdict d’acquittement rendu en dernier ressort. En outre, la réadaptation de l’intéressé doit être prise en compte. Bien que l’article 35 traitant des crimes de guerre ainsi que des crimes contre l’humanité soit muet sur ces questions, on ne peut faire tout simplement abstraction des Principes directeurs des Nations Unies étant donné le contexte international de la présente affaire.

[42]  L’article 12 de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre prévoit – en contexte pénal plutôt que d’immigration et de statut des réfugiés, dois-je à nouveau souligner – que, lorsqu’une personne a subi un procès et a été traitée à l’étranger à l’égard d’une infraction de manière que, si elle avait subi son procès ou avait été traitée au Canada, elle pourrait invoquer les moyens de défense d’autrefois acquit, autrefois convict ou de pardon, elle est réputée avoir subi son procès et avoir été traitée au Canada.

[43]  Le cas de M. Carrasco n’a pas été traité au pénal, que ce soit au Nicaragua, au Canada ou ailleurs.

[44]  Je conclus en tout état de cause, en tenant compte des Principes directeurs du HCNUR, que l’engagement de M. Carrasco au sein d’un escadron de la mort et sa participation aux traitements infligés à des prisonniers comme il est décrit ci-dessus avaient un caractère si grave et si odieux que, du point de vue du droit, il n’y a pas lieu d’atténuer le plein effet de l’article 35 de la LIPR.

[45]  Il s’ensuit, en conformité avec l’arrêt Sivakumar, précité, qu’il n’est pas nécessaire de renvoyer la présente affaire pour que soit rendue une nouvelle décision, car une seule conclusion s’offrait en droit à la Commission.

[18]  Me Crane présente un argument semblable à celui rejeté par le juge Harrington. Il soutient que l’agente a commis une erreur en omettant de traiter un nouvel argument qui n’avait pas été soulevé à l’audience sur l’interdiction de territoire, à savoir que le paragraphe 5 de l’article 6 du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève devait être pris en compte.

[19]  Bien qu’il soit vrai que l’agente n’a pas examiné cette question, il n’était pas nécessaire de le faire. Ni l’article susmentionné ni l’amnistie au Nicaragua ne s’appliquent aux genres de crimes dont M. Carrasco a été trouvé responsable.

[20]  Il ne fait aucun doute que l’existence d’une amnistie applicable ou d’un pardon serait pertinente dans un contrôle pour motifs d’ordre humanitaire. Cependant, que le pays d’origine ait choisi ou non, pour des besoins internes, de ne pas tenir pour responsables les persécuteurs ou qu’il ait, autrement, fermé les yeux sur leurs crimes, le Canada a quand même le droit de refuser une dispense pour motifs d’ordre humanitaire à des personnes comme M. Carrasco. Si, comme le juge Harrington l’a observé ci-dessus, une amnistie ne permettait pas de protéger M. Carrasco d’une conclusion défavorable à l’interdiction de territoire, elle ne pourrait absolument pas l’absoudre de ses crimes dans le contexte d’une demande au Canada de dispense pour motifs d’ordre humanitaire. Il n’y avait aucune erreur dans la façon dont l’agente a traité cette question.

[21]  Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée.

[22]  Me Crane a proposé la question à certifier suivante :

La décideuse principale doit-elle examiner l’argument lié à l’application du paragraphe 5 de l’article 6 du Protocole additionnel II aux Conventions de Genève concernant les « moyens de défense » relatifs aux crimes contre l’humanité?

[23]  Pour les motifs invoqués par l’avocat du ministre dans la correspondance du 7 décembre 2017, je refuse de certifier cette question. Il est établi en droit qu’une amnistie applicable dans le pays d’origine d’une personne est pertinente concernant l’interdiction de territoire. Il s’ensuit que la question serait pertinente et qu’elle doit être prise en compte dans l’appréciation des motifs d’ordre humanitaire. En l’espèce, cette appréciation a été examinée et rejetée en raison de la gravité des crimes de M. Carrasco. En conséquence, la question ci-dessus ne permettrait pas de trancher l’affaire et ne soulève aucune question pouvant s’appliquer à des faits autres que ceux de l’espèce.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1870-17

LA COUR rejette la présente demande.

 « R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1870-17

 

INTITULÉ :

JAIME CARRASCO VARELA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 décembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :

Le 20 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Micheal Crane

 

Pour le demandeur

 

Ada Mok

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Micheal Crane

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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