Dossier : T-891-16
T-1197-16
Référence : 2018 CF 52
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2018
En présence de monsieur le juge Mosley
ENTRE :
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MARCO CALANDRINI
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demandeur
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et
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LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
I.
Introduction
[1]
Le demandeur, Marco Calandrini, est un membre civil (de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Dans les présentes demandes, conformément aux articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, (LRC (1985), c F-7), il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision visant à convoquer une audience devant le comité de déontologie contre lui, et d’une décision de proroger le délai prescrit pour la prise de cette décision.
[2]
Les responsabilités liées à la promotion et au maintien d’une bonne conduite au sein de la GRC figurent dans le Code de déontologie de la GRC (Code de déontologie) : Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), (DORS/2014-28), Annexe (Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada). Il revient aux [traduction] « autorités disciplinaires »
de prendre une décision à l’égard de toute allégation de contravention au Code de déontologie, conformément aux Consignes du commissaire (déontologie), (DORS/2014-291) (CC – déontologie). Il existe trois niveaux d’autorités disciplinaires dont les responsabilités varient en fonction de la gravité des mesures disciplinaires qu’elles peuvent imposer contre un membre visé : CC – déontologie, aux paragraphes 2 à 5.
[3]
Les décisions prises par une autorité disciplinaire peuvent être assujetties à un examen par une « autorité de révision »
: CC – déontologie, à l’article 9. Si une autorité de révision détermine que les mesures disciplinaires imposées par une autorité disciplinaire sont manifestement déraisonnables ou disproportionnées et s’il est dans l’intérêt public de le faire, l’autorité de révision peut annuler les mesures prises : CC – déontologie, au paragraphe 9(3). L’autorité de révision peut substituer d’autres mesures disciplinaires s’il le juge nécessaire ou convoquer une audience devant le comité de déontologie portant sur le manquement allégué au Code de déontologie. Le comité de déontologie peut imposer des mesures disciplinaires, voire le congédiement ou l’ordre de démissionner : Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10) (la Loi sur la GRC ou la Loi), au paragraphe 45(4).
[4]
Le paragraphe 41(2) de la Loi impose une prescription d’une année au cours de laquelle la décision de convoquer une audience devant le comité de déontologie peut être prise. Aux termes du paragraphe 47.4(1) de la Loi, le commissaire de la GRC (le commissaire) peut proroger ce délai lorsque cela est justifié. Le pouvoir décisionnel peut être délégué par le commissaire à un membre, conformément au paragraphe 5(2) de la Loi.
[5]
En l’espèce, une enquête a été entreprise concernant trois contraventions alléguées au Code de déontologie par le demandeur et des mesures disciplinaires ont été imposées par une autorité disciplinaire. Par la suite, une autorité de révision a déterminé que les mesures disciplinaires étaient disproportionnées par rapport à la nature et aux circonstances de la contravention et qu’une audience devant le comité de déontologie était nécessaire.
[6]
Dans le dossier de la Cour T-891-16, le demandeur conteste la décision du commissaire désigné datée du 12 mai 2016 d’accorder une prorogation aux termes du paragraphe 47.4(1) de la Loi. Dans le dossier T-1197-16, le demandeur conteste la décision de l’autorité de révision datée du 30 mai 2016 de convoquer une audience devant le comité de déontologie. Puisque les deux demandes ont trait aux décisions prises dans le cadre d’une série continue d’événements, elles ont été entendues l’une après l’autre et un seul jugement – et ses motifs – sera émis et versé dans chaque dossier.
II.
Résumé des faits
[7]
Le demandeur a été embauché en tant que membre civil au sein de la Section de la formation en techniques d’explosifs (SFTE) qui fait partie de l’École des sciences policières (ESP) du Collège canadien de police (CCP) à Ottawa, en Ontario.
[8]
M. Calandrini était l’une des personnes qui ont fait l’objet d’une enquête visant des plaintes d’inconduite à l’ESP en ce qui concerne des actes de nudité en milieu de travail, laquelle enquête avait été entreprise en avril 2014. Au cours de l’enquête, il a été suspendu avec solde jusqu’au 17 décembre 2014. L’enquête s’est soldée par une audience devant le comité d’arbitrage le 11 décembre 2014 et par l’imposition d’une confiscation de la solde pour cinq jours de travail en raison d’une conduite scandaleuse le 16 janvier 2015. Les motifs écrits de cette décision ont été émis le 13 avril 2015.
[9]
Le 25 novembre 2014, des allégations d’agression sexuelle et de harcèlement ont été formulées contre M. Calandrini par un collègue. Selon les allégations, M. Calandrini avait, à trois reprises entre le 31 août 2012 et le 29 octobre 2013, touché les fesses, l’intérieur de la cuisse et le torse de l’autre employé en faisant des remarques suggestives de nature sexuelle. Le collègue s’est opposé aux contacts physiques lorsqu’ils ont eu lieu. Il n’a pas signalé les incidents jusqu’à ce qu’on lui annonce que M. Calandrini allait revenir au travail. À ce moment, le plaignant s’est adressé au Programme d’aide de la GRC et à son syndicat et a présenté un rapport à l’officier responsable intérimaire de l’ESP.
[10]
Le 2 décembre 2014, après avoir été informé des nouvelles allégations, l’officier responsable intérimaire a ordonné qu’une nouvelle enquête relative au Code de déontologie soit lancée par le Groupe de la responsabilité professionnelle (GRP) de la GRC, conformément au paragraphe 40(1) de la Loi. Le demandeur a été réaffecté temporairement à un autre groupe en attendant l’issue de l’enquête le 24 décembre 2014.
[11]
En plus de l’enquête interne, la GRC a informé le Service de police d’Ottawa (SPO). Le SPO a mené une enquête, mais en février 2015, il a conclu qu’il ne déposerait pas d’accusations criminelles. L’enquête de la GRC a repris et des déclarations de témoins ont été obtenues. Le ou vers le 10 avril 2015, l’enquête de la GRC était terminée et le rapport du GRP a été remis à l’officier responsable intérimaire. Par la suite, il a été déterminé que le rapport devait être pris en considération par le commandant divisionnaire de la Direction générale, le surintendant principal Marty Chesser, puisque les manquements allégués nécessitaient la participation d’une autorité disciplinaire de niveau supérieur. En tant que commandant divisionnaire de la Direction générale, le surintendant principal Chesser pouvait imposer un éventail élargi de mesures réparatrices, correctives ou sévères en vertu du Code de déontologie.
[12]
À ce moment, la GRC mettait en œuvre de nouvelles procédures pour la gestion des enquêtes disciplinaires. Aux termes des anciennes procédures, les manquements au Code de déontologie étaient renvoyés aux comités d’arbitrage. Cela avait entraîné un arriéré substantiel, puisque les comités traitaient l’ensemble des manquements, graves et moins graves. À la suite des changements mis en œuvre en 2014, les manquements au code qui auraient pu être traités au niveau du groupe, du secteur ou de la direction générale étaient renvoyés au commandant divisionnaire de chaque niveau pour la tenue de rencontres disciplinaires avec le membre visé. La gravité des mesures disciplinaires qui pourraient être imposées, si la violation était établie, dépendait du niveau hiérarchique du commandant divisionnaire.
[13]
Le surintendant principal Chesser a informé M. Calandrini dans une note en juin 2015 qu’il avait été désigné par le commissaire pour agir à titre d’autorité disciplinaire en ce qui concerne les allégations. Le surintendant principal Chesser a précisé dans la même note qu’il estimait que, si les allégations étaient établies, une pénalité financière de l’ordre de 25 à 30 jours de paye serait prise en considération.
[14]
Le surintendant principal Chesser a examiné les rapports d’enquête et rencontré le demandeur le 10 septembre 2015 afin de lui fournir l’occasion de répondre aux allégations. En date du 5 octobre 2015, l’enquête était terminée. Dans son rapport de décision, le surintendant principal Chesser a déterminé que les trois allégations contre M. Calandrini étaient fondées. Il a imposé une réduction de la solde pour cinq jours de travail pour chaque violation, pour une solde totale de 15 jours à titre de mesure disciplinaire prise aux termes du paragraphe 42(1) de la Loi sur la GRC. M. Calandrini n’a pas interjeté appel des conclusions ou de l’imposition des mesures disciplinaires. Il semble, conformément au dossier, qu’il n’a pas contesté les fondements factuels des allégations lorsqu’il a été interrogé par le SPO et le GRP.
[15]
Dans le rapport de décision, le surintendant principal Chesser a affirmé qu’il avait pris ce qui suit en considération en vue de déterminer les mesures disciplinaires appropriées :
le fait que M. Calandrini a accepté la responsabilité et coopéré avec le Service de police d’Ottawa;
le dossier professionnel (supérieur à la moyenne, éthique du travail);
la volonté de régler l’affaire rapidement, le plus tôt possible.
[16]
Le demandeur a respecté les mesures disciplinaires en renonçant à la solde d’un total de 15 jours de travail durant trois périodes de paye consécutives en décembre 2015 et en janvier 2016. Il n’est pas clairement précisé dans le dossier si les cinq jours imposés par le comité d’arbitrage le 11 décembre 2014 pour l’autre inconduite ont également été déduits à ce moment. Le 18 février 2016, M. Calandrini a été suspendu de nouveau lorsque des plaintes formulées par des membres au sujet du traitement par la GRC de l’enquête initiale ont été portées à l’attention du commissaire et du sous-commissaire Peter Henschel, l’agent supérieur responsable pour le CCP. Depuis la date de l’audience concernant les présentes demandes, il est demeuré suspendu avec solde. Le commissaire avait été informé de l’affaire en février 2016 dans un courriel reçu d’un membre de la GRC. De plus, un journaliste de la CBC souhaitait consulter une décision, probablement les motifs écrits du comité d’arbitrage émis le 13 avril 2015.
[17]
À ce moment-là, le commissaire adjoint Craig MacMillan était officier du Secteur de la responsabilité professionnelle (SRP). À ce titre, il était responsable de trois secteurs de la GRC qui traitaient des questions liées à la déontologie, aux griefs, aux exigences en matière d’emploi et aux plaintes du public.
[18]
Le 7 janvier 2016, le commissaire adjoint MacMillan s’est réuni avec le surintendant principal Chesser et la surintendante Joanne Robineau, agente des Relations employeur-employés pour la Direction générale de la GRC. Le but des réunions était d’obtenir de la rétroaction sur les nouveaux processus de gestion des cas de déontologie environ un an après leur entrée en vigueur le 28 novembre 2014. Cela suivait l’adoption du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, 41e législature, 1re session, 2013, (sanctionnée le 19 juin 2013) LC 2013, c 18. À cette fin, le commissaire adjoint MacMillan rencontrait tous les commandants divisionnaires au pays. L’objet de ces rencontres était de recueillir des renseignements en vue d’une présentation d’un bilan d’un an sur les nouvelles procédures, prévue pour une réunion de la haute direction de la GRC à la fin de février.
[19]
En vue de la rencontre du 7 janvier 2016, le commissaire adjoint MacMillan avait reçu un classeur contenant un bref résumé du dossier de M. Calandrini, ainsi que de 15 à 20 autres dossiers qui traitaient de questions de déontologie et de harcèlement à la Direction générale de la GRC. Le classeur avait été préparé par la Direction des relations en milieu de travail (DRMT). Conformément à ce qui figure dans son affidavit et à ce qui a été abordé au cours du contre-interrogatoire, le commissaire adjoint MacMillan n’a eu qu’une brève occasion de mener un examen superficiel du classeur avant sa rencontre avec le surintendant principal Chesser. Il ne se souvient que d’une discussion générale avec le surintendant principal Chesser au sujet du contenu du classeur et sur la façon dont les processus avaient fonctionné au cours de la dernière année.
[20]
La surintendante Robineau affirme dans son affidavit qu’elle se souvient que le surintendant principal Chesser a discuté de l’éventail de peines pouvant être imposées à un membre civil au CCP et de ce qu’il croyait être approprié. Elle se rappelle que le commissaire adjoint MacMillan a mentionné que les décisions en matière de déontologie prises par le surintendant principal Chesser étaient judicieuses, y compris en ce qui concerne la présente affaire au CCP. Le commissaire adjoint MacMillan n’est pas d’accord avec cette déclaration et soutient qu’en fonction de son examen des résumés, il avait des préoccupations en ce qui a trait à trois cas.
[21]
Au cours du contre-interrogatoire, le commissaire adjoint MacMillan a reconnu qu’il avait formulé certains commentaires au surintendant principal Chesser au sujet du processus utilisé pour tenir les audiences et mentionne que tout commentaire lié à des décisions précises en matière de déontologie, le cas échéant, aurait été de nature préliminaire seulement et aurait fait l’objet d’un examen approfondi.
[22]
Le commissaire adjoint MacMillan a été nommé à titre d’autorité de révision par le commissaire en ce qui concerne les mesures disciplinaires imposées dans le cadre du nouveau régime conformément à l’article 9 des CC – déontologie. À ce titre, il assumait aussi le rôle d’autorité disciplinaire en ce qui concerne le membre visé pour toute décision qu’il décidait d’examiner. En tant qu’autorité de révision et de son propre chef, il pouvait examiner la décision d’une autorité disciplinaire pour déterminer si une conclusion était manifestement déraisonnable ou si une mesure disciplinaire ayant été imposée était vraisemblablement disproportionnée par rapport à la nature et aux circonstances du manquement.
[23]
Si l’autorité de révision détermine qu’une conclusion de l’autorité disciplinaire est manifestement déraisonnable ou qu’une mesure disciplinaire est vraisemblablement disproportionnée, et s’il est dans l’intérêt public de le faire, elle peut annuler, modifier ou renforcer toute mesure disciplinaire imposée par l’autorité disciplinaire et convoquer une audience en conformité avec le paragraphe 41(1) de la Loi : CC – déontologie, paragraphe 9(3).
[24]
Le 8 janvier 2016, le jour suivant la réunion avec le surintendant principal Chesser et la surintendante Robineau, le commissaire adjoint MacMillan a demandé un examen des mesures imposées dans trois cas, y compris celui du demandeur, par un conseiller en déontologie afin de déterminer toute préoccupation. Dans son courriel, il précisait que [traduction] « rien ne presse »
. Au cours du contre-interrogatoire, il a mentionné que c’est parce qu’il était conscient du lourd fardeau pour le personnel de la DRMT en raison des changements apportés récemment. Du 18 janvier au 17 février 2016, le commissaire adjoint MacMillan était en congé de deuil. Pendant son congé, il est demeuré en contact avec son bureau.
[25]
Le 10 février 2016, le commissaire adjoint MacMillan a été mis au courant du fait que le commissaire avait demandé une rencontre avec une personne du SRP au sujet d’un dossier de déontologie pour un membre civil au CCP. Il semble que cette demande a été formulée après la réception par le commissaire d’un courriel d’un employé du Collège. Le commissaire adjoint MacMillan a été informé que le commissaire avait obtenu les renseignements demandés d’un collègue. Le même jour, le commissaire adjoint MacMillan a envoyé un courriel de suivi à la DRMT au sujet de sa demande datée du 8 janvier 2016 pour demander que la réponse lui soit fournie rapidement en vue de son retour au bureau la semaine suivante.
[26]
Le 17 février 2016, le commissaire adjoint MacMillan a assisté à une brève réunion avec le commissaire et plusieurs autres, y compris le surintendant principal Chesser et le sous-commissaire Henshel. Le commissaire adjoint MacMillan mentionne qu’au tout début de la réunion, il a informé le commissaire qu’il avait demandé un examen initial du dossier du demandeur et que, par la suite, il allait déterminer si un examen était justifié. Le commissaire adjoint MacMillan précise qu’il a expliqué qu’étant donné la nature de son rôle d’autorité de révision dans le processus d’examen, il devrait s’abstenir de discuter des détails du dossier du demandeur. Selon le commissaire adjoint MacMillan, la réunion n’a pas duré plus de cinq minutes. Son souvenir de cette réunion a été soutenu par les notes manuscrites prises le même jour.
[27]
Dans son affidavit, le commissaire adjoint MacMillan soutient qu’il n’a demandé aucun commentaire au commissaire sur le caractère approprié de la tenue d’un examen aux termes de l’article 9 des CC – déontologie du comportement du demandeur et que le commissaire ne lui a formulé ni orientation ni directive en ce qui concerne sa décision quant à savoir si un examen était justifié. Au cours du contre-interrogatoire, il a reconnu que le commissaire [traduction] « avait une opinion »
sur l’affaire Calandrini.
[28]
Entre le 18 et le 26 février 2016, CBC News a publié une série de rapports liés à des actes répréhensibles au CCP et le demandeur était l’un des contrevenants. Les articles contenaient des citations attribuées au ministre de la Sécurité publique, au commissaire et au sous-commissaire qui exprimaient des préoccupations au sujet de la situation.
[29]
Le 19 février 2016, le commissaire adjoint MacMillan a obtenu un rapport rédigé par le sgt David Falls du Système national de gestion de conduite (SNGC) et une note du surintendant principal Mike O’Rielly de la DRMT au sujet du dossier du demandeur en matière de déontologie. Dans son rapport, le sgt Falls a cerné des écarts entre l’éventail de mesures disciplinaires prévues dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC en ce qui concerne des allégations de harcèlement sexuel, et les mesures disciplinaires imposées au demandeur. Il a signalé qu’en l’absence de facteurs atténuants importants dans les faits de l’affaire, le harcèlement sexuel persistant justifierait des mesures qui font partie des pénalités pour facteurs aggravants, allant d’une confiscation de la solde pour 20 jours de travail au congédiement. Selon le sgt Falls, le rapport de décision n’a décelé aucun facteur justifiant l’imposition de mesures disciplinaires atténuées.
[30]
En transmettant le rapport au commissaire adjoint MacMillan, le surintendant principal O’Rielly a souligné que la question de l’intérêt public était un facteur important et qu’il n’avait pas été abordé en détail dans la décision liée aux mesures disciplinaires. À son avis, en l’absence d’une justification adéquate pour l’imposition de mesures disciplinaires atténuées, elles pourraient être considérées comme étant vraisemblablement disproportionnées.
[31]
Aucun délai prescrit n’est prévu dans la Loi sur la GRC pour l’examen d’une décision d’une autorité disciplinaire ou des mesures disciplinaires qu’elle impose. Cependant, le paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC prévoit qu’une audience devant le comité de déontologie ne doit pas être convoquée contre un membre de la GRC pour un manquement allégué au code de déontologie après qu’une année s’est écoulée depuis le manquement allégué et la divulgation de l’identité du membre visé à l’autorité disciplinaire.
[32]
Les mesures qui peuvent être imposées lorsqu’une autorité de révision détermine que la conclusion d’une autorité disciplinaire est manifestement déraisonnable ou qu’une mesure disciplinaire est vraisemblablement disproportionnée, sans la convocation d’une audience, se limitent aux mesures qui figurent au paragraphe 5(1) des CC – déontologie, conformément aux alinéas 9(3)a) et b) des CC – déontologie. Ces mesures comprennent la rétrogradation, le transfert, la suspension sans solde, la confiscation du congé annuel et des pénalités financières, mais pas le congédiement. Pour qu’une autorité de révision demande un congédiement, l’affaire doit être renvoyée devant un comité de déontologie : Loi sur la GRC, paragraphe 45(4).
[33]
Les parties conviennent que la date à laquelle les manquements allégués et l’identité du demandeur ont été divulgués à l’autorité disciplinaire était le 25 novembre 2014, soit la date à laquelle l’officier responsable intérimaire au CCP a été mis au courant des plaintes, plutôt que la date à laquelle elles ont été portées à l’attention du surintendant principal Chesser. Ainsi, le délai prescrit prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC a expiré le 25 novembre 2015. Conformément à ce qui figure ci-dessus, le paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC prévoit que, si le commissaire convient que les circonstances justifient une prorogation, le commissaire peut, au moyen d’une requête ou d’une demande par le commissaire et avec un préavis en bonne et due forme à tout membre touché par la prorogation, proroger le délai limité prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC.
[34]
Le 1er mars 2016, le demandeur a reçu un avis de demande du commissaire adjoint MacMillan en vue d’une prorogation du délai pour convoquer une audience devant le comité de déontologie. À ce moment, le surintendant principal Raj Gill était désigné comme le décideur délégué pour le commissaire pour les demandes de prorogation en application du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC.
[35]
Au cours des deux mois qui ont suivi, le commissaire adjoint MacMillan et le demandeur, avec l’aide d’un représentant des relations fonctionnelles (RRF), ont fourni des présentations écrites détaillées au surintendant principal Gill au sujet du bien-fondé de la demande de prorogation. Le commissaire adjoint MacMillan a énuméré quatorze facteurs qui, selon lui, justifiaient la prorogation. Selon lui, il était clairement dans l’intérêt public de veiller à ce que la GRC traite de façon adéquate des plaintes de harcèlement en général et de harcèlement sexuel en particulier; les manquements représentaient une inconduite et du harcèlement graves; une prorogation était requise afin de préserver la confiance du public; la décision de présenter une demande n’était pas influencée par des articles dans les médias ou des préjugés; le délai n’était ni important ni long et n’allait pas causer un dommage grave à la capacité du membre visé de répondre; le paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC ne prévoit aucune limite expresse empêchant la prorogation du délai après la fin du délai de prescription.
[36]
Le demandeur, par l’entreprise du RRF, a répondu en formulant les arguments selon lesquels la demande était frappée de prescription; elle était motivée par l’attention négative des médias au sujet des allégations d’inconduite au CCP; une prorogation causerait un grave préjudice à sa capacité de répondre aux allégations; aucune explication raisonnable n’a été fournie en ce qui concerne le retard; l’examen constituait un abus de procédure et était écarté par préclusion fondée sur une question déjà tranchée. Il a soutenu que le retard était entièrement attribuable aux lacunes administratives et au manque de diligence de l’autorité de révision.
[37]
En guise de réponse, le commissaire adjoint MacMillan a souligné qu’il y avait environ 741 cas de déontologie au cours de la période du 28 novembre 2014 au 31 décembre 2015, dont environ 685 ont été traités dans le cadre d’une rencontre disciplinaire. Cela représentait une augmentation importante de la moyenne annuelle de 287 cas sur une période de neuf ans pour les cas de discipline prévus par l’ancien processus. Il a soutenu que ces chiffres ont été utiles pour comprendre le contexte dans lequel le processus d’examen fonctionne et la raison pour laquelle la Loi sur la GRC prévoyait une prorogation.
[38]
Dans une lettre de décision de six pages émise le 12 mai 2016, le surintendant principal Gill souligne que les observations traitaient de certaines questions liées au bien-fondé du processus d’examen et que sa décision porterait uniquement sur la question de savoir si les circonstances justifiaient une prorogation de la période établie. Il a ensuite souligné l’historique de la procédure, la législation applicable, le dossier documentaire, les observations reçues et son mandat en tant que décideur délégué.
[39]
Le surintendant principal Gill a invoqué l’arrêt Grewal c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 CF 263, [1985] ACF no 144 (CAF) [Grewal] pour la proposition selon laquelle l’autorité d’accorder une prorogation [traduction] « ne doit pas être exercée arbitrairement ou capricieusement et le délai prescrit ne devrait être prorogé que lorsqu’il existe des motifs valables de le faire »
.
[40]
Dans son analyse, le surintendant principal Gill a conclu que le paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC faisait clairement état de l’intention du législateur que le commissaire soit autorisé à accorder une prorogation du délai aux termes du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC lorsque le commissaire est convaincu que les circonstances justifient une telle prorogation. À cet égard, au paragraphe 22, il a précisé ceci :
[traduction]
[...] Bien que le législateur ait établi des délais de prescription en ce qui concerne la capacité d’une autorité disciplinaire d’imposer une mesure disciplinaire ou de convoquer une audience devant le comité de déontologie dans le but de veiller à ce que le processus de déontologie se déroule rapidement, aux termes du paragraphe 47.4(1), il a également reconnu que dans certains cas, la période d’un an ne pouvait être respectée et pour assurer la viabilité du processus de déontologie, il a attribué au commissaire l’autorité d’accorder une prorogation.
[41]
Le surintendant principal Gill a conclu que la prorogation avait été demandée en respectant les principes d’équité procédurale et qu’il ne constatait aucune crainte de partialité. Les deux parties ont été entendues, ont obtenu l’ensemble des documents et ont eu suffisamment de temps pour répondre. Les arguments formulés par le commissaire adjoint MacMillan l’ont convaincu et il a résumé ses conclusions dans les deux derniers paragraphes :
[traduction]
25. Je conclus que le retard dans la procédure qui a donné lieu à la demande de prorogation n’est ni oppressant ni excessif, que le fait d’accorder la prorogation n’entraînera aucun préjudice grave pour le défendeur, et que le retard n’a pas suffisamment empêché le défendeur d’avoir accès à la justice naturelle et n’a pas nui à sa capacité de recevoir un traitement juste.
CONCLUSION :
26. Il revient au demandeur de prouver que, dans les circonstances, une prorogation du délai de prescription en ce qui concerne les allégations est justifiée. Compte tenu de l’ensemble des circonstances et pour les motifs qui figurent ci-dessus, je conclus qu’une prorogation est justifiée. Par conséquent, comme je l’ai précisé précédemment, j’accorde la prorogation du 25 novembre 2015 au 2 juin 2016, soit une période de vingt-et-un (21) jours à partir de la date de la présente décision.
[42]
Le 30 mai 2016, le commissaire adjoint MacMillan a annulé les mesures disciplinaires antérieures qui avaient été imposées le 5 octobre 2015 et a ordonné qu’une audience devant le comité de déontologie soit convoquée contre le demandeur. L’avis de décision a informé le demandeur que les mesures disciplinaires antérieures visant une confiscation de la solde pour 15 jours de travail étaient vraisemblablement disproportionnées par rapport à la nature et aux circonstances de la contravention et qu’il est dans l’intérêt public d’annuler les mesures et de convoquer une audience devant le comité de déontologie, conformément au paragraphe 41(1) de la Loi sur la GRC. Un avis d’audience devant le comité de déontologie émis le 23 juin 2016 présentait en détail les contraventions, nommait le comité de déontologie et établissait un calendrier de procédures à suivre.
III.
Question préliminaire
[43]
Le 1er décembre 2016, la Cour a accordé une requête en partie, aux termes de l’article 317 et de l’article 318 des Règles des Cours fédérales (DORS/98-106), pour la production de documents supplémentaires contenus dans le dossier certifié du tribunal (DCT) qui avait été retenu par le défendeur.
[45]
Dans mes motifs de décision concernant la requête, j’ai exprimé un doute sur la pertinence du courriel et conclu que la question du secret professionnel serait mieux débattue dans le cadre d’une audience sur la demande de contrôle judiciaire : Calandrini c Canada (Procureur général), 2016 CF 1331, 274 ACWS (3d) 867. En conséquence, j’ai ordonné qu’une copie non caviardée et non modifiée du courriel soit déposée sous scellé aux fins d’examen par la Cour avant l’audience. Cela a été effectué et la question est abordée ci-dessous.
IV.
Dispositions législatives applicables
[46]
Les parties suivantes de la Loi sur la GRC sont pertinentes :
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Les parties suivantes des CC – déontologie sont pertinentes :
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[48]
Les parties suivantes des Règles des Cours fédérales sont pertinentes :
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V.
Questions dans la demande T-891-16
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Ayant pris en compte les présentations des parties, les questions que la Cour doit prendre en considération quant à la présente demande sont les suivantes :
Quelle est la norme de contrôle applicable?
S’agit-il d’une demande prématurée?
La décision d’accorder la prorogation était-elle frappée de prescription?
Dans le cas contraire, la décision était-elle raisonnable?
VI.
Discussion
A.
Quelle est la norme de contrôle applicable?
[50]
La question de savoir si une prorogation du délai pouvait être accordée après l’expiration du délai de prescription est une question de droit qui doit être débattue par les principes juridiques applicables. Il n’y a aucun différend entre les parties quant au fait que lorsqu’un tribunal interprète sa propre loi, la norme est présumée être celle de la décision raisonnable : Smith c Alliance Pipeline Ltd, 2011 CSC 7, au paragraphe 26, [2011] 1 RCS 160; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 34, [2011] 3 RCS 654 [ATA]. Dans de tels cas, la norme de la décision correcte doit être appliquée dans certaines circonstances seulement : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 60, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]; par exemple, lorsqu’une question constitutionnelle ou une question de droit général de la plus haute importance pour le système juridique dans son ensemble est en jeu et que le sujet va au-delà du domaine d’expertise de l’arbitre. Ces circonstances ne s’appliquent pas dans ce cas-ci et rien ne justifie de s’écarter de la norme de la décision raisonnable.
[51]
La Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont reconnu que les arbitres de la GRC ont une expertise en matière de maintien de l’intégrité et du professionnalisme de la GRC : Schamborzki c Canada (Procureur général), 2015 CF 1262, au paragraphe 30, [2015] ACF no 1323 [Schamborzki]; Smith c Canada (Procureur général), 2009 CF 162, aux paragraphes 13 et 14, [2009] ACF no 205 [décision Smith]; Canada (Procureur général) c Boogaard, 2015 CAF 150, aux paragraphes 32 à 53, 474 NR 121 [Boogaard]. Leurs décisions dans de tels cas commandent une retenue importante : Elhatton c Canada (Procureur général), 2013 CF 71, aux paragraphes 29 et 30, [2013] ACF no 58 [Elhatton]; Canada (Procureur général) c Gill, 2007 CAF 305, au paragraphe 14, [2007] ACF no 1241 [Gill].
[52]
Alors que l’équité nécessite que les motifs d’une décision soient fournis, l’absence totale de motifs peut constituer une violation de la justice naturelle : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 22, [2011] 3 RCS 708 [Nfld Nurses]. Dans de telles circonstances, il n’y a rien à examiner. Cependant, en présence de motifs, comme dans ce cas-ci, une telle violation n’existe pas. Le raisonnement qui sous‑tend la décision ne peut donc être remis en question que dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de celle‑ci. La Cour peut compléter les motifs en faisant référence au dossier et il faut faire preuve de retenue lorsque le tribunal examine la question visée et prend une décision qui fait partie des issues possibles acceptables : arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 48; Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47, aux paragraphes 36 à 38 [Edmonton], [2016] 2 RCS 293; voir aussi Canada (Transports) c Syndicat canadien de la fonction publique, 2017 CAF 164, au paragraphe 32, 282 ACWS (3d) 455 [Syndicat canadien]; 2251723 Ontario c Rogers Media, 2017 CAF 186, au paragraphe 26, 414 DLR (4th) 750 [Rogers Media].
B.
S’agit-il d’une demande prématurée?
[53]
Aux termes de la Loi sur la GRC, le commissaire est responsable d’enquêter si la conduite d’un membre équivaut à une contravention possible au Code de déontologie. Si une contravention est établie, le commissaire peut imposer des mesures disciplinaires proportionnées par rapport à la nature et aux circonstances de la contravention. La Loi, le Règlement et le Code de déontologie prévoient un processus interne qui décrit la façon de déterminer les contraventions et d’imposer des mesures disciplinaires. Le but principal de ce processus administratif interne est d’entretenir la confiance des Canadiens à l’égard de la GRC : Thériault c Canada (GRC), 2006 CAF 61, au paragraphe 22, [2006] 4 RCF 69 [Thériault].
[54]
Étant donné l’absence de circonstances exceptionnelles, la règle générale qui traite du contrôle judiciaire d’une décision administrative est que les parties ne peuvent pas poursuivre devant les tribunaux jusqu’à ce que le processus interne soit achevé. Les personnes qui ne sont pas satisfaites d’une décision prise dans le cadre du processus administratif doivent se prévaloir de tous les recours offerts dans ce processus. Ce n’est qu’une fois le processus achevé ou lorsqu’aucun recours n’est offert qu’elles peuvent s’adresser à la cour.
[55]
Ce principe de non-ingérence des tribunaux dans les procédures administratives qui sont en cours a été endossé par la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel fédérale : Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle-Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, aux paragraphes 35 à 38 et 51, [2012] 1 RCS 364; Canada (Agence des services frontaliers) c CB Powell Limited, 2010 CAF 61, aux paragraphes 30 à 33, [2011] 2 RCF 332 [Powell]; voir aussi Coldwater Indian Band c Canada (Affaires indiennes et Développement du Nord), 2014 CAF 277, [2014] ACF no 1223.
[56]
Le principe de non-ingérence des tribunaux s’applique également lorsqu’un demandeur conteste la compétence d’un tribunal : Aéroport international Du Grand Moncton c AFPC, 2008 CAF 68, au paragraphe 2, [2008] ACF no 312. En l’espèce, la contestation du demandeur traite de la compétence de l’autorité de révision pour nommer un comité de déontologie.
[57]
Le défendeur soutient que la demande est prématurée, car le processus administratif interne n’a pas été épuisé et le comité de déontologie peut déterminer si la prorogation aurait dû être accordée, si la décision de l’autorité de révision était raisonnable et, si tel est le cas, si des mesures disciplinaires plus sévères sont justifiées. Si le demandeur n’obtient pas gain de cause, il peut interjeter appel de la décision du comité de déontologie aux termes du paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la GRC et des Consignes du commissaire (griefs et appels), (DORS/2014-289). Le défendeur soutient que le contrôle judiciaire n’est approprié qu’après l’achèvement du processus administratif interne.
[58]
Le demandeur affirme que la décision de proroger le délai de prescription était définitive et contraignante, sauf en ce qui concerne le contrôle judiciaire sollicité conformément à la Loi sur les Cours fédérales. Aucun processus administratif n’était en cours lorsque la décision sur la prorogation a été prise, puisque le délai était expiré et, ainsi, tous les recours internes avaient été épuisés. De plus, la décision a été prise par le délégué du commissaire et tout appel de la décision du comité de déontologie serait présenté au commissaire qui avait déterminé, par l’intermédiaire de son délégué, qu’une prorogation était justifiée. Un appel de la décision de proroger le délai, s’il était confirmé par le comité de déontologie, n’aurait aucune signification dans ces circonstances. Par conséquent, le demandeur affirme qu’il n’a accès à aucun autre recours que le contrôle judiciaire.
[59]
Comme je l’expliquerai ci-dessous, je suis convaincu que la demande de prorogation n’était pas prescrite. Je suis donc d’accord avec le défendeur pour dire que la décision de proroger le délai était une décision interlocutoire dans le cadre du processus disciplinaire de la GRC. Comme il était toujours possible que le commissaire adjoint MacMillan demande une prorogation pour convoquer une audience après la fin de la période prescrite, il y avait un processus administratif en cours qui n’aurait pas été épuisé jusqu’à ce que chaque étape dont pouvaient se prévaloir les parties soit achevée.
[60]
Le délai imputable à la vérification ne constitue pas une circonstance exceptionnelle qui justifierait que la Cour s’ingère dans le processus administratif du ministre : arrêt Powell, précité, au paragraphe 33. Le demandeur aura tout de même droit au contrôle judiciaire afin de contester les résultats à la fin du processus.
[61]
Il est trop tôt pour prédire la décision finale du comité de déontologie en ce qui concerne la procédure qui a été suivie ou le bien-fondé des contraventions alléguées, ou celle du commissaire dans le cadre de l’appel. Il faut laisser le processus disciplinaire suivre son cours. La décision d’accorder une prorogation ne lie pas les décisions à venir prises par le commissaire. Il est utile de souligner que le commissaire qui examinerait la possibilité d’un appel ne serait pas le même qui était en poste lorsque ces décisions ont été prises. Le comité de déontologie peut formuler des conclusions favorables au demandeur et ces conclusions peuvent être confirmées par le commissaire. Si le résultat donne gain de cause au demandeur, celui-ci n’aurait nullement besoin de s’adresser à la Cour pour demander réparation.
C.
La décision d’accorder la prorogation était-elle frappée de prescription?
[62]
Comme il a été souligné, ma conclusion que le processus administratif n’avait pas été achevé repose grandement sur la question de savoir si la prorogation du délai aux termes du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC était frappée de prescription. Le paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC ne fait aucune allusion au fait qu’une prorogation puisse être accordée après le délai prescrit. L’ambiguïté qui en résulte n’a pas encore été abordée par les tribunaux. Aucune des parties n’a été en mesure de me fournir toute autorité ayant directement trait à la question et n’a suggéré que cela serait le premier cas pour interpréter l’article. Par la suite, on m’a indiqué que l’article a été pris en considération par la juge Mactavish dans Sauvé c Canada (Procureur général), 2017 CF 453, aux paragraphes 38 à 54, 281 ACWS (3d) 646 [Sauvé].
[63]
Dans la décision Sauvé, le demandeur a attendu quatre ans pour demander une prorogation de la période pour interjeter appel du résultat d’une procédure disciplinaire contre lui. Il a été déterminé que la décision de refuser une prorogation était raisonnable. Bien que l’on fasse référence à l’affirmation du demandeur selon laquelle la procédure disciplinaire avait expiré, cet argument n’avait pas été formulé par le demandeur lorsqu’il a demandé une prorogation. Ainsi, la juge Mactavish n’a pas cru bon d’aborder cette question.
[64]
Certaines lois fédérales, comme le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, prévoient expressément que des prorogations peuvent être accordées « avant ou après »
l’expiration de la période prescrite. D’autres instruments législatifs précisent qu’une demande doit être déposée « avant »
l’expiration (Règles sur les brevets, (DORS/96-423), article 26) ou ne font aucune allusion au moment auquel une prorogation peut être accordée (Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public, (LC 2009, c 2) article 26). Un autre modèle figure dans la Loi sur les marques de commerce, (LRC (1985), c T-13), au paragraphe 47(2), et nécessite que certaines conditions soient respectées si la demande de prorogation est déposée après l’expiration du délai.
[65]
La position du demandeur, formulée vigoureusement, est qu’un libellé exprès est nécessaire pour que le paragraphe 47.4(1) de la Loi soit appliqué après l’expiration ou « rétroactivement »
. Il soutient que le paragraphe ne devrait pas être interprété de façon à ce qu’il nuise à son droit à la protection contre le risque de congédiement, s’appuyant sur la décision Dorel Industries Inc c Canada (Agence des services frontaliers), 2014 CF 175, aux paragraphes 25 à 27, 237 ACWS (3d) 939 et Gustavson Drilling (1964) Ltd c Ministre du Revenu national, [1977] 1 RCS 271, à la page 282, 66 DLR (3d) 449. Le commissaire n’avait pas le pouvoir d’autoriser une prorogation du délai prescrit après qu’une année se fut écoulée à partir de la date à laquelle les événements ont été divulgués à l’autorité disciplinaire et le membre identifié. Le demandeur soutient qu’après que cette année se fut écoulée, il a obtenu le droit acquis selon lequel il ne serait pas assujetti à d’autres mesures disciplinaires sous la forme d’une audience devant le comité de déontologie qui pouvait, éventuellement, mener à son congédiement. Un examen de sa conduite pouvait tout de même être mené, mais seules les peines faisant partie d’un éventail limité ne comprenant pas le congédiement pouvaient être imposées.
[66]
Selon le défendeur, une interprétation du paragraphe 47.4(1) permettant une prorogation après l’expiration de la période d’un an est une interprétation raisonnable de la Loi en tenant compte du pouvoir discrétionnaire du commissaire. Il n’existe aucune « rétroactivité »
dans l’interprétation du décideur et aucun libellé supplémentaire n’est requis, puisqu’une prorogation après l’expiration a été prise en considération par le législateur au moment de l’adoption de la Loi sur la GRC. Il y aurait rétroactivité si une nouvelle loi établissait une nouvelle forme d’inconduite et l’État tentait d’appliquer cette loi aux actions qui s’étaient déroulées entièrement dans le passé : Canada (Procureur général) c Almalki, 2016 CAF 195, aux paragraphes 34 à 36, 402 DLR (4th) 352. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. L’expiration du délai prescrit d’un an prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC n’accorde aucun droit acquis, car le paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC prévoit précisément une prorogation.
[67]
Citant R c Irving (K.C.) Ltd., [1976] 2 RCS 366, aux pages 368 et 371, 65 DLR (3d) 564, le défendeur affirme que les délais de prescription peuvent être prorogés lorsque la demande est faite après la fin de la période prescrite. Il n’est pas nécessaire que la législation contienne des termes exprès. Le défendeur s’appuie également sur l’arrêt ATA, précité, aux paragraphes 65 et 66, alors que la Cour suprême du Canada a conclu qu’il existait un fondement raisonnable à la prorogation de 90 jours du délai de prescription après l’expiration de ce délai :
[65] Selon l’ATA, la règle d’interprétation législative expressio unius est exclusio alterius mène à la conclusion que la prorogation doit intervenir avant l’expiration des 90 jours, car lorsque le législateur veut permettre la prorogation avant ou après l’expiration d’un délai, il le dit clairement. En effet, avant son abrogation, le par. 54(5) de la PIPA disposait qu’une cour de justice [TRADUCTION] « qui le juge indiqué peut, sur demande présentée avant ou après l’expiration du délai prévu au paragraphe (3) [c.-à-d. 45 jours], proroger ce délai ». Il faudrait donc nécessairement conclure de l’absence de ces mots au par. 50(5) de la PIPA que le législateur n’a pas voulu que le commissaire puisse proroger le délai imparti pour mener à terme l’enquête [TRADUCTION] « avant ou après » l’expiration des 90 jours prévus (mémoire, par. 76).
[66] Bien que le raisonnement se tienne, il est loin d’être concluant. Comme le souligne le juge Berger, de nombreuses dispositions albertaines ne permettent expressément la prorogation d’un délai qu’avant son expiration (par. 57, citant les lois suivantes : Credit Union Act, R.S.A. 2000, ch. C‑32, art. 13; Expropriation Act, R.S.A. 2000, ch. E‑13, art. 23; Garage Keepers’ Lien Act, R.S.A. 2000, ch. G‑2, par. 6(3); Insurance Act, R.S.A. 2000, ch. I‑3, art. 796; Land Titles Act, R.S.A. 2000, ch. L‑4, art. 140; Legal Profession Act, R.S.A. 2000, ch. L‑8, par. 80(3); et Loan and Trust Corporations Act, R.S.A. 2000, ch. L‑20, art. 257). Je conviens avec le juge Berger que [TRADUCTION] « lorsque [...] le texte de loi ne précise pas la période pendant laquelle un délai peut être prorogé, nulle présomption ne veut que la prorogation doive intervenir avant l’expiration du délai » (par. 58). Je ne puis donc conclure que l’interprétation de la déléguée est déraisonnable au regard de la maxime expressio unius.
[Non souligné dans l’original.]
[68]
Après avoir examiné la question attentivement, je conclus que le délai de prescription aux termes du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC peut être prorogé par le commissaire conformément au paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC après l’expiration de l’année prescrite.
[69]
Dans l’arrêt Thériault, précité, la Cour d’appel fédérale a traité de l’interprétation d’un délai prescrit dans une autre disposition de la Loi sur la GRC telle qu’elle était rédigée à cette époque. La question portait sur le moment auquel le délai de prescription avait commencé. Aucune disposition ne prévoyait une prorogation. Le paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC, tel qu’il est maintenant rédigé, n’était pas applicable. La Cour a entrepris son analyse, au paragraphe 22, en soulignant qu’il n’était pas inhabituel que les infractions en matière de déontologie soient exemptées des délais de prescription dans les instances disciplinaires afin de protéger le public, de favoriser la confiance du public à l’égard des organismes professionnels et d’assurer la discipline et l’intégrité. Lorsqu’un délai est prescrit, la Cour a souligné qu’au paragraphe 23, le but est d’assurer l’équité et de permettre aux contrevenants de mettre de l’avant une défense pleine et entière. Cependant, cela peut également les désavantager si aucune prorogation ne leur est accordée. C’est pour cette raison que le commissaire a obtenu le pouvoir de proroger le délai, comme le révèle l’historique de la loi.
[70]
L’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur sont les principes directeurs d’interprétation législative : R c Morgentaler, [1993] 3 RCS 463, 107 DLR (4th) 537 [arrêt Morgentaler]; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd, Re, [1998] 1 RCS 27, 154 DLR (4th) 193. Le texte législatif doit tenir compte du but de l’esprit : X (Re), 2016 CF 1105, au paragraphe 118, 282 ACWS (3d) 876; Schmidt c Canada (Procureur général), 2016 CF 269, aux paragraphes 269, 282, 284, [2016] 3 ACF 227. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale récemment dans l’arrêt Canada c Callidus Capital Corporation, 2017 CAF 162, au paragraphe 14, 281 ACWS (3d) 209, [traduction] « [...] l’intention du législateur est que cela soit recueilli dans le texte, lu dans son contexte et à la lumière de son objectif »
: voir aussi Hypothèques Trustco Canada c Canada, 2005 CSC 54, au paragraphe 10, [2005] 2 RCS 601.
[71]
L’ancienne règle d’exclusion au sujet de la preuve d’historique de la loi a été assouplie il y a longtemps : arrêt Morgentaler, précité. Une telle preuve peut être utile pour déterminer la raison pour laquelle des modifications ont été apportées à une loi, mais la Cour doit tenir compte de son utilisation limitée : voir AYSA Amateur Youth Soccer Assn c Canada (Agence du revenu), 2007 CSC 42, au paragraphe 12, [2007] 3 RCS 217, citant R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes (4e éd. 2002), à la page 489 (Il est certain qu’aucun de ceux qui prennent part au processus législatif ne peut prétendre s’exprimer au nom de l’ensemble de l’assemblée législative).
[72]
La Cour d’appel fédérale s’est appuyée sur les modifications entre les différentes lectures d’un projet de loi, les notes du hansard et les débats parlementaires pour l’aider à déterminer l’intention législative : voir Canada (MCI) c Young (Litigation guardian of), 2016 CAF 183, aux paragraphes 10 et 11, 398 DLR (4th) 709; Alexander College Corp c R, 2016 CAF 269, aux paragraphes 40 et 41, 410 DLR (4th) 299. Elle a procédé avec beaucoup de prudence et a soutenu que dans certains cas, il est nécessaire de faire abstraction des documents lorsque le texte est clair et sans ambiguïté : Friends of the Canadian Wheat Board c Canada (Procureur général), 2012 CAF 183, au paragraphe 51, 352 DLR (4th) 163; Conacher c Canada (Premier ministre), 2010 CAF 131, au paragraphe 8, [2011] 4 RCF 22.
[73]
Dans cette optique de prudence, il est utile de consulter l’historique législatif du paragraphe 47.4(1). Lorsque le processus interne d’audience disciplinaire de la GRC a été examiné par le Parlement au milieu des années 1980, au départ, le projet de loi C-65, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, 33e législature, 1re session, 1985, c 18 (première lecture le 27 juin 1985) contenait une disposition expresse selon laquelle une prorogation du délai ne pouvait pas être accordée après l’expiration du délai de prescription pour dix dispositions précises de la Loi qui portaient sur des mesures disciplinaires et de griefs :
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[74]
La restriction dans le paragraphe 47.4(2) proposé a été retirée à l’étape du comité législatif de la Chambre des communes. Comme il a été discuté dans « Procès-verbaux et témoignages du Comité législatif sur le projet de loi C-65 »
(fascicule no 11, 10 décembre 1985), à la page 11 : 148-149, cette mesure a été prise pour attribuer au commissaire le pouvoir discrétionnaire d’accorder des prorogations une fois le délai de prescription expiré. Il semble que la restriction initiale a été insérée dans le projet de loi pour éviter que les membres de la GRC demandent des prorogations longtemps après l’expiration du délai de prescription, comme dans la décision Sauvé. La restriction a été retirée principalement dans leur intérêt. Voir par exemple la discussion dans le document « Procès-verbaux et témoignages du Comité législatif sur le projet de loi C-65 »
(fascicule no 7, 27 novembre 1985), à la page 7 : 75-77.
[75]
Le paragraphe 41(2) ne faisait pas partie de la liste des dix dispositions précisées au paragraphe 47.4(1) du projet de loi C-65 au moment de la première lecture en 1985 ou dans la loi adoptée au moment de la sanction royale. L’article 41 de la Loi sur la GRC, tel qu’il se lisait alors, ne traitait que des mesures disciplinaires simples qui pouvaient entraîner l’imposition de peines mineures uniquement, de la consultation à la confiscation de la solde d’un jour de travail seulement ou d’une réprimande. Les mesures disciplinaires graves, y compris les audiences devant un comité d’arbitrage qui pouvaient entraîner un congédiement et les dispositions connexes concernant les appels et les examens par une commission de licenciement et de rétrogradation, ont été abordées dans le cadre d’un schéma complexe aux termes des articles 43 à 45.28 de la Loi, tel qu’il se lisait alors.
[76]
L’intention du législateur, en 1985, était de permettre d’accorder des prorogations de délai dans le cas d’une procédure disciplinaire grave en vertu du Code de déontologie, et non dans le cadre d’une procédure informelle. Depuis, selon l’interprétation du commissaire, l’article 47.4 permet d’accorder des prorogations rétroactives du délai dans les cas graves. Voir par exemple les résumés des cas émis par le Comité externe d’examen de la GRC au commissaire de la GRC : Sommaire des dossiers de griefs G-404 et Sommaire des dossiers de griefs G-419.
[77]
Le 20 juin 2012, le projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, 41e législature, 1re session, 2013, (première lecture 20 juin 2012), LC 2013, c 18, a été présenté. Comme l’a souligné le ministre de la Sécurité publique de l’époque, le projet de loi C-42 avait pour but, entre autres, de « modernis[er] l’application des mesures disciplinaires, le traitement des griefs et la gestion des ressources humaines pour les membres de la GRC dans le but de prévenir, de régler et de corriger les problèmes de rendement de manière rapide et équitable »
: Chambre des communes, 41e législature, 1re session, no 146, (17 septembre 2012) à 1200 (honorable Vic Toews), LC 2013, c 18.
[78]
Cette législation qui a reçu la sanction royale le 19 juin 2013 n’a pas modifié de façon substantielle l’article 47.4, mais elle a modifié l’article pour tenir compte d’autres changements importants apportés dans le régime disciplinaire en vertu de la Loi. Le plus important en ce qui concerne la présente question est que la formulation qui avait été proposée dans le projet de loi C-65, ci-dessus, pour éviter que des prorogations soient accordées après l’expiration du délai de prescription, n’a pas été restaurée.
[79]
Dans sa version révisée la plus récente, l’article 47.4 fait maintenant allusion à seulement quatre dispositions de la Loi, y compris le nouveau paragraphe 41(2) qui est en jeu dans la présente instance :
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[80]
L’article 41 de la Loi sur la GRC actuelle constitue l’autorité pour entreprendre une audience en vue de traiter des allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC lorsque l’autorité disciplinaire estime que les mesures prévues par les règles sont insuffisantes en ce qui concerne la gravité de la contravention et l’ensemble des circonstances. La nouvelle procédure du comité de déontologie peut entraîner l’imposition de peines pouvant aller jusqu’au congédiement, comme dans le cas de mesures graves devant les comités d’arbitrage conformément à la loi de 1985. Le délai de prescription d’un an est maintenu conformément au paragraphe 41(2) de la Loi, mais aucune restriction expresse n’est incluse à l’article 47.4 de la Loi en ce qui concerne des prorogations frappées de prescription après l’expiration du délai.
[81]
Cela m’amène à conclure que le législateur n’avait pas l’intention de modifier le statu quo en ce qui a trait aux prorogations du délai lorsqu’il a adopté le nouveau paragraphe 41(2) et inclut une référence à ce paragraphe dans l’article 47.4 légèrement révisé. Je suis persuadé que cette interprétation est conforme aux objectifs et à l’esprit de la loi, particulièrement au chapitre de la norme de déontologie élevée que doivent respecter les membres de la GRC et de leurs responsabilités, établis aux articles 36.2 et 37. Bien que l’équité à l’égard du membre visé soit requise, cela ne signifie pas que les procédures disciplinaires envisagées par la loi et le règlement devraient être contrecarrés par des retards occasionnés par le processus d’enquête et d’examen. Il est possible de s’acquitter du devoir d’équité procédurale en veillant à ce que le membre visé ait l’entière possibilité d’être entendu en ce qui concerne la question de savoir si une prorogation devrait être accordée, comme en l’espèce.
[82]
Je suis également persuadé que le demandeur n’a obtenu aucun droit acquis en raison de l’expiration du délai prescrit, puisque l’autorité disciplinaire avait toujours la possibilité de demander une prorogation et le commissaire ou la personne désignée par le commissaire pouvait l’accorder si les circonstances le justifiaient. De plus, la doctrine de préclusion fondée sur une question déjà tranchée n’est pas soulevée dans les circonstances de l’espèce, étant donné l’absence des trois conditions préalables nécessaires pour déclencher son application : Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., 2001 CSC 44.
[83]
En conséquence, j’estime que l’expiration du délai de prescription n’empêchait pas le délégué du commissaire de décider d’accorder la prorogation.
D.
La décision d’accorder une prorogation du délai était-elle raisonnable?
[84]
Mes conclusions selon lesquelles la présente demande de contrôle judiciaire est prématurée et que la Loi sur la GRC accorde une prorogation après l’expiration du délai prescrit sont suffisantes pour disposer de la première demande. Cependant, si on estime que j’ai commis une erreur en ce qui concerne la première question, j’exposerai les motifs pour lesquels j’ai conclu que la décision était raisonnable.
[85]
Le demandeur affirme que le décideur n’a pas précisé ou formulé de circonstances justifiant une prorogation du délai prescrit. Par conséquent, il soutient que les motifs sont insuffisants pour permettre à l’instance décisionnelle de comprendre la raison pour laquelle le décideur a pris cette décision et pour permettre à la Cour de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables. Selon le demandeur, les motifs présentés ne comportent aucun ordre d’idées qui pourrait raisonnablement amener le tribunal, compte tenu de la preuve dont il est saisi, à formuler une telle conclusion : Barreau du Nouveau-Brunswick c Ryan, 2003 CSC 20, au paragraphe 55, [2003] 1 RCS 247; arrêt Nfld Nurses, précité, aux paragraphes 16, 19 et 22.
[86]
Le défendeur affirme que les motifs étaient adéquats, puisqu’ils sont fondés sur une multitude de documents qui ont été présentés au décideur et qui fournissent une justification claire et intelligible de la décision : arrêt Nfld Nurses, précité, au paragraphe 16. Il n’est pas nécessaire que les motifs soient parfaits ou exhaustifs et ils doivent être examinés dans le contexte de la preuve, des présentations des parties et de la procédure : arrêt Nfld Nurses, précité, au paragraphe 18.
[87]
Je suis d’accord avec le défendeur qui affirme que le décideur a bien pris en considération le dossier volumineux dont il a été saisi, y compris les documents qui font état des événements et de l’historique de la procédure. Il a pu examiner les présentations écrites exhaustives du commissaire adjoint MacMillan et du demandeur. Il était convaincu que les circonstances justifiaient la prorogation. La Cour doit faire preuve d’une retenue considérable à l’égard de cette décision et prêter une attention respectueuse aux motifs formulés ou qui pourraient être formulés à l’appui de la décision : arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 47 et 48. La Cour doit d’abord tenter de compléter la décision, au besoin, avant de tenter de la contourner : arrêt Nfld Nurses, précité, au paragraphe 12.
[88]
Lorsqu’il s’agit d’appliquer la norme de la décision raisonnable, le rôle de la Cour n’est pas d’entreprendre une analyse complète du bien-fondé de la décision, mais de déterminer si les motifs formulés sont intelligibles et transparents et s’ils font partie des issues possibles acceptables en fonction de la preuve dont le décideur est saisi. J’estime que cela est le cas.
[89]
Les circonstances qui justifient une prorogation du délai, lorsque le législateur a choisi de n’en préciser aucune, doivent être interprétées de façon générale et le décideur doit obtenir une grande latitude dans le respect de la primauté du droit. En l’espèce, le décideur a pris en considération les facteurs établis dans l’arrêt Grewal, précité, en ce qui concerne l’exercice du pouvoir discrétionnaire. Il était convaincu de l’existence d’une intention continue d’examiner les mesures disciplinaires imposées contre le demandeur dans le contexte des nouvelles procédures mises en œuvre récemment par la GRC, que le demandeur ne subirait aucun préjudice grave, qu’il y avait une explication raisonnable pour le retard, que la demande était fondée et que d’autres facteurs penchaient en faveur de la prorogation. Ces facteurs ne sont pas en conjonction (arrêt Grewal, précité, aux paragraphes 11 à 14), et une prorogation peut être accordée même si l’un de ces facteurs n’est pas respecté : Canada (Développement des ressources humaines) c Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 33, 154 ACWS (3d) 1238.
[90]
Les allégations de harcèlement sexuel en milieu de travail étaient graves et ont été formulées dans le contexte d’une autre enquête sur la conduite du demandeur et de son retour au travail. Le milieu de travail faisait partie du CCP et fournissait des services à la police nationale du Canada et à d’autres organismes d’application de la loi. L’intérêt public nécessitait un examen approfondi des événements au CCP. Il était justifié d’examiner l’absence de prise en compte de facteurs aggravants pertinents dans la décision initiale en matière de déontologie.
[91]
Le retard au chapitre du traitement de la question de l’examen n’était pas excessif, compte tenu de l’historique de la question et du temps qu’il a fallu pour mener l’enquête initiale, organiser la rencontre disciplinaire et rendre une décision. Le retard s’est produit dans le contexte de changements majeurs dans les procédures disciplinaires au sein de la GRC et d’une augmentation accrue du nombre de contraventions qui seraient traitées dans le cadre d’une rencontre disciplinaire dans le même délai, comme l’a expliqué le commissaire adjoint MacMillan dans ses présentations au surintendant principal Gill. Il ne s’agissait pas simplement d’un manque de diligence ou d’une inattention administrative, comme le prétend le demandeur. L’organisation au complet s’adaptait aux nouvelles procédures. Leur mise en œuvre a nécessité beaucoup de temps. Par conséquent, il n’était pas surprenant que l’enquête ne soit pas achevée avant le 5 octobre 2015 et qu’elle n’ait pas été portée à l’attention de l’autorité de révision avant le 7 janvier 2016.
[92]
Le commissaire adjoint MacMillan a demandé conseil sur les mesures disciplinaires imposées au demandeur le jour après qu’il eut été informé des rencontres disciplinaires à la Direction générale au cours de l’année précédente. Cette demande a été présentée avant les reportages de la CBC portant sur les cas d’inconduite au CCP. Le commissaire adjoint MacMillan a entrepris un examen aux termes de l’article 9 des CC – déontologie une fois qu’il est revenu de son congé et qu’il a pris connaissance du rapport qu’il avait reçu le 19 février 2016. Le temps qu’il a fallu par la suite pour déposer la demande de prorogation n’était pas excessif, dans les circonstances.
[93]
Le demandeur soutient qu’il subit un préjudice simplement en raison du fait qu’il risque maintenant que le comité de déontologie conclut que son comportement justifie un congédiement ou l’ordre de démissionner. Cela dit, à mon avis, il ne s’agit pas du genre de préjudice envisagé par les autorités en ce qui concerne l’exercice du pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai. Son argument selon lequel une prorogation lui causerait un préjudice en raison du passage du temps, du départ à la retraite de témoins clés et de la mémoire défaillante serait plus pertinent.
[94]
Je constate que le dossier d’enquête, y compris les déclarations des témoins, a été conservé et serait fourni au comité de déontologie, si le demandeur demande qu’il soit pris en considération. Dans le cas contraire, l’audience se tiendrait de novo. Les faits dans la présente instance ne sont pas complexes et plusieurs éléments contenus dans le dossier indiquent que le demandeur ne les a pas contestés lorsque l’enquête initiale a été menée par le SPO et le GRP. Il pourra toujours contester les allégations ou présenter des éléments de preuve atténuants au comité de déontologie. Le délégué du commissaire était persuadé que dans ces circonstances, il n’y aurait aucun préjudice. À mon avis, il pouvait raisonnablement formuler cette conclusion.
[95]
Par conséquent, la demande dans le dossier de la Cour T-891-16 est rejetée.
VII.
Questions dans le dossier de la Cour T-1197-16
[96]
Après avoir examiné les questions soulevées par les parties, à mon avis, la Cour doit tenir compte des questions suivantes en ce qui concerne la présente demande :
Quelle est la norme de contrôle applicable?
Les renseignements caviardés aux pages 105 et 106 du DCT sont-ils importants aux fins de la présente demande?
L’autorité de révision a-t-elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
La décision de convoquer une audience devant le comité de déontologie est-elle raisonnable?
VIII.
Discussion
A.
Quelle est la norme de contrôle applicable?
[97]
Conformément à ce qui est souligné ci-dessus, la Cour et la Cour d’appel fédérale ont reconnu que les arbitres de la GRC ont une expertise particulière au chapitre du maintien de l’intégrité et du professionnalisme de la GRC : décision Schamborzki, précitée, au paragraphe 30; décision Smith, précitée, aux paragraphes 13 et 14; arrêt Boogaard, précité, aux paragraphes 32 à 53. Leurs décisions en rapport avec de telles questions doivent être traitées avec une grande retenue : décision Elhatton, précitée, aux paragraphes 29 et 30; décision Gill, précitée, au paragraphe 14.
[98]
De plus, conformément à ce qui figure ci-dessus, lorsque l’équité exige que les motifs de la décision soient fournis, l’absence totale de tels motifs peut constituer une violation de la justice naturelle, s’il n’y a rien à examiner : arrêt Nfld Nurses, précité, au paragraphe 22. La Cour peut compléter les motifs en faisant référence au dossier et il faut faire preuve de retenue lorsque le tribunal examine la question visée et prend une décision qui fait partie des issues possibles acceptables : arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 48; arrêt Edmonton, précité, aux paragraphes 36 à 38; arrêt Syndicat canadien, précité, au paragraphe 32; arrêt Rogers Media, précité, au paragraphe 26.
[99]
La présente demande soulève des questions supplémentaires d’entrave au pouvoir discrétionnaire et de privilège du secret professionnel de l’avocat.
[100]
L’entrave au pouvoir discrétionnaire a toujours été considérée comme un motif automatique d’annulation des décisions administratives : voir par exemple Maple Lodge Farms Ltd c Gouvernement du Canada, [1982] 2 RCS 2, aux pages 5 et 6, 137 DLR (3d) 558 [Maple Lodge Farms]; Forest Ethics Advocacy Association c Office national de l’énergie, 2014 CAF 245, aux paragraphes 65 à 67, 246 ACWS (3d) 191 [Forest Ethics]; arrêt Nfld Nurses, précité, au paragraphe 14. Plus récemment, il y a eu une certaine incertitude quant à la place qu’occupe ce concept dans le cadre de la norme de la décision correcte et celle de la décision raisonnable formulée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir, précité.
[101]
Dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, aux paragraphes 20 à 25, 341 DLR (4th) 710, la Cour d’appel fédérale a laissé entendre que la distinction n’était pas importante, puisqu’une décision qui découle d’un pouvoir discrétionnaire limité est en soi déraisonnable. La Cour a pris l’habitude d’adopter cette approche : Elson c Canada (Procureur général), 2017 CF 459, au paragraphe 25, 279 ACWS (3d) 642; Gordon c Canada (Procureur général), 2016 CF 643, au paragraphe 27, 267 ACWS (3d) 738; Ouedraogo c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 810, au paragraphe 12, 269 ACWS (3d) 339; Pylatuik c Canada (Procureur général), 2016 CF 1394, aux paragraphes 10 et 11, [2017] 3 CTC 40. En l’espèce, je suis convaincu que la conclusion que j’ai formulée est acceptable selon l’une ou l’autre des normes.
[102]
La question de savoir si l’information assujettie à une réclamation valide de la protection du secret professionnel de l’avocat doit être produite est une question de droit d’importance primordiale pour le système juridique dans son ensemble et, par conséquent, elle est assujettie à la norme de la décision correcte : Alberta (Information and Privacy Commissioner) c University of Calgary, 2016 CSC 53, au paragraphe 20, [2016] 2 RCS 555.
B.
Les renseignements caviardés aux pages 105 et 106 du DCT sont-ils importants aux fins de la présente demande?
[103]
Conformément à ce qui figure ci-dessus, j’ai lu la version non censurée des renseignements caviardés aux pages 105 et 106 du DCT avant l’audience et j’ai informé les parties que je réserverais ma décision quant à savoir si le document était pertinent et, dans l’affirmative, il sera protégé par le secret professionnel jusqu’à ce que j’entende tous les arguments sur les autres questions dont je suis saisi. Dans ma décision sur la requête en production rendue le 1er décembre 2016, j’ai exprimé un doute au sujet de la pertinence du document en grande partie pour les raisons précisées par le défendeur. Pour les motifs ci-dessous, je suis toujours de cet avis.
[104]
L’argument du demandeur selon lequel le document est pertinent, puisqu’il avait été présenté au commissaire adjoint MacMillan [traduction] « sous une forme ou une autre »
lorsqu’il a pris sa décision, n’est pas convaincant. Même s’il est possible que le sgt Falls, le destinataire du courriel, se soit fié sur le contenu en rédigeant sa recommandation, c’est son rapport que le commissaire adjoint MacMillan avait entre les mains, ainsi que la note du surintendant principal O’Rielly, et non le courriel de Mme Phenix. Rien n’indique dans le dossier que le commissaire adjoint MacMillan connaissait le contenu du courriel de Mme Phenix. En fait, sa preuve indique le contraire. Au cours du contre-interrogatoire, il a mentionné qu’il avait précisé clairement qu’il ne voulait pas que les documents d’examen qu’on lui remettait contiennent les conseils juridiques de l’autorité disciplinaire. En conséquence, le contenu du courriel a été caviardé par un inconnu avant que le courriel soit inclus.
[105]
Au mieux, le courriel faisait partie de la documentation que le sgt Falls avait recueillie avant d’achever son rapport. Il n’ajoute rien aux renseignements qui figurent déjà dans les autres documents du dossier dont la Cour est saisie. Ces documents montrent clairement que le surintendant principal Chesser a obtenu des conseils de la part des conseillers en déontologie avant de déterminer les mesures qui conviendraient. Le commissaire adjoint MacMillan savait cela, après avoir discuté avec le surintendant principal Chesser le 7 janvier 2016. Bien que cela ait été un facteur dans la prise en compte de la question de savoir si la décision de convoquer une audience devant le comité de déontologie était raisonnable, au bout du compte, il s’agissait d’une décision que le commissaire adjoint MacMillan devait prendre, sans se fier aux conseils juridiques fournis au surintendant principal Chesser.
[106]
En général, les documents qui n’ont pas été présentés au décideur ne sont pas pertinents dans le cadre du contrôle judiciaire : Access to Information Agency Inc c Canada (Procureur général), 2007 CAF 224, aux paragraphes 7 et 17 à 21, 162 ACWS (3d) 570; voir aussi Canada (Commissariat à l’intégrité du secteur public) c Canada (Procureur général), 2014 CAF 270, au paragraphe 4, [2014] ACF no 1167; Première Nation Ochapowace c Canada (Procureur général), 2007 CF 920, au paragraphe 19, [2007] ACF no 1195; conf. par 2009 CAF 124, 177 ACWS (3d) 699.
[107]
Il y a des exceptions à ce principe. Les documents qui n’ont pas été présentés au décideur peuvent être considérés pertinents s’il est allégué que le décideur a manqué à l’équité procédurale, a commis une erreur de compétence ou en présence d’une allégation de crainte raisonnable de partialité : Bernard c Canada (MRN), 2015 CAF 263, aux paragraphes 14 à 28, 261 ACWS (3d) 441. À mon avis, aucune de ces exceptions ne s’applique dans les présentes circonstances.
[108]
Bien que cette conclusion soit suffisante pour disposer de la question, je conclus également que le contenu caviardé du courriel est protégé par le secret professionnel. En l’espèce, l’information dont on fait allusion dans l’entrée en matière du courriel de Mme Phenix a été fournie par un avocat à la Direction des représentants des autorités disciplinaires (DRAD) de façon confidentielle au surintendant principal Chesser en tant qu’autorité disciplinaire.
[109]
Le défendeur avait d’abord soutenu que la communication était protégée par le privilège établi au paragraphe 47.1(1) de la Loi sur la GRC. Cette position a été abandonnée au cours de l’audience. Le privilège prévu dans la loi ne s’applique que dans le contexte d’un grief aux termes de la partie III de la Loi, une procédure devant un comité ou un appel aux termes du paragraphe 45.11(1) ou (3). La procédure devant le surintendant principal Chesser pour laquelle il a obtenu des conseils de la DRAD n’entre pas dans ces catégories; elle fait plutôt partie d’une enquête en matière de déontologie tenue aux termes de la partie IV.
[110]
Cependant, cela ne règle pas entièrement la question. Maintenant que j’ai lu le courriel, je sais maintenant qu’il contient des conseils juridiques qui seraient protégés par le secret professionnel liant l’avocat à son client selon le critère à trois volets établi dans l’arrêt Solosky c La Reine, [1980] 1 RCS 821, à la page 837, 105 DLR (3d) 745 : le contenu traite d’une communication entre un avocat et un client; la communication portait sur la formulation d’un conseil juridique; le client devait assurer la confidentialité de ces conseils.
[111]
Le demandeur affirme que si le privilège prévu par la common law s’applique, une renonciation expresse du privilège par le client est indiquée par le contenu non censuré qui figure au début du courriel : [traduction] « Comme vous le savez peut-être, la communication entre les autorités disciplinaires et les représentants des autorités disciplinaires est privilégiée. J’ai demandé et obtenu l’autorisation du commandant divisionnaire de communiquer les renseignements qu’il avait reçus du RAD (Denys Morel) dans cette affaire ».
[112]
L’article 29 des CC – déontologie définit le terme « représentant des autorités disciplinaires »
(RAD) comme suit : « [q]uiconque est autorisé par le directeur de la Direction des représentants des autorités disciplinaires à fournir de l’assistance aux autorités disciplinaires ou à les représenter »
. La représentation est définie comme l’» action de représenter, pour l’application des présentes consignes, un membre visé ou une autorité disciplinaire, notamment en lui offrant des conseils et des services juridiques »
, alors que l’assistance est définie comme « l’aide juridique donnée afin de guider et d’informer un membre visé [...] ou donnée à une autorité disciplinaire à l’égard de ce membre. »
. [Non souligné dans l’original.]
[113]
Il y a renonciation expresse à un privilège si son détenteur en connaît l’existence et fait volontairement part d’une intention d’y renoncer : R. v Youvarajah, 2011 ONCA 654, au paragraphe 146, [2011] OJ no 4610. Selon le demandeur, le contenu non caviardé du courriel de Mme Phenix indique que le surintendant principal Chesser a volontairement renoncé au privilège en autorisant la divulgation de cette communication à un tiers.
[114]
Le défendeur soutient que, étant donné que le partage de la communication a eu lieu à l’interne, entre les autorités disciplinaires et des conseillers de la GRC, l’exception « fondée sur l’intérêt commun »
s’y appliquerait. Cela étant, la communication demeurerait privilégiée par rapport au monde extérieur, même si elle a été transmise au sein de ce groupe. Pour que l’exception s’applique, il faudrait que le surintendant principal Chesser, le titulaire nominal du privilège, ainsi que les personnes à qui la communication a été divulguée aient un but commun : voir David M. Paciocco et Lee Stuesser, The Law of Evidence, 7th ed (Toronto : Irwin Law, 2015), à la page 239.
[115]
Il est possible de soutenir que toutes les personnes à la GRC qui se préoccupaient de l’enquête sur le comportement allégué du demandeur partageaient l’intérêt commun de veiller à ce que les mesures disciplinaires soient appropriées. À tout le moins, lorsque le surintendant principal Chesser et le commissaire adjoint MacMillan ont assumé différents rôles dans ce processus, ils ont partagé un intérêt commun, tout comme ceux qui les ont conseillés.
[116]
Le défendeur affirme qu’au bout du compte, le titulaire de n’importe quel privilège découlant des conseils juridiques fournis par les avocats du personnel à la GRC est la Couronne telle qu’elle représentée par l’organe exécutif du gouvernement du Canada, selon des décisions telles Stevens c Canada (Premier ministre), [1997] 2 CF 759, au paragraphe 27, 144 DLR (4th) 553, et Canada (Procureur général) c Central Cartage Co, (1987) 10 FTR 225, au paragraphe 105, 4 ACWS (3d) 359. Le demandeur soutient que ces décisions sont différentes, car elles ont trait à des conseils juridiques fournis par des avocats embauchés par le ministère de la Justice. Je ne suis pas convaincu que cela est très différent, compte tenu du rôle assumé par les conseillers du représentant des autorités disciplinaires.
[117]
Il est possible de soutenir que le titulaire du privilège est le commissaire de la GRC, étant donné les responsabilités de ce bureau aux termes du paragraphe 5(1) de la Loi en ce qui concerne « la pleine autorité sur la gendarmerie et tout ce qui s’y rapporte ».
L’ensemble des procédures disciplinaires menées dans la présente cause découlait de ce pouvoir législatif et de son expression dans le Code de déontologie et dans les Consignes du commissaire. De toute façon, le surintendant principal Chesser n’aurait pas pu renoncer au privilège, puisqu’il n’était pas le titulaire du privilège; le titulaire était le commissaire ou Sa Majesté du chef du Canada.
[118]
Pour cette raison, j’estime qu’il n’y a pas eu renonciation du privilège joint à la communication des conseils à l’autorité disciplinaire dans le courriel de Mme Phenix.
C.
L’autorité de révision a-t-elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire?
[119]
Le demandeur affirme que la décision du commissaire adjoint MacMillan d’annuler les mesures disciplinaires imposées antérieurement et de convoquer une audience devant le comité de déontologie devrait être annulée, puisqu’elle est déraisonnable parce que son pouvoir discrétionnaire exercé aux termes de l’article 9 des CC – déontologie a été influencé indûment par le commissaire.
[120]
Le 18 février 2016, un nouvel article faisait référence au fait que le ministre de la Sécurité publique avait dit ceci :
[traduction]
J’ai fait part de mes attentes et je m’attends à ce que le commissaire accomplisse la tâche et j’assurerai un suivi très étroit [...] J’ai expliqué très clairement mon indignation au commissaire par rapport à cette situation. Il connaît très bien mes attentes. Je m’attends à une enquête exhaustive et tout à fait transparente. Je m’attends à des mesures disciplinaires rigoureuses qui sont adaptées aux écarts de conduite qui ont eu lieu.
[121]
Le sous-commissaire Henschel a été cité dans le reportage de CBC News du 18 février 2016, qui soulignait que lorsqu’il a été mis au courant des nouvelles allégations, il a immédiatement ordonné que le demandeur et l’ancien chef de la SFTE soient suspendus de nouveau et il a lancé deux nouvelles enquêtes. À ce moment, le sous-commissaire Henschel était le responsable pour le CCP. On lui attribue la déclaration suivante :
[traduction]
Lorsque j’ai été mis au courant de la situation, nous étions consternés par les allégations. J’ai trouvé qu’il était difficile de croire que de nos jours, ce genre de comportement puisse se produire dans notre organisation ou n’importe où ailleurs. Il s’agit d’un comportement tout à fait inacceptable. Cela est répugnant. Le genre de comportement allégué est tout à fait contraire à nos valeurs fondamentales.
[122]
Les preuves circonstancielles, y compris les reportages dans les médias indiquant le mécontentement du ministre et du commissaire en ce qui concerne les événements au CCP, démontrent, selon le demandeur, que l’exercice du pouvoir discrétionnaire par l’autorité de révision a été entravé. La preuve est soulignée par le moment de la décision de mener un examen et de demander une prorogation pour convoquer une audience devant le comité de déontologie.
[123]
Selon le demandeur, avant l’intervention du commissaire, le commissaire adjoint MacMillan avait précisé qu’il était satisfait des mesures disciplinaires imposées antérieurement au cours de sa rencontre avec le surintendant principal Chesser et la surintendante Robineau le 7 janvier 2016. La requête du commissaire au sujet du dossier disciplinaire du demandeur le 10 février 2016, la rencontre au bureau du commissaire le 17 février 2016 et la publication subséquente des reportages de la CBC sur les allégations d’inconduite au Collège canadien de police mènent tous à la conclusion que les mesures prises par le commissaire adjoint MacMillan étaient alimentées par les opinions du commissaire.
[124]
Le défendeur est d’avis que la preuve ne révèle aucun élément inapproprié au sujet des mesures prises par le commissaire adjoint MacMillan. Elle indique plutôt que le commissaire adjoint MacMillan a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière indépendante pour veiller à ce que sa décision ne soit pas influencée injustement par d’autres.
[125]
Il ne fait aucun doute que le commissaire [traduction] « avait une opinion »
, comme l’a formulé le commissaire adjoint MacMillan au cours du contre-interrogatoire sur son affidavit. Toutefois, le critère que la Cour doit appliquer en examinant cette question n’est pas de déterminer si le commissaire adjoint MacMillan a reçu des commentaires du commissaire, mais plutôt de déterminer si, lorsqu’il en a reçus, il a estimé qu’il était tenu de respecter ces points de vue et qu’il n’était pas en mesure d’examiner d’autres facteurs.
[126]
On dit que l’exercice du pouvoir discrétionnaire par un décideur a été entravé si la décision est prise en conformité avec les opinions d’une autre personne, sans l’exercice d’un jugement indépendant : arrêt Maple Lodge Farms, précité, aux paragraphes 6 et 7; Trinity Western University v The Law Society of British Columbia, 2015 BCSC 2326, au paragraphe 97, [2016] 8 WWR 298; Halfway River First Nation v British Columbia (Ministry of Forests), 1999 BCCA 470, au paragraphe 62, [1999] 4 CNLR 1.
[127]
Pour déterminer si le pouvoir discrétionnaire a été entravé, les faits dont la Cour est saisie doivent donner lieu à une crainte raisonnable que le décideur ait estimé que les points de vue d’une personne étaient exécutoires ou concluants, sans tenir compte d’autres facteurs ou sans la tenue d’une analyse indépendante.
[129]
En ce qui concerne les commentaires attribués au sous-commissaire Henschel, ma lecture des articles de presse et d’autres documents contenus dans le DCT suffisent pour me convaincre qu’il ne faisait pas référence à l’examen que le commissaire adjoint MacMillan était sur le point d’entreprendre, mais aux plaintes reçues d’autres membres de la SFTE selon lesquelles les enquêtes initiales sur les écarts de conduite au Collège par le demandeur et le deuxième membre n’avaient pas été menées de façon approfondie. En d’autres termes, il exigeait qu’on même des enquêtes sur ces enquêtes. Le commissaire adjoint MacMillan n’a présenté aucun rapport au sous-commissaire Henschel et n’a reçu de lui aucune instruction concernant cette affaire.
[130]
Je ne suis pas convaincu que le commentaire attribué au commissaire adjoint MacMillan au cours de la rencontre du 7 janvier 2016, que les mesures imposées étaient « appropriées »
soit important dans le contexte de ce qui s’est produit, s’il a véritablement fait ce commentaire. Le commissaire adjoint MacMillan avait reçu un cahier d’information contenant des résumés de quelques rencontres disciplinaires qui avaient eu lieu sous la direction du surintendant principal Chesser à la Direction générale. Il ne s’agissait pas du rapport de décision complet sur cette affaire en particulier. De plus, le lendemain, le commissaire adjoint MacMillan a pris des mesures pour obtenir des conseils sur le caractère approprié des mesures disciplinaires imposées au demandeur et en ce qui concerne deux autres cas.
[131]
En tant qu’autorité de révision, le commissaire adjoint MacMillan a bel et bien reçu des conseils détaillés de la DRMT qui mettaient l’accent sur les facteurs qu’il devait prendre en considération avant de décider de mener un examen ou non. Sa décision conforme à l’article 9 des CC – déontologie était fondée sur les recommandations de la DRMT qui ont été formulées le 18 février 2016 et présentées au commissaire adjoint MacMillan le 19 février 2016. Le rapport était détaillé et soulignait plusieurs questions portant sur le processus et les mesures disciplinaires imposées antérieurement.
[132]
Dans le dossier dont j’étais saisi, je suis convaincu que la preuve n’établit pas que la décision du commissaire adjoint MacMillan était entravée. Elle démontre plutôt que la décision découlait d’une analyse indépendante. Pour cette raison, ce motif de contestation doit également être rejeté.
D.
La décision de convoquer une audience devant le comité de déontologie est-elle raisonnable?
[133]
Le demandeur affirme que les raisons données par le commissaire adjoint MacMillan n’étaient pas suffisantes pour permettre à la Cour d’appliquer la norme de la décision raisonnable. En l’espèce, le demandeur soutient que l’avis de décision du commissaire adjoint MacMillan daté du 30 mai 2016 énonce des conclusions sans fournir de raison ou de justification en ce qui concerne sa conclusion selon laquelle les mesures disciplinaires imposées antérieurement étaient vraisemblablement disproportionnées par rapport à la nature et aux circonstances des contraventions alléguées et qu’il était dans l’intérêt public d’annuler ces mesures et de convoquer une audience devant le comité de déontologie.
[134]
Le défendeur affirme que les motifs sont adéquats, puisqu’ils sont fondés sur plusieurs rapports dont le décideur a été saisi et ils fournissent des raisons claires et intelligibles : arrêt Nfld Nurses, précité, au paragraphe 16. Il n’est pas nécessaire que les motifs soient parfaits ou exhaustifs. Ils doivent être examinés dans le contexte de la preuve, des présentations des parties et de la procédure : arrêt Nfld Nurses, précité, au paragraphe 18.
[135]
À mon avis, les motifs, bien qu’ils soient brefs, suffisent pour permettre à la Cour de comprendre la raison pour laquelle le tribunal a pris cette décision et pour déterminer si la décision fait partie des issues possibles acceptables. Dans des décisions comme celle-ci, lorsque le décideur adopte les recommandations établies dans un rapport et fournit seulement de brefs motifs, les motifs établis dans le rapport peuvent être considérés comme ceux du décideur : Saber & Sone Group c Canada (MRN), 2014 CF 1119, au paragraphe 23, 468 FTR 286, citant la décision Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, aux paragraphes 37 et 38, [2006] 3 RCF 392; arrêt Nfld Nurses, précité, aux paragraphes 15 et 16; voir aussi l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 48; l’arrêt Edmonton, précité, aux paragraphes 36 à 38; l’arrêt Syndicat canadien, précité, au paragraphe 32; et l’arrêt Rogers Media, précité, au paragraphe 26.
[136]
Le demandeur soutient également que la décision d’annuler les mesures disciplinaires et de convoquer une audience devant le comité de déontologie est déraisonnable, puisque les mesures disciplinaires imposées antérieurement ne sont pas « vraisemblablement disproportionnées ».
[137]
Le demandeur souligne qu’avant de prendre sa décision, le surintendant principal Chesser a consulté la section du SNGC. Celle-ci a recommandé que les mesures disciplinaires qui devraient être imposées au demandeur commencent dans la fourchette normale (de 11 à 20 jours) ou au bas de l’échelle des mesures graves (de 20 jours au congédiement). De plus, le surintendant principal Chesser a consulté un représentant des autorités disciplinaires qui, à son tour, a recommandé un éventail de mesures disciplinaires qui s’appliqueraient dans les circonstances. Le demandeur affirme que le surintendant principal Chesser a imposé des mesures disciplinaires qui faisaient partie de l’éventail raisonnable de mesures qui ont été recommandées par le représentant des autorités disciplinaires. Le demandeur soutient que la décision du commissaire adjoint MacMillan ne correspond pas aux recommandations que le SNGC et le représentant des autorités disciplinaires ont formulées au surintendant principal Chesser en tant qu’autorité disciplinaire et par conséquent, elle est déraisonnable.
[138]
Le défendeur affirme que la décision d’annuler les mesures disciplinaires et de convoquer une audience devant le comité de déontologie est raisonnable. Il existe des questions identifiables au chapitre des mesures disciplinaires imposées par l’autorité disciplinaire. La gravité de l’inconduite, le manque de compassion et de respect à l’égard d’un collègue membre de la GRC, l’écart de conduite antérieur du demandeur, la nature intentionnelle de ses actes, la persistance sur une longue période et les répercussions sur le plaignant sont des facteurs qui auraient dû être pris en considération. Compte tenu de ces questions, la décision fait partie des issues possibles acceptables.
[139]
Le rapport de la DRMT rédigé par le sgt Falls remettait en question le caractère approprié des mesures disciplinaires imposées par l’autorité disciplinaire et faisait allusion à la façon dont les recommandations présentées à l’autorité disciplinaire ont été mal appliquées et aux mesures disciplinaires qu’il aurait fallu prendre, conformément au Guide des mesures de conduite. Puisque les trois allégations ont été considérées comme du harcèlement sexuel de nature persistante, il était raisonnable de conclure qu’un éventail de peines graves aurait pu être appliqué pour chaque allégation.
[140]
Le paragraphe 9(2) des CC – déontologie ordonne à l’autorité de révision de déterminer si « une conclusion est manifestement déraisonnable ou une mesure disciplinaire est vraisemblablement disproportionnée avec la nature et les circonstances de la contravention »
[non souligné dans l’original]. La tâche de l’autorité de révision est de mener une analyse indépendante. Ce faisant, l’autorité de révision peut examiner la preuve présentée à l’autorité disciplinaire, mais cela n’est pas déterminant. L’autorité de révision peut demander de l’aide et des conseils aux conseillers en déontologie de la DRMT.
[141]
En l’espèce, la DRMT a soulevé des problèmes liés aux mesures disciplinaires qui avaient été imposées antérieurement. Elle a précisé l’absence de prise en compte des facteurs aggravants, comme la gravité du harcèlement sexuel et l’écart de conduite antérieur du demandeur au bureau. Le manque de justification appropriée dans le rapport de décision pour établir que la conduite était atténuée indiquait que les mesures étaient « vraisemblablement disproportionnées »
, selon le surintendant principal O’Rielly. Cela fait partie de la justification de la décision de l’autorité de révision.
[142]
Bien que cela ne soit pas expressément précisé dans le rapport de décision, plusieurs références dans le dossier permettent de conclure que le surintendant principal Chesser a considéré la conduite comme de la [traduction] « badinerie »
, peut-être en raison des présentations orales faites devant lui au cours de la rencontre disciplinaire avec le demandeur. Dans la plainte acheminée par l’officier responsable intérimaire du CCP, on fait référence au demandeur disant qu’il ne faisait que blaguer lorsque le plaignant s’est objecté aux contacts physiques et aux commentaires sexuels dénigrants. Dans le cadre de l’examen, la conduite a été considérée comme du harcèlement en milieu de travail, et non comme du badinage, en tenant compte de la politique adoptée par la GRC dans les Consignes du commissaire (enquête et règlement des plaintes de harcèlement) (DORS/2014-290). Il était raisonnable que l’autorité de révision en vienne à la conclusion que les mesures imposées étaient vraisemblablement disproportionnées, puisque selon le rapport de décision, l’autorité disciplinaire n’avait pas prêté attention à cet aspect de l’affaire.
[143]
Cela était essentiellement une décision procédurale, puisque l’affaire reste à déterminer par le comité de déontologie et dans le cadre de tout appel pouvant en découler. Aussi, conformément à ce qui figure ci-dessus, d’autres demandes de contrôle judiciaire pourraient être déposées à la suite du processus interne.
[144]
Compte tenu de ces rapports, du rapport de décision par le surintendant principal Chesser et des autres documents précisés dans l’avis de décision et après avoir mené sa propre analyse, l’autorité de révision a pris une décision transparente et justifiée qui appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier. Je ne trouve aucun motif pour modifier cette décision.
IX.
Dépens
[145]
En ce qui concerne les dépens, les parties ont proposé que si les deux demandes faisaient l’objet d’une décision en faveur du défendeur, les sommes qui devraient être accordées sont de 3 600 $ pour le dossier T-891-16 et de 5 000 $ pour le dossier T-1197-16, tout compris. J’accepte cette proposition.
JUGEMENT DANS LES DOSSIERS T-891-16 et T-1197-16
LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :
la demande dans le dossier de la Cour T-891-16 et la demande dans le dossier de la Cour T-1197-16 sont rejetées;
une copie du présent jugement et des motifs sera versée dans les deux dossiers de la Cour;
dans le dossier T-891-16, des dépens de 3 600 $ sont accordés au défendeur, y compris les débours;
dans le dossier T-1197-16, des dépens de 5 000 $ sont accordés au défendeur, y compris les débours.
« Richard G. Mosley »
Juge
Traduction certifiée conforme
Ce 4e jour d’août 2020
Lionbridge
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS :
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T-891-16
T-1197-16
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INTITULÉ :
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MARCO CALANDRINI c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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OTTAWA (ONTARIO)
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DATE DE L’AUDITION :
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LE 30 octobre 2017
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE MOSLEY
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DATE DES MOTIFS :
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LE 19 janvier 2018
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COMPARUTIONS :
Louise Morel
Ryan Kennedy
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Pour le DEMANDEUR
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Abigail Martinez
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Pour le DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Forget Smith Morel
Avocats
Ottawa (Ontario)
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Pour le DEMANDEUR
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Procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
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Pour le DÉFENDEUR
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