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Date : 20180111


Dossier : IMM-2009-17

Référence : 2018 CF 25

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 janvier 2018

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

JENECIA MECIAH CAMPBELL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), concernant la décision datée du 27 avril 2017 (la décision) rendue par une agente d’immigration du bureau de réduction de l’arriéré de Montréal (l’agente), qui a rejeté la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse.

II.  RÉSUMÉ DES FAITS

[2]  La demanderesse est citoyenne de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Elle est arrivée au Canada le 11 avril 2011 et est demeurée au Canada depuis.

[3]  Après son arrivée au Canada, la demanderesse a rencontré M. Withfield Graham. Le couple a emménagé ensemble en novembre 2011. Leur fille, Kianna, est née en 2013. Des jumeaux, Ayden et Jayden, ont suivi en 2015. Malheureusement, M. Graham a reçu un diagnostic de cancer en 2015 et il est décédé en décembre de la même année.

[4]  M. Graham était un résident permanent du Canada et il avait rempli une demande pour parrainer la demande de résidence permanente de la demanderesse en 2014. La demande n’a, toutefois, jamais été déposée.

[5]  Au Canada, sans statut, la demanderesse a présenté une demande de dispense fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en application du paragraphe 25(1) de la Loi, en 2016.

III.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[6]  L’agente a déterminé que la demanderesse n’avait pas établi des circonstances qui justifiaient une dispense de l’application de la Loi fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[7]  L’agente a évalué l’établissement de la demanderesse au Canada et a souligné les lettres de soutien de membres de la communauté, éléments qu’elle a jugés favorables. En ce qui concerne l’emploi, l’agente renvoie à une lettre de l’ancien employeur de la demanderesse, qui confirme qu’elle a occupé un emploi de 2011 à 2014, mais l’agente souligne que la lettre n’est pas rédigée sur du papier à en-tête de l’entreprise et que le mot « corporation » est mal orthographié. Plus important encore, la demanderesse n’a présenté aucune preuve d’emploi après 2014. Les relevés bancaires de la demanderesse fournissent une preuve d’économies, mais aucune [traduction] « observation concernant la gestion financière de la demanderesse » n’a été présentée. Dans la décision, l’agente reconnaît le travail bénévole de la demanderesse dans un salon de coiffure, et le fait que la propriétaire du salon est prête à lui offrir un emploi si elle obtient un permis de travail. L’agente mentionne aussi la demande de parrainage signée par M. Graham et indique que la demande n’a jamais été déposée en raison du décès de M. Graham.

[8]  L’agente évalue l’emploi de la demanderesse comme un élément favorable, tout en soulignant qu’elle a travaillé sans autorisation. L’agente conclut aussi que les cinq années passées par la demanderesse au Canada ont mené à un certain degré d’établissement, mais elle souligne qu’elle n’a pas [traduction] « démontré qu’il existait des obstacles importants l’empêchant de trouver un emploi à Saint-Vincent ».

[9]  L’agente retient la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle n’a [traduction] « aucun soutien familial significatif » à Saint-Vincent, mais souligne qu’elle y a grandi et que ses parents et ses frères et sœurs y résident. L’agente conclut qu’en l’absence d’une preuve du contraire, il est raisonnable de croire que la famille de la demanderesse pourrait faciliter sa réinstallation à Saint-Vincent. D’une part, l’agente affirme que la preuve de perte de liens sociaux à Saint-Vincent se limite à la déclaration de la demanderesse. D’autre part, la demanderesse n’a qu’une belle-sœur (la sœur de M. Graham) au Canada, qui affirme que [traduction] « elle est incapable d’aider la demanderesse à prendre soin des enfants en raison de ses obligations de travail ».

[10]  L’agente conclut que la preuve ne permet pas de conclure que la demanderesse a joué un rôle dans sa communauté par l’intermédiaire d’organisations religieuses, sociales, culturelles ou caritatives. La preuve ne permet pas non plus de conclure que la demanderesse a tenté de mettre à niveau ses compétences pendant qu’elle se trouvait au Canada.

[11]  L’agente reconnaît que la demanderesse ne souhaite pas retourner à Saint-Vincent, mais souligne que le paragraphe 25(1) de la Loi vise à permettre des circonstances exceptionnelles non prévues par la Loi. Le séjour au Canada de la demanderesse, sans autorisation, fait contrepoids à son degré d’établissement au Canada, et l’agente estime que la demanderesse n’a pas établi qu’elle était incapable de quitter le Canada en raison de circonstances exceptionnelles.

[12]  L’agente évalue ensuite l’intérêt supérieur des enfants, et indique qu’il s’agit d’un facteur important, auquel elle a accordé beaucoup de poids et d’importance.

[13]  L’agente souligne les certificats de naissance de l’Ontario que la demanderesse a présentés pour chacun de ses enfants, leur date de naissance et leur âge au moment de la décision.

[14]  L’agente affirme qu’il y a peu d’éléments de preuve au dossier indiquant à quelle école vont les enfants, ou s’ils fréquentent un service de garde. L’agente conclut qu’il est dans l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse d’avoir une éducation et le soutien de leur mère, mais l’agente estime que les éléments de preuve [traduction] « ne permettent pas de soutenir que les enfants n’auront pas accès à cette éducation en retournant à Saint-Vincent avec la demanderesse ». Les éléments de preuve ne permettent pas de déterminer si les enfants ont fait l’expérience du système scolaire canadien, mais l’agente est convaincue qu’étant donné leur âge, ils [traduction] « sont suffisamment jeunes pour s’adapter à la culture et à la structure scolaire à Saint-Vincent ». En l’absence d’une preuve du contraire, l’agente conclut que les enfants auront le soutien de leur famille et d’amis à Saint-Vincent. Étant donné que leur mère est leur principal fournisseur de soins, l’agente conclut [traduction] « que les conséquences générales du déménagement et de la réinstallation de la demanderesse dans son pays d’origine ne seraient pas contraires à l’intérêt supérieur des enfants ».

[15]  L’agente conclut que les éléments de preuve n’établissent pas que les enfants n’auront aucun avenir à Saint-Vincent, qu’ils ne pourront pas avoir accès à une bonne éducation à Saint-Vincent, ou que la demanderesse serait incapable de subvenir à leurs besoins à Saint-Vincent. Dans la décision, l’agente souligne que les enfants conserveront leur citoyenneté canadienne même s’ils habitent à Saint-Vincent et qu’ils pourront revenir au Canada un jour. L’agente reconnaît qu’il est dans l’intérêt supérieur de la plupart des enfants de demeurer avec leurs parents, mais elle affirme que la décision concernant la question de savoir si les enfants devraient accompagner la demanderesse à Saint-Vincent demeure une décision parentale. L’agente conclut que les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que le fait que la demanderesse [traduction] « retourne à Saint-Vincent avec ses enfants serait contraire à l’intérêt supérieur des enfants ».

[16]  Compte tenu d’une évaluation globale de tous les facteurs soulevés par la demanderesse, l’agente conclut, dans sa décision, que, même si elle compatit avec la demanderesse, son dossier ne justifie pas une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

[17]  La demanderesse soutient que les questions suivantes sont en litige dans la présente demande :

  1. L’agente-a-t-elle appliqué le mauvais critère dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants?
  2. L’évaluation faite par l’agente de l’intérêt supérieur des enfants était-elle déraisonnable?
  3. L’évaluation faite par l’agente de l’établissement au Canada de la demanderesse et du risque auquel elle serait exposée si elle était renvoyée dans son pays d’origine était-elle déraisonnable?

V.  NORME DE CONTRÔLE

[18]  Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. En effet, si la jurisprudence établit de manière satisfaisante la norme de contrôle applicable à une question particulière portée devant la cour de révision, celle-ci peut adopter cette norme. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de common law en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision doit soupeser les quatre facteurs de l’analyse de la norme de contrôle (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

[19]  La demanderesse soutient que l’agente a appliqué le mauvais critère au moment d’examiner l’intérêt supérieur des enfants. La demanderesse affirme qu’il s’agit d’une question de droit susceptible de révision selon la norme de la décision correcte. La demanderesse reconnaît que l’appréciation que fait un agent de l’intérêt supérieur d’un enfant est une question mixte de fait et droit, susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable, qui commande habituellement une retenue considérable de la part de la Cour. Voir la décision Tesheira c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1417, au paragraphe 10. Mais, la demanderesse poursuit en affirmant que [traduction] « [i]l n’y a pas lieu de faire preuve de retenue à l’égard de conclusions de fait lorsque l’agent applique le mauvais critère pour déterminer l’intérêt supérieur des enfants » et que [traduction] « la Cour devrait apprécier de nouveau les facteurs liés à l’intérêt supérieur ».

[20]  Toutefois, si l’on examine les observations de la demanderesse, sa préoccupation est liée à la manière avec laquelle l’agente applique le critère de l’intérêt supérieur des enfants. Par exemple, la demanderesse affirme que [traduction] « [l]’agente a pris en considération ce qui ne serait pas contraire à l’intérêt supérieur des enfants, sans toutefois prendre en considération ce qui était leur intérêt supérieur ». Plus loin, la demanderesse soutient que l’agente a [traduction] « appliqué un critère lié à la question de savoir si des enfants nés au Canada auront un avenir dans un pays différent » et [traduction] « a évalué la demande en mettant l’accent sur les mauvais éléments ». Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a affirmé que la retenue « doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés » (non souligné dans l’original). Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 53.

[21]  En outre, l’arrêt Dunsmuir montre également que le simple fait de définir une question comme étant une question de droit ne la rend pas automatiquement assujettie à la norme de la décision correcte. Les questions de droit qui sont toujours assujetties à un contrôle selon la norme de la décision correcte sont les questions constitutionnelles, les questions touchant véritablement à la compétence, les questions de droit général à la fois, d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d’expertise du décideur, et les questions sur la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents. Voir Dunsmuir, précité, aux paragraphes 58 à 61. La demanderesse n’a pas expliqué en quoi le critère visant à déterminer l’intérêt supérieur des enfants, même s’il s’agit d’une question de droit indissociable, correspond à l’une de ces catégories.

[22]  L’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], confirme que c’est la norme de la décision raisonnable qu’il faut appliquer à l’analyse menée par l’agente concernant la question d’accorder ou non une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire au titre du paragraphe 25(1) de la Loi. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a conclu que c’est la norme de la décision raisonnable qu’il faut appliquer à une décision concernant une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, malgré l’existence d’une question certifiée à propos de l’interprétation adéquate de l’article 25 de la Loi. Voir l’arrêt Kanthasamy, précité, aux paragraphes 43 et 44. Même si la certification au titre de l’article 74d) de la Loi ne nécessite pas expressément une question de droit, « pour être certifiée, une question doit i) être déterminante quant à l’issue de l’appel, ii) transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale » (Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 9). Pour connaître les décisions récentes de la Cour faisant autorité à la suite de la directive énoncée dans l’arrêt Kanthasamy, selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique à l’examen des décisions portant sur l’existence ou non de considérations d’ordre humanitaire, voir Regalado c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 540, au paragraphe 5 [Regalado], et Madera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 108, au paragraphe 6.

[23]  Lorsqu’une décision est contrôlée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable, dans la mesure où elle ne fait pas partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[24]  Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Séjour pour motif d’ordre humanitaire à la demande de l’étranger

Humanitarian and compassionate considerations — request of foreign national

25 (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire — sauf si c’est en raison d’un cas visé aux articles 34, 35 ou 37 —, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada — sauf s’il est interdit de territoire au titre des articles 34, 35 ou 37 — qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

25 (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible — other than under section 34, 35 or 37 — or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada — other than a foreign national who is inadmissible under section 34, 35 or 37 — who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

VII.  THÈSES DES PARTIES

A.  Thèse de la demanderesse

1)  Critère de l’intérêt supérieur

[25]  La demanderesse soutient que l’agente a appliqué le mauvais critère au moment d’examiner l’intérêt supérieur des enfants. La demanderesse affirme que l’agente, plutôt que d’examiner ce qui était véritablement dans l’intérêt supérieur de ses enfants, s’est penchée sur ce qui ne serait pas contraire à l’intérêt supérieur de ses enfants. Voir la décision Judnarine c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 82, aux paragraphes 45 à 47 [Judnarine]. L’agente a donc appliqué un critère visant à déterminer si les enfants canadiens de la demanderesse auront un avenir à Saint-Vincent. La demanderesse affirme également que l’agente, dans le cadre de cette évaluation, a supposé que ses enfants n’étaient pas Canadiens de naissance.

[26]  La demanderesse soutient en outre que l’agente a mal interprété sa compétence et son mandat en affirmant que le processus de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire n’est pas conçu pour éliminer toutes les difficultés.

[27]  La demanderesse affirme que la décision ne tient pas suffisamment compte des répercussions sur ses enfants du décès de leur père. Voir Judnarine, précitée, au paragraphe 48.

2)  Évaluation de l’intérêt supérieur

[28]  L’agente reconnaît que le dossier ne contient que peu de renseignements sur les enfants de la demanderesse. La demanderesse soutient que le défaut de l’agente de lui demander de fournir des renseignements supplémentaires indique que la décision a été prise en fonction de renseignements incomplets et qu’elle n’a donc pas évalué adéquatement l’intérêt supérieur de ses enfants. Des facteurs, comme la question de savoir si les enfants fréquentent une école ou un service de garde et quelles sont les langues qu’ils apprennent, n’ont pas été évalués. La demanderesse affirme qu’il était déraisonnable pour l’agente de ne pas traiter des liens entre les éléments de preuve limités au dossier et les autres facteurs évalués. Voir la décision Okafor c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 652, au paragraphe 8.

[29]  La demanderesse soutient que l’agente a appliqué un critère générique, qui ne tient pas compte des besoins individuels de chacun des enfants en fonction de leur âge particulier. Elle affirme qu’en estimant que rien n’indiquait que ses enfants ne pourraient pas recevoir à Saint-Vincent une éducation comparable à celle qu’ils recevraient au Canada, l’agente a fait fi de son témoignage selon lequel elle est originaire d’une collectivité pauvre de Saint-Vincent. Voir la décision Ranji c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 521, aux paragraphes 36 et 37 [Ranji].

[30]  La demanderesse soutient que l’agente n’a pas tenu compte des liens que les enfants ont établis au Canada, et ne s’est pas demandé s’ils fréquentaient un service de garde au Canada et quels soins médicaux ils recevaient au Canada. La demanderesse affirme que l’incidence des différences entre les niveaux de vie au Canada et à Saint-Vincent a été prise en considération pour évaluer son degré d’établissement au Canada, mais pas pour évaluer l’intérêt supérieur de ses enfants.

[31]  La demanderesse soutient que l’agente interprète mal les éléments de preuve quand elle indique que le pays d’origine des enfants est Saint-Vincent, et conclut qu’ils auront un système de soutien familial là-bas. Les éléments de preuve montrent qu’elle a coupé les ponts avec Saint‑Vincent, que ses seuls liens significatifs sont avec le Canada, et qu’elle n’a aucune structure de soutien à Saint-Vincent.

[32]  La demanderesse affirme qu’il est déraisonnable pour l’agente d’indiquer que sa demande présente certains éléments sympathiques, tout en omettant d’expliquer pourquoi les facteurs défavorables l’emportent sur les facteurs favorables. Ce défaut est exacerbé par le fait que l’agente n’a pas mesuré l’incidence que le [traduction] « vide affectif » attribuable au décès du père des enfants aura sur elle et sur sa capacité à les soutenir. Voir la décision Paul c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1081, au paragraphe 4.

3)  Évaluation de l’établissement

[33]  La demanderesse soutient que l’agente n’est aucunement sensible à son degré d’établissement. Voir la décision El Thaher c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1439, aux paragraphes 52, 56 et 71. Elle affirme qu’une erreur typographique dans sa lettre d’emploi et que le fait qu’elle a travaillé au Canada sans autorisation n’ont rien à voir avec l’évaluation de son établissement au Canada. De plus, l’agente interprète mal les éléments de preuve liés à son statut de chômeuse et à son niveau d’économies, et conclut qu’elle n’a présenté aucune observation relativement à sa gestion financière. La demanderesse souligne que l’agente tire la conclusion qu’elle n’a déployé que des efforts minimes pour régulariser son statut, même si elle reconnaît la demande de parrainage remplie par son mari. Elle indique que les circonstances personnelles qui suivent auraient dû être évaluées : elle a pris soin de son mari atteint d’un cancer (et décédé par la suite) et elle a soin de trois jeunes enfants. Voir la décision Ranji, précitée, aux paragraphes 19 et 20.

[34]  La demanderesse affirme qu’après le décès de son mari, présenter une demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire était la seule démarche appropriée qu’elle pouvait entreprendre, et que les répercussions qu’elle subirait, sur le plan émotionnel, si elle était renvoyée sont particulièrement importantes.

[35]  La demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision et de rendre une ordonnance de type mandamus afin d’exiger le réexamen de sa demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire pour en arriver à un résultat différent n’allant pas à l’encontre des motifs invoqués par la Cour pour annuler la décision.

B.  Thèse des défendeurs

1)  Critère de l’intérêt supérieur

[36]  Les défendeurs soutiennent que l’agente n’a pas appliqué le mauvais critère au moment d’examiner l’intérêt supérieur des enfants. Les défendeurs indiquent qu’il n’y a aucune différence entre ce qui est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant et ce qui est dans l’intérêt supérieur de l’enfant : il ne s’agit que des deux faces de la même pièce. L’on peut établir une distinction d’avec la décision Judnarine, parce que dans cette affaire, l’agent a statué sur l’intérêt supérieur de l’enfant uniquement en s’appuyant sur l’existence de difficultés « inhabituelles et injustifiées, ou [...] excessives ». Voir la décision Judnarine, précitée, au paragraphe 47. Les défendeurs affirment qu’en l’espèce, l’agente ne mesure pas l’intérêt supérieur des enfants de la demanderesse en fonction de ce critère.

[37]  Les défendeurs soutiennent que les difficultés ne jouent qu’un rôle partiel et renvoient à des causes où l’agent se penche explicitement sur ce qui constitue l’intérêt supérieur des enfants. Les défendeurs affirment que c’est faire une mauvaise lecture de la décision que de laisser entendre que l’agente se demande si les enfants pourraient simplement survivre à Saint-Vincent.

[38]  Les défendeurs affirment qu’aucune jurisprudence ne soutient l’argument de la demanderesse, selon lequel l’agente s’est demandé, de façon déraisonnable, si les enfants pourraient vivre à Saint-Vincent plutôt que de se demander s’ils devraient vivre au Canada. En outre, la suggestion de la demanderesse selon laquelle l’agente commet une erreur de compétence quand elle indique que le processus touchant aux demandes de dispense pour motifs d’ordre humanitaire n’est pas conçu pour éliminer toutes les difficultés contredit la proposition reconnue selon laquelle ces demandes ont pour but de répondre à des circonstances exceptionnelles. Voir, par exemple, la décision Adams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 1193, au paragraphe 30.

2)  Évaluation de l’intérêt supérieur

[39]  Les défendeurs affirment qu’il ressort clairement de la décision que l’agente comprend que les enfants de la demanderesse sont des Canadiens et qu’ils sont nés au Canada. La suggestion selon laquelle l’agente n’a pas compris où les enfants étaient nés découle de l’utilisation inappropriée du pronom [traduction] « leur » (« their » dans la version anglaise) en parlant du pays d’origine de la demanderesse (Saint-Vincent). Cette erreur est corrigée dans la décision peu après et l’agente précise que les enfants sont nés en Ontario. Les défendeurs soutiennent que l’utilisation erronée du pronom « leur » ne constitue pas une erreur susceptible de révision, ou n’indique pas que l’agente a mal compris où les enfants sont nés.

[40]  Les défendeurs soutiennent qu’aucun élément de preuve n’a été présenté concernant les répercussions du décès de M. Graham sur les enfants. L’affirmation selon laquelle le renvoi des enfants du Canada aggraverait leur deuil a été formulée par l’avocat de la demanderesse, qui cite une jurisprudence reflétant des circonstances différentes. En l’espèce, l’agente ne disposait d’aucun élément de preuve concret à étudier sur cette question.

[41]  Les défendeurs soutiennent qu’il incombait à la demanderesse de présenter une demande complète et qu’il n’était pas injuste que l’agente ne demande pas à obtenir des documents supplémentaires. Il n’incombait pas à l’agente de se pencher sur les intérêts des enfants qui ne ressortaient pas du dossier à première vue. Voir la décision Suleiman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 395, aux paragraphes 80 à 82. De même, en l’absence d’éléments de preuve, l’agente ne pouvait pas émettre des hypothèses sur les répercussions de la pauvreté antérieure de la demanderesse sur l’avenir scolaire de ses enfants.

[42]  Les défendeurs affirment que l’agente a tenu compte de l’âge des enfants et qu’elle s’est demandé s’il serait dans leur intérêt supérieur d’être éduqués au Canada. L’argument avancé par la demanderesse selon lequel Saint-Vincent est un pays du tiers monde est traité de façon semblable. Les défendeurs affirment que l’agente dans sa décision aborde implicitement les relations des enfants au Canada quand elle conclut qu’ils auraient un système de soutien à Saint-Vincent. D’autres facteurs, comme les arrangements en matière de service de garde pour les enfants et l’absence de besoins en soins médicaux spéciaux, ne sont pas importants dans le cadre de la décision. Les défendeurs soutiennent que l’agente n’est pas obligée de mentionner chacun des faits dans la décision. Voir la décision Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 FTR 35, aux paragraphes 15 à 17 (1re instance).

[43]  Les défendeurs soulignent que l’agente n’a pas tort en ce qui concerne l’existence de membres de la famille de la demanderesse à Saint-Vincent; dans la demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire, l’on dresse la liste de ces proches. Les défendeurs affirment que, vu l’existence de ces proches, il est raisonnable pour l’agente d’exiger plus qu’une simple dénégation de liens de la part de la demanderesse avec son pays d’origine. Qui plus est, l’agente n’a pas conclu que la demanderesse pourrait subvenir à ses besoins à Saint-Vincent avec l’aide de proches et d’amis. L’agente estime plutôt que la demanderesse n’a pas établi qu’elle ne pourrait pas vivre à Saint-Vincent pendant le traitement de sa demande de résidence permanente.

[44]  Les défendeurs affirment que l’agente n’était pas tenue d’expliquer clairement pourquoi son empathie à l’égard de la demanderesse ne suffisait pas à surpasser les facteurs défavorables qui l’empêchaient d’approuver sa demande de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire. Une demande de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire demande l’évaluation de différents facteurs; elle n’exige pas que l’on s’attarde plus qu’il ne le faut à expliquer comment ou pourquoi ces facteurs ont fait pencher la balance en faveur de l’issue retenue.

3)  Évaluation de l’établissement

[45]  Les défendeurs soutiennent que la demanderesse n’indique pas où l’agente a omis de soupeser les difficultés qu’elle devait surmonter et quelles sont les conclusions déraisonnables que l’agente a tirées. L’erreur typographique dans la lettre d’emploi de la demanderesse était pertinente, puisqu’en plus, cette lettre n’était pas rédigée sur un papier à en-tête adéquat. Quoi qu’il en soit, il s’agissait d’un élément mineur, qui n’a pas joué un rôle important dans l’évaluation de l’établissement de la demanderesse. En outre, les défendeurs affirment que le travail illégal au Canada est pertinent en ce qui concerne l’évaluation des difficultés injustifiées applicable aux demandes de dispense pour motifs d’ordre humanitaire. Voir la décision Regalado, précitée, aux paragraphes 9 à 11.

[46]  Les défendeurs affirment que la décision n’est pas incohérente lorsque l’on conclut à l’absence de preuve de gestion financière. Une preuve des économies actuelles n’équivaut pas à un historique de gestion financière. De même, la conclusion de l’agente selon laquelle la demanderesse a déployé peu d’efforts pour régulariser son statut est raisonnable; en effet, le seul effort qu’elle a déployé est la demande de parrainage, qui a été interrompue par le décès de M. Graham.

[47]  Les défendeurs soutiennent que l’agente n’écarte pas certains facteurs dans son évaluation de l’établissement de la demanderesse. En plus de la présomption selon laquelle l’agente a pris en considération l’ensemble de la preuve, la décision est détaillée et articulée. Les facteurs qui n’ont pas été mentionnés n’étaient pas importants vu les éléments de preuve disponibles.

VIII.  DISCUSSION

[48]  La demanderesse a fait valoir une pléthore d’erreurs alléguées, qu’une simple lecture de la décision dans sa totalité permet de réfuter, pour la plupart.

[49]  Par exemple, la demanderesse allègue que l’agente a conclu à tort que [traduction] « les enfants ne sont pas Canadiens de naissance et qu’ils ont un pays d’origine différent », soit Saint-Vincent.

[50]  Cette allégation semble reposer sur la conclusion de l’agente selon laquelle [traduction] « la demanderesse ne présente aucun élément de preuve objectif montrant que ses enfants n’auraient aucun avenir dans leur pays d’origine ». Il est manifeste que dans cette conclusion le pronom [traduction] « leur » est une erreur grammaticale et qu’il aurait fallu lire [traduction] « son », puisque l’agente indique à maintes reprises tout au long de la décision que les trois enfants sont tous des citoyens canadiens nés au Canada. Une erreur grammaticale manifeste ne constitue pas une erreur susceptible de révision lorsqu’il est clair, dans l’ensemble de la décision, que l’agente était bien au fait que les enfants sont Canadiens et que ce fait a été pris en considération dans l’évaluation de la demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse.

[51]  La demanderesse tente aussi de blâmer l’agente, qui a relevé qu’elle n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve concernant des questions importantes à évaluer; elle se plaint que [traduction] « l’agente n’a pas demandé à obtenir des renseignements supplémentaires sur ces éléments et elle a tout simplement rendu une décision en fonction de ce qui se trouvait soi-disant au dossier ». La demanderesse affirme ensuite ce qui suit :

[traduction]

Les motifs de l’agente montrent qu’elle n’a pas évalué les facteurs nécessaires, et que l’évaluation a porté sur un nombre limité d’éléments de preuve. La décision de l’agente montre implicitement que l’agente a omis de se demander si les enfants allaient à l’école ou fréquentaient un service de garde, et quelles langues ils apprenaient.

[52]  Autrement dit, la demanderesse affirme ici qu’il incombait à l’agente de pallier les lacunes dans son dossier de preuve; comme elle ne l’a pas fait, cela en soi prouvait que l’agente n’a pas évalué les facteurs nécessaires et qu’elle n’était pas réceptive, attentive et sensible à l’intérêt supérieur des enfants.

[53]  Toutefois, il incombe à la demanderesse de présenter à l’agente tous les éléments de preuve nécessaires pour qu’elle puisse effectuer son évaluation et déterminer si elle mérite une dispense pour motifs d’ordre humanitaire. La demanderesse est, et était, représentée par un avocat qui sait tout cela très bien. L’agente ne peut être blâmée pour les lacunes dans le dossier de preuve de la demanderesse, qui demeure sa responsabilité et celle de son avocat. Voir l’arrêt Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 5). En outre, l’affirmation de la demanderesse en l’espèce selon laquelle son dossier de preuve comportait des lacunes importantes qu’il incombait à l’agente de combler constitue un aveu clair que les éléments de preuve présentés n’étaient pas suffisants pour permettre une évaluation complète et valable. Le défaut d’un demandeur de présenter un fondement probatoire approprié pour une demande de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire n’équivaut pas à une erreur susceptible de révision de la part du décideur.

[54]  J’ai étudié avec soin toutes les allégations d’erreurs présentées par la demanderesse, et je les ai toutes jugées non convaincantes. Les seules allégations qui nécessitent des commentaires supplémentaires sont présentées ci-dessous.

[55]  La demanderesse affirme que l’agente a appliqué le mauvais critère juridique dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants, en ce sens que [traduction] « l’agente a pris en considération ce qui ne serait pas contraire à l’intérêt supérieur des enfants, sans toutefois prendre en considération ce qui était leur intérêt supérieur » et qu’à aucun moment [traduction] « l’agente n’a examiné la demande en fonction de ce qui serait l’intérêt supérieur des enfants et qu’elle a plutôt considéré des facteurs sans rapport ». Selon ce qu’elle affirme, cela signifie que [traduction] « l’agente s’est simplement demandé si les enfants nés au Canada auront un avenir dans un pays différent ».

[56]  Comme je l’ai déjà souligné, l’agente a évalué l’intérêt supérieur des enfants du point de vue de leur naissance au Canada et de leur citoyenneté canadienne.

[57]  Dans son analyse de l’intérêt supérieur des enfants, l’agente indique ce qui suit :

[traduction]

En ce qui concerne l’intérêt supérieur des enfants, je suis consciente qu’il s’agit d’un facteur important et, par conséquent, je lui ai accordé beaucoup de poids et d’importance. J’ai pris en considération l’âge des enfants, leur degré d’établissement, leur bien-être émotionnel, social et physique et le niveau de dépendance entre la mère et les enfants. Je me suis aussi demandé si le bien-être des enfants serait perturbé de façon importante si la dispense demandée était refusée.

En appui à sa demande, la demanderesse présente les certificats de naissance de l’Ontario de ses trois enfants :

> Kianna Jenecia Graham Campbell (fille), 2013-03-07, âgée de quatre ans;

> Ayden Omar Abraham Graham Campbell (fils), 2015-04-02, âgé de deux ans;

> Jayden Omarie Ezekiel Graham Campbell (fils), 2015-04-02, âgé de deux ans.

La demanderesse affirme que l’intérêt supérieur de ses enfants canadiens est qu’elle demeure au Canada. Elle affirme que quitter le Canada causera des « dommages psychologiques et émotionnels » à ses enfants. Elle est originaire d’une « collectivité pauvre dans un pays du tiers monde », « elle ne veut pas déraciner ses enfants de la vie à laquelle ils sont habitués » et les amener loin du Canada équivaut à « tuer leurs rêves dans la vie ».

Les éléments de preuve au dossier concernant les enfants sont peu nombreux : l’on ignore s’ils vont à l’école, s’ils apprennent le français ou l’anglais ou s’ils fréquentent un service de garde. Pour Kianna, Ayden et Jayden, je conclus qu’il est dans leur intérêt supérieur de recevoir une éducation et de profiter de l’amour et du soutien constants de leur mère à mesure qu’ils chemineront dans la vie. Les éléments de preuve dont je dispose ne me permettent pas de conclure que cela ne pourra être fait si la demanderesse retourne avec ses enfants à Saint-Vincent. L’on ignore si ses enfants ont une expérience du système scolaire canadien et je conclus que vu leur âge, ils sont suffisamment jeunes pour s’adapter à la culture et à la structure scolaire à Saint-Vincent. Je précise aussi que les grands‑parents maternels des enfants et plusieurs oncles et tantes résident à Saint-Vincent, et il est raisonnable de s’attendre, en l’absence d’une preuve du contraire, à ce qu’ils disposent d’un système de soutien établi de proches et d’amis dans leur pays d’origine. Étant donné que les enfants sont encore relativement jeunes et qu’ils dépendent de leur fournisseur de soins principal, leur mère, il est raisonnable de s’attendre à ce que les conséquences générales liées au déménagement et à la réinstallation de la demanderesse dans son pays d’origine ne seront pas contraires à l’intérêt supérieur des enfants.

La demanderesse ne présente aucun élément de preuve objectif indiquant que ses enfants n’auraient aucun avenir dans leur pays d’origine. Elle ne fait pas la démonstration que ses enfants seront incapables d’avoir accès à une bonne éducation à Saint-Vincent, ou qu’elle ne pourrait pas subvenir à leurs besoins dans son pays d’origine. Je conclus que les enfants seront aimés par leur mère, qui en prendra bien soin, même si la famille retournait à Saint‑Vincent.

Qui plus est, je souligne que les enfants conserveront leur citoyenneté canadienne peu importe où ils habitent et qu’ils pourront revenir au Canada un jour s’ils le souhaitent. Il est reconnu qu’il est dans l’intérêt supérieur de la plupart des enfants de demeurer avec leurs parents et leurs proches. En bout de ligne, la décision concernant la question de savoir si les enfants devraient accompagner la demanderesse à Saint-Vincent, ou demeurer au Canada, demeure une décision parentale.

Je suis convaincue que la demanderesse ne veut que le meilleur pour ses enfants; c’est un désir que partagent la plupart des parents dans le monde. Toutefois, les éléments de preuve dont je dispose ne me permettent pas de conclure que retourner à Saint-Vincent avec ses enfants serait contraire à l’intérêt supérieur des enfants.

[58]  Encore une fois, il faut souligner que l’agente est obligée d’effectuer cette analyse de l’intérêt supérieur des enfants à la lumière des éléments de preuve limités présentés par la demanderesse. Rien ne permet de croire que la demanderesse, représentée par un avocat, n’aurait pas pu présenter à l’agente un meilleur fondement probatoire; elle a pourtant choisi de ne pas le faire et cherche maintenant à rendre l’agente responsable de ses propres omissions. Dans son analyse, l’agente reconnaît la position de la demanderesse selon laquelle [traduction] « l’intérêt supérieur de ses enfants canadiens est qu’elle demeure au Canada ». Selon la jurisprudence de la Cour, il s’agit d’une hypothèse qui peut être avancée dans la majorité des cas. Voir l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Hawthorne, 2002 CAF 475, au paragraphe 5. L’agente ne dit pas ici que les enfants ne seraient pas mieux au Canada; toutefois, cette hypothèse doit être évaluée et pondérée dans le contexte de ce à quoi ils s’exposent s’ils retournent à Saint-Vincent avec leur mère, au moins jusqu’au moment où ils seront suffisamment âgés pour exercer leurs droits en tant que Canadiens. Selon l’analyse de l’agente et ses conclusions, la demanderesse n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour établir que ces très jeunes enfants souffriront de privations matérielles ou culturelles, ou qu’ils seront privés de soins de santé, à Saint-Vincent, et ils continueront de profiter de l’amour et du soutien constants de leur mère là-bas, en plus de profiter du soutien d’une famille élargie.

[59]  Autrement dit, l’agente ne s’est pas demandé, comme le prétend la demanderesse, [traduction] « ce qui ne serait pas contraire à l’intérêt supérieur des enfants, sans toutefois prendre en considération ce qui était leur intérêt supérieur ». L’agente est pleinement consciente du point de vue de la demanderesse, selon lequel [traduction] « l’intérêt supérieur de ses enfants canadiens est qu’elle demeure au Canada », mais pour déterminer le poids à accorder à l’intérêt supérieur de ces jeunes enfants, l’agente doit se demander ce qui les attend s’ils retournent à Saint-Vincent avec leur mère. L’agente n’a jamais dit qu’il n’est pas dans l’intérêt supérieur des enfants de demeurer avec leur mère au Canada. Mais ce qui est important, lorsque l’on évalue le poids à accorder à ce facteur, c’est la mesure dans laquelle les enfants souffriront de privations s’ils retournent à Saint-Vincent avec leur mère. C’est pourquoi dans l’analyse l’accent est mis sur ce à quoi les enfants s’exposent à Saint-Vincent et sur l’absence d’éléments de preuve présentés par la demanderesse sur cette question.

[60]  Il n’y avait aussi que très peu d’éléments de preuve concernant la situation des enfants au Canada, du moins en ce qui concerne leur expérience du système scolaire canadien. Je crois que l’on peut supposer sans crainte que l’agente est entièrement au courant que le Canada offre davantage de possibilités à ces enfants que Saint-Vincent. L’agente reconnaît entièrement que [traduction] « le niveau de vie entre les pays varie ». Mais leur retour à Saint-Vincent ne les prive pas de leurs droits en tant que Canadiens; l’agente ne se préoccupe que des privations auxquelles ils pourraient être exposés jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de choisir s’ils souhaitent résider au Canada. À cet égard, la demanderesse n’a produit aucun élément de preuve qui laissait entendre que [traduction] « les conséquences générales du déménagement et de la réinstallation de la demanderesse dans son pays d’origine [...] seront [...] contraires à l’intérêt supérieur des enfants »; autrement dit, rien dans les conséquences générales de la réinstallation ne seraient contraires à l’intérêt supérieur des enfants.

[61]  La demanderesse affirme aussi qu’en supposant que ses enfants et elle profiteraient d’un système de soutien familial à Saint-Vincent, l’agente a fait fi de son témoignage selon lequel elle a coupé les ponts avec son pays d’origine et que ses seuls liens significatifs sont avec le Canada. Le fait que la demanderesse affirme avoir coupé les ponts avec sa famille à Saint-Vincent ne constitue pas un élément de preuve, sans rien de plus, que ces liens ne peuvent être rétablis, d’autant plus qu’elle a maintenant des enfants. Selon les éléments de preuve présentés, les parents et les frères et sœurs de la demanderesse vivent à Saint-Vincent. Ainsi, il faudrait présenter plus d’explications et des éléments de preuve pour expliquer pourquoi ce groupe de personnes ne soutiendrait pas une fille et des petits-enfants. Dans cette situation, la demanderesse doit faire plus que déclarer simplement qu’elle a coupé les ponts avec sa famille à Saint-Vincent. L’agente compare le système de soutien familial à Saint-Vincent avec ce qui s’offre à la demanderesse et à ses enfants au Canada, selon les éléments de preuve au dossier :

[traduction]

Même si la demanderesse indique qu’elle n’a « aucun soutien familial valable » en dehors du Canada, je précise qu’elle a passé la majeure partie de sa vie à Saint-Vincent. Les parents et les frères et sœurs de la demanderesse habitent à Saint-Vincent, et il est raisonnable de croire, en l’absence d’une preuve du contraire, qu’ils pourraient faciliter sa réinstallation dans son pays d’origine. Hormis la déclaration de la demanderesse, je ne dispose que de peu de détails concernant toute perte de liens sociaux ou familiaux à Saint-Vincent. À cet égard, je conclus que les éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer pourquoi la famille de la demanderesse ne pourrait pas l’aider dans son processus de réintégration, ou pourquoi si sa famille l’aide, ses proches ou elle‑même pourraient être exposés à des difficultés. Qui plus est, les observations indiquent que le seul membre de la famille au Canada est Ann Marie Graham, sa belle-sœur, et cette dernière affirme qu’elle est incapable d’aider la demanderesse à prendre soin des enfants en raison de ses obligations de travail.

[62]  Le défaut de la demanderesse de présenter des éléments de preuve objectifs suffisants concernant le facteur de l’intérêt supérieur des enfants représente un problème généralisé à l’ensemble de sa demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire. À titre d’exemple, elle affirme maintenant que [traduction] « l’agente n’a pas tenu compte de façon adéquate ou raisonnable de l’incidence sur les enfants du décès de leur père, ou des difficultés auxquelles seront exposés les enfants en raison du décès de leur père » et qu’elle [traduction] « a omis de mesurer l’incidence du vide affectif dans la vie des enfants, attribuable au décès de leur père ». Cependant, elle omet de faire référence à tout élément de preuve présenté sur cette question, que l’agente n’aurait pas examiné.

[63]  Dans la présente demande, la demanderesse blâme constamment l’agente pour ne pas avoir mené une analyse plus approfondie des questions pour lesquelles elle n’a présenté aucun élément de preuve susceptible de permettre une analyse plus exhaustive que celle effectuée par l’agente. Elle refuse de reconnaître les défauts de sa propre demande de dispense pour motifs d’ordre humanitaire et blâme l’agente pour ne pas y avoir remédié.

[64]  La demanderesse blâme l’agente pour ne pas avoir pris en considération les différences entre le niveau de vie général à Saint-Vincent et celui au Canada, et leur incidence sur elle-même et ses trois enfants. L’agente indique toutefois qu’elle est pleinement attentive à ce facteur et offre la réponse suivante :

[traduction]

En ce qui concerne les difficultés auxquelles la demanderesse pourrait être exposée à son retour à Saint-Vincent, il est reconnu que les niveaux de vie diffèrent d’un pays à l’autre. Il convient de souligner que de nombreux pays n’ont pas la chance de profiter des mêmes soutiens sociaux, y compris les soutiens financiers et médicaux, que l’on trouve au Canada. Le paragraphe 25(1) de la LIPR n’a pas pour objectif de compenser les différences dans le niveau de vie des pays, mais plutôt d’offrir une réponse exceptionnelle à un ensemble particulier de circonstances qui n’ont pas été prévues dans la LIPR, et pour lesquelles des motifs d’ordre humanitaire justifient l’octroi d’une dispense. J’estime que la situation personnelle de la demanderesse ne justifie pas une telle dispense.

[65]  L’agente ne dit pas qu’à Saint-Vincent, la demanderesse et ses enfants bénéficieront de conditions en matière de santé, d’éducation et de vie en général comparables à celles qu’ils auraient s’ils demeuraient au Canada. Ce n’est pas là le but d’une analyse fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[66]  En ce qui concerne l’aspect de la décision qui porte sur l’établissement, la demanderesse présente deux allégations qu’il faut mentionner ici.

[67]  En premier lieu, la demanderesse affirme que l’agente n’a pas tenté d’apprécier les difficultés auxquelles elle était exposée, et qu’elle a tiré des conclusions déraisonnables à propos des options qui s’offraient à elle. Elle indique que l’agente [traduction] « ne s’est aucunement montrée sensible au degré d’établissement de la demanderesse dans ce dossier, ou au niveau de difficultés auquel serait vraisemblablement exposée la demanderesse si elle était tenue de quitter le Canada ». Plus précisément, la demanderesse allègue ce qui suit :

[traduction]

35.  En plus d’écarter les éléments de preuve selon lesquels la demanderesse gagnait un revenu (déposé toutes les deux semaines directement dans son compte bancaire) aussi récemment qu’en août 2015, [l’agente] a allégué que la demanderesse n’avait présenté aucune mise à jour sur sa situation d’emploi après 2014. Cette affirmation contredit directement les éléments de preuve dont l’agente disposait. [L’agente] n’a pas abordé de manière appropriée l’établissement en tant que facteur dans la présente demande. L’agente a commis une erreur quand elle a omis d’analyser le degré d’établissement de la demanderesse.

36.  En plus d’écarter les éléments de preuve concernant les économies financières de la demanderesse, [l’agente] a allégué qu’il n’y avait aucune preuve de sa gestion financière. L’agente a manifestement fait fi des éléments de preuve indiquant que la demanderesse travaillait comme nettoyeuse (et des éléments de preuve montrant que son salaire était déposé dans son compte bancaire) et coiffeuse, en plus de faire du bénévolat comme coiffeuse et de prendre soin de ses trois enfants. Elle a présenté une preuve de son revenu déclaré, une confirmation de son ancien employeur, une confirmation de ses expériences de bénévolat et une offre d’emploi. Elle a aussi des économies importantes dans son compte bancaire. Tout au long de ce processus, elle n’était pas prestataire de l’aide sociale. L’agente a écarté la preuve de sa gestion financière. L’agente a commis une erreur quand elle a omis d’analyser le degré d’établissement de la demanderesse.

37.  [L’agente] a supposé à tort que la gestion financière est illustrée par une cotisation d’impôt sur le revenu, et n’a pas tenu compte des éléments de preuve concernant les économies financières de la demanderesse, qui s’élèvent à plus de 12 000 $. L’agente a mal interprété les éléments de preuve en matière de gestion financière. L’agente a commis une erreur quand elle a omis d’analyser le degré d’établissement de la demanderesse.

38.  Tout en reconnaissant qu’il existait des éléments de preuve concernant ses économies financières, l’agente a indiqué qu’aucune observation n’avait été formulée concernant la gestion financière de la demanderesse. En plus d’être intrinsèquement incohérente, cette affirmation indique que l’on n’a pas tenu compte du degré d’établissement de la demanderesse. Tout en reconnaissant que son mari devait présenter une demande de parrainage avant son décès, l’agente a indiqué que la demanderesse avait déployé peu d’efforts pour régulariser son statut. Cette affirmation est également intrinsèquement incohérente, et montre que l’on n’a pas bien tenu compte de la situation de la demanderesse. L’agente n’a jamais examiné la demande dans le contexte de la situation particulière de la demanderesse ou examiné les circonstances propres à la demanderesse.

[Renvois omis.]

[68]  D’abord, nonobstant les critiques exprimées par la demanderesse à l’égard de l’analyse de l’établissement menée par l’agente, l’agente indique clairement dans la décision que [traduction] « l’emploi est un élément favorable », même si la demanderesse a travaillé sans autorisation.

[69]  Des relevés bancaires au nom de la demanderesse et de son défunt mari indiquent des économies financières et deux entrées qui semblent représenter des dépôts de revenus. Ces relevés n’ont pas le même poids que des déclarations d’impôt sur le revenu pour illustrer l’historique de gestion financière de la demanderesse. Contrairement à l’affirmation de la demanderesse, l’agente n’écarte pas les éléments de preuve concernant ses économies financières. Elle y fait précisément référence, et les a pris en considération. Mais les éléments de preuve qu’elle présente pour appuyer ses affirmations liées à son revenu personnel ne sont pas corroborés par une copie d’un relevé bancaire au nom de son mari décédé. Et le relevé bancaire de 2015 au nom de la demanderesse ne montre aucune preuve de revenus, tandis que le relevé bancaire de 2016 à son nom ne montre aucune preuve de revenus, mais indique effectivement des économies.

[70]  En ce qui concerne la situation d’emploi, voici ce que l’agente affirme :

[traduction]

En ce qui concerne l’emploi, la demanderesse dépose une lettre datée du 8 octobre 2015 d’un ancien employeur, « Bata Group of Companies Corporation », qui confirme qu’elle a été à l’emploi de l’entreprise de 2011 à 2014. Dans cette lettre, l’on explique qu’elle est [traduction] « une excellente personne et une excellente travailleuse » et qu’elle gagnait 18 000 $ par année. Je précise que la demanderesse n’a présenté aucune mise à jour concernant son emploi après 2014. En outre, la lettre susmentionnée de l’employeur n’est pas rédigée sur du papier à en-tête de l’entreprise et le mot « corporation » est mal orthographié.

[71]  Rien n’indique que ces éléments ont joué en défaveur de la demanderesse. L’agente indique clairement que [traduction] « l’emploi est un élément favorable », même s’il faut garder à l’esprit que la demanderesse ne possédait pas les autorisations nécessaires pour travailler.

[72]  Par ailleurs, l’agente devait examiner les possibilités qui s’offraient à la demanderesse à Saint-Vincent. La demanderesse allègue que l’agente conclut que des possibilités favorables s’offrent à elle à Saint-Vincent, mais il n’y a aucune preuve à cet égard. Ce n’est toutefois pas la conclusion que l’agente a tirée. L’agente affirme que [traduction] « la demanderesse n’a pas démontré qu’il existait des obstacles importants l’empêchant de trouver un emploi à Saint‑Vincent. Je ne suis pas convaincue que la demanderesse ne serait pas en mesure de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants si elle retournait dans son pays d’origine. »

[73]  Donc, encore une fois, ce qui milite contre la demanderesse, c’est que, nonobstant une conclusion favorable concernant ses possibilités d’emploi au Canada, la demanderesse n’a pas présenté suffisamment de renseignements pour prouver une absence de possibilités d’emploi à Saint-Vincent. Elle blâme l’agente pour cela, mais le problème réside dans le fait qu’elle ne reconnaît pas qu’il lui incombait de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa position.

[74]  L’autre plainte importante formulée par la demanderesse est exprimée ainsi dans ses observations écrites :

[traduction]

39.  Il n’apparaît nulle part dans la décision que l’agente tient réellement compte de la situation personnelle de la demanderesse, et des circonstances dans lesquelles la demanderesse est en mesure de prouver qu’elle est autonome. L’agente n’a pas tenu compte du fait qu’elle a pris soin d’un époux atteint du cancer, des conséquences du décès de son mari sur elle, de leur demande de parrainage proposé avortée, du fait qu’elle prend soin de trois très jeunes enfants, et qu’elle est toujours autonome. L’agente n’a jamais examiné la demande dans le contexte de la situation particulière de la demanderesse ou examiné les circonstances propres à la demanderesse. L’agente n’a même pas pris en considération l’incidence, sur la demanderesse, du décès de son mari ou des difficultés qu’elle doit surmonter depuis cet événement. L’agente n’a pas bien cerné ou bien défini les circonstances particulières de la demanderesse. Il n’apparaît nulle part dans la décision que l’agente a pris en considération les répercussions que le décès récent de son mari a eues sur la demanderesse, ou tenu compte du fait que les cinq dernières années ont été extrêmement difficiles pour la demanderesse, qui a consacré beaucoup de temps aux aller-retour entre la maison et l’hôpital. L’agente n’a pas tenu compte du fait que le renvoi de la demanderesse du Canada peu de temps après le décès de son mari rendrait les effets de ce décès particulièrement graves pour elle. Il s’agit d’une erreur susceptible de révision.

[75]  Bon nombre des facteurs auxquels l’on renvoie dans cet extrait sont en fait abordés dans la décision. La demanderesse semble se plaindre de l’absence générale d’empathie à son égard, vu la perte de son mari, et compte tenu de tout ce qu’elle a fait pour lui pendant sa maladie. La demanderesse mérite, bien entendu, l’empathie et le respect de tous pour sa conduite à cet égard; elle n’explique toutefois pas en quoi ces souffrances personnelles auraient dû avoir une incidence sur l’analyse effectuée par l’agente concernant son établissement au Canada, l’intérêt supérieur des enfants et les difficultés auxquelles ils seront exposés s’ils sont renvoyés à Saint-Vincent. En outre, à la lecture de l’ensemble de la décision, il est clair que l’agente reconnaît la situation personnelle de la demanderesse et en tient compte lorsqu’elle est pertinente par rapport l’analyse.

[76]  Par exemple, l’agente reconnaît et accepte que [traduction] « la demanderesse se trouve actuellement seule au Canada avec trois jeunes enfants et sans statut » et elle compare ensuite le [traduction] « soutien familial » dont dispose la demanderesse au Canada et à Saint‑Vincent. L’agente souligne que la demanderesse a une grande famille à Saint-Vincent, alors que [traduction] « les observations indiquent que le seul membre de la famille au Canada est Ann Marie Graham, sa belle-sœur, et cette dernière affirme qu’elle est incapable d’aider la demanderesse à prendre soin des enfants en raison de ses obligations de travail ».

[77]  L’agente montre clairement qu’elle est sensible au fait que la demanderesse est veuve depuis peu et qu’elle a trois jeunes enfants. C’est pourquoi elle compare le soutien familial dont elle dispose au Canada par rapport à celui offert à Saint-Vincent. Encore une fois, la difficulté pour l’agente résidait dans l’absence d’éléments de preuve indiquant en quoi l’expérience difficile et triste vécue par la demanderesse et les enfants influait sur les importants facteurs d’ordre humanitaire que sont l’établissement, les conditions à Saint-Vincent et l’intérêt supérieur des enfants.

[78]  L’agente aurait pu être plus expansive dans son témoignage d’empathie à l’égard de ce que la demanderesse a vécu, mais ce n’est pas là son travail. Elle reconnaît clairement à quel point la situation actuelle de la demanderesse est triste; cependant, elle doit évaluer et analyser la situation en fonction des facteurs d’ordre humanitaire applicables, du dossier de preuve présenté par la demanderesse et de la jurisprudence existante.

[79]  Il en va de même pour la Cour, bien entendu. Malgré toute la sympathie que j’éprouve pour la demanderesse et ses enfants, je dois néanmoins évaluer la décision rendue par l’agente de manière objective, selon la jurisprudence existante. Lorsque je fais cela, je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle dans cette décision qui nécessiterait que l’affaire soit renvoyée pour un nouvel examen. Comme c’est souvent le cas dans les dossiers d’immigration, toute ma sympathie va à la demanderesse et à ses enfants, mais mon rôle consiste à déterminer si la décision contient une erreur susceptible de révision. Malheureusement, je dois dire à regret que je n’en vois aucune.

[80]  Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est d’accord.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2009-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour de mai 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2009-17

 

INTITULÉ :

JENECIA MECIAH CAMPBELL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 janvier 2018

 

COMPARUTIONS :

Bola Adetunji

Pour la demanderesse

 

Stephen Jarvis

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bola Adetunji

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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