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Date : 20160127


Dossier : T­1811­12

Référence : 2016 CF 98

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

CONOCOPHILLIPS CANADA RESOURCES CORP.

requérante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La requérante, ConocoPhillips Canada Resources Corp. (ConocoPhillips), présente cette demande de contrôle judiciaire pour déterminer si le ministre du Revenu national a la compétence, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C., 1985, ch. 1 (LIR), de renoncer à l’exigence selon laquelle un contribuable doit déposer un avis d’opposition en temps opportun afin d’obtenir un redressement de la cotisation établie pour l’impôt sur le revenu payable par un contribuable.

[2]  Après avoir été informée en avril 2010 d’une nouvelle cotisation qui avait été établie en 2008 relativement à la taxe à payer pour l’année d’imposition 2000, ConocoPhillips a déposé un avis d’opposition tardif que le ministre a rejeté comme nul. Ce rejet a incité ConocoPhillips à présenter à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre selon laquelle il ne pouvait pas établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2000 (voir : ConocoPhillips Canada Resources Corp. c. Canada (Revenu national), 2013 CF 1192, 235 ACWS (3d) 94). En fin de compte, cette demande particulière a donné lieu à une décision de la Cour d’appel fédérale, le 15 décembre 2014, Canada (Revenu national) c. ConocoPhillips Canada Resources Corp., 2014 CAF 297, 247 ACWS (3d) 717 [ConocoPhillips CAF], quant à l’autorisation d’interjeter appel auprès de la CSC de la demande rejetée le 8 octobre 2015, dossier no 36304); la Cour d’appel a jugé que le recours approprié de ConocoPhillips était d’interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt en vertu de l’alinéa 169(1)b) de la LIR et d’établir dans cet appel que son avis d’opposition avait été déposé en temps opportun.

[3]  Entre­temps, ConocoPhillips a demandé à ce que le ministre renonce, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, à l’obligation de déposer un avis d’opposition à l’égard de son année d’imposition 2000. Le délégué du ministre a rejeté cette demande dans une lettre datée du 29 août 2012, concluant que « [TRADUCTION] le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la Loi, de renoncer à l’obligation de signifier un avis d’opposition. » ConocoPhillips conteste cette décision et demande à la Cour de l’annuler et de renvoyer l’affaire au ministre en vue d’une décision. Elle demande également un bref de mandamus pour que le ministre révise la demande de dérogation selon des directives que la Cour juge appropriées.

II.  Faits

[4]  La requête de ConocoPhillips faite au ministre pour qu’il renonce à l’obligation de déposer un avis d’opposition découle de la participation de ConocoPhillips au projet des sables bitumineux de Syncrude. ConocoPhillips s’oppose aux calculs effectués par le ministre des montants remis en vertu du décret de remise rendu par le ministre à Syncrude pour l’année d’imposition 2000. ConocoPhillips et d’autres participants au projet de sables bitumineux de Syncrude, y compris Imperial Oil Resources Limited, ont déposé des demandes de contrôle judiciaire contestant l’exactitude des calculs du ministre [collectivement, le litige Imperial]. Étant donné que ConocoPhillips a refusé de fournir une renonciation pour l’année d’imposition 2000 au titre des rajustements qui se produiraient si le litige Imperial était résolu en faveur des participants de Syncrude, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour ConocoPhillips pour son année fiscale 2000 en fonction du revenu de remise potentiel supplémentaire. Cette nouvelle cotisation a fait augmenter le revenu imposable de ConocoPhillips pour 2000 d’environ 17 000 000 $ et ConocoPhillips a déposé en temps opportun un avis d’opposition à cette nouvelle cotisation en 2006. ConocoPhillips qualifie cette nouvelle cotisation de « protectrice » dans la mesure où elle était fondée sur le versement d’éventuels montants de remise supplémentaires à ConocoPhillips si le litige Imperial était résolu en faveur des participants de Syncrude.

[5]  Il se trouve que ConocoPhillips n’a pas reçu d’autres montants de revenu de remise après la résolution définitive du litige Imperial, le 13 mai 2010. ConocoPhillips prétend qu’une fois que le litige Imperial a été résolu en faveur de la Couronne, elle a demandé au ministre d’établir une nouvelle cotisation pour son année d’imposition 2000, mais que le ministre a refusé de le faire. ConocoPhillips prétend, en outre, que les deux parties avaient clairement compris que le ministre établirait une nouvelle cotisation une fois que le litige Imperial avait été résolu.

[6]  Le 14 avril 2010, ConocoPhillips a appris qu’une nouvelle cotisation avait été établie une deuxième fois pour l’année d’imposition 2000, le 7 novembre 2008, à l’égard d’une question sans rapport avec le revenu de remise potentiel. Cette nouvelle cotisation établie une deuxième fois a annulé la nouvelle cotisation qui avait été établie la première fois ainsi que l’avis d’opposition connexe (qui avait été déposé en temps opportun) se rapportant à ces revenus potentiels. ConocoPhillips prétend qu’elle n’a reçu copie de cette nouvelle cotisation établie une deuxième fois qu’en mai 2010 et que, par conséquent, elle n’a pas déposé d’avis d’opposition à cette nouvelle cotisation dans le délai prescrit. Le ministre affirme que l’avis a été envoyé, par la poste, le 7 novembre 2008. La copie de l’avis de nouvelle cotisation qui a été remis à ConocoPhillips en mai 2010 était daté du 26 avril 2010 et il s’agissait d’une reproduction de l’avis qui aurait été envoyé en 2008.

[7]  Après avoir reçu la nouvelle cotisation établie la deuxième fois en mai 2010, ConocoPhillips a tenté de déposer un second avis d’opposition le 7 juin 2010; le ministre a rejeté cet avis d’opposition le 15 septembre 2010, en déclarant qu’il était nul, car il n’avait pas été déposé en temps opportun et que le délai pour demander une prolongation du délai lié à la signification d’une objection avait expiré. Cela a incité ConocoPhillips à présenter à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre selon laquelle il ne pouvait pas établir une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2000. Cette demande, comme il est indiqué au début de ces motifs, a finalement abouti à la décision de la Cour d’appel fédérale, concluant que le recours approprié de ConocoPhillips était d’interjeter un appel à la Cour canadienne de l’impôt en vertu de l’alinéa 169(1)b) de la LIR.

[8]  En plus de tenter de déposer un second avis d’opposition par rapport à la nouvelle cotisation qui a été établie une deuxième fois, ConocoPhillips a également demandé, le 15 août 2011, que le ministre renonce, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, à l’obligation de signifier un avis d’opposition. Toutefois, comme il est indiqué ci­dessus, le ministre a rejeté cette demande, déclarant que « [traduction] la portée de l’autorité du ministre en vertu du paragraphe 220(2.1) n’inclut pas les objections à des cotisations ». Le ministre a fourni trois motifs pour cette décision :

  • Premièrement, les dispositions relatives à l’objection et aux appels figurent dans la partie I de la LIR et, de l’avis du ministre, elles constituent un code complet.

  • Deuxièmement, le paragraphe 220(2.1) est une disposition générale et ne remplace pas les dispositions spécifiques des paragraphes 165(1) et 166.1(7) de la LIR.

  • Troisièmement, le mot « signifier » au paragraphe 165(1) de la LIR et le mot « produise » au paragraphe 220(2.1), ainsi que les mots « peut » au paragraphe 165(1) et « exiger » au paragraphe 220(2.1) sont censés se faire distinguer.

[9]  ConocoPhillips demande maintenant le contrôle judiciaire du refus du ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, de renoncer à l’obligation de signifier un avis d’opposition.

III.  Questions en litige

[10]  La requérante soulève deux questions qui peuvent être reformulées de la façon suivante :

  1. Le ministre a­t­il commis une erreur de droit en déterminant qu’il ne possédait pas l’autorité, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, de renoncer à la signification d’un avis d’opposition?

  2. Le cas échéant, le ministre a­t­il omis de respecter la justice naturelle et l’équité procédurale en refusant de renoncer à la signification d’un avis d’opposition?

[11]  Le défendeur affirme que la seule question ou le seul problème est comme suit : le ministre a­t­il la compétence, en vertu du paragraphe 220(2.1), de renoncer à l’obligation de signifier un avis d’opposition conformément aux paragraphes 165(1) et 165(1.1) de la LIR?

[12]  Avant d’aborder ces questions, il faut d’abord répondre à une question préliminaire de savoir si cette question est recevable devant la Cour, puis d’examiner la norme de contrôle en vigueur.

A.  La question est­elle recevable devant la Cour fédérale?

[13]  En vertu du paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, la Cour de l’impôt « a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle... sur les questions découlant de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu... » (L.R.C., 1985, ch. T­2 [LCCI]). Tous les appels des décisions du ministre concernant des avis d’opposition doivent être interjetés auprès de la Cour de l’impôt. La Cour a également la compétence exclusive pour entendre et trancher des questions qui lui sont soumises en vertu de l’article 173 ou 174 de la LIR (LCCI, par. 12[3]), ainsi que les demandes de prolongation de délai en vertu de l’article 166.2 ou 167 de la LIR (LCCI, par. 12[4]).

[14]  La principale question soulevée par cette demande de contrôle judiciaire ne relève pas de l’un des principes dûment énoncés de la compétence et des pouvoirs de la Cour de l’impôt prévus aux articles 12 et 13 de la LCCI; cette demande n’est pas non plus un appel propre à une question découlant de la LIR. Au contraire, ConocoPhillips s’adresse à la Cour en affirmant que, contrairement à l’interprétation par le ministre du paragraphe 220(2.1) de la LIR, le ministre a la compétence et le pouvoir de renoncer à l’exigence selon laquelle un contribuable doit signifier un avis d’opposition en temps opportun afin de remettre en question une nouvelle cotisation pour l’impôt sur le revenu qu’il doit payer. Cela, à son tour, soulève la question de savoir si la demande de contrôle judiciaire de ConocoPhillips révèle un moyen recevable en droit administratif qui peut être introduit devant la Cour.

[15]  La Cour fédérale a de vastes pouvoirs en matière de contrôle judiciaire, mais elle ne peut pas traiter des affaires régulièrement portées en appel devant la Cour de l’impôt (voir : JP Morgan Asset Management (Canada) Inc. c. MRN 2013 CAF 250, au paragraphe 27, [2013 ] A.C.F. no 1155 [JP Morgan]; Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F­7, article 18.5 [LCF]). Plus précisément, la Cour a compétence sur le contrôle judiciaire des décisions prises par les conseils, les commissions et les tribunaux fédéraux, y compris par le ministre (JP Morgan, au paragraphe 25). Pour saisir la Cour fédérale, le demandeur doit : 1) montrer qu’un contrôle judiciaire peut être exercé en vertu des articles 18 et 18.1 de la LCF et 2) « énoncer un motif de contrôle connu en droit administratif ou susceptible d’être reconnu en droit administratif » (JP Morgan, aux par. 68 à 70). Dans l’affaire JP Morgan, la Cour d’appel fédérale a déterminé (au par. 70) trois motifs de contrôle judiciaire connus en droit administratif, à savoir : a) l’absence de compétence, b) l’irrecevabilité quant à la procédure, c) l’irrecevabilité quant au fond (c.­à­d. une décision qui n’est pas raisonnable).

[16]  Les articles 18 et 18.1 de la LCF traitent de la compétence de la Cour fédérale ainsi que des délais et recours accessibles par rapport à une demande de contrôle judiciaire. Dans ce cas, ConocoPhillips a respecté les délais appropriés de sa demande de contrôle judiciaire et elle demande des mesures correctives qui relèvent clairement de la compétence de la Cour. Par conséquent, sa demande de contrôle judiciaire satisfait à la première exigence émanant de JP Morgan (aux par. 68 et 69; Air Canada c. Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347, aux par. 24 à 29, 211 ACWS (3d) 254).

[17]  Le deuxième volet du critère de l’arrêt JP Morgan soulève la question de savoir si la demande énonce un motif de contrôle connu en droit administratif ou est susceptible d’être reconnu en droit administratif. Dans ce cas, ConocoPhillips soulève la question de savoir si le ministre a la compétence de renoncer à l’exigence selon laquelle un contribuable doit signifier un avis d’opposition en temps opportun afin de demander une nouvelle cotisation pour l’impôt sur le revenu qu’il doit payer. Cette question, à son tour, soulève une question d’irrecevabilité quant au fond; autrement dit, l’interprétation du ministre quant à la portée de son autorité est­elle raisonnable? ConocoPhillips soulève également une question d’équité procédurale ou d’irrecevabilité quant à la procédure, affirmant que le refus du ministre d’accorder la dérogation demandée enfreint la justice naturelle et l’équité procédurale. À mon avis, ces questions sous­tendent un moyen recevable en droit administratif.

[18]  En effet, dans l’affaire JP Morgan, la Cour d’appel a fait remarquer (aux paragraphes 71 à 73) qu’un abus de pouvoir discrétionnaire par le ministre, y compris son entrave à l’exercice du pouvoir discrétionnaire (ce que ConocoPhillips fait valoir dans ce cas), est susceptible d’un contrôle judiciaire et devrait être considéré comme une question d’irrecevabilité quant au fond. En outre, ma conclusion que la présente demande est recevable devant la Cour est renforcée par l’observation suivante du juge Stratas dans l’arrêt JP Morgan :

[90]  ... La décision du ministre prise en vertu de l’article 220 est susceptible de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale selon les principes du droit administratif. Si le ministre aborde la question de l’allègement pour raison d’équité en ayant l’esprit fermé ou prend une décision qui, quant au fond et à la procédure, est inacceptable en droit administratif, sa décision peut être annulée [renvois omis].

[19]  Contrairement à l’appelant dans l’affaire JP Morgan, ConocoPhillips demande une réparation qui peut être accordée par la Cour fédérale et qui a soulevé une question recevable en droit administratif. Elle soutient que le ministre a indûment entravé son pouvoir discrétionnaire sur la foi d’une interprétation erronée du paragraphe 220(2.1) de la LIR. Aucun appel particulier n’a été interjeté auprès de la Cour de l’impôt pour ce genre de demande, et l’article 18.5 de la LCF ne s’applique pas.

[20]  En outre, cette demande n’est pas un cas où le demandeur saisit la Cour fédérale pour qu’elle examine une cotisation dans une tentative de contourner la compétence de la Cour de l’impôt. Il en est autrement dans l’affaire ConocoPhillips CAF, où la Cour d’appel a statué que la Cour de l’impôt était la tribune appropriée pour contester la décision du ministre de ne pas tenir compte de l’avis d’opposition déposé en retard parce qu’il y a une disposition propre à l’alinéa 169(1)b) de la LIR pour faire appel à la Cour de l’impôt. Dans ce cas, la décision contestée du ministre se limite uniquement à une question portant sur la compétence du ministre en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR. La décision qui est remise en question, dans ce cas, n’est pas de savoir si la dérogation en vertu du paragraphe 220(2.1) devrait ou ne devrait pas être accordée. Au contraire, la question soulevée par cette demande de contrôle judiciaire est de savoir s’il relève même de la compétence du ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, de renoncer à l’exigence selon laquelle un contribuable doit signifier un avis d’opposition en temps opportun afin de remettre en question une nouvelle cotisation pour l’impôt sur le revenu à payer.

B.  Quelle est la norme de contrôle appropriée?

[21]  Les parties estiment que la question de la compétence du ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, est une question de droit et, par conséquent, elle devrait être examinée selon la norme du bien­fondé.

[22]  Cependant, la Cour suprême du Canada a déclaré, dans l’affaire Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654 [Alberta Teachers], que les cas portant sur de véritables questions de compétence sont exceptionnels. La décision majoritaire de la Cour suprême, dans l’arrêt Alberta Teachers (de Rothstein, J.), offre les orientations suivantes :

[34]  La consigne voulant que la catégorie des véritables questions de compétence appelle une interprétation restrictive revêt une importance particulière lorsque le tribunal administratif interprète sa loi constitutive. En un sens, tout acte du tribunal qui requiert l’interprétation de sa loi constitutive soulève la question du pouvoir ou de la compétence du tribunal d’accomplir cet acte. Or, depuis Dunsmuir, la Cour s’est écartée de cette définition de la compétence. En effet, au vu de la jurisprudence récente, le temps est peut­être venu de se demander si, aux fins du contrôle judiciaire, la catégorie des véritables questions de compétence existe et si elle est nécessaire pour arrêter la norme de contrôle applicable. Cependant, faute de plaidoirie sur ce point en l’espèce, je me contente d’affirmer que, sauf situation exceptionnelle – et aucune ne s’est présentée depuis Dunsmuir –, il convient de présumer que l’interprétation par un tribunal administratif de « sa propre loi constitutive ou [d’]une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » est une question d’interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire.

[23]  Plus récemment, la Cour suprême a réitéré le caractère exceptionnel des véritables questions de compétence dans l’affaire ATCO Gas and Pipelines Ltd. c. Alberta (Utilities Commission), 2015 CSC 45, [2015] AWLD 3680, un cas de tarification où le juge Rothstein, parlant au nom de la Cour, a déclaré ce qui suit :

[27]  .... Dans sa jurisprudence récente, la Cour insiste sur le fait que les véritables questions de compétence, à supposer qu’elles forment bel et bien une catégorie, ce sur quoi la Cour n’a pas encore statué, sont rares et exceptionnelles (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 34)....

[28]  Lorsque l’appel porte également sur l’interprétation de sa loi constitutive par la Commission, l’application de la norme de la décision raisonnable est aussi présumée (Alberta Teachers’ Association, par. 30). Cette présomption n’est pas réfutée en l’espèce.

[24]  Dans ce cas, le ministre a interprété une disposition de la loi qui lui accorde la compétence et le pouvoir d’appliquer et d’administrer la LIR. Cela est, à mon avis, semblable à un tribunal qui interprète sa propre loi constitutive. Le ministre est donc censé bien connaître sa propre loi constitutive. Par conséquent, compte tenu de l’affaire Alberta Teachers, une norme déférente du caractère raisonnable du contrôle, plutôt qu’une norme du bien­fondé, devrait être adoptée lors de l’examen de l’interprétation par le ministre du paragraphe 220(2.1) de la LIR.

[25]  Quant à la question de la requérante de savoir si le ministre n’a pas respecté la justice naturelle ou l’équité procédurale en refusant la dérogation demandée, la norme de contrôle applicable est celle du bien­fondé : voir Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1 au par. 115, [2002] 1 RCS 3.

C.  Le ministre a­t­il commis une erreur de droit en déterminant qu’il ne possédait pas l’autorité, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, de renoncer à la signification d’un avis d’opposition?

[26]  Pour répondre à cette question, il est utile, à ce stade, de définir les dispositions pertinentes de la LIR qui permettent de déterminer si l’interprétation par le ministre du paragraphe 220(2.1), dans ces circonstances, était raisonnable :

PARTIE I

IMPÔT SUR LE REVENU

SECTION I

DÉCLARATIONS, COTISATIONS, PAIEMENT ET APPELS

PART I

INCOME TAX

DIVISION I

RETURNS, ASSESSMENTS, PAYMENT AND APPEALS

165. (1) Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants :

165. (1) A taxpayer who objects to an assessment under this Part may serve on the Minister a notice of objection, in writing, setting out the reasons for the objection and all relevant facts,

a) s’il s’agit d’une cotisation, pour une année d’imposition, relative à un contribuable qui est un particulier (sauf une fiducie) ou une succession assujettie à l’imposition à taux progressifs pour l’année, au plus tard au dernier en date des jours suivants :

(a) If the assessment is in respect of the taxpayer for a taxation year and the taxpayer is an individual (other than a trust) or a graduated rate estate for the year, on or before the later of

(i) le jour qui tombe un an après la date d’échéance de production qui est applicable au contribuable pour l’année,

(i) The day that is one year after the taxpayer’s filing-due date for the year, and

(ii) le quatre­vingt­dixième jour suivant la date d’envoi de l’avis de cotisation;

(ii) The day that is 90 days after the day of sending of the notice of the assessment; and

b) dans les autres cas, au plus tard le quatre­vingt­dixième jour suivant la date d’envoi de l’avis de cotisation

(b) In any other case, on or before the day that is 90 days after the day of sending of the notice of assessment.

...

...

166.1 (1) Le contribuable qui n’a pas signifié d’avis d’opposition à une cotisation en application de l’article 165 ni présenté de requête en application du paragraphe 245(6) dans le délai imparti peut demander au ministre de proroger le délai pour signifier l’avis ou présenter la requête.

166.1 (1) Where no notice of objection to an assessment has been served under section 165, nor any request under subsection 245(6) made, within the time limited by those provisions for doing so, the taxpayer may apply to the Minister to extend the time for serving the notice of objection or making the request.

...

...

(7) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

(7) No application shall be granted under this section unless

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête;

(a) the application is made within one year after the expiration of the time otherwise limited by this Act for serving a notice of objection or making a request, as the case may be; and

b) le contribuable démontre ce qui suit :

(b) the taxpayer demonstrates that

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(i) within the time otherwise limited by this Act for serving such a notice or making such a request, as the case may be, the taxpayer

(A) was unable to act or to instruct another to act in the taxpayer’s name, or

(B) had a bona fide intention to object to the assessment or make the request,

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(ii) given the reasons set out in the application and the circumstances of the case, it would be just and equitable to grant the application, and

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

(iii) the application was made as soon as circumstances permitted.

...

...

PARTIE XV

APPLICATION ET EXÉCUTION

APPLICATION

PART XV

ADMINISTRATION AND ENFORCEMENT

ADMINISTRATION

Fonctions du ministre

Minister’s duty

220. (1) Le ministre assure l’application et l’exécution de la présente loi. Le commissaire du revenu peut exercer les pouvoirs et fonctions conférés au ministre en vertu de la présente loi.

220. (1) The Minister shall administer and enforce this Act and the Commissioner of Revenue may exercise all the powers and perform the duties of the Minister under this Act.

...

...

Renonciation

Waiver of filing of documents

(2.1) Le ministre peut renoncer à exiger qu’une personne produise un formulaire prescrit, un reçu ou autre document ou fournisse des renseignements prescrits, aux termes d’une disposition de la présente loi ou de son règlement d’application. La personne est néanmoins tenue de fournir le document ou les renseignements à la demande du ministre.

(2.1) Where any provision of this Act or a regulation requires a person to file a prescribed form, receipt or other document, or to provide prescribed information, the Minister may waive the requirement, but the person shall provide the document or information at the Minister’s request.

Exception

Exception

(2.2) Le paragraphe (2.1) ne s’applique pas au formulaire prescrit, au reçu ou au document, ni aux renseignements prescrits, qui sont présentés au ministre à l’expiration du délai fixé au paragraphe 37(11) ou à l’alinéa m) de la définition de « crédit d’impôt à l’investissement » au paragraphe 127(9), ou par la suite, relativement aux formulaire, reçu, document ou renseignements.

(2.2) Subsection (2.1) does not apply in respect of a prescribed form, receipt or document, or prescribed information, that is filed with the Minister on or after the day specified, in respect of the form, receipt, document or information, in subsection 37(11) or paragraph (m) of the definition “investment tax credit” in subsection 127(9).

(1)  Les arguments de ConocoPhillips

[27]  ConocoPhillips soutient que le paragraphe 220(2.1) confère au ministre un vaste pouvoir discrétionnaire de renoncer à toute obligation de dépôt en vertu des dispositions de la LIR. Elle souligne que cette disposition se trouve dans la partie XV de la LIR et qu’elle a préséance sur toutes les autres parties de la LIR. À l’appui de sa position, elle cite l’arrêt Melanson c. Canada, 2011 CCI 569, au paragraphe 21, 212 ACWS (3d) 585 [Melanson], où le juge Hershfield de la Cour de l’impôt a déclaré que le paragraphe 220(2.1) « Ensuite, il est possible de considérer – et cela a déjà été fait – que cette disposition autorise le ministre à proroger le délai imparti pour déposer un document, car il peut renoncer à l’exigence relative au dépôt d’un document mais en faire plus tard la demande ». ConocoPhillips fait valoir que la décision du ministre était donc erronée en droit.

[28]  ConocoPhillips fait valoir également que l’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire doit être examiné selon la norme du bien­fondé et qu’il est déraisonnable pour le ministre, dans cette situation, de refuser la dérogation demandée, car sa décision est indéfendable compte tenu de la loi et des faits dont il a été saisi. Selon ConocoPhillips, les deux parties ont clairement compris que les rajustements apportés en 2006 seraient modifiés en fonction de l’issue du litige Imperial – dans ce cas, c’est l’inverse, car aucun autre montant de remise n’a été versé à ConocoPhillips. Si la dérogation était accordée, ConocoPhillips soutient que le ministre serait alors en mesure d’exiger un nouvel avis d’opposition et d’établir une nouvelle cotisation pour ses revenus de 2000, conformément à l’issue du litige Imperial.

[29]  ConocoPhillips affirme que le ministre est tenue d’envisager une dérogation en vertu du paragraphe 220(2.1) afin d’éviter une injustice envers elle. À cet égard, ConocoPhillips invoque l’arrêt Guest c. La Reine 2010 CCI 336, 191 ACWS (3d) 320, dans lequel la Cour de l’impôt a jugé (aux par. 17 et 18) que le ministre aurait dû examiner une dérogation pour permettre au contribuable de déposer un avis de changement d’état civil avant que le ministre ait refusé la prestation fiscale pour enfants.

[30]  ConocoPhillips fait valoir que, du moment que le pouvoir discrétionnaire du ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1), est vaste, son refus de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition, dans ce cas, est une entrave illégitime de son pouvoir discrétionnaire. À cet égard, elle invoque l’arrêt Alex Parallel Computers Research Inc. c. Canada, [1998] A.C.F. no1742, 157 FTR 247 [Alex Parallel], dans lequel la Cour fédérale a déterminé que le ministre avait indûment entravé son pouvoir discrétionnaire en limitant l’application du paragraphe 220(2.1) à des documents déposés par voie électronique. En outre, compte tenu de la décision de la Cour dans l’affaire Bul River Mineral Corporation Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CF 41, 145 ACWS (3d) 951 [Bul River], ConocoPhillips dit que le pouvoir discrétionnaire du ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1), ne devrait pas être entravé par des dispositions législatives, à moins d’une disposition expresse contraire.

[31]  Selon ConocoPhillips, un avis d’opposition est d’une importance centrale et fondamentale, car il permet d’interjeter appel et de rédiger un mémoire. Étant donné que le deuxième avis de cotisation de 2008 ne traitait pas de rajustements relatifs au revenu de remise, ConocoPhillips soutient qu’il était déraisonnable pour le ministre de refuser de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition lorsqu’un nouvel avis d’opposition comporte l’information exacte déjà présentée dans son avis d’opposition initial qui a été déposé en temps opportun en 2006.

[32]  Compte tenu de la décision de la Cour suprême dans l’affaire Canada c. Addison & Leyen Ltd., 2007 CSC 33, [2007] 2 RCS 793, ConocoPhillips affirme que, du moment que le ministre a une obligation d’équité envers les contribuables, la Cour a compétence pour examiner les décisions ministérielles qui peuvent faire l’objet d’un appel à la Cour de l’impôt ou qui traitent de l’abus des pouvoirs du ministre. Conformément à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 RCS 504, ConocoPhillips déclare, en outre, que l’équité est d’une importance fondamentale, en particulier pour qu’il y ait un exercice équitable et juste du pouvoir discrétionnaire. Selon ConocoPhillips, la cotisation excessive de l’impôt, dans ce cas, a eu lieu selon le principe qu’elle serait infirmée si aucun autre montant de remise n’était autorisé et, par conséquent, il s’agirait alors d’une infraction à l’équité procédurale si le ministre refusait la dérogation demandée.

[33]  En outre, ConocoPhillips soutient que le fait que le ministre ne corrige pas la cotisation relative à son revenu de 2000 est déraisonnable parce qu’il n’y a aucune raison, dans la LIR ou dans les pratiques administratives du ministre, d’établir une cotisation « protectrice ». Les cotisations protectrices sont illégitimes, soutient ConocoPhillips, et une incapacité à corriger la cotisation en question serait une violation de l’obligation du ministre d’exercer ses pouvoirs de façon licite et équitable. En invoquant l’arrêt Marchés mondiaux CIBC Inc. c. Canada, 2012 CAF 3, [2012] JCF n30, ConocoPhillips indique qu’« il n’est pas permis [au ministre] de donner son accord à une cotisation injustifiable en fait et en droit » (au par. 24), et que la cotisation, dans ce cas, était indéfendable. De l’avis de ConocoPhillips, il est déraisonnable pour le ministre de se fonder sur un détail technique afin de garder le trop­perçu d’impôt.

(2)  Les arguments du ministre

[34]  Le ministre soutient que la position de ConocoPhillips est intenable, car elle s’en tient à la disposition du paragraphe 165(1) qui exige explicitement que le contribuable dépose un avis d’opposition. En l’absence d’un avis d’opposition valable, le ministre affirme qu’il n’a pas le pouvoir de réexaminer une cotisation en vertu du paragraphe 165(3) de la LIR, et la Cour de l’impôt ne peut pas entendre un appel de cette affaire. Selon l’interprétation avancée par ConocoPhillips, il n’y aurait aucun recours pour le contribuable parce que, si le ministre a renoncé à l’exigence d’un avis d’opposition, il ne pouvait pas établir une nouvelle cotisation, et la Cour de l’impôt ne pouvait entendre un appel, en raison de l’absence d’un avis. Cette interprétation, selon le ministre, est donc erronée et incompatible avec l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, au par. 10, [2005] 2 RCS 601, lequel exige que l’interprétation des lois trouve un sens qui soit en harmonie avec le texte entier.

[35]  Le ministre fait valoir, en outre, que la LIR fournit un cadre complet pour contester les cotisations selon les articles 165 à 169 et 171. Le ministre invoque l’arrêt Ballantyne c. Canada 2013 CAF 30, au par. 4, [2013] 3 C.T.C. 11, pour la proposition selon laquelle le dépôt d’un avis d’opposition est une condition préalable à un appel à la Cour de l’impôt. De plus, comme le ministre fait remarquer, il y a des délais de prescription dans les paragraphes 165(1) et 169(1) pour les oppositions et les appels, et la LIR comporte des dispositions spécifiques pour prolonger les délais. Selon le ministre, les prolongations de délai ne peuvent pas aller au­delà de ces délais de prescription de peur que les principes de finalité et la certitude fiscale qui sous­tendent ces délais ne tiennent plus et que l’administration de la LIR devienne chaotique. Le ministre soutient que la position de ConocoPhillips entre en conflit avec les délais de prescription clairs énoncés dans la LIR.

[36]  Il affirme que, si le législateur avait voulu que le ministre ait la possibilité de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition, la LIR l’aurait expressément énoncé, en particulier à la lumière du libellé clair des articles 165 à 169 et 171. En outre, l’adoption de l’interprétation que fait ConocoPhillips du paragraphe 220(2.1) produirait des résultats absurdes, soutient le ministre, en ce sens que les restrictions propres aux grandes sociétés, telles que celles qui figurent au paragraphe 165(1.11), ne seraient pas applicables si une dérogation à l’exigence d’un avis d’opposition avait été accordée en vertu du paragraphe 220(2.1).

[37]  De l’avis du ministre, le paragraphe 220(2.1) peut s’appliquer lorsqu’une personne doit produire un formulaire prescrit. Cependant, un avis d’opposition doit être signifié et n’est, par conséquent, pas visé en vertu du paragraphe 220(2.1). Le ministre soutient qu’il faut présumer que ces choix de mots différents, « produire » (c’est­à­dire déposer) et « signifier », ont des sens différents. Il fait valoir que les documents sont signifiés afin de donner un avis officiel et de déclencher un délai de prescription, alors que le dépôt (c’est­à­dire la production) ne traite généralement pas des litiges fiscaux; il sert plutôt à informer le ministre d’un changement. À cet égard, le ministre cite l’arrêt The Plan Group c. Bell Canada, 2009 C.A. Ont. 548, [2009] JO no°2829, dans lequel la Cour d’appel de l’Ontario a statué qu’il y a des distinctions à faire entre la signification et le dépôt.

[38]  Le ministre soutient que la seule question est de savoir si le pouvoir législatif du ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1), de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition existe. Par conséquent, le ministre fait valoir que, si la Cour juge que le ministre détient effectivement ce pouvoir, l’affaire doit lui être renvoyée pour décision.

(3)  Analyse

(a)  Principes généraux de l’interprétation des lois

[39]  En abordant la question de savoir si l’interprétation par le ministre de son pouvoir, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, est raisonnable, je commence par faire remarquer qu’il est bien établi en droit que les lois doivent être lues selon la règle moderne de Driedger relativement à l’interprétation des lois, à savoir que :

... [traduction] il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Tel que cité dans l’ouvrage de Ruth Sullivan, Statutory Interpretation, 2e édition (Toronto : Irwin Law, 2007) à la page 41 [Sullivan]. Voir aussi Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 RCS 27, 154 D.L.R (4e) 193, au par. 21.

[40]  La LIR, comme toute autre loi fédérale, doit également être lue à la lumière de l’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C., 1985, ch. I­21, de telle sorte que le paragraphe 220(2.1) « s’interprète de la manière la plus équitable et la plus large qui soit compatible avec la réalisation de son objet ». En outre, la Cour suprême a expressément indiqué dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. Canada, [1984] 1 RCS 536, [1984] CTC 294, aux par. 57 à 61, que, dans les affaires fiscales, la règle moderne d’interprétation des lois devrait être suivie plutôt que l’approche habituelle stricte à l’égard de l’interprétation des lois (voir aussi : David G Duff et al, « La Loi de l’impôt sur le revenu et le droit privé au Canada », 5e éd. (Lexis Nexis : Markham, 2015) [Duff], aux par. 107, 116 et 117).

(b)  Sens ordinaire et bilingue

[41]  Les versions anglaise et française du paragraphe 220(2.1) ont la même autorité et les deux doivent être prises en considération. Le paragraphe 220(2.1) est libellé comme suit :

Renonciation

Waiver of filing of documents

(2.1) Le ministre peut renoncer à exiger qu’une personne produise un formulaire prescrit, un reçu ou autre document ou fournisse des renseignements prescrits, aux termes d’une disposition de la présente loi ou de son règlement d’application. La personne est néanmoins tenue de fournir le document ou les renseignements à la demande du ministre.

(2.1) Where any provision of this Act or a regulation requires a person to file a prescribed form, receipt or other document, or to provide prescribed information, the Minister may waive the requirement, but the person shall provide the document or information at the Minister’s request.

[42]  Bien qu’aucune des parties n’ait avancé un argument concernant les différences entre les versions française et anglaise du paragraphe en question, elles doivent quand même être prises en considération et il semble y avoir une différence subtile entre les deux versions. Toutefois, cette différence ne porte pas atteinte au caractère raisonnable ou déraisonnable de l’interprétation que fait le ministre du paragraphe 220(2.1). La différence se pose sur le plan de la disposition des clauses entre les versions anglaise et française du paragraphe 220(2.1).

[43]  Dans la version anglaise, la première partie de la phrase indique que les formulaires prescrites, etc. sont ceux qui figurent dans la LIR et le règlement en vigueur. Cependant, dans la version française, la virgule avant « aux termes d’une disposition » soulève deux possibilités : 1) « aux termes d’une disposition de la présente loi ou de son règlement d’application » modifie « un formulaire prescrit, un reçu ou autre document », de telle sorte que les documents pertinents sont ceux qui sont définis par la LIR et le règlement en vigueur; 2) que « aux termes d’une disposition de la présente loi ou de son règlement d’application » modifie « Le ministre peut renoncer à exiger qu’une personne produise », de sorte qu’il s’agit plutôt d’une restriction du pouvoir discrétionnaire du ministre. En d’autres termes, selon la seconde interprétation, le ministre ne peut renoncer à exiger certains documents (à savoir, accorder une dérogation) qu’en conformité avec la LIR et le règlement connexe en vigueur. Une telle restriction ferait éventuellement une différence en raison du paragraphe 165(3) de la LIR qui se lit comme suit :

Obligations du ministre

Duties of Minister

(3) Sur réception de l’avis d’opposition, le ministre, avec diligence, examine de nouveau la cotisation et l’annule, la ratifie ou la modifie ou établit une nouvelle cotisation. Dès lors, il avise le contribuable de sa décision par écrit.

(3) On receipt of a notice of objection under this section, the Minister shall, with all due dispatch, reconsider the assessment and vacate, confirm or vary the assessment or reassess, and shall thereupon notify the taxpayer in writing of the Minister’s action.

[44]  De l’avis du ministre, en vertu du paragraphe 165(3), elle ne peut revenir sur une cotisation une fois qu’un avis d’opposition est reçu. Le ministre soutient que les articles 165 et 167 à 171 créent un code complet et qu’il doit y avoir un avis d’opposition avant qu’une cotisation puisse être réexaminée. Si tel est le cas, selon la deuxième interprétation de la version française du paragraphe 220(2.1), il existe une certaine disposition obligeant le ministre à avoir un avis d’opposition avant d’établir une nouvelle cotisation; cette interprétation donnerait du poids à l’argument du ministre selon lequel il ne peut pas renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition puisque ce ne serait pas un pouvoir discrétionnaire en accord avec la loi et le règlement en vigueur. Toutefois, cet argument est en grande partie théorique, par rapport au critère à deux volets dans R. c. Daoust, 2004 CSC 6, aux par. 27 à 31, [2004] 1 RCS 217 [Daoust], pour ce qui est de concilier les différences entre les versions anglaise et française d’une disposition législative.

[45]  Selon l’approche mise de l’avant dans Daoust, la première étape consiste à déterminer s’il y a discordance entre les versions anglaise et française de la disposition en question. La deuxième étape consiste à déterminer si le sens commun ou dominant est, selon les règles ordinaires de l’interprétation des lois, conforme à l’intention du législateur. L’arrêt Daoust indique également (au par. 28) que s’il existe une ambiguïté dans une version, mais pas dans l’autre, le tribunal doit chercher le sens commun des deux versions. Si la première interprétation de la version française du paragraphe 220(2.1) ci­dessus est employée, il y a un sens commun entre les versions anglaise et française. Le sens commun, comme il est proposé dans la version anglaise de cette disposition, qui n’est pas ambiguë, est manifestement compatible avec l’intention du législateur de définir les formulaires, les reçus et autre document, dont le dépôt peut être renoncé par le ministre.

[46]  Par conséquent, étant donné que seule la version française est ambiguë, l’interprétation française qui correspond à l’interprétation anglaise, à savoir la première interprétation française ci­dessus, devrait être adoptée. Conformément à la règle du sens commun, ce sens commun est réputé être le sens voulu par le législateur (Sullivan, au par. 85).

(c)  « déposer » par rapport à « signifier »

[47]  Le ministre souligne que le paragraphe 165(1) de la LIR demande au contribuable de « signifier » un avis d’opposition alors que le paragraphe 220(2.1) fait spécifiquement référence à des documents qui sont « déposés ». La version française de ces dispositions emploie également des mots différents. En vertu de la règle du sens ordinaire, il est présumé que le législateur avait eu l’intention d’employer des mots dans leur sens ordinaire (Sullivan, ci­dessus, au par. 42­3). Dans le cadre d’une analyse du sens direct et ordinaire, les deux mots sont indéniablement différents. Toutefois, la règle de Driedger (citée ci­dessus) exige que le sens ordinaire respecte les critères dans le contexte de la disposition, y compris l’objet de la loi et les intentions manifestées par le législateur (Sullivan, ci­dessus, au par. 50).

[48]  Le ministre avance un argument téléologique, en faisant valoir que les différences dans le choix des mots sont appuyées par le fait que le mot « signifier » est employé lorsque l’avis doit être donné à une partie et qu’un délai de prescription est déclenché, tandis que le mot « déposer » sert tout simplement à informer une partie des faits qui peuvent avoir des conséquences fiscales. Le ministre soutient également que le paragraphe 220(2.1) traite de documents qui doivent être produits, alors qu’en vertu de l’article 165, un avis d’opposition peut être signifié.

[49]  Les arguments de la ministre quant aux différences entre l’emploi des mots « déposer » et « signifier » ne sont pas convaincants. Le fait qu’un avis d’opposition peut être signifié ne devrait pas empêcher le paragraphe 220(2.1) de s’appliquer à des avis d’opposition. Comme la Cour de l’impôt l’a déclaré dans Petratos c. R, 2013 CCI 240, 231 ACWS (3d) 830 (dans la note de bas de page 3) [Petratos] :

...  Le paragraphe 220(2.1) permet au ministre de renoncer au respect du délai imparti pour déposer pratiquement tout ce qui doit l’être. Le fait que la LIR prévoit qu’une opposition peut être faite ne devrait pas empêcher l’application de cette disposition....[souligné dans l’original]

En outre, il existe des cas autres que l’affaire Petratos où le paragraphe 220(2.1) s’appliquait aux avis d’opposition en dépit de ces différences de formulation.

[50]  Par exemple, dans l’affaire Melanson, le juge Hershfield de la Cour de l’impôt a eu l’occasion de commenter sur le paragraphe 220(2.1), en indiquant ce qui suit :

[21]  Il ressort d’une simple lecture de cette disposition que le ministre a le pouvoir d’accepter que la lettre datée du 17 juin 2009 – celle qui a été envoyée deux jours seulement après l’expiration de la période de 90 jours qui est prévue pour le dépôt d’un avis d’opposition – constitue un avis d’opposition valide de plus d’une façon. Tout d’abord, cette disposition dénote que le ministre pourrait renoncer aux exigences de l’article 166.1, qui requièrent, comme condition préalable à l’octroi de la prorogation, qu’une demande ait été déposée à cet effet. Ensuite, il est possible de considérer – et cela a déjà été fait – que cette disposition autorise le ministre à proroger le délai imparti pour déposer un document, car il peut renoncer à l’exigence relative au dépôt d’un document mais en faire plus tard la demande. Selon l’une ou l’autre ces deux approches, le ministre pourrait accepter que la lettre du 17 juin 2009 était un avis d’opposition.

[51]  En outre, dans Poulin c. Canada, 2013 CCI 104, 227 ACWS (3d) 1209, une affaire touchant un demandeur qui a demandé une prolongation du délai pour déposer un avis d’opposition à une nouvelle cotisation, le juge Hershfield a fait les commentaires suivants :

[33]  ... je tiens encore à souligner que le législateur a autorisé le ministre à renoncer à certaines exigences prévues par la loi. [Note de bas de page omise] En plus des paragraphes 165(6) et 166.1(4) de la Loi, il existe une disposition dont la portée est plus large, qui est plus générale et qui est discrétionnaire, à savoir le paragraphe 220(2.1) de la Loi qui autorise le ministre à renoncer à exiger la production d’un avis d’opposition ou, en fait, à renoncer à l’application des délais prévus par la loi.

...

[37]  ... le ministre ne devrait pas être réticent à utiliser son pouvoir administratif lorsqu’une situation potentiellement inéquitable est portée à son attention par une source crédible. S’il ressort de l’exercice de ce pouvoir que les circonstances qui sont réexaminées ne justifient pas l’établissement d’une nouvelle cotisation ou la renonciation à une exigence de dépôt, seule la Cour fédérale a compétence pour effectuer un contrôle judiciaire. Si ce premier recours ne porte pas fruit, la compétence de la Cour se limite à entendre la demande et à appliquer la loi.

[52]  Dans l’affaire Alex Parallel, la Cour a déterminé que le ministre avait indûment entravé son pouvoir discrétionnaire en limitant l’application du paragraphe 220(2.1) à des documents déposés par voie électronique. Le juge Pinard a déclaré ce qui suit :

[13]  ... le texte du paragraphe 220(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu ne restreint d’aucune façon l’exercice de la discrétion du Ministre de renoncer à exiger la production d’un formulaire prescrit ou autre document au seul cas où le contribuable déposerait des formulaires prescrits ou autres documents par courrier électronique.

[53]  Dans l’affaire Dorothea Knitting Mills Ltd. c. Canada (Ministre du revenu national), 2005 CF 318, [2005] ACF no 394, le délégué du ministre avait refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 220(2.1), de rétablir la demande d’un contribuable relativement à un crédit d’impôt. La juge Mactavish de la Cour a jugé que ce refus constituait une erreur (au par. 25) du moment que les critères administratifs du ministre en matière de prorogation de délai ne pouvaient pas limiter le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par le paragraphe 220(2.1).

[54]  Dans l’affaire Bul River, les demandeurs avaient omis de déposer certains documents dans le cadre d’un crédit d’impôt pour l’exploration minière dans le délai applicable et ont demandé une dérogation. La Cour a fait observer ce qui suit en ce qui concerne le paragraphe 220(2.1) :

[20]  ... Le paragraphe 25.1(7) de la LIRCB n’est pas un délai de prescription applicable relativement au droit au CIEM. Il s’agit plutôt d’une disposition qui prévoit le délai de production des documents et des renseignements concernant une demande de CIEM. Il s’agit donc d’une exigence relative à la production de documents et de renseignements. Voilà précisément le type d’exigence à laquelle il est possible de renoncer en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, lequel a été incorporé à la LIRCB aux termes du paragraphe 47(1). Il s’agit donc d’une condition à laquelle il est possible de renoncer. [Non souligné dans l’original.]

[55]  Bien que l’interprétation par le ministre du paragraphe 220(2.1) a droit à la déférence parce qu’il interprétait sa propre loi constitutive, son interprétation, dans ce cas, n’était pas raisonnable parce que, compte tenu des observations qui précèdent quant à la portée et à l’étendue des pouvoirs discrétionnaires du ministre en vertu de ce paragraphe, celui­ci doit être lu et interprété d’une manière générale et libérale plutôt que d’une manière étroite et restrictive.

[56]  Je suis d’accord avec ConocoPhillips que l’application du paragraphe 220(2.1) vise à réparer l’injustice qui se pose parfois par une application stricte des exigences de la LIR relativement au dépôt et à l’avis. Le pouvoir discrétionnaire du ministre, en vertu du paragraphe 220(2.1), ne devrait pas être indûment limité ou entravé par une interprétation trop étroite que le ministre a adoptée et appliquée de façon déraisonnable, dans ce cas.

(d)  Y a­t­il un recours?

[57]  Le ministre soulève le point selon lequel une renonciation à un avis d’opposition en vertu du paragraphe 220(2.1) ne permettrait pas d’établir une cotisation. Selon le ministre, le paragraphe 165(3) exige explicitement un avis d’opposition avant qu’il puisse y avoir une nouvelle cotisation, et aucune autre disposition n’oblige le ministre à établir une nouvelle cotisation. Le ministre cite également la jurisprudence en indiquant qu’un avis d’opposition est, en vertu du paragraphe 165(3), une condition préalable à un appel à la Cour de l’impôt. Dans le contexte global de la LIR, le ministre soutient que le pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 220(2.1), de renoncer à un avis d’opposition est absurde parce que, même s’il y avait une renonciation, plus rien ne se passerait à moins que le ministre demande un avis d’opposition; si le ministre ne faisait pas une telle demande, ConocoPhillips serait effectivement laissée sans recours.

[58]  Comme l’a reconnu ConocoPhillips, l’obligation du ministre d’établir une nouvelle cotisation ou la capacité de faire appel à la Cour de l’impôt ne se pose que lors du dépôt d’un avis d’opposition. Cependant, je ne suis pas d’accord avec l’argument du ministre selon lequel le pouvoir discrétionnaire de renoncer à un avis d’opposition, en vertu du paragraphe 220(2.1), serait absurde en raison de l’absence d’un recours. En vertu du paragraphe 165(3), dès la réception d’un avis d’opposition, le ministre « examine de nouveau » la cotisation. Le paragraphe 165(3) ne précise pas que, sans un avis d’opposition, le ministre ne doit pas ou ne peut pas revenir sur une cotisation et il y a des situations prévues par la LIR où le ministre est explicitement habilité à établir une nouvelle cotisation sans un avis d’opposition. Par exemple, en vertu des paragraphes 152(4) et 152(4.2), le ministre a le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation dans certaines situations particulières, bien qu’aucune obligation ne soit imposée au ministre en vertu de ces deux paragraphes, comme il est prévu au paragraphe 165(3), d’établir une nouvelle cotisation.

[59]  Par ailleurs, le paragraphe 220(2.1) permet expressément au ministre de demander un document auquel elle avait renoncé. Si le ministre renonce effectivement à l’exigence d’un avis d’opposition, un avis d’opposition pourrait ensuite être demandé par le ministre et une nouvelle cotisation pourrait être établie. Bien sûr, même si l’exigence de signifier un avis d’opposition est levée, le ministre pourrait toujours refuser d’exercer son pouvoir discrétionnaire de demander un avis d’opposition, ce qui empêcherait ConocoPhillips de faire avancer la question. Néanmoins, la décision du ministre d’exercer ou de ne pas exercer un pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré serait alors susceptible d’un contrôle judiciaire. Par conséquent, si le ministre, dans ce cas, refuse de façon déraisonnable d’exercer sa compétence et son pouvoir de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition, ConocoPhillips pourrait alors contester ce refus par voie de contrôle judiciaire devant la Cour.

[60]  Donc, en résumé, il n’était pas raisonnable pour le ministre de déterminer qu’il n’avait pas le pouvoir ou la compétence, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, de renoncer à la signification d’un avis d’opposition. Il n’était pas raisonnable, car un avis d’opposition est, sans aucun doute, un « autre document » envisagé par le paragraphe 220(2.1). La Cour fédérale et la Cour de l’impôt ont toutes deux examiné de façon globale le pouvoir discrétionnaire du ministre en vertu de ce paragraphe, et il peut et doit être invoqué pour renoncer à l’obligation de déposer un document comme un avis d’opposition.

D.  Le ministre a­t­il omis de respecter la justice naturelle et l’équité procédurale en refusant de renoncer à la signification d’un avis d’opposition?

[61]  Bien que ConocoPhillips n’ait pas abordé cette question lors de l’audience de cette affaire, elle l’a fait dans ses mémoires où elle soutient que le ministre a une obligation d’équité envers tous les contribuables et, dans ce cas, le ministre a manqué à cette obligation. Étant donné que la décision du ministre était d’ordre administratif et touchait ses intérêts, ConocoPhillips affirme que cette obligation est exécutoire (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au par. 20, [1999] JCS no 39).

[62]  ConocoPhillips soutient qu’il était injuste pour le ministre de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 220(2.1), de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition. Toutefois, cette affirmation sous­entend la réponse à la question soulevée et déterminée par la présente demande : à savoir que le ministre détient une telle compétence et le pouvoir discrétionnaire correspondant. Dans sa décision, le ministre n’a pas refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Au contraire, sa détermination reposait sur le fait qu’il n’avait pas la compétence, en vertu du paragraphe 220(2.1), de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition pour trois raisons, comme il est indiqué ci­dessus. La décision du ministre se limite uniquement à l’étendue de sa compétence en vertu du paragraphe 220(2.1); il ne stipule pas que si le ministre avait la compétence, il refuserait de l’exercer.

[63]  Cela dit, ConocoPhillips fait valoir que la situation est extrêmement injuste pour elle – le ministre a établi une nouvelle cotisation pour son revenu pour l’année d’imposition 2000, elle a dûment signifié un avis d’opposition en 2006 et, ensuite, sur la foi d’une autre nouvelle cotisation qu’elle affirme ne pas avoir reçue, le ministre a refusé même de prendre en considération l’un ou l’autre des avis d’opposition. Selon ConocoPhillips, ce qui est particulièrement flagrant compte tenu du fait que le ministre n’a pas contesté que l’avis d’opposition initial avait été dûment signifié, de sorte que le ministre était bien conscient de l’intention de ConocoPhillips de s’y opposer ainsi que des motifs pour lesquels elle entendait le faire.

[64]  Toutefois, compte tenu de ma détermination quant à la question de savoir si le ministre a la compétence et le pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 220(2.1), de renoncer à la signification d’un avis d’opposition, il est inutile de poursuivre l’examen de la question de l’équité ou de déterminer si une renonciation devrait ou ne devrait pas être accordée dans le cas présent.

IV.  Conclusion

[65]  En conclusion, j’estime que le ministre a la compétence, en vertu du paragraphe 220(2.1) de la LIR, de renoncer à l’exigence d’un avis d’opposition et sa détermination à l’effet contraire, dans ce cas, ne peut pas être justifiée et était donc déraisonnable. Par conséquent, cette affaire doit être renvoyée au ministre pour examiner la dérogation demandée. Ce n’est pas le rôle ou la fonction de la Cour de déterminer si une telle renonciation doit ou ne doit pas être accordée; cette décision doit être prise par le ministre d’une façon ou d’une autre.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que : la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et la demande de la requérante, par lettre datée du 15 août 2011, demandant à l’intimé de renoncer à l’obligation de signifier un avis d’opposition en vertu du paragraphe 220(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, au titre de l’année d’imposition 2000 de la requérante, est renvoyée pour examen et détermination par l’intimé.

« Keith M. Boswell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T­1811­12

 

INTITULÉ :

CONOCOPHILLIPS CANADA RESOURCES CORP. c MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 septembre 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 27 janvier 2016

 

COMPARUTIONS :

Al Meghji

Michael Darcy

 

Pour la requérante

 

Josée Tremblay

Shane Aikat

 

Pour l’intimé

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Avocats­procureurs

Toronto (Ontario)

 

Pour la requérante

 

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour l’intimé

 

 

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