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Date :20171218

Dossier : IMM-1660-17

Référence : 2017 CF 1158

[TRADUCTION FRANÇAISE]

À Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

AMANDEEP KAUR GILL

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) d’une décision rendue le 16 mars 2017 (la décision) par la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (Section d’appel de l’immigration ou la Commission), qui a conclu que la demanderesse était interdite de territoire au Canada pour cause de fausses déclarations et qui a conclu à l’insuffisance des motifs pour l’octroi d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire.

II.  CONTEXTE

[2]  La demanderesse est une citoyenne de l’Inde et une résidente permanente du Canada. Elle est arrivée au Canada le 27 janvier 2009, après avoir été parrainée pour la résidence permanente par son premier mari. Son premier mari et elle se sont mariés en Inde dans le cadre d’un mariage arrangé le 8 avril 2008. Le premier mari de la demanderesse était résident permanent du Canada et est revenu au Canada le 14 mai 2008.

[3]  La demanderesse soutient que les problèmes dans son premier mariage ont débuté en novembre 2008 lorsque son mari est retourné en Inde. Selon la demanderesse, bien que sa famille eût déjà versé une dot de 10 lakhs; les parents de son premier mari ont demandé 30 lakhs supplémentaires, somme que sa famille ne pouvait pas payer. Avant de quitter l’Inde pour le Canada, la demanderesse est retournée vivre chez ses parents.

[4]  La demanderesse a reçu son visa de résidente permanente en janvier 2009. À son arrivée au Canada, elle a vécu avec un ami de son père. La demanderesse et son premier mari ont demandé le divorce le 5 mars 2009. Le divorce a été prononcé le 4 septembre 2010.

[5]  En 2011, la demanderesse s’est remariée en Inde. Elle a ensuite parrainé la résidence permanente de son deuxième mari. À la suite de la demande de parrainage présentée par la demanderesse, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) a entrepris une enquête sur la demanderesse en 2012 pour de possibles fausses déclarations. CIC craignait que le premier mariage de la demanderesse ait été contracté à des fins d’immigration.

[6]  En 2013, le dossier de la demanderesse a été déféré à la Section de l’immigration en application du paragraphe 44(2) de la Loi pour enquête. La Section de l’immigration a conclu que la demanderesse était interdite de territoire au Canada pour cause de fausses déclarations et a prononcé une mesure d’exclusion le 18 juillet 2014.

[7]  La demanderesse a interjeté appel de la mesure d’exclusion de la Section de l’immigration devant la Section d’appel de l’immigration.

III.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[8]  La Section d’appel de l’immigration a conclu que la mesure d’exclusion prononcée par la Section de l’immigration pour cause de fausses déclarations était valide et qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour accueillir l’appel de la demanderesse ou suspendre la mesure d’exclusion.

[9]  Dans sa décision, la Section d’appel de l’immigration explique que dans le cadre de l’évaluation d’une mesure d’exclusion prononcée pour cause de fausses déclarations en lien avec un mariage prétendument non authentique, la première question à trancher est celle de l’authenticité du mariage. Voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Peirovdinnabi, 2010 CAF 267, au paragraphe 31. Les facteurs à examiner dans l’établissement de l’authenticité d’un mariage arrangé ont été cernés dans Khera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 632, au paragraphe 10.

[10]  La Section d’appel de l’immigration poursuit en exposant le témoignage de la demanderesse à l’audience devant elle. La demanderesse a témoigné que son mariage avec son premier mari s’était écroulé avant son arrivée au Canada, car la famille de son mari avait demandé une dot supplémentaire que sa famille ne pouvait pas payer. La demanderesse reconnaît avoir été accueillie, à son arrivée au Canada, par un ami de son père à l’aéroport et avoir vécu avec lui.

[11]  La Section d’appel de l’immigration souligne le contraste entre le témoignage de la demanderesse et les renseignements qu’elle a fournis à CIC au cours de l’enquête sur les allégations de fausses déclarations à l’encontre de son premier mari dans le cadre du parrainage de celle-ci aux fins de résidence permanente. La demanderesse a déposé une déclaration solennelle affirmant qu’elle avait vécu avec la famille de son premier mari à son arrivée au Canada. Dans la déclaration, la demanderesse a également affirmé que sa famille avait découvert que son premier mari avait une relation extraconjugale en Inde et qu’il consommait des drogues et de l’alcool. Au cours d’une entrevue avec un agent de CIC, la demanderesse a déclaré avoir vécu avec la sœur de son premier mari à son arrivée au Canada. Elle a dit que les parents de son premier mari étaient revenus au Canada peu de temps après son arrivée et qu’ils avaient tous vécu dans la même maison. La demanderesse a soutenu, à l’entrevue, avoir commencé à habiter chez l’ami de son père après avoir quitté le domicile de sa belle-sœur au début du mois de mars 2009, car la famille de son premier mari la traitait comme une domestique. La décision fait remarquer que la chronologie avancée par la demanderesse lors de l’entrevue est contredite par la preuve constituée par le passeport, laquelle indiquait que les parents de son premier mari n’étaient pas revenus au Canada avant mai 2009.

[12]  La décision fait état d’une liste d’incohérences que la Section d’appel de l’immigration estime importantes et elle conclut que la demanderesse manquait de crédibilité en raison de celles-ci. Parmi celles-ci, nommons : produire une fausse déclaration solennelle; affirmer à l’agent d’immigration qu’elle avait vécu avec sa belle-sœur dès son arrivée au Canada; donner l’adresse de sa belle-sœur à titre de lieu de résidence sur un document; admettre que la déclaration solennelle contenait de fausses déclarations quant à son premier mari; omettre de mentionner la demande de dot supplémentaire au cours de l’entrevue avec l’agent de CIC; aborder la diligence de son père dans l’arrangement de son mariage uniquement dans son témoignage à l’audience devant la Section d’appel de l’immigration; et signer une demande de divorce conjointe contenant de faux renseignements. La Section d’appel de l’immigration a conclu que ces incohérences étaient suffisamment importantes pour miner non seulement la crédibilité de la demanderesse, mais également celle de l’ensemble de sa preuve.

[13]  Le manque de crédibilité touche également les affidavits de tiers produits par la demanderesse. La Section d’appel de l’immigration fait remarquer que ces affidavits comprennent pratiquement les mêmes énoncés. De plus, la demanderesse ne savait pas si les déposants parlaient anglais, comment les affidavits avaient été préparés et s’ils avaient été traduits avant d’être signés. Conséquemment, la Section d’appel de l’immigration a accordé peu de poids à ces affidavits.

[14]  La Section d’appel de l’immigration a conclu que la preuve quant aux éléments centraux d’un mariage arrangé authentique était insuffisante en l’espèce. La Section d’appel de l’immigration rejette le témoignage de la demanderesse quant aux enquêtes menées par son père avant son mariage, car ces renseignements n’avaient pas été présentés à l’audience devant la Section de l’immigration. La décision fait état du manque de preuve de cohabitation de la demanderesse et de son premier mari. Même si le témoignage de la demanderesse était accepté, cette cohabitation s’est terminée avant que la demanderesse quitte l’Inde pour le Canada.

[15]  La Section d’appel de l’immigration a également souligné un affidavit assermenté du premier mari de la demanderesse produit dans le cadre de l’enquête sur les allégations de fausses déclarations de sa part dans le parrainage de la demanderesse. La Section d’appel de l’immigration note que si l’on doit croire le premier mari de la demanderesse, celle-ci aurait abandonné le mariage aussitôt sa résidence permanente obtenue. Par contre, si l’on doit croire le témoignage de la demanderesse, son mariage était fondé sur une entente voulant que son premier mari la parraine afin qu’elle obtienne sa résidence permanente au Canada en échange d’une somme d’argent. L’affirmation de la demanderesse selon laquelle la famille de son premier mari avait demandé plus d’argent n’aide pas la demanderesse, car cela indique un manque de diligence attendue d’un mariage arrangé authentique.

[16]  La Section d’appel de l’immigration conclut que les actions de la demanderesse démontrent qu’elle s’est plutôt attelée à l’obtention de sa résidence permanente qu’à la préservation de son mariage.

[17]  Dans sa décision, la Section d’appel de l’immigration examine la question de savoir si des motifs d’ordre humanitaire permettant d’accueillir l’appel de la demanderesse ou de surseoir à la mesure d’exclusion en analysant chacun des facteurs énoncés dans Ribic. Voir Ribic c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] IABD no 4, au paragraphe 14 (QL) [Ribic]. Voir également Canada (Citoyenneté et Immigration) c Kaur Deol, 2009 CF 990, aux paragraphes 7 et 20.

[18]  La Section d’appel de l’immigration conclut que les fausses déclarations de la demanderesse étaient [traduction] « délibérées et intentionnelles ». Étant donné que l’intégrité du système d’immigration repose sur la nécessité que les demandeurs fournissent des renseignements complets et véridiques, les fausses déclarations de la demanderesse nuiraient à l’administration de la Loi. Par conséquent, comme le mentionne la décision, [traduction] « les motifs d’ordre humanitaire doivent être importants pour justifier la prise de mesures spéciales ».

[19]  La Section d’appel de l’immigration conclut que la tentative de la demanderesse de faire porter la responsabilité de ses fausses déclarations à son ancien avocat témoigne de son absence de remords. En outre, le manque de crédibilité que la Section d’appel de l’immigration attribue à la demanderesse empêche de s’en remettre aux remords qu’elle dit éprouver.

[20]  La Section d’appel de l’immigration remarque dans sa décision que les éléments de preuve documentaire fournis par la demanderesse ne permettent pas de corroborer son témoignage quant à son revenu actuel. Néanmoins, la Section d’appel de l’immigration conclut quand même que le degré d’établissement de la demanderesse est modeste compte tenu du temps qu’elle a passé au pays. C’est une conclusion favorable pour la demanderesse.

[21]  La demanderesse n’a aucun membre de sa famille au Canada et elle n’a pas besoin d’une mesure spéciale à ce chapitre.

[22]  Dans son examen des difficultés que subirait la demanderesse à la suite de son renvoi en Inde, la Section d’appel de l’immigration conclut que les actions de celle-ci démontrent que la stigmatisation sociale découlant de l’échec de son mariage ne serait pas aussi importante qu’elle le soutient. La décision souligne que la demanderesse est retournée en Inde pendant de longues périodes. Elle s’est également remariée en Inde en 2011 et a parrainé son deuxième mari aux fins d’immigration au Canada. Tandis que la Section d’appel de l’immigration reconnaît que la demanderesse n’a pas vu son deuxième mari depuis 2012, elle remarque que son divorce ne l’a pas empêchée de se remarier.

[23]  Dans l’ensemble, la Section d’appel de l’immigration conclut que le degré modeste d’établissement de la demanderesse au Canada ainsi que la stigmatisation éventuelle subie lors d’un retour en Inde ne l’emportent pas sur la gravité de ses fausses déclarations ou ne permettent pas de justifier la prise d’une mesure spéciale pour des motifs d’ordre humanitaire.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

[24]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La conclusion de la Section d’appel de l’immigration selon laquelle la demanderesse est interdite de territoire pour cause de fausses déclarations est-elle raisonnable?

  2. La conclusion de la Section d’appel de l’immigration quant à l’insuffisance des motifs pour octroyer une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire est-elle déraisonnable?

V.  NORME DE CONTRÔLE

[25]  Par l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la jurisprudence est claire quant à la norme de contrôle applicable à la question en cause, la cour de révision peut l’adopter. C’est uniquement lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble incompatible avec l’évolution récente des principes de common law en matière de contrôle judiciaire que la cour de révision doit soupeser les quatre facteurs de l’analyse de la norme de contrôle (Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

[26]  La conclusion de la Section d’appel de l’immigration selon laquelle la demanderesse est interdite de territoire pour cause de fausses déclarations est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Voir Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 942, au paragraphe 19; Dhaliwal c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2015 CF 157, aux paragraphes 27 à 29.

[27]  La norme de contrôle applicable à la conclusion de la Section d’appel de l’immigration quant à la suffisance des motifs pour octroyer une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable. Voir Uddin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 314, au paragraphe 19; Cortez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 800, au paragraphe 17).

[28]  Lorsqu’une décision est examinée en regard de la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 [Khosa]. Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable, c’est-à-dire si elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[29]  Les dispositions suivantes de la Loi sont applicables en l’espèce :

Fausses déclarations

Misrepresentation

40 (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

Fondement de l’appel

Appeal allowed

67 (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

67 (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

Sursis

Removal order stayed

68 (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

68 (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

VII.  ARGUMENTATION

A.  demanderesse

1)  Fausses déclarations

[30]  La demanderesse avance que la Section d’appel de l’immigration n’a pas procédé à une évaluation de novo appropriée de la preuve. Elle attire l’attention sur les éléments de preuve documentaire qu’elle a produits à propos des pratiques de dot dans le cadre de mariages arrangés en Inde et soutient que sa crédibilité doit être évaluée en fonction de cette preuve. Le prestige associé à un mariage avec un [traduction] « Indien non résident » rend les jeunes femmes indiennes vulnérables à la manipulation et à la supercherie. Les éléments de preuve documentaire décrivent également la prévalence de demandes de dot déraisonnables.

[31]  La demanderesse affirme que la Section d’appel de l’immigration s’est concentrée sur les questions de crédibilité et a n’a pas tenu compte de la probabilité qu’une dispute liée à la dot eût été à l’origine de l’échec de son mariage. Elle soutient que les éléments de preuve documentaire pouvaient soutenir une décision favorable, nonobstant sa crédibilité. Dans le contexte d’une demande de statut de réfugié en application de l’article 97 de la Loi, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une conclusion quant à la crédibilité « suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur » : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sellan, 2008 CAF 381, au paragraphe 3 [Sellan]. La demanderesse soutient que le défaut de la Section d’appel de l’immigration d’examiner les éléments de preuve documentaire équivaut à faire fi des éléments de preuve pertinents. Elle souligne le principe selon lequel « la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs du décideur est importante, et plus la Cour sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments dont il disposait » : Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 157 FTR 35, au paragraphe 17 (1re inst.)

[32]  La demanderesse affirme que malgré les mises en garde qu’elle a faites à la Section d’appel de l’immigration contre les risques d’appliquer des attentes culturelles occidentales, la décision manque de compréhension des pratiques en matière de dot sur le sous-continent indien et ne tient pas compte de la preuve relative aux conditions dans le pays.

[33]  La demanderesse soutient également que la décision est axée, à tort, sur les incohérences dans sa preuve lorsqu’on compare sa réponse au rapport établi en application de l’article 44. Elle affirme que son témoignage devant la Section d’appel de l’immigration est peu abordé. Conséquemment, la décision a accordé un poids indu à la preuve qui a mené à une conclusion d’interdiction de territoire devant la Section de l’immigration plutôt que d’évaluer à nouveau l’appel de la demanderesse.

[34]  La demanderesse indique également que la Section d’appel de l’immigration a mal interprété son témoignage devant la Section de l’immigration quant aux enquêtes menées par sa famille dans le cadre du mariage arrangé, et qu’elle a commis une erreur en fondant sa conclusion quant à la crédibilité sur ce point. La lecture complète de la transcription démontre que la demanderesse a témoigné que sa famille avait mené son enquête sur son premier mari dans son village en Inde, mais que la demanderesse ignorait si cette enquête avait été menée au Canada. La demanderesse soutient que tout manque de connaissance concernant les enquêtes est sans importance et plausible dans une culture de mariages arrangés où les parents se chargent de mener de telles enquêtes.

2)  Motifs d’ordre humanitaire

[35]  La demanderesse avance de plus que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur de droit en imposant à la demanderesse un fardeau plus lourd pour établir les motifs d’ordre humanitaire du fait que la Section d’appel de l’immigration était obnubilée par sa conclusion quant à la crédibilité et que cela l’a emporté sur les facteurs d’ordre humanitaire. La demanderesse soutient que si le législateur avait l’intention d’imposer un fardeau plus lourd aux demandeurs d’asile jugés coupables de fausses déclarations, il l’aurait édicté dans la Loi. Or, l’article 67 de la Loi confère à la Section d’appel de l’immigration le pouvoir d’accueillir un appel lorsqu’il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier une dispense.

[36]  La demanderesse soutient que la Section d’appel de l’immigration, obnubilée par les fausses déclarations, n’a pas pleinement examiné son degré d’établissement et les difficultés qu’elle aurait à surmonter si elle était renvoyée en Inde. Elle mentionne les lettres d’emploi ainsi que les avis de cotisations qu’elle a produits pour étayer son établissement au Canada. La Section d’appel de l’immigration a également fait fi des éléments de preuve documentaire lorsqu’elle a examiné les difficultés que subirait la demanderesse lors de son renvoi. Dans Cobham c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 585, aux paragraphes 27 et 28, l’insuffisance des motifs dans l’évaluation du degré d’établissement a entraîné le renvoi de la décision pour un nouvel examen.

[37]  La demanderesse réclame ainsi que sa demande de contrôle judiciaire soit accueillie.

B.  Défendeur

1)  Fausses déclarations

[38]  Le défendeur soutient que la conclusion de la Section d’appel de l’immigration quant aux fausses déclarations est fondée sur son évaluation de la crédibilité. Par ailleurs, il estime que la demanderesse demande plutôt à la Cour d’apprécier de nouveau la preuve présentée à la Section d’appel de l’immigration et de substituer sa conclusion à la sienne.

[39]  Lorsqu’elle procède à une évaluation de la crédibilité, la Section d’appel de l’immigration dispose de l’avantage d’entendre le témoignage de vive voix : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1370, au paragraphe 18. La Cour ne devrait pas intervenir, à moins qu’une conclusion relative à la crédibilité ne soit fondée sur des considérations non pertinentes ou ne tienne pas compte de la preuve. De façon similaire, lorsqu’il est raisonnablement loisible à la Commission de parvenir à certaines inférences et conclusions, la Cour ne devrait pas intervenir. Voir Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CF 1re inst. 347, au paragraphe 18. La Section d’appel de l’immigration « peut à bon droit se prononcer sur la vraisemblance et sur la crédibilité du témoignage ainsi que sur d’autres éléments de preuve mis à sa disposition » et déterminer la pondération à accorder à cette preuve : Grewal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 960, au paragraphe 9.

[40]  Le défendeur remarque que la question de savoir si un mariage est authentique est une question de fait et qu’elle commande, par conséquent, un degré élevé de déférence. Voir Rosa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 117, au paragraphe 23.

[41]  Le défendeur ajoute que l’argument de la demanderesse voulant que la Section d’appel de l’immigration ait omis de mener une audience de novo est sans fondement. Nonobstant la présomption voulant qu’un tribunal eût examiné toute la preuve dont il dispose, la décision fait expressément mention de la preuve quant aux conditions dans le pays d’origine. Or, la Section d’appel de l’immigration conclut que le manque de crédibilité de la demanderesse ne permet pas de croire la revendication de la demanderesse selon laquelle des demandes de dot supplémentaires avaient été adressées à sa famille. Même si la preuve déposée par la demanderesse concernant les demandes supplémentaires a été acceptée, la Commission conclut que ceci vient étayer la conclusion que le mariage de la demanderesse était fondé sur une entente selon laquelle son premier mari la parrainerait en échange d’argent.

[42]  Le défendeur rejette la suggestion de la demanderesse selon laquelle la Section d’appel de l’immigration a adopté les conclusions de la Section de l’immigration sans effectuer sa propre analyse. Les renvois aux conclusions de la Section de l’immigration se produisent lorsque la Section d’appel de l’immigration constate des incohérences dans le témoignage du demandeur devant les différents tribunaux.

2)  Motifs d’ordre humanitaire

[43]  Le défendeur soutient que la décision tient compte de chacun des facteurs énoncés dans Ribic et que le désaccord de la demanderesse avec les conclusions de la Section d’appel de l’immigration est une autre invitation à ce que la Cour réévalue de façon inappropriée la preuve. Le poids à accorder aux facteurs dans Ribic relève de la compétence de la Section d’appel de l’immigration et exige une « appréciation [de son] témoignage au regard de toutes les circonstances de l’espèce » : Khosa, précité, au paragraphe 66. Le défendeur affirme que la demanderesse conteste l’analyse de la Commission de la gravité des fausses déclarations. Or, la question dont était saisie la Commission était celle de savoir comment évaluer la gravité des fausses déclarations par rapport aux autres facteurs. Qu’une autre décision soit possible ne rend pas la décision déraisonnable. Voir, par exemple, Gittens c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2008 CF 373, aux paragraphes 13 et 14.

[44]  Le défendeur affirme que la Section d’appel de l’immigration n’a pas utilisé de norme élevée autre que celle de la prépondérance des probabilités dans son appréciation de la gravité des fausses déclarations de la demanderesse. Dans Shah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 708, au paragraphe 20, notre Cour a conclu que la Commission avait une expertise plus poussée qu’elle dans l’évaluation des facteurs Ribic. Le défendeur indique que la décision ne fait fi ni de la preuve ni des circonstances de la demanderesse. Par conséquent, il ne faut pas entraver l’évaluation fondée sur les faits de la Section d’appel de l’immigration quant à la façon de pondérer les facteurs.

[45]  Par conséquent, le défendeur demande à ce que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

VIII.  DISCUSSION

[46]  La demanderesse a soulevé deux motifs de contrôle.

A.  Omission d’effectuer une évaluation de novo

[47]  La demanderesse soutient que la Section d’appel de l’immigration était saisie d’éléments de preuve lui permettant de rendre une conclusion en sa faveur; or, elle avance que la Section d’appel de l’immigration a fait fi de ces éléments de preuve.

[48]  En appel devant la Section d’appel de l’immigration, la demanderesse affirme avoir produit un nombre considérable d’éléments de preuve documentaire sur les conditions en Inde qui établissaient les normes culturelles entourant les mariages arrangés ainsi que les interminables demandes de dot dans ces mariages, ainsi qu’une preuve verbale.

[49]  Elle se plaint du fait que la Section d’appel de l’immigration disposait d’éléments de preuve étayant le caractère plausible qu’un conflit soit survenu en lien avec sa dot, menant ainsi à l’échec de son premier mariage. Or, la Section d’appel de l’immigration aurait omis de tenir compte de cette preuve et se serait uniquement concentrée sur la question de la crédibilité.

[50]  La demanderesse invoque la décision de la Cour d’appel fédérale dans Sellan, précité, et souligne ce qui suit, en l’espèce :

[traduction]

50.  Dans l’espèce, bien que la Section d’appel de l’immigration fasse référence à cette preuve dans le paragraphe 20 de sa décision, ce n’est que dans le contexte du résumé des arguments de la demanderesse. La Section d’appel de l’immigration n’a ni abordé ni analysé la preuve. La Section d’appel de l’immigration était saisie d’éléments de preuve indépendants appuyant le témoignage de la demanderesse quant à la question des normes culturelles entourant les mariages arrangés en Inde ainsi que les demandes interminables de dot de son ex-mari.

51.  La Section d’appel de l’immigration, alors qu’elle indique au paragraphe 10 être consciente du principe voulant que les attentes occidentales ne s’appliquent pas à l’évaluation de l’authenticité d’un mariage arrangé, son analyse démontre que c’est pourtant exactement ainsi qu’elle a fait. Le jugement de la Section d’appel de l’immigration est occulté par son manque de compréhension de la culture du sous-continent indien. Les nombreux éléments de preuve quant aux conditions dans le pays d’origine produits à l’appui de l’appel ont peut-être eu une incidence sur la décision de la Section d’appel de l’immigration; néanmoins, la Section d’appel de l’immigration n’aborde cette preuve nulle part dans sa décision. Il s’agissait d’une audience de novo et le défaut de la Section d’appel de l’immigration d’examiner cette preuve est particulièrement inquiétant et constitue une erreur susceptible de révision.

[...]

53.  En dépit du fait que le rôle de la Section d’appel de l’immigration dans le cadre d’une audience de novo soit d’analyser la preuve de façon indépendante, elle s’en est simplement remise aux incohérences et aux contre-vérités figurant dans la preuve de la demanderesse à la suite de sa réponse au rapport établi en application de l’article 44. La Section d’appel de l’immigration, aux paragraphes 36, 37 et 38 de sa décision, réitère les préoccupations entourant la crédibilité de la preuve de la demanderesse devant la Section de l’immigration plutôt que de s’engager de façon significative dans l’appel en se basant sur les documents qui lui ont été présentés. Hormis une brève mention de son témoignage devant la Section d’appel de l’immigration au paragraphe 36, les éléments de preuve présentés à la Section d’appel de l’immigration n’ont presque pas été abordés, y compris le témoignage de la demanderesse ainsi que les conditions en Inde. La Section d’appel de l’immigration continue plutôt d’accorder un poids indu à l’ensemble de la preuve qui a mené à la conclusion d’interdiction de territoire à son encontre devant la Section de l’immigration sans effectuer une évaluation significative de l’appel dont elle est saisie.

[51]  La demanderesse affirme que la Section d’appel de l’immigration a uniquement mentionné cette preuve dans le contexte du résumé de ses arguments, mais qu’elle n’a pas [traduction] « abordé ou analysé la preuve ». La Section d’appel de l’immigration ne conteste pas cette preuve, mais il est ressort clairement de la décision, prise dans son ensemble, que la Section d’appel de l’immigration n’estime pas que la preuve surmonte les préoccupations liées à la crédibilité. Ceci s’explique par le fait que ces préoccupations sont fondées sur des incohérences dans la preuve de la demanderesse, et non sur la documentation quant aux conditions dans le pays d’origine. Aux paragraphes 30 à 32 de la décision, la Section d’appel de l’immigration tient les propos suivants à ce chapitre :

[traduction]

30.  Elle soutient que les éléments de preuve concernant les conditions dans le pays, qui décrivent les pratiques relatives à la dot en Inde, appuient le caractère plausible de la dispute lié à la dot comme raison de l’échec du mariage. Elle a fait valoir que les éléments de preuve documentaire relatifs aux billets à ordre et à la vente du camion ainsi que l’affidavit du chef de son village corroborent son témoignage.

[Notes de bas de page omises.]

[52]  Après avoir pris note de la preuve appuyant la position de la demanderesse, la Section d’appel de l’immigration a ensuite établi et évalué les contradictions importantes qui [traduction] « portent sur les questions au cœur du litige, à savoir l’authenticité et la question de savoir si l’immigration était le but premier du mariage ». Puis, la Section d’appel de l’immigration parvient aux conclusions suivantes :

[traduction]

[37]  L’appelante manque de crédibilité en raison des contradictions importantes susmentionnées, y compris le fait qu’elle a admis avoir signé une fausse déclaration solennelle sur les conseils de son ancien conseil afin d’éviter son renvoi. L’importance des contradictions mine la crédibilité de l’appelante, de sorte que le manque de crédibilité s’étend à tous les éléments de preuve qu’elle a fournis. En raison de l’aveu de l’appelante concernant le caractère mensonger de sa déclaration lors de l’entrevue liée au rapport établi en application de l’article 44, de l’audience de la Section de l’immigration et de l’audience de la Section d’appel de l’immigration, il est impossible d’établir avec un tant soit peu de certitude « comment départager le vrai du faux ».

[Non souligné dans l’original.]

[53]  Cette conclusion inclut « tous les éléments de preuve qu’elle a fournis » et en tient compte, ce qui doit comprendre la preuve citée aux paragraphes 30 à 32 de la décision.

[54]  La conclusion de la Section d’appel de l’immigration voulant qu’aucune des affirmations de la demanderesse ne puisse être crue s’explique raisonnablement et n’est pas en opposition à la jurisprudence de notre Cour. Voir par exemple Kaur Barm c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 893, au paragraphe 21.

[55]  Le simple fait que la demanderesse produise de nouveaux éléments de preuve en appel qui pourraient expliquer ses fausses déclarations ne signifie pas qu’elle s’est nécessairement rachetée. La Section d’appel de l’immigration est tenue d’examiner ces nouveaux éléments dans le contexte de l’ensemble du dossier. C’est ce qui s’est produit en l’espèce, comme l’indique clairement la décision. Cependant, il est également manifeste que les documents sur les conditions dans le pays n’expliquaient pas, et ne pouvaient pas expliquer, les incohérences invoquées par la Section d’appel de l’immigration pour conclure que la demanderesse ne pouvait tout simplement pas être crue.

[56]  La Section d’appel de l’immigration va encore plus loin dans son analyse des nouveaux éléments de la preuve de la demanderesse. Elle tient les propos suivants quant à son témoignage verbal :

[traduction]

[42]  Si le témoignage de l’appelante au sujet de la demande pour obtenir plus d’argent après le mariage est admis comme étant une version des faits véridique, ce qui n’est pas la conclusion tirée par le tribunal, les familles ont arrangé le mariage sur la base du paiement d’une somme d’argent en échange de l’immigration de l’appelante au Canada. Pour l’essentiel, les témoignages que l’appelante a présentés lors des audiences devant la Section de l’immigration et la Section d’appel de l’immigration étaient axés sur la dot payée à la famille de l’époux et la demande subséquente pour obtenir plus d’argent en vue de soutenir son immigration et sa vie au Canada :

  la demande pour avoir plus d’argent était connexe au parrainage de l’appelante;

  le maintien du mariage par l’époux de l’appelante dépendait du paiement de 30 lakhs supplémentaires (somme trois fois plus importante que la dot de départ) par la famille de l’appelante;

  la belle‑sœur de l’appelante a exigé plus d’argent comme condition lui permettant de rester chez elle.

[43]  Les ultimatums financiers susmentionnés donnent à penser que le mariage était fondé sur une entente selon laquelle l’époux devait parrainer l’appelante afin qu’elle s’établisse au Canada en échange d’argent.

[44]  Le témoignage de l’appelante selon lequel son répondant a demandé plus d’argent après s’être aperçu qu’il manquait de financement pour démarrer son entreprise ne soutient pas la cause de l’appelante parce que celle-ci a affirmé que la famille de son répondant ignorait que son père avait emprunté de l’argent et vendu un bien pour financer la première dot et que sa famille n’était pas capable de payer les sommes supplémentaires demandées. Cela indique qu’aucune vérification importante n’a été faite pour comprendre les antécédents familiaux de l’appelante, y compris la situation financière des membres de sa famille, ce à quoi il aurait été raisonnable de s’attendre dans le cadre d’un mariage arrangé authentique.

[Notes de bas de page omises.]

[57]  Une lecture de la décision dans son ensemble démontre clairement que la Section d’appel de l’immigration n’a pas, comme le soutient la demanderesse, simplement repris les conclusions de la Section de l’immigration sans effectuer sa propre analyse de novo.

[58]  Au paragraphe 36 de la décision, la Section d’appel de l’immigration souligne l’une des incohérences sur lesquelles repose sa conclusion :

Pendant l’audience devant la Section d’appel de l’immigration, l’appelante a témoigné au sujet de la diligence raisonnable dont a fait preuve son père à l’égard du mariage arrangé. Toutefois, lors de l’audience devant la Section de l’immigration, l’appelante ignorait quelles vérifications avaient été effectuées par l’ami de son père concernant la famille de son répondant.

[59]  La demanderesse a témoigné comme suit à ce sujet devant la Section de l’immigration :

[traduction]

Q. Savez-vous si votre famille a mené une enquête sur la famille de votre mari?

R. Oui.

Q. Quelle a été la nature de cette enquête?

R. Ils ont demandé aux villageois comment il était, s’il était bon pour leur fille, s’il était un homme bon.

Q. Ils ont mené leur enquête dans son village?

R. Oui. Mon père connaissait des gens de son village, tout comme le fils de mon oncle connaissait mon mari.

Q. Ont-ils mené une enquête quant à sa vie au Canada?

R. Oui.

Q. Qui a mené cette enquête?

R. L’ami de mon père.

Q. Connaissez-vous la nature de cette enquête?

R. Non.

[60]  Je conviens avec la demanderesse qu’il ne s’agit pas d’une grande contradiction et que cela n’appuie pas vraiment une conclusion défavorable en matière de crédibilité. Toutefois, cet exemple figure dans une liste plutôt exhaustive d’incohérences, plus importantes, et ne permet pas, à mon avis, de conclure que la conclusion défavorable en matière de crédibilité était déraisonnable.

B.  Évaluation des motifs d’ordre humanitaire

[61]  La demanderesse affirme que la Section d’appel de l’immigration a fixé un seuil trop élevé dans l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire et a accordé un poids indu aux fausses déclarations.

[62]  La demanderesse, ciblant le paragraphe 49 de la décision, soutient ce qui suit :

[traduction]

58.  Il est soutenu qu’il s’agit d’une erreur de droit. Il existe difficultés inhabituelles et injustifiées ou non. Si le législateur avait eu l’intention d’imposer un fardeau plus important aux demandeurs d’asile coupables de fausses déclarations, il l’aurait édicté dans la LIPR. Or, l’article 67 de la LIPR confère à la Section d’appel de l’immigration le pouvoir d’accueillir un appel lorsqu’il existe des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier une mesure spéciale.

59.  En l’espèce, la demanderesse reconnaît que la jurisprudence est claire : l’article 40 est formulé en termes généraux afin d’inclure toutes les fausses déclarations, même celles faites par un tiers à l’insu d’un demandeur. Néanmoins, la demanderesse soutient que la Section d’appel de l’immigration a omis d’examiner de façon significative les motifs lui permettant d’offrir une mesure à vocation équitable pour des motifs d’ordre humanitaire.

[...]

61.  Il est acquis en matière jurisprudentielle que le degré d’établissement est un facteur important à considérer dans le cadre d’une demande d’exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. Or, en l’espèce, la Section d’appel de l’immigration s’est montrée obsédée par les fausses déclarations au détriment de chacun des facteurs positifs, incluant le degré d’établissement et les difficultés découlant d’un renvoi en Inde. Cela est manifeste dans la décision étant donné que la Section d’appel de l’immigration consacre 11 pages à l’évaluation des fausses déclarations; une seule à l’établissement de la demanderesse au Canada; puis trois pages et demie aux motifs d’ordre humanitaires en l’espèce.

[Renvois omis.]

[63]  Il est difficile de comprendre ce que la demanderesse veut dire ici. Or, le paragraphe 47 de la décision ne laisse aucun doute que la Section d’appel de l’immigration a appliqué et examiné tous les facteurs énoncés dans Ribic, l’un d’eux étant « la gravité des fausses déclarations ». Elle reconnaît que « [c]ette liste de facteurs n’est pas exhaustive, et l’importance accordée à chacun d’eux varie selon les circonstances de l’affaire ».

[64]  La Section d’appel de l’immigration a ensuite établi et évalué les facteurs importants à l’espèce et a expliqué pourquoi une conclusion favorable fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’était pas justifiée en l’espèce. Aucune norme élevée n’est mentionnée ou apparente, et la Section d’appel de l’immigration ne fait fi d’aucun élément de preuve pertinent. La Section d’appel de l’immigration a simplement usé de son pouvoir discrétionnaire pour pondérer la preuve et parvenir à une conclusion. La demanderesse n’est peut-être pas d’accord avec cette conclusion, mais ce désaccord ne permet pas d’établir l’existence d’une erreur susceptible de révision. La décision quant au poids à accorder à chacun des facteurs ainsi qu’à la preuve produite relève de la compétence de la Section d’appel de l’immigration; elle ne revient ni à la demanderesse ni à notre Cour. Voir Wang c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CF 705, au paragraphe 19. Il n’y a aucune erreur susceptible de révision en l’espèce.

IX.  Question à certifier

[65]  Les parties conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier et la Cour est du même avis.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1660-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1660-17

 

INTITULÉ :

AMANDEEP KAUR GILL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDITION :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 décembre 2017

COMPARUTIONS :

Sumeya Mulla

 

Pour la demanderesse

 

Judy Michaely

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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