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Date : 20171211


Dossier : T-1843-16

Référence : 2017 CF 1132

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

BALDEEP VARN

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, d’une décision par laquelle M. Pierre Giguère, agent de sécurité ministériel (ASM) et directeur général de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), a rejeté la demande de cote de fiabilité de la demanderesse au motif qu’elle n’avait pas été honnête à propos de son implication dans des vols de guichets bancaires automatiques alors qu’elle travaillait comme conductrice de véhicule blindé. L’ASM a considéré que l’attitude générale et la duplicité de la demanderesse étaient préoccupantes parce qu’elles mettaient en cause son honnêteté, son intégrité et sa sincérité, et pouvaient mettre à risque autant la demanderesse que l’ASFC.

[2]  Pour les motifs qui suivent, j’estime que l’ASM n’a pas outrepassé sa compétence, qu’il n’y a pas eu manquement au droit de la demanderesse à l’équité procédurale et que la décision était raisonnable. La demande est par conséquent rejetée avec dépens.

[3]  Par ailleurs, les parties conviennent que le procureur général du Canada est le véritable défendeur à l’égard de la présente demande de contrôle judiciaire. En conséquence, une ordonnance portant retrait de l’ASFC de l’intitulé sera rendue avec effet immédiat.

I.  Question préliminaire concernant l’admissibilité des affidavits de la demanderesse

[4]  La demanderesse a initialement fondé sa demande de contrôle judiciaire sur un affidavit qu’elle a elle-même souscrit le 17 novembre 2016. Elle a ensuite présenté une requête en prorogation du délai pour produire un autre affidavit, souscrit le 28 novembre 2016, ainsi que l’affidavit de Mark Cameron, souscrit le 25 novembre 2016 (affidavit Cameron).

[5]  Le 8 février 2017, la protonotaire Mandy Aylen a accordé à la demanderesse une prorogation du délai pour signifier et produire deux affidavits supplémentaires, sous réserve du droit du défendeur de soumettre des observations au juge de l’audience quant à la pertinence et à l’admissibilité de la preuve.

[6]  À l’audition de la demande, l’avocate de la demanderesse a reconnu que l’examen des demandes de contrôle judiciaire se fait de manière générale au vu des documents que le décideur avait à sa disposition. L’avocate a concédé que les affidavits de la demanderesse contenaient des renseignements et des pièces dont l’ASM n’avait pas été saisi et qu’aucune exception à la règle ne s’appliquait.

[7]  Les deux affidavits de la demanderesse sont accompagnés de pièces et truffés de renseignements qui n’ont aucun lien avec le dossier ou qui sont inappropriés, et dont l’unique objet semble avoir été de rehausser sa crédibilité et de s’attirer la sympathie de la Cour. Le défendeur s’oppose plus précisément au deuxième affidavit de la demanderesse, qui consiste en un argumentaire point par point contre la teneur du dossier certifié et les conclusions d’un enquêteur. L’affidavit Cameron s’avère tout aussi inapproprié dans la mesure où il introduit des faits inédits, tente de redéfinir la preuve au dossier, et formule des opinions et des arguments.

[8]  Les affidavits produits au soutien de la demande n’aident aucunement la Cour à apprécier la légalité de la décision attaquée. Au contraire, ils occultent les questions en litige et détournent l’attention des raisons du refus de la cote de fiabilité. En conséquence, les trois affidavits ont été pour l’essentiel exclus de l’examen.

II.  Exposé des faits

A.  Aperçu

[9]  Pour situer les présents motifs dans leur contexte, le processus de contrôle de sécurité menant à l’octroi d’une cote de fiabilité sera expliqué succinctement.

[10]  La cote de fiabilité est le niveau de sécurité minimal requis pour occuper un poste nécessitant l’accès sans surveillance à des renseignements et à des biens protégés. La vérification effectuée aux fins de l’octroi d’une cote de fiabilité porte notamment sur l’honnêteté et la fiabilité pour ce qui est de la protection des intérêts de l’employeur.

[11]  Le postulant doit remplir un questionnaire visant à déterminer s’il pourrait poser un risque de sécurité en raison de ses positions idéologiques, de son comportement, de ses affiliations et de ses traits de caractère. Le questionnaire couvre un éventail de sujets liés aux activités personnelles, y compris les finances, les comportements liés aux drogues illégales et à l’alcool, les affiliations, l’utilisation des ordinateurs et de la technologie, la présence en ligne et la loyauté envers le Canada.

[12]  Les décisions relatives à l’attestation sont prises conformément à la Norme sur le filtrage de sécurité du Secrétariat du Conseil du Trésor (Norme du CT), publiée en application de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC (1985), c F-11. Les renseignements défavorables sont appréciés en fonction des facteurs suivants : leur nature et leur gravité; la question de savoir s’ils sont récents; les circonstances de l’incident; leur incidence sur la fiabilité de la personne et la question de savoir si elle a fait preuve d’ouverture en ce qui concerne les renseignements et a réglé ou paraît susceptible de régler les problèmes qu’ils soulèvent.

[13]  Le postulant a l’occasion de valider ou de réfuter les renseignements défavorables sous réserve des limites imposées par la Loi sur la protection des renseignements personnels, LRC (1985), c P-21, ou d’autres lois applicables. La présence de renseignements défavorables dans un dossier n’entraîne pas forcément le refus de la cote de fiabilité. Chaque dossier est examiné au vu de son bien-fondé et une évaluation globale de tous les renseignements recueillis aux fins du filtrage du personnel est effectuée.

B.  Les faits à l’origine de la décision attaquée

[14]  Il aurait été utile que l’avocate présente un résumé des faits concis et en ordre chronologique. Comme elle ne l’a pas fait, la Cour a dû se débrouiller avec un fatras de reproductions de documents versées pêle-mêle au dossier du tribunal pour reconstituer le fil des événements tout au long du processus de contrôle de sécurité.

[15]  L’exposé des faits pertinents qui suit est le résultat d’une lecture attentive de la preuve documentaire, laquelle m’est apparue fiable étant donné que la plupart des documents sont contemporains aux événements et n’ont donc pas pu être dénaturés rétrospectivement par la subjectivité de leurs auteurs.

[16]  Le 19 mai 2015, la demanderesse a rempli un Formulaire de vérification de sécurité, de consentement et d’autorisation du personnel et un Formulaire d’autorisation de sécurité parce qu’elle postulait un poste d’agent stagiaire à l’ASFC. À la question « Avez-vous été congédié ou prié de démissionner de l’un ou de plusieurs postes énumérés ci-dessous? », elle a répondu qu’en avril 2012, elle avait été congédiée de son emploi chez G4S Cash Solutions Canada Ltd. (G4S) au terme d’une enquête selon laquelle elle aurait pu être mêlée à des disparitions d’argent imputées à son équipe de travail.

[17]  La demanderesse a nié toute implication dans les disparitions et fait valoir que les allégations n’avaient jamais été prouvées. Elle a aussi expliqué qu’elle avait contesté son congédiement auprès de la Commission des relations de travail par l’entremise de son syndicat, les Travailleurs canadiens de l’automobile (maintenant Unifor). En décembre 2014, elle a signé une entente de règlement à l’issue d’une séance de médiation avec GardaWorld Canada (Garda), qui avait acheté G4S dans l’intervalle. La demanderesse a déclaré qu’elle avait été blanchie de tout soupçon d’acte répréhensible et qu’elle pouvait le prouver par des documents écrits provenant de Garda, d’Unifor et du service de police de Vancouver (SPV), qui avait mené l’enquête, [traduction] « qui attestent que les allégations sont infondées et qu’aucune preuve n’a été produite ».

[18]  La demanderesse a notamment joint à son Formulaire d’autorisation de sécurité le rapport d’incident général produit par le SPV relativement au dossier 2012-57402. Le rapport indique que le gendarme-détective Greenwood a pris connaissance, de concert avec des membres de l’unité des crimes financiers, des documents et des renseignements fournis par G4S relativement à un vol de plus de 5 000 $ et que, après une discussion avec un procureur du bureau régional de la Couronne, le dossier a été fermé. Le rapport d’incident général est caviardé en bonne partie, y compris les passages donnant le nom de la personne visée par l’enquête.

[19]  Le Formulaire d’autorisation de sécurité de la demanderesse était également accompagné de deux lettres rédigées par le directeur national du personnel et des relations de travail chez Garda à propos de la demanderesse et du dossier 12-57402 du SPV. La première, datée du 2 décembre 2014, est une lettre de référence sans adresse. La deuxième lettre, datée du 5 décembre 2014, est adressée au SPV et indique que Garda a examiné l’affaire et conclu qu’aucune preuve ne corroborait les allégations formulées par G4S contre la demanderesse.

[20]  Dans une troisième lettre datée du 26 janvier 2015, M. Cameron informe le SPV que Garda a diffusé un bulletin d’information dans lequel il est question des accusations pour un vol de plus de 5 000 $ qui ont été portées contre l’enquêteur désigné le 18 novembre 2014 après le signalement d’un colis manquant à la succursale de Mississauga le 10 juin 2014. (Dans les présents motifs, cette personne sera désignée par ses initiales, « K.M. », car les accusations criminelles ont ultérieurement été rejetées par le tribunal.) Voici un passage de la lettre de M. Cameron : « Ensemble, ce bulletin d’information et la lettre ci-jointe dans laquelle la société affirme qu’il n’existe pas de preuve corroborant les allégations suffisent à mon avis pour blanchir Baldeep Varn et [nom caviardé] de tout soupçon eu égard à la plainte fallacieuse formulée par un homme qui est maintenant accusé de vol. »

[21]  Le 9 juin 2015, un analyste désigné de l’ASFC a présenté un rapport dans lequel il recommande d’attribuer une cote de fiabilité à la demanderesse [traduction] « dans l’attente de réponses défavorables de la vérification nominale du casier judiciaire et de la vérification des antécédents criminels ».

[22]  Le 15 juin 2015, soit avant le dépôt des rapports de vérification, la demanderesse a participé à une entrevue de sécurité menée par M. Ray Bonnell, un conseiller en sécurité de l’ASFC. Après l’entrevue, M. Bonnell a formulé les observations suivantes dans une note datée du 22 juin 2015 :

  VARN a été congédiée par G4S Cash Solutions en avril 2012. À l’époque, elle était conductrice de véhicule blindé, et elle et son partenaire ont été congédiés en raison d’une allégation relative à la disparition d’argent. VARN a nié tout acte répréhensible et a embauché un avocat pour la représenter dans cette affaire. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre elle et elle a obtenu une indemnité pécuniaire de la société. VARN a fourni des documents à l’appui de sa demande. Il convient de souligner que l’enquêteur principal dans son dossier a été accusé ultérieurement d’avoir volé 100 000 $ à la société.

  VARN a fait bonne figure et a répondu à toutes les questions sans hésiter.

  L’auteur recommande l’octroi de la cote de fiabilité dans l’attente d’un rapport de vérification des antécédents criminels défavorable.

[23]  Le lendemain, M. Bonnell a discuté avec le gendarme-détective Greenwood, qui avait enquêté sur le vol signalé (dossier 2012-57402 du SPV). M. Bonnell a ensuite formulé les observations suivantes dans une note au dossier :

VARN et son partenaire étaient conducteurs de véhicule blindé chez G4S Cash Solutions et ils ont tous les deux été congédiés en raison d’allégations de vol. VARN a contesté son congédiement et elle a finalement obtenu une indemnité pécuniaire et un document par lequel la société la blanchit de tout soupçon d’acte répréhensible. Elle n’a toutefois pas été réembauchée.

Pendant mon entrevue avec VARN, je l’ai sentie évasive quand je lui ai demandé directement si des vols d’argent avaient été commis pendant qu’elle était en fonction. Dans ses réponses, elle répétait sans cesse que la société n’a jamais dit combien d’argent avait disparu, à quel endroit et à quel moment. Elle a aussi fourni un document provenant de Mark Cameron, le représentant syndical, qui confirme qu’elle n’a jamais eu de lien avec [K.M.], l’enquêteur de la société qui l’a accusée de vol. [K.M.] a ultérieurement été lui-même accusé d’avoir volé 100 000 $ à la société en Ontario.

Pendant l’entrevue, j’ai senti que VARN n’était pas entièrement honnête sur la question du vol d’argent à G4S Cash Solutions. Lors de ma conversation avec le gendarme-détective Greenwood, je lui ai demandé explicitement si un vol avait été commis. Il m’a répondu qu’il y avait eu un vol, et même plusieurs. Les systèmes mis en place par la société pour dépister des scénarios de disparitions d’argent ne lui permettaient pas de déterminer l’heure exacte, les sommes en jeu ou l’emplacement. Le gendarme-détective Greenwood aurait souhaité poursuivre l’enquête, mais le procureur de la Couronne a estimé que la poursuite avait de très faibles chances de succès. Le gendarme-détective Greenwood ne pouvait pas porter des accusations de vol contre VARN, mais il n’était pas convaincu de son entière innocence. La société a été vendue et le nouvel acquéreur voulait, mais [sic] a choisi de passer à autre chose et a donc conclu une entente de règlement avec toutes les parties.

Je suis devant un dilemme puisque je ne suis pas personnellement convaincu que VARN a été tout à fait honnête, mais c’est très difficile à prouver. De deux choses l’une : soit elle voulait protéger son partenaire de l’époque, soit elle était impliquée.

À la lumière de ce qui précède, je recommande de lui attribuer la cote de fiabilité dans l’attente d’un rapport de vérification des antécédents criminels défavorable.

[24]  Le 4 septembre 2015, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a établi un rapport de vérification des antécédents criminels de la demanderesse et l’a transmis à l’ASFC. Le rapport confirme qu’elle n’avait pas de casier judiciaire, mais que son nom était associé aux incidents suivants :

[traduction]

i.  Le 6 mai 2008, le détachement de la GRC de Burnaby, en Colombie-Britannique, a reçu un signalement de la Banque de Montréal relativement à une série de vols à l’interne mettant en cause deux agents de sécurité de G4S (la postulante et le sujet A). La postulante et le sujet A étaient soupçonnés d’avoir commis 5 vols de moins de 5 000 $ dans des guichets automatiques bancaires, mais ils ont nié les allégations. Une enquête approfondie a été menée. Même s’ils demeuraient les principaux suspects, il a été impossible de porter des accusations contre eux par manque de preuve. Ce dossier a été fermé.

ii.  En février 2012, avec l’aide de policiers du SPV, le gestionnaire de succursale et le directeur de la sécurité de G4S Cash Solutions ont mené une enquête sur de nombreuses disparitions d’argent aux guichets automatiques bancaires à la succursale de Vancouver de G4S. Dans tous les cas, les soupçons se sont portés vers la postulante et le sujet A. Pendant une entrevue menée par un membre du personnel de G4S, la postulante a avoué sa responsabilité pour la moitié des disparitions. Toutefois, comme cette entrevue n’a pas été menée sous surveillance policière, elle n’aurait pas été admissible en cour. Le SPV a jugé que l’ensemble de la preuve recueillie contre la postulante et le sujet A était circonstancielle et insuffisante, et ne remplissait pas les critères régissant le dépôt d’accusations. Aucune accusation criminelle n’a été déposée et le dossier a été fermé.

[25]  Après avoir pris connaissance des nouveaux renseignements mentionnés au rapport de vérification des antécédents criminels, M. Bonnel a convié la demanderesse à une seconde entrevue, qui a eu lieu le 16 février 2016. Pendant celle-ci, la demanderesse a continué de nier toute implication dans les vols allégués, et elle a fait l’affirmation suivante : [traduction] « Je suis une femme mariée et j’ai un fils. Pourquoi volerais-je de l’argent? » Elle a démenti avoir fait des aveux à K.M. et, pour corroborer ses dires, elle a insisté sur le fait que son représentant syndical, M. Cameron, avait assisté à toute l’entrevue. La demanderesse a aussi révélé pour la première fois le nom de son partenaire chez G4S, lequel était également un suspect dans les vols allégués [il sera désigné ci-après par ses initiales, « D.R. »]. D.R., décrit comme un ami, est désigné comme référence morale dans le Formulaire d’autorisation de sécurité de la demanderesse. Elle a demandé pourquoi son dossier était bloqué alors que D.R. avait réussi à obtenir un emploi d’agent à l’ASFC.

[26]  Après la seconde entrevue, M. Bonnell a pris contact avec des collègues de l’ASFC afin qu’ils vérifient si la GRC avait fait une erreur dans le rapport de vérification des antécédents criminels de D.R. (les renseignements l’identifiant comme un suspect dans des vols de banque auraient dû figurer dans ce rapport). L’enquête menée durant le processus de contrôle de sécurité visant D.R. a révélé des courriels dans son compte de l’ASFC qui donnent à penser qu’il entretenait une relation romantique avec la demanderesse, ce dont elle n’avait pas parlé à M. Bonnell.

[27]  Dans le rapport d’enquête aux fins du contrôle de sécurité daté du 26 août 2016 et rédigé à l’intention de l’ASM et de son gestionnaire, Kenneth McCarthy, directeur de la Division de la sécurité du personnel et des normes professionnelles, M. Bonnell recommande de refuser la cote de fiabilité à la demanderesse. Dans ce rapport, M. Bonnell donne plusieurs motifs à l’appui de sa recommandation :

  1. La postulante a tenté de brouiller les faits en présentant un document [traduction] « de la police de la Ville de Vancouver » qui apparemment la blanchit de toutes les allégations de vol commis en Colombie-Britannique, et en insistant sur le fait que K.M. n’est pas digne de confiance.

  2. La postulante a démenti avoir fait des aveux à K.M. relativement à son implication dans les vols d’argent allégués et, pour corroborer ses dires, elle a prétendu que son représentant syndical, Mark Cameron, avait assisté à toute l’entrevue. M. Cameron a toutefois confirmé par la suite qu’il avait assisté à une partie seulement de l’entrevue et qu’il n’avait pas entendu d’aveux à ce moment.

  3. Après la seconde entrevue, il a été découvert que la postulante entretenait une relation romantique avec D.R. depuis plusieurs années. Elle n’avait pas divulgué cette information. Compte tenu de l’implication alléguée de D.R. dans le vol d’argent, le fait que la postulante a passé cette information sous silence soulève d’importantes réserves quant à sa crédibilité et à son intégrité.

  4. Lorsqu’on lui a demandé si elle avait volé l’argent, la postulante a répondu que personne [traduction] « ne lui avait montré de preuve de vol ». Elle n’a pas montré de signe de colère ni clamé son innocence, comme le font en général les personnes accusées.

  5. Rien ne permet de croire que les renseignements donnés dans le rapport de vérification des antécédents criminels étaient inexacts.

  6. La postulante a minimisé son implication et la gravité de son comportement.

[28]  M. McCarthy a ensuite examiné les facteurs atténuants et aggravants exposés dans le rapport d’enquête aux fins de contrôle de sécurité, et il a établi son propre rapport d’observation en matière de sécurité, dont la conclusion est la suivante :

[traduction]

J’ai pris connaissance du dossier. Il y est indiqué que la postulante a 44 ans et que les allégations de vol qui pèsent contre elle concernent des incidents survenus il y a quatre et huit ans. En ce qui concerne la deuxième allégation de vol, nous savons qu’elle a été suspendue, qu’elle a fait l’objet d’une enquête et que, après une séance de médiation, aucune accusation n’a été portée. Aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre la postulante, mais elle n’a pas été embauchée par la nouvelle société. Le rapport de vérification des antécédents criminels indique qu’elle a avoué sa responsabilité pour la moitié de l’argent volé. Elle a démenti avoir fait ces aveux lors des entrevues sur la sécurité, mais elle a cherché à faire diversion et elle a grandement minimisé l’incident. En raison de cette duplicité, j’estime qu’elle pose un grave risque de menace interne pour l’ASFC.

Je suis d’accord avec la recommandation de refuser la cote de fiabilité à la postulante.

C.  La décision attaquée

[29]  Le 4 octobre 2016, la demanderesse a reçu la lettre de décision de l’ASM, M. Giguère, l’informant du rejet de sa demande de cote de fiabilité de l’ASFC. Il est indiqué dans la lettre que les renseignements découlant du rapport de vérification des antécédents criminels avaient soulevé des doutes quant à la conformité de la demanderesse aux normes d’octroi d’une cote de fiabilité de l’ASFC. L’ASM s’exprime comme suit :

[traduction]

Plus précisément, pendant les entrevues, vous n’avez pas répondu franchement quand il a été question de votre implication dans des vols de guichets automatiques bancaires dans la région du Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Vous avez fait des aveux partiels au cours des entrevues de sécurité, mais vous avez dissimulé de l’information concernant votre implication dans ces événements. Vous avez cherché à minimiser la portée des allégations extrêmement graves qui ont entraîné votre suspension et une enquête. Votre attitude générale et votre duplicité inquiètent l’ASFC et soulèvent des doutes relativement à votre honnêteté, à votre intégrité et à votre sincérité. Ces constats sont incompatibles avec les pratiques de sécurité d’un organisme d’application de la loi comme le nôtre, et il en découle un risque autant pour vous que pour l’ASFC.

En ma qualité d’agent de la sécurité ministérielle pour l’ASFC, j’ai passé en revue les circonstances du dossier et j’ai conclu qu’il existe des motifs suffisants de vous refuser la cote de fiabilité de l’ASFC.

[30]  La présente demande de contrôle judiciaire a été introduite le 28 octobre 2016 et vise l’obtention d’un jugement déclarant la décision invalide et illégale, d’une ordonnance annulant la décision, ainsi que d’une ordonnance octroyant une cote de fiabilité à la demanderesse ou, subsidiairement, renvoyant l’affaire pour nouvelle décision.

III.  Questions en litige

[31]  Selon les parties, la présente demande soulève les questions suivantes :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

  2. Le décideur a-t-il outrepassé sa compétence?

  3. La demanderesse a-t-elle eu droit au degré voulu d’équité procédurale?

  4. La décision est-elle déraisonnable?

IV.  Discussion

A.  Quelle est la norme de contrôle applicable?

[32]  La Cour suprême du Canada a soutenu, au paragraphe 57 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], qu’une analyse exhaustive n’est pas toujours nécessaire pour arrêter la bonne norme de contrôle. La Cour doit d’abord se demander si la jurisprudence a établi de manière satisfaisante le degré de déférence dû à un décideur pour une catégorie de questions en particulier. Lorsque la norme de contrôle applicable à une question donnée est bien établie, la cour de révision peut s’y tenir. En l’espèce, il n’y a aucun litige entre les parties en ce qui a trait à la norme de contrôle applicable.

[33]  Premièrement, le critère pour déterminer s’il y a eu excès de compétence consiste essentiellement à établir si le législateur a investi le tribunal d’un pouvoir l’autorisant à trancher la question en litige. Si tel n’est pas le cas, il faut considérer que le tribunal outrepasserait sa compétence. La norme de contrôle qui s’applique pour établir s’il y a eu excès de compétence est celle de la décision correcte (Dunsmuir, au paragraphe 59).

[34]  Deuxièmement, les questions relatives à l’équité procédurale sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Singh Kailley c Canada (Ministre des Transports), 2016 CF 52, au paragraphe 18 [Singh Kailley]; Mission Institution c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79).

[35]  Troisièmement, il est de droit constant que la norme de contrôle applicable aux questions mixtes de fait et de droit est celle de la décision raisonnable, notamment s’il faut trancher la question de l’octroi d’une cote de sécurité à un particulier (Singh Kailley, au paragraphe 17; Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités) c Jagjit Singh Farwaha, 2014 CAF 56, aux paragraphes 80 à 87 [Farwaha]).

B.  Le décideur a-t-il outrepassé sa compétence?

[36]  La demanderesse fait valoir qu’il se trouve dans la lettre de refus des déclarations de sa culpabilité qui ne sont pas appuyées par des conclusions de fait. À son avis, M. Bonnell et M. McCarthy et l’ASM ont fait abstraction de la preuve disculpatoire concernant les deux incidents mentionnés dans le rapport de vérification des antécédents criminels. Ils ont cru sans se questionner un policier qui était convaincu de sa culpabilité même s’il n’en avait aucune preuve. Selon elle, l’ASM ne s’est pas donné la peine d’analyser les faits et il a prêté foi à des insinuations sans fondement, outrepassant ainsi sa compétence.

[37]  De toute évidence, la demanderesse veut faire passer les erreurs alléguées de l’ASM pour un excès de compétence parce que la norme de contrôle applicable serait alors plus élevée. Malheureusement, les faits de la présente espèce ne me permettent pas de conclure à un excès de compétence. Au paragraphe 59 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada a précisé ce qui constitue une question véritable de compétence (ou vires) au sens strict de la faculté du tribunal administratif de connaître de la question.

[38]  L’ASM avait clairement compétence pour apprécier les documents dont il a été saisi et décider si la demande de cote de fiabilité en cause devait être accueillie. De toute façon, pour les motifs qui suivent, je ne suis pas convaincu que la conclusion de l’ASM est entachée d’erreur.

C.  La demanderesse a-t-elle eu droit au degré voulu d’équité procédurale?

[39]  La demanderesse fait valoir qu’on a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale pour divers motifs.

[40]  Elle réitère à cet égard l’argument comme quoi la décision défavorable repose sur les insinuations du gendarme-détective Greenwood qu’elle est coupable de vol, alors qu’il n’avait aucune preuve. Il existe selon elle une preuve claire et convaincante qu’elle a été innocentée pour l’incident de 2012, et elle a fourni des explications détaillées pour tout éventuel renseignement défavorable. Elle ne voit pas comment elle aurait pu expliquer pourquoi les insinuations infondées d’un policier n’auraient pas dû l’emporter sur un compte rendu des événements réels parce qu’il n’y avait aucune information à réfuter et aucun fait à contredire. Selon la demanderesse, l’ASM était tenu d’énoncer des faits pour donner un fondement raisonnable à sa conclusion comme quoi elle avait été impliquée dans les vols alors que, faute de preuve, l’enquête policière n’avait pas débouché sur des accusations. Comme tout repose sur de vagues soupçons, la demanderesse estime avoir été privée de son droit de répondre. Je ne suis pas d’accord.

[41]  Au vu du dossier, ses affirmations comme quoi MM. Bonnell et McCarthy et, ultimement, l’ASM n’ont fait aucun cas de la preuve et accepté aveuglément l’opinion d’un policier ne tiennent pas la route. M. Bonnell a été ébranlé par ce que lui a appris le gendarme-détective Greenwood et il est revenu sur la conclusion qu’il avait tirée sur la franchise de la demanderesse à la fin de la première entrevue. Malgré tout, il lui a accordé le bénéfice du doute et il a recommandé l’octroi de la cote de fiabilité dans l’attente d’un rapport défavorable de vérification des antécédents criminels. De toute évidence, les renseignements inédits contenus dans ce rapport, et notamment les aveux de la demanderesse au sujet de sa responsabilité pour la moitié de l’argent disparu, ont fait pencher la balance en sa défaveur. La seconde entrevue a été jugée nécessaire à cause de ces renseignements accablants, pas à cause des insinuations du gendarme-détective Greenwood.

[42]  La demanderesse a été rencontrée une seconde fois, tel que le prévoit la Norme du CT, de sorte qu’elle a eu pleinement l’occasion de dissiper les préoccupations de M. Bonnell concernant le contenu du rapport de vérification des antécédents criminels. En choisissant d’accorder une plus grande crédibilité à ce rapport, l’ASM n’a d’aucune façon manqué à l’obligation d’équité procédurale.

[43]  La demanderesse estime en outre que la prise en compte de l’incident de 2008 constitue un manquement à l’équité procédurale parce qu’il est survenu avant la période de cinq ans visée par la vérification de la fiabilité. La demanderesse n’invoque aucune disposition des politiques, des directives et des normes du Secrétariat du Conseil du Trésor ou de l’ASFC qui interdise explicitement la prise en compte de renseignements touchant des événements antérieurs à la période de cinq ans. De toute façon, même si l’incident de 2008 était frappé par un délai de prescription, le pouvoir discrétionnaire général d’accorder une cote de sécurité ne serait pas restreint pour autant. Dans la décision Doan c Canada (Procureur général), 2016 CF 138, au paragraphe 29, le juge Richard Mosley a conclu que le temps écoulé entre les événements soulevant des préoccupations et une demande d’attestation de sécurité peut être pris en considération.

[44]  La demanderesse a eu amplement l’occasion de répliquer aux allégations de son implication dans un vol en 2008. Elle a été interrogée à propos de ces allégations, elle a nié toute implication, aucune mesure disciplinaire n’a été prise contre elle, elle a continué d’occuper son poste et elle n’a plus jamais entendu parler de la police. Rien n’indique que l’ASM a accordé un poids démesuré à ces allégations ou qu’elles ont été déterminantes dans sa décision.

[45]  Le degré d’équité procédurale auquel peut aspirer le postulant à une attestation initiale de sécurité est minime (Motta c Canada (Procureur général), [2000] 180 FTR 292 (CF 1re inst.), 2000 CanLII 14801, au paragraphe 13). Pour tous ces motifs, je conclus que le processus de vérification a été mené conformément à la norme minimale en matière d’équité procédurale.

D.  La décision est-elle déraisonnable?

[46]  En l’espèce, la question cardinale est celle du caractère raisonnable de la décision de l’ASM. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 15 et 16 [Newfoundland Nurses], la Cour suprême du Canada a conclu que le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale. Les motifs satisfont aux critères « de justification, de transparence et d’intelligibilité » établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables (Dunsmuir, au paragraphe 47).

[47]  Dans le contexte d’un contrôle de sécurité, l’appréciation du risque suppose un examen délicat et une recherche attentive des faits, des démarches qui sont normalement susceptibles de donner lieu à une vaste gamme de décisions acceptables pouvant se justifier (Farwaha, au paragraphe 94). Par essence, l’appréciation du risque est prospective et prévisionnelle. Il ne s’agit pas d’une science exacte qui repose sur des calculs scientifiques, mais d’une affaire de jugement et de nuances.

[48]  Comme l’ASFC a pour mandat de fournir des services frontaliers intégrés à l’appui des priorités liées à la sécurité nationale et à la sécurité publique, il est tout à fait légitime que les décisions rendues au terme du processus de contrôle de sécurité penchent du côté de la sécurité publique, comme c’est le cas dans les domaines de l’aviation et de la marine. Selon ce principe, l’intérêt d’un particulier passe toujours derrière celui du public en matière de sécurité (Randhawa c Canada (Transports), 2017 CF 556, au paragraphe 18; Thep-Outhainthany c Canada (Procureur général), 2013 CF 59, au paragraphe 17; Salmon, au paragraphe 83).

[49]  Selon la demanderesse, les nombreuses erreurs, déclarations inexactes et interprétations erronées dans les documents minent sérieusement la fiabilité et les conclusions de l’enquête. J’ai moi-même relevé quelques inexactitudes dans les rapports d’enquête, mais elles n’ont eu aucune incidence sur la décision de l’ASM.

[50]  Notamment, au paragraphe 3 du rapport d’enquête aux fins du contrôle de sécurité, M. Bonnell renvoie aux documents présentés par la demanderesse et qui, selon elle, la blanchissent de tout acte répréhensible. M. Bonnell indique que l’un de ces documents [traduction] « provient de la police de la Ville de Vancouver ». Il déclare dans son rapport que le gendarme-détective Greenwood a indiqué que ce document était lié au vol d’argent imputé à K.M. en Ontario.

[51]  La demanderesse fait valoir que la lettre ne venait pas du SPV, mais de l’employeur. En fait, M. Bonnell et le gendarme-détective Greenwood ont discuté de la lettre que M. Cameron a adressée au SPV et M. Bonnell a écrit [traduction] « provient de » au lieu de « est destiné à » dans le rapport d’enquête aux fins du contrôle de sécurité. Même si M. McCarthy a reproduit l’erreur dans son rapport d’observation, ce n’est pas suffisant pour conclure que l’ASM a mal compris la preuve. La Cour ne modifiera pas la décision pour une erreur typographique aussi anodine (Petrova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 506, au paragraphe 51).

[52]  La demanderesse pointe d’autres inexactitudes dans différents rapports : une erreur dans son âge et des passages dans lesquels il est dit qu’elle a été [traduction] « suspendue » plutôt que « congédiée », ou que Garda avait « accepté » la médiation alors qu’elle l’a « exigée » pour éviter d’aller en arbitrage. Ce sont des vétilles et s’y arrêter serait selon moi une perte de temps. Comme il est indiqué dans l’arrêt Newfoundland Nurses, au paragraphe 18, on ne s’attend pas à la perfection : la cour de révision doit se demander si, « lorsqu’on les examine à la lumière des éléments de preuve dont il disposait et de la nature de la tâche que la loi lui confie, on constate que les motifs du Tribunal expliquent de façon adéquate le fondement de sa décision ». À la lumière du dossier et des observations des parties, j’estime que l’ASM a bien expliqué à la demanderesse pourquoi ses déclarations trompeuses et tronquées eu égard à son implication dans les vols ont soulevé des réserves quant à son honnêteté, à son intégrité et à sa sincérité.

[53]  À mon avis, une application souple et empreinte de retenue des normes et des directives du CT et de l’ASFC en matière de contrôle de sécurité cadre davantage avec les principes énoncés dans Dunsmuir eu égard à l’interprétation des motifs. Dans la décision Ng c Canada (Procureur général), 2017 CF 376, aux paragraphes 24 et 36 [Ng], le juge Peter Annis observe qu’il faut éviter de « judiciariser » le processus de contrôle de sécurité. Ce raisonnement concorde avec l’idée voulant que l’arrêt Dunsmuir préconise qu’on évite « [d’aborder] le contrôle judiciaire sous un angle trop formaliste » (Newfoundland, au paragraphe 18, citant le juge Evans dans l’arrêt Alliance de la fonction publique du Canada c Société canadienne des postes, 2010 CAF 56, conf. par 2011 SCC 57).

[54]  Dans l’appréciation de la réputation ou des penchants d’une personne, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve de la perpétration effective d’un acte illicite (Clue c Canada (Procureur général), 2011 CF 323, au paragraphe 20; Salmon c Canada (Procureur général), 2014 CF 1098, au paragraphe 83 [Salmon]).

[55]  Notre Cour a soutenu qu’aux fins de l’octroi d’une attestation de sécurité, un décideur n’a aucune obligation de vérifier ou de contre-vérifier l’exactitude des renseignements que lui transmet la GRC dans un rapport de vérification des antécédents criminels, et qu’il peut se fonder uniquement sur celui-ci même si, du point de vue de la preuve, ces renseignements constituent du ouï-dire (Sargeant c Canada (Procureur général), 2016 CF 893, au paragraphe 31; Fontaine c Canada (Transports), 2007 CF 1160, au paragraphe 75; Henri c Canada (Procureur général), 2014 CF 1141, au paragraphe 40; Christie c Canada (Transports), 2015 CF 210, au paragraphe 23; Singh Kailley, aux paragraphes 28 et 29).

[56]  La décision concernant l’attestation initiale de sécurité doit être jugée suffisamment intelligible si, d’une part, elle informe le postulant des faits sur lesquels repose une conclusion défavorable quant à son honnêteté, son intégrité ou sa fiabilité, ou à la question de savoir si on peut se fier à lui pour protéger les intérêts de son employeur et, de l’autre, si elle établit un lien logique avec au moins un des motifs de refus (Ng, au paragraphe 37).

[57]  J’estime, au vu de la preuve, qu’il était raisonnable de la part de l’ASM de douter de l’honnêteté, de l’intégrité et de la sincérité de la demanderesse. En premier lieu, dans le document joint à son Formulaire d’autorisation de sécurité, elle a déclaré que le rapport d’incident général du SPV l’innocente, ce qui est faux. Ce rapport indique seulement qu’une enquête a été menée, que l’affaire a été examinée et que le dossier a été fermé.

[58]  Deuxièmement, la demanderesse n’a pas dévoilé la véritable nature ni la durée de sa relation avec D.R. Elle n’a pas révélé son identité ni qu’il était le deuxième suspect, ni parlé de la nature exacte de leur relation tout au long de l’enquête. Quand les faits concernant cette relation ont été mis au jour après la seconde entrevue, ils ont été perçus comme un motif raisonnable de soupçonner que la demanderesse avait voulu protéger D.R. ou qu’elle avait été directement impliquée dans les vols.

[59]  Troisièmement, la demanderesse a démenti avoir fait des aveux lorsqu’elle a été interrogée par K.M. et, pour corroborer ses dires, elle a prétendu que M. Cameron avait assisté à toute l’entrevue et n’avait entendu aucun aveu. Or, quand il a été questionné à son tour, M. Cameron a déclaré qu’il n’avait assisté qu’à une partie de l’entrevue.

[60]  La demanderesse clame également que K.M. n’est pas digne de confiance parce qu’il a été accusé de vol. Elle n’a toutefois pas parlé d’un sentiment d’animosité à son égard ni qu’il aurait pu avoir un motif de mentir à la police en 2012. Dans ces circonstances, il était loisible à l’ASM d’accorder plus de poids aux renseignements contenus dans le rapport de vérification des antécédents criminels. Il semble d’ailleurs assez paradoxal que la demanderesse, qui a elle-même été soupçonnée de vol, nous implore de ne pas croire K.M. à cause des soupçons de vol dont il a l’objet deux ans plus tard.

[61]  Contrairement à ce que la demanderesse affirme, la décision attaquée ne repose pas sur une insinuation ou une conclusion de sa culpabilité dans les vols. L’ASM s’est fondé sur des renseignements tirés d’un rapport de vérification des antécédents criminels et sur des conclusions quant à la crédibilité que la teneur des réponses de la demanderesse et son attitude ont imposées.

V.  Conclusion

[62]  Dans l’ensemble, un processus décisionnel rigoureux et clair a été suivi. La décision fait partie d’une gamme d’issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Qui plus est, la décision de l’ASM est conforme aux objectifs de la loi et des politiques, des normes et des directives en matière de contrôle de sécurité pour les membres du personnel de l’ASFC. Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée, avec dépens.

[63]  Les parties ont convenu à la conclusion de l’audience que la partie gagnante recevrait des dépens établis à 5 000 $, taxes et débours compris.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1843-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. L’intitulé est modifié, avec effet immédiat, de façon à y supprimer l’Agence des services frontaliers du Canada en tant que défenderesse.

  3. Les dépens de la demande, par les présentes fixés à 5 000 $, taxes et débours compris, doivent être versés par la demanderesse au défendeur.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1843-16

 

INTITULÉ :

BALDEEP VARN c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 octobre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Leslie J. Mackoff

 

Pour la demanderesse

 

Susanne Pereira

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mackoff & Company

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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