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Date : 20171205

Dossier : IMM-1218-17

Référence : 2017 CF 1103

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

SOPHIA ERAKPOWERI AKPONAH

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’un contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), d’une décision datée du 24 février 2017 (décision), rendue par une agente principale d’immigration (agente), refusant la demande pour motifs d’ordre humanitaire présentée par la demanderesse en application du paragraphe 25(1) de la LIPR.

[2]  La demanderesse soutient que la décision est déraisonnable parce qu’elle est fondée excessivement sur les conclusions de la Section d’appel des réfugiés, plus particulièrement, en adoptant sa conclusion selon laquelle les conditions économiques et sociales difficiles au Nigéria pourraient être atténuées si la demanderesse déménageait à Abuja, lieu qui, selon la Section d’appel des réfugiés, constitue une possibilité de refuge intérieur.

[3]  La Cour conclut que l’invocation d’une constatation d’une possibilité de refuge intérieur dans une demande d’asile en vue d’atténuer les circonstances économiques et sociales dans une demande pour motifs d’ordre humanitaire sans tenir compte de la preuve sous-jacente pour étayer la possibilité de refuge intérieur ou de la preuve contradictoire de la demanderesse, soulève une erreur susceptible de révision, de sorte que la demande est accueillie.

I.  Contexte

[4]  La demanderesse, Sophia Erakpoweri Akponah, est une citoyenne du Nigéria. Elle a deux filles nées au Canada dont les pères sont inconnus. Sa première fille est née le 2 janvier 2015 et la deuxième le 19 août 2016.

[5]  La demanderesse est arrivée au Canada le 29 septembre 2014 et a déposé une demande d’asile le 6 novembre 2014.

[6]  Le 11 février 2015, sa demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés. Le 10 juin 2015, la Section d’appel des réfugiés a rejeté son appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés.

[7]  Le 5 octobre 2015, la Cour a refusé à la demanderesse l’autorisation d’en appeler de la décision de la Section d’appel des réfugiés.

[8]  La demanderesse a également sollicité le contrôle judiciaire de la décision de l’agente d’examen des risques avant renvoi, selon laquelle elle n’était pas une personne à protéger. La demande d’autorisation a été refusée par la Cour en mars 2017.

[9]  Le 24 février 2017, la demanderesse a présenté une demande pour motifs d’ordre humanitaire demandant une exemption de l’exigence en application de la LIPR d’obtenir un visa de résident permanent à un bureau des visas à l’extérieur du Canada. L’agente a refusé sa demande pour motifs d’ordre humanitaire parce qu’il n’existait pas des motifs d’ordre humanitaire suffisants pour justifier une exemption en application du paragraphe 25(1) de la LIPR.

II.  La décision contestée

[10]  Après avoir examiné et tenu compte cumulativement de tous les facteurs présentés par la demanderesse dans sa demande, l’agente a conclu que l’exemption demandée du traitement normal d’une demande de résidence permanente n’était pas justifiée.

[11]  L’agente a examiné le degré d’établissement de la demanderesse au Canada, mais elle a conclu qu’il n’était pas inhabituel et ne dépassait pas le degré d’établissement attendu d’une personne qui résidait au Canada depuis septembre 2014.

[12]  L’agente a également tenu compte de l’intérêt supérieur des filles de la demanderesse et a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour démontrer que le renvoi de la demanderesse du Canada aurait des conséquences négatives sur ses filles. L’agente a conclu que le niveau de dépendance entre les enfants d’âge préscolaire et la demanderesse est élevé et que les filles de la demanderesse doivent continuer et continueront de bénéficier des soins de leur mère afin que cette dernière les guide pendant l’étape de transition nécessaire aux fins de la réinstallation à l’étranger.

[13]  En ce qui concerne les craintes selon lesquelles la pratique de la mutilation génitale féminine constitue une menace à sa vie et à celle de ses enfants, l’agente a invoqué les conclusions défavorables quant à la crédibilité tirées par la Section d’appel des réfugiés contre la demanderesse et les éléments de preuve concernant les conditions dans le pays afin de conclure qu’il existait des éléments de preuve insuffisants pour corroborer le fait qu’on lui avait demandé de participer à la pratique culturelle, qu’elle subirait des conséquences punitives ou qu’elle serait tenue de se conformer à ce que la pratique soit exécutée sur ses filles.

[14]  En ce qui concerne les difficultés sociales, politiques et économiques auxquelles est confrontée une mère célibataire, l’agente a invoqué la décision de la Section d’appel des réfugiés qui était fondée sur les conclusions de la Section de la protection des réfugiés selon lesquelles, compte tenu du profile de la demanderesse en tant que femme instruite célibataire, ses possibilités d’emploi et sa capacité confirmée de subvenir à ses besoins au Canada, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle trouve un emploi à Abuja et qu’elle subvienne à ses besoins, de sorte que la réinstallation à cet endroit constituait une option raisonnable visant à atténuer les difficultés économiques ou sociales possibles.

III.  Questions en litige

[15]  La présente demande soulève les questions suivantes :

  1. Le traitement des éléments de preuve concernant les difficultés sociales et économiques par l’agente était-il raisonnable?

  2. L’agente a-t-elle commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a conclu que la réinstallation à Abuja avait été déterminée par la Section d’appel des réfugiés comme une option raisonnable pour atténuer les difficultés économiques ou sociales possibles?

  3. L’agente a-t-elle porté atteinte au droit de la demanderesse à l’équité procédurale en invoquant la conclusion de la Section d’appel des réfugiés sans d’abord en donner avis à la demanderesse?

IV.  Norme de contrôle

[16]  La norme de contrôle applicable aux conclusions de l’agente concernant les constatations de fait, les constatations mixtes de fait et de droit et l’exercice de son pouvoir discrétionnaire est celle de la décision raisonnable. Selon cette norme de contrôle empreinte de retenue élevée, la Cour ne doit intervenir que si les conclusions de l’agente n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47, 53 et 55; Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 44. La décision d’un agent aux termes du paragraphe 25(1) est hautement discrétionnaire, puisque cette disposition « prévoit un mécanisme en cas de circonstances exceptionnelles » et la Cour « doit accorder une déférence considérable » à l’agent (Williams c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1303, au paragraphe 4; Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au paragraphe 15.

[17]  La norme de contrôle applicable aux questions concernant l’équité procédurale est celle de la décision correcte : Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79. En outre, la Cour doit s’assurer que la démarche empruntée pour examiner la décision faisant l’objet du contrôle a atteint le niveau d’équité exigé dans les circonstances de l’espèce (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 115.

V.  Discussion

[18]  La Cour conclut que la principale question dont elle est saisie en l’espèce est celle de savoir si l’agente a fait preuve de transparence et a entravé la décision en se fondant sur les conclusions de la Section d’appel des réfugiés tirées de son analyse de la possibilité de refuge intérieur, selon lesquelles la demanderesse et ses enfants ne seraient pas assujettis à des contraintes excessives en ce qui concerne ses possibilités d’emploi et sa capacité de subvenir à ses besoins et aux besoins de ses enfants si elle était renvoyée au Nigéria.

A.  Le recours au rapport sur le Nigéria de 2014 du Home Office du Royaume-Uni

[19]  Une question incidente en l’espèce a trait à une observation du défendeur, selon laquelle la demanderesse a mentionné le rapport sur le Nigéria de 2014 du Home Office du Royaume-Uni (rapport du Royaume-Uni) dont l’agente n’avait pas valablement été saisie. La Cour souscrit à cette observation, mais elle conclut ironiquement que l’agente aurait dû en avoir été saisie dans le cadre de son dossier puisqu’il constitue le principal document invoqué pour conclure que la réinstallation à Abuja atténuerait toute difficulté économique ou sociale possible.

[20]  L’agente a mentionné implicitement le rapport du Royaume-Uni lorsqu’elle a conclu que la demanderesse pourrait trouver un emploi à Abuja et subvenir à ses besoins. La citation suivante des paragraphes 97 et 98 de la décision de la Section d’appel des réfugiés constituait le fondement de la décision de l’agente :

[traduction]

La Section de la protection des réfugiés a ensuite conclu que, compte tenu de la preuve documentaire [48] que la disponibilité des possibilités d’emploi ne constituait pas un facteur important de la réinstallation dans de grandes villes et que, compte tenu du niveau d’études de la demanderesse et de ses capacités, on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle trouve un emploi à Abuja et subvienne à ses besoins.

[...] La Section de la protection des réfugiés a reconnu que la demanderesse avait déclaré dans son formulaire Fondement de la demande qu’elle avait des membres de sa famille au Nigéria, notamment, sa mère et ses frères et sœurs. Étant donné les études universitaires que l’appelante a suivies, les possibilités d’emploi et la capacité de subvenir à ses besoins, comme en témoigne sa capacité de s’établir et de subvenir à ses besoins au Canada, la Section d’appel des réfugiés souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle, selon la prépondérance des probabilités, l’appelante pourrait raisonnablement subvenir à ses besoins à Abuja. Par ailleurs, il n’existait aucune preuve convaincante des détails concernant un lien que son père aurait pu avoir avec Abuja et, selon la prépondérance des probabilités, il n’existait aucune preuve convaincante pour établir qu’elle serait reconnue ou recherchée à Abuja.

[Les notes de bas de page ont été omises et les crochets ne figurent pas dans l’original.]

[21]  La citation que l’agente a faite de la Section d’appel des réfugiés dans la décision n’était toutefois pas exacte. Elle ne comprenait pas la note de bas de page no 48, sur laquelle j’ai mis l’accent ci-dessus à l’aide de crochets au premier paragraphe. Il s’avère que la note de bas de page mentionne le rapport du Royaume-Uni. L’extrait ci-dessus met en évidence que le rapport du Royaume-Uni formait le fondement de la conclusion de la Section de la protection des réfugiés affirmant qu’[traduction] « il était raisonnable de s’attendre à ce que l’appelante trouve un emploi à Abuja et puisse subvenir à ses besoins ».

[22]  Le défendeur soutient que le rapport du Royaume-Uni [traduction] « n’a pas été inclus dans les éléments de preuve qu’elle a déposés auprès de l’agente ». Étant donné que l’agente a cité particulièrement le renvoi à la décision de la Section d’appel des réfugiés ci-dessus, qui comprenait plus particulièrement une note de bas de page visant le rapport du Royaume-Uni, même s’il n’est pas mentionné dans la décision de l’agente, la Cour n’a aucune difficulté initiale due au fait que la demanderesse renvoie au rapport du Royaume-Uni. Toutefois, la Cour souligne que la demanderesse n’a jamais déposé en preuve le rapport du Royaume-Uni. Au contraire, elle a simplement mentionné des passages du rapport dans son mémoire. La preuve ne permet pas à la Cour d’examiner le rapport du Royaume-Uni puisque le mémoire ne peut pas être utilisé pour déposer des éléments de preuve.

B.  Le manque de transparence de l’agente lorsqu’elle a invoqué le rapport du Royaume-Uni

[23]  Le fait que le rapport du Royaume-Uni n’a pas été régulièrement déposé en preuve devant la Cour ne mène pas à la conclusion qu’il ne s’agit pas d’un document pertinent dans l’espèce. En fait, la Cour conclut que l’agente aurait dû consulter le rapport du Royaume-Uni et le mentionner dans sa décision. Il forme en soi le fondement, au moyen de la conclusion de la Section de la protection des réfugiés, et ensuite de la Section d’appel des réfugiés, de sa conclusion que l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que la demanderesse trouve un emploi et subvienne à ses besoins à Abuja. Toutefois, la Cour ne constate aucun fondement pour conclure que l’agente a consulté le document afin de parvenir à sa décision. Le renvoi à la note de bas de page concernant le rapport du Royaume-Uni est omis dans l’extrait cité par la Section d’appel des réfugiés. Par ailleurs, la v n’a été mentionnée qu’indirectement par la Section d’appel des réfugiés, comme cela apparaît dans l’extrait ci-dessus. Les renvois à la décision de la Section d’appel des réfugiés ont été indiqués dans les notes de bas de page de la décision de l’agente. Le défendeur a inclus la décision de la Section d’appel des réfugiés dans ses documents de réponse, mais pas celle de la Section de la protection des réfugiés, probablement parce qu’elle ne faisait pas partie du dossier certifié.

[24]  Il est problématique que le document source de la conclusion de l’agente sur lequel elle s’appuie pour avancer qu’on pourrait s’attendre à ce que la demanderesse trouve un emploi à Abuja n’ait pas été examiné ni mentionné par l’agente. La demanderesse a déposé des éléments de preuve qui semblent contredire cette conclusion et qui n’ont pas été pris en considération par l’agente. En outre, les éléments de preuve déposés par la demanderesse figuraient dans les rapports auxquels l’agente a renvoyé et qu’elle a invoqués pour rejeter les observations de la demanderesse concernant une question distincte liée au risque de la mutilation génitale féminine pour elle et ses filles dès leur retour au Nigéria : « Réponse à la demande d’information, NGA103907.E ».

[25]  La décision concernant les motifs d’ordre humanitaire ne comporte aucune référence aux problèmes décrits dans ces rapports auxquels les femmes célibataires sont confrontées lorsqu’elles cherchent à obtenir un emploi et un logement convenables au Nigéria. Les rapports mentionnent les difficultés auxquelles les femmes non mariées, plus particulièrement le fait qu’elles sont victimes de discrimination, de stéréotypes sexistes et de violence; que les femmes, en général, sont victimes d’une discrimination économique considérable; que les lois destinées à les protéger sont inefficaces en ce qui concerne leur mise en application en pratique; et que, sans le soutien d’un homme ou d’une famille, les femmes éprouvent d’importantes difficultés en ce qui concerne le coût d’un domicile.

[26]  Ce qui est peut-être encore plus important en ce qui concerne le profil de la demanderesse en tant que personne instruite et capable, les rapports renvoient au taux de chômage élevé parmi les femmes instruites dans des régions urbaines; au fait que les femmes célibataires instruites doivent avoir un statut social afin de recourir aux [traduction] « liens familiaux » pour obtenir un emploi; au fait que les femmes sont victimes de discrimination lorsqu’elles tentent d’accéder à un soutien officiel en matière d’emploi; et au fait qu’elles sont victimes de discrimination dans presque toutes les industries privées en ce qui concerne l’obtention de promotions et d’augmentations salariales.

[27]  Les préoccupations de la Cour quant à la transparence comportent donc deux volets. En premier lieu, il n’existe aucune preuve objective concernant l’employabilité raisonnable de femmes célibataires à Abuja, à l’exception d’une mention dans la décision de la Section d’appel des réfugiés qui s’appuie sur une conclusion tirée par la Section d’appel des réfugiés, où le document source semble ne pas avoir été examiné par l’agente et n’est pas disponible aux fins d’examen par la Cour. En deuxième lieu, des éléments de preuve figurent dans les documents déposés par la demanderesse et ils indiquent d’importants problèmes d’emploi auxquels sont confrontées les femmes instruites célibataires qui se réinstallent dans les régions urbaines qui n’ont pas été mentionnés dans la décision de l’agente, malgré le fait que le document renfermant ces renseignements a été invoqué par l’agente pour étayer d’autres conclusions.

C.  Recours à des conclusions non étayées d’une possibilité de refuge intérieur aux fins d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire

[28]  En plus des préoccupations quant à la transparence décrites ci-dessus, la Cour conclut que les conclusions de la Section d’appel des réfugiés et de la Section de la protection des réfugiés concernant une possibilité de refuge intérieur ne peuvent pas être directement imputées à une analyse des motifs d’ordre humanitaire sans que l’agente ne mène sa propre évaluation personnalisée des éléments de preuve sous-jacents.

[29]  Rien n’empêche l’agente d’examiner les éléments de preuve qui étayent une possibilité de refuge intérieur et d’en tenir compte lorsqu’elle décide si la demanderesse peut bénéficier d’une réinstallation à l’intérieur du pays afin d’atténuer les difficultés, le cas échéant. Cet élément n’est pas en litige, contrairement aux observations de la demanderesse. Toutefois, l’agente ne peut pas simplement accepter une conclusion concernant un facteur qui semble applicable à une décision liée aux motifs d’ordre humanitaire sans tenir compte de la preuve objective étayant la conclusion. Il en est ainsi parce que les conclusions liées aux difficultés dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne se rapportent pas aux conclusions concernant le risque et la sécurité dans les décisions rendues par la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés, de sorte que le même principe doit s’appliquer pour inverser la situation où l’on se fie au témoignage provenant d’une procédure d’asile.

[30]  Dans Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 RCF 164, aux paragraphes 15 à 18 [Ranganathan], la Cour d’appel fédérale a conclu que les facteurs d’ordre humanitaire ne se rapportent pas au deuxième volet du critère de la possibilité de refuge intérieur (question de savoir s’il est objectivement déraisonnable de se réinstaller) :

[15]  Selon nous, la décision du juge Linden, pour la Cour d’appel, indique qu’il faille placer la barre très haute lorsqu’il s’agit de déterminer ce qui est déraisonnable. Il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité d’un revendicateur tentant de se relocaliser temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. L’absence de parents à l’endroit sûr, prise en soi ou conjointement avec d’autres facteurs, ne peut correspondre à une telle condition que si cette absence a pour conséquence que la vie ou la sécurité du revendicateur est mise en cause. Cela est bien différent des épreuves indues que sont la perte d’un emploi ou d’une situation, la diminution de la qualité de vie, le renoncement à des aspirations, la perte d’une personne chère et la frustration des attentes et des espoirs d’une personne.

[16]  Il y a au moins deux motifs qui font qu’il est important de ne pas abaisser la barre. Premièrement, dans l’arrêt Thirunavukkarasu [page 599], selon la définition de réfugié aux termes la Convention, « il faut que les demandeurs de statut ne puissent ni ne veuillent, du fait qu’ils craignent d’être persécutés, se réclamer de la protection de leur pays d’origine, et ce, dans n’importe quelle partie de ce pays ». En d’autres mots, ce qui fait qu’une personne est un réfugié au sens de la Convention, c’est sa crainte d’être persécutée par son pays d’origine quel que soit l’endroit où elle se trouve dans ce pays. Le fait d’élargir ou de rabaisser la norme d’évaluation du caractère raisonnable de la PRI dénature de façon fondamentale la définition de réfugié: on devient un réfugié sans avoir la crainte d’être persécuté et du fait que la vie au Canada serait meilleure sur le plan matériel, économique et affectif que dans un endroit sûr de son propre pays.

[17]  Deuxièmement, il s’ensuit une certaine confusion en brouillant la distinction entre les revendications du statut de réfugié et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire. Il s’agit là de deux procédures qui correspondent à des considérations et à des objectifs différents. Comme le juge Rothstein l’a déclaré dans Kanagaratnam, à la page 133 :

Bien que, dans le sens le plus général, la politique canadienne en matière de statut de réfugié se fonde peut‑être sur des considérations humanitaires, cette terminologie dans la Loi sur l’immigration et les procédures suivies par les agents sous le régime de cette loi a pris une connotation particulière. La question des considérations humanitaires est normalement soulevée après qu’il a été déclaré qu’un requérant n’est pas un réfugié au sens de la Convention. L’omission par le tribunal d’examiner des considérations humanitaires dans sa décision en matière de statut de réfugié au sens de la Convention n’était pas une erreur.

En fait, les lignes directrices portant sur les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire sont à la fois généreuses et souples : voir le Guide de l’immigration (1999), chapitre 6, Demandes d’établissement présentées au Canada pour des considérations humanitaires (CH), aux pages 13 à 32. Selon moi, elles sont certainement assez larges pour aider l’intimée au cas où elle présenterait une telle demande. Plus on laisse les raisons d’ordre humanitaire intervenir dans le cadre des revendications du statut de réfugié, plus la procédure applicable aux réfugiés se confond avec la procédure propre à la prise en compte des raisons d’ordre humanitaire. En conséquence, les chances augmentent que le concept de persécution que l’on trouve dans la définition du réfugié soit en pratique remplacé par le concept d’épreuve.

[Non souligné dans l’original.]

[31]  La Section d’appel des réfugiés, en ce qui concerne la demanderesse, renvoie particulièrement à la jurisprudence qui précède, qui décrit le seuil élevé auquel un demandeur doit satisfaire en ce qui concerne la question liée à une possibilité de refuge intérieur au paragraphe 101 de sa décision (les termes « ne » et « pas » sont inclus par accident) comme suit :

[101] Dès qu’il est question de PRI, il incombe au demandeur d’asile de démontrer que la possibilité n’existe pas, en établissant qu’aucun des deux critères énoncés dans l’arrêt Rasaratnam n’est rempli. Dans l’arrêt Thirunavukkarasu, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’un demandeur n’a qu’à montrer qu’il y a une possibilité sérieuse qu’il soit persécuté au nouvel endroit ou que son renvoi au Nigéria [ne] l’exposerait [pas] personnellement à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités ou au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’y être soumis à la torture. La SAR conclut que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle ne dispose pas d’une PRI.

[Notes de bas de page omises.]

[32]  Presque tous les éléments de preuve de la Section d’appel des réfugiés concernant les « possibilités d’emploi » dans sa conclusion relative à la possibilité de refuge intérieur, qui faisaient référence aux conditions défavorables dans le pays d’origine concernant les femmes célibataires, portaient sur les questions liées à la sécurité et au risque, comme celles en matière de violence familiale, d’affiliation ethnique, de la vulnérabilité face à l’abus, de harcèlement et de trafic ou encore le fait qu’elles sont prises pour cible par des hommes sans scrupule. La seule référence qui ne se rapporte pas aux questions de sécurité était la disponibilité de possibilités d’emplois pour les femmes célibataires qui se réinstallent à Abuja. La Cour est d’avis que la teneur de l’ensemble de la décision de la Section d’appel des réfugiés portait sur les questions concernant le risque et non les difficultés. En fait, l’extrait de la décision de la Section d’appel des réfugiés cité par l’agente se termine en indiquant qu’elle n’aurait aucun risque d’être trouvée par son père ni reconnue ou recherchée à Abuja, concernant les préoccupations en matière de sécurité, et non les difficultés.

[33]  Le seuil pour démontrer que [traduction] « la vie ou la sécurité d’un demandeur d’asile seraient compromises » est beaucoup plus exigeant en ce qui concerne la gravité du préjudice pour le demandeur concerné par une affaire d’asile, que celui requis pour démontrer les difficultés dans une plainte pour motifs d’ordre humanitaire. L’agente ne peut pas invoquer la conclusion en matière de possibilité de refuge intérieur de la Section d’appel des réfugiés parce qu’elle ne visait jamais à tenir compte des questions liées aux motifs d’ordre humanitaire. Elles n’entrent en jeu qu’après l’issue de la procédure d’asile, lorsqu’il a été décidé que le « seuil très élevé pour le critère du caractère déraisonnable » d’une possibilité de refuge intérieur a été atteint.

[34]  La Cour ne laisse pas entendre que les principes de réinstallation au sein du pays en vue d’éviter des difficultés ne constituent pas des questions pertinentes. La Cour ne suggère pas non plus que les décisions de la Section de la protection des réfugiés et de la Section d’appel des réfugiés concernant la possibilité de refuge intérieur ne sont pas pertinentes et ne peuvent pas être invoquées par l’agente. La question en litige en l’espèce vise le recours total apparent à une conclusion d’employabilité dans la décision de la Section d’appel des réfugiés, sans répondre aux éléments de preuve figurant dans les documents de la demanderesse qui soulevaient des questions quant à la disponibilité d’emplois convenables ou à la discrimination en milieu de travail touchant la capacité de la demanderesse, en tant femme célibataire divorcée, de subvenir à ses besoins et à ceux de ses en enfants à Abuja.

[35]  Je conclus que ce point de vue est appuyé de manière semblable dans la décision récente du juge Boswell dans Baco c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 694, au paragraphe 21 [Baco]. Elle appuie, en partie, la proposition selon laquelle un agent qui effectue un examen des motifs d’ordre humanitaire peut [traduction] « tenir compte de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur » dans le contexte de l’évaluation des difficultés :

[21]  À mon avis, il est inapproprié d’importer de la jurisprudence relative à la qualité de réfugié dans le contexte d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, parce qu’un agent chargé de se prononcer sur les motifs d’ordre humanitaire ne peut évaluer le risque au regard du paragraphe 25(1.3) de la LIPR. [...] Une PRI est un élément essentiel quant à la question de savoir si un demandeur d’asile a besoin de la protection du Canada, puisque l’existence d’un endroit dans le pays d’origine du demandeur où ce dernier ne craindrait pas avec raison d’être persécuté, ou d’être exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, libère le Canada de ses obligations au titre de la Convention relative au statut des réfugiés, 22 avril 1954, 189 RTNU 150. Cela ne signifie pas cependant qu’on ne puisse tenir compte, dans le cas d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, de l’existence d’une PRI dans le contexte de l’examen des difficultés auxquelles le demandeur serait exposer pour décider si une dispense doit être accordée en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR.

[Non souligné dans l’original.]

[36]  J’ajouterais cependant que ce n’est pas simplement parce que l’agent CH ne peut pas évaluer le risque, mais, comme cela est indiqué dans les décisions Kanagaratnam et Ranganathan, en raison du « seuil très élevé pour le critère du caractère déraisonnable » qui empêche qu’une conclusion liée à la possibilité de refuge intérieur soit importée directement dans une décision concernant les motifs d’ordre humanitaire sans mener une évaluation personnelle de l’applicabilité de ses éléments de preuve sous-jacents à la situation du demandeur dans une affaire portant sur les motifs d’ordre humanitaire. Je suis d’avis que l’expression [traduction] « tenir compte de l’existence d’une possibilité de refuge intérieur », dans le contexte d’évaluer les difficultés, s’entend de l’examen de ses éléments de preuve sous-jacents pour prendre une décision quant à son applicabilité à la réinstallation en vue d’éviter ou d’atténuer les conditions de contraintes excessives.

[37]  En tant que facteur supplémentaire, la Cour souligne que la Section d’appel des réfugiés n’a jamais examiné les questions liées au risque ayant trait à la réinstallation des enfants de la demanderesse puisqu’elles n’étaient pas des demanderesses dans la procédure d’asile et, par conséquent, n’ont jamais été prises en compte dans les décisions. En ce qui concerne la question liée à l’intérêt supérieur des enfants, l’agente a invoqué principalement le profil de la demanderesse en tant que femme instruite et capable pour conclure qu’elles [traduction] « ont bénéficié et continueront de bénéficier des soins de leur mère afin de les guider pendant l’étape de transition nécessaire aux fins de la réinstallation à l’étranger ». Vu que les intérêts des enfants exigent qu’elles bénéficient entièrement de la demanderesse et de ses soins, sa situation en matière d’emploi pourrait avoir une incidence sur sa capacité de fournir les soins requis si elle était réinstallée à Abuja et, par conséquent, ils constituent un facteur possible à prendre en considération dans le scénario de réinstallation.

D.  L’exigence en matière d’équité procédurale consistant à donner un avis d’une option de réinstallation en tant que facteur pris en considération dans une évaluation des motifs d’ordre humanitaire

[38]  La demanderesse soulève une question liée à l’équité procédurale consistant à savoir si elle aurait dû se voir offrir la possibilité de répondre à la question liée à sa réinstallation à Abuja. Par analogie, il semblerait logique que si un principe d’équité s’applique à un argument concernant la possibilité de refuge intérieur dans une procédure d’asile, qu’il devrait s’appliquer également à une demande pour motifs d’ordre humanitaire. Cela constitue le raisonnement de la décision Baco aux paragraphes 21 et 22 des motifs comme suit :

[21] […] Il faut toutefois préciser, sur le plan de l’équité procédurale, que l’agent en l’espèce aurait dû donner aux demandeurs l’occasion d’aborder la question de l’existence d’une PRI viable à Fier. Les observations relatives aux motifs d’ordre humanitaire présentées par les demandeurs ne soulevaient pas cette question.

[22]  Selon les règles d’équité, les demandeurs devaient être avisés du fait que l’agent aborderait la question de savoir si les difficultés auxquelles ils seraient confrontés pourraient être atténuées au moyen d’une réinstallation dans une autre région de l’Albanie. Selon ce que l’agent savait, il y avait peut-être certains faits ou facteurs connus des demandeurs qu’il n’avait pas relevés ou qui lui étaient inconnus et qui ont pu influencer sa conclusion selon laquelle les difficultés en question pourraient être atténuées ou réduites au moyen d’une réinstallation à Fier.

[39]  Dans Baco, il n’y a aucune mention d’une possibilité de refuge intérieur dans la procédure d’asile, ce qui fait en sorte que les demandeurs étaient surpris par la conclusion selon laquelle il s’agissait d’un facteur pris en considération dans la décision concernant les motifs d’ordre humanitaire. En l’espèce, la demanderesse était au courant de la conclusion concernant la possibilité de refuge intérieur dans les deux procédures d’asile. Elle devrait aussi savoir que la réinstallation au sein de son pays d’origine qui atténue ou élimine les difficultés constitue un élément semblable pris en considération dans une décision concernant des motifs d’ordre humanitaire.

[40]  En conséquence, la mesure dans laquelle les éléments de preuve sont pris en considération dans les procédures d’asile pourrait être pertinente en ce qui concerne une exigence de réinstallation imposée à la demanderesse, celle-ci devrait prévoir la question et y répondre. Cela semble être la situation en l’espèce où la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés ont tenu compte des éléments de preuve concernant les conditions économiques et sociales à Abuja qui ont une incidence sur la question liée aux difficultés. Ces circonstances se distinguent de la situation dans la décision Baco. En conséquence, je conclus que le fait de ne pas donner à la demanderesse l’occasion de répondre à la question concernant la réinstallation ne constitue pas une violation de l’équité procédurale.

VI.  Conclusion

[41]  La Cour conclut que l’agente a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’elle a adopté la conclusion tirée de la conclusion liée à la possibilité de refuge intérieur de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle la demanderesse pourrait atténuer les difficultés économiques ou sociales possibles en se réinstallant à Abuja sans égard aux éléments de preuve sous-jacents qui étayent la conclusion compte tenu des éléments de preuve contraires déposés par la demanderesse. La question revêt une importance suffisante pour toucher l’issue de la décision.

[42]  Par conséquent, l’appel est accueilli et la décision est annulée. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour décision.

VII.  Question certifiée

[43]  Pour être certifiée, une question doit i) être déterminante quant à l’issue de l’appel, ii) transcender les intérêts des parties au litige et porter sur des questions ayant des conséquences importantes ou qui sont de portée générale. En corollaire, la question doit avoir été soulevée devant la cour d’instance inférieure, qui doit l’avoir examinée dans sa décision, et elle doit découler de l’affaire, et non des motifs du juge (Liyanagamage c Canada (Secrétaire d’État), 176 NR 4, au paragraphe 4; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, aux paragraphes 11 et 12; Varela c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, aux paragraphes 28, 29 et 32; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, au paragraphe 9.

[44]  Les deux parties ont proposé une question à certifier. Le défendeur soutient qu’aucune question ne devrait être certifiée. Cet argument était fondé sur sa thèse selon laquelle l’agente pouvait tenir compte de la conclusion concernant la possibilité de refuge intérieur et l’invoquer. Subsidiairement, si une question devait être certifiée, le défendeur propose le libellé suivant :

En reconnaissant que l’agent n’est pas lié par les conclusions de la Section de la protection des réfugiés ou de la Section d'appel des réfugiés, peut-il, lorsqu’il rend une décision concernant les motifs d’ordre humanitaire, tenir compte d’une conclusion tirée par la Section d'appel des réfugiés ou la Section de la protection des réfugiés selon laquelle un demandeur peut se réinstaller dans son pays en vue d’atténuer toute difficulté économique ou sociale possible et l’invoquer?

[45]  Aucune question ne se pose quant au fait qu’un agent puisse examiner une conclusion concernant la possibilité de refuge intérieur, ce qui signifie que l’examen des éléments de preuve étayant une conclusion concernant la possibilité de refuge intérieur est pertinent aux fins de l’évaluation des motifs d’ordre humanitaire. Dans la mesure où je conclus que le recours à la conclusion est fondé sur le caractère adéquat de l’examen de l’agente du raisonnement de la Section de la protection des réfugiés ou de la Section d’appel des réfugiés, il n’y a aucune question à certifier.

[46]  La demanderesse a proposé la question suivante :

Un agent qui évalue une demande en application du paragraphe 25(1) de la LIPR peut-il tenir compte d’une possibilité de refuge intérieur? Dans l’affirmative, quels sont les paramètres? Plus précisément, l’agent est-il tenu de donner au demandeur un préavis concernant une question liée à la possibilité de refuge intérieur?

[47]  La Cour conclut également qu’il n’existe aucune question selon laquelle un agent saisi d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire peut tenir compte d’une possibilité de refuge intérieur pour atténuer les difficultés de la manière décrite ci-dessus ou qu’un avis de la question pourrait être requis en fonction des circonstances factuelles qui avertissent raisonnablement que la question peut survenir dans la demande pour motifs d’ordre humanitaire.

[48]  Vu que les questions proposées ne soulèvent aucune question juridique litigieuse et qu’elles sont fondées sur l’application des faits, aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1218-17

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour de janvier 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1218-17

 

INTITULÉ :

SOPHIA ERAKPOWERI AKPONAH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 31 octobre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Kingsley I. Jesuorobo

Pour la demanderesse

 

Bridget A. O’Leary

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kingsley I. Jesuorobo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Sous-procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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