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Date : 20171208


Dossier : T-632-05

Référence : 2017 CF 1119

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2017

En présence de madame la juge Kane

ENTRE :

ALPHA MARATHON TECHNOLOGIES INC.

demanderesse

et

DUAL SPIRAL SYSTEMS INC. ET

RAFAEL J. CASTILLO

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Les défendeurs, Dual Spiral Systems Inc. (DSS) et Rafael Castillo (M. Castillo) sollicitent une ordonnance, conformément à l’article 221 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles des Cours fédérales ou Règles), visant à faire radier la déclaration de la demanderesse et à rejeter l’action de la demanderesse. Les défendeurs soutiennent que la Cour n’a pas compétence pour trancher cette question, qui concerne la propriété d’une invention qui n’est pas brevetée au Canada et qui porte principalement sur un litige contractuel.

[2]  Les défendeurs demandent également une ordonnance conformément à l’article 118 des Règles visant à rejeter l’action en raison de l’omission par la demanderesse d’aviser les défendeurs d’une transmission d’intérêt à l’égard de ce litige découlant de l’évolution dans la propriété et le statut de la demanderesse, comme l’exige l’article 117 des Règles des Cours fédérales.

[3]  Par ailleurs, dans l’éventualité où l’action ne serait pas rejetée, les défendeurs demandent une ordonnance aux termes de l’article 416 des Règles obligeant la demanderesse à déposer un montant en cautionnement pour les dépens des défendeurs dans l’instruction de l’action.

I.  Aperçu

[4]  La demande de la demanderesse porte sur un différend concernant la propriété d’une invention qui a été brevetée par le défendeur, M. Castillo, aux États-Unis. La demanderesse prétend être une co-inventrice de l’invention en raison de la relation contractuelle avec DSS ou d’une relation de travail avec M. Castillo. La demanderesse soutient également que son ancien directeur, Alfredo Bentivoglio (M. Bentivoglio), [traduction] « a inventé ou découvert » l’invention en litige [traduction] « avec » M. Castillo. Dans sa déclaration, la demanderesse demande un jugement déclaratoire et une injonction concernant l’invention revendiquée dans la demande de brevet aux États-Unis.

[5]  La demanderesse fait valoir que parce que les revendications concernent une invention réalisée au Canada et par des Canadiens, la Cour est compétente aux termes de l’article 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F7 (Loi sur les Cours fédérales), qui prévoit une compétence concurrente lorsque la réparation demandée est en droit ou en equity en ce qui concerne « un brevet d’invention ». La demanderesse soutient, en outre, qu’il existe un ensemble de règles de common law fédérales concernant la revendication d’une invention et les brevets qui s’applique.

[6]  Pour les motifs présentés de façon plus détaillée ci-dessous, je conclus que la demanderesse n’a pas établi que la Cour avait compétence pour statuer sur l’action. Le critère établi dans l’arrêt International Terminal Operators Ltd. c Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, 28 DLR (4th) 741 [ITO, ou le critère d'ITO], et plus récemment expliqué et appliqué dans l’arrêt Windsor (City) c Canadian Transit Co, 2016 CSC 54, [2016] 2 RCS 617 [City of Windsor], qui exige tout d’abord que la Cour fédérale soit légalement compétente, n’a pas été respecté.

[7]  La demanderesse n’a pas présenté à la Cour une jurisprudence où la Cour a conclu qu’elle avait compétence aux termes du paragraphe 20(2) pour accorder une réparation concernant une invention qui n’a pas été brevetée au Canada, ou qui ne fait pas l’objet d’une demande de brevet en cours au Canada, ou concernant une invention brevetée dans un autre pays.

[8]  Même si le paragraphe 20(2) pouvait être interprété comme un motif d’attribution légale de compétence, les autres conditions du critère de l’arrêt ITO ne sont pas remplies. En outre, le différend repose principalement sur un litige contractuel ou une relation employeur-employé contestée, et non sur des principes ou des concepts liés à la paternité de l’invention. Pour résoudre ce différend, la Cour serait d’abord tenue d’interpréter les documents contractuels et d’autres éléments de preuve pouvant être présentés par les parties concernant leurs ententes. Il ne semble pas que les règles de common law concernant les inventions ou le droit des brevets, même si elles sont applicables, soient essentielles pour statuer sur les revendications.

[9]  Les parties sont impliquées dans ce litige depuis 2005, bien qu’il semble que la demanderesse n’ait pas poursuivi son action de façon rigoureuse ou cohérente. Les deux parties reconnaissent avoir pris part, de temps à autre, à des discussions en vue d’un règlement, sans succès. Indépendamment du temps passé ou de leur apparente présomption antérieure que la Cour fédérale avait compétence pour statuer sur la cause d’action de la demanderesse, les parties ne peuvent pas se soumettre à la compétence de la Cour si cette compétence n’existe pas. Le moment tardif choisi par les défendeurs pour présenter la présente requête est curieux, étant donné que les deux parties ont été représentées par un avocat pendant la majeure partie de la période pertinente du litige, bien qu’il y ait eu des changements d’avocat à plusieurs reprises. Ironiquement, dans la réponse et défense de la demanderesse à la demande reconventionnelle des défendeurs, déposée le 2 septembre 2005, la demanderesse a soulevé, entre autres, la compétence de la Cour pour statuer sur les allégations des défendeurs selon lesquelles leur marque de commerce et droit d’auteur avaient été violés. Il semble que la demanderesse n’avait pas tenu compte de la compétence de la Cour pour statuer sur sa propre action et avait présumé, avec assurance, qu’elle l’avait fait. Malheureusement, beaucoup de temps et d’efforts ont été consacrés sans même examiner le fondement de la demande.

[10]  En raison de son historique et de l’importance de déterminer la question des compétences, la jurisprudence a été soigneusement examinée de la façon documentée dans les présents motifs.

[11]  Étant donné ma conclusion que la requête des défendeurs présentée aux termes de l’article 221 des Règles sera accueillie puisque la Cour n’a pas compétence pour statuer sur la cause d’action de la demanderesse, il n’est pas nécessaire de traiter la demande de réparation subsidiaire des défendeurs. Toutefois, si j’ai tort de conclure que la Cour n’a pas compétence, je ne suis pas convaincue, compte tenu des éléments de preuve limités et contradictoires présentés concernant la vente, la faillite et la reconstitution ultérieure de la société de la demanderesse, que l’action devrait être rejetée aux termes de l’article 118 des Règles, en raison du fait allégué que la demanderesse a omis de fournir un avis de transmission des intérêts comme l’exige l’article 117 des Règles. Je ne suis pas convaincue non plus qu’une ordonnance de cautionnement serait justifiée si le procès avait lieu, bien que cette question puisse être réexaminée.

II.  Contexte

[12]  La demanderesse, Alpha Marathon Technologies Inc. prétend être une société de l’Ontario active dans la fabrication et la distribution d’équipements de moulage de plastique. Selon le dossier d’entreprise produit par la demanderesse à l’audience, Domenic Marzano est le président, directeur et secrétaire d’une société à numéro qui, de 1997 à 2007, était connue sous le nom d’Alpha Marathon Technologies Inc. Les défendeurs remettent en question l’identité et le statut juridique de la demanderesse pour cette raison, entre autres.

[13]  La société défenderesse, DSS, est une société de l’Ontario qui exerce ses activités dans le domaine de la conception et du développement d’équipements de production de pellicule plastique. Le défendeur, M. Castillo, est le directeur de DSS.

[14]  En novembre 2000 ou aux environs de ce mois-là, les parties ont noué une relation d’affaires aux termes de laquelle M. Castillo offrirait ses services en matière de recherche, de conception et de développement à la demanderesse en échange d’une rémunération. La demanderesse allègue qu’il s’agissait d’une relation de travail. M. Castillo conteste cela et maintient qu’il était un entrepreneur indépendant, comme cela était clairement indiqué dans l’entente de collaboration écrite que les parties ont conclue ultérieurement.

[15]  En outre, le 20 août 2001 ou vers cette date, la demanderesse a fait appel à DSS pour lui fournir des services de programmation informatique et de modélisation. Cette entente était reliée à un projet du Programme d’aide à la recherche industrielle, découlant d’un contrat conclu entre Alpha Marathon Technologies Inc. et le Conseil national de recherches du Canada (le projet PARI).

[16]  Il semblerait que, à la suite de travaux réalisés dans le cadre de ces deux ententes, une nouvelle technologie a été inventée portant sur un « système de moulage à co-extrusion » (l’invention). La demanderesse allègue qu’elle est propriétaire ou copropriétaire de l’invention puisque M. Castillo était son employé et que DSS a reconnu que toutes les inventions découlant du projet PARI appartiendraient à Alpha Marathon Technologies Inc. La demanderesse allègue également que son ancien président, M. Bentivoglio, [traduction] « a inventé ou découvert » l’invention [traduction] « avec » les défendeurs.

[17]  Dans sa déclaration, la demanderesse indique qu’elle avait l’intention de présenter une demande de brevet aux États-Unis concernant l’invention. La demanderesse allègue qu’elle a demandé à M. Castillo d’agir en tant que son représentant pour donner des instructions à l’agent de brevet américain. Toutefois, M. Castillo a donné comme instruction à l’agent de brevet d’indiquer son nom uniquement en tant qu’inventeur.

[18]  Le brevet américain a finalement été accordé (brevet américain no 6 902 385 B2) et indiquait M. Castillo comme l’unique inventeur. Le brevet américain est décrit comme une « continuation-in-part » d’un brevet antérieur dans lequel M. Castillo détenait une participation d’un tiers avec deux autres inventeurs, dont aucun n’est impliqué dans le présent litige.

[19]  La demanderesse allègue que M. Castillo n’a pas tenu compte de ses demandes d’exécuter une cession de tous les droits attachés au brevet américain à Alpha Marathon Technologies Inc., ou les a refusées.

[20]  Dans sa déclaration, la demanderesse allègue qu’elle est la propriétaire de l’ensemble des droits, titres de propriété et intérêts dans toutes les technologies, découvertes et inventions revendiquées dans la demande de brevet américain. La demanderesse cherche à obtenir les réparations suivantes, ainsi que des dommages-intérêts :

  • Une déclaration selon laquelle M. Bentivoglio est un co-inventeur des technologies, découvertes et inventions revendiquées dans la demande de brevet américain;
  • Une déclaration selon laquelle la demanderesse est la propriétaire (ou, subsidiairement, la « copropriétaire ») de l’ensemble des droits, titres de propriété et intérêts dans toutes les technologies, découvertes et inventions revendiquées dans la demande de brevet américain, et de tous les droits de priorité qui en découlent;
  • Une injonction provisoire, interlocutoire, permanente et mandatoire contre les défendeurs les obligeant à [traduction] « signer tous les documents et à faire tout ce qui est nécessaire pour transmettre » leur intérêt dans la demande de brevet américain à la demanderesse (ou, subsidiairement, déclarer M. Bentivoglio inventeur dans ladite demande de brevet américain);
  • Une injonction provisoire, interlocutoire, permanente et mandatoire interdisant aux défendeurs de contrefaire la demande de brevet américain;
  • Une injonction provisoire, interlocutoire, permanente et mandatoire contre les défendeurs exigeant qu’ils [traduction] « signent tous les documents pouvant être nécessaires ou souhaitables pour être investi du titre ou le parfaire concernant toutes les technologies, découvertes et inventions revendiquées dans la demande de brevet américain ».

[21]  Les défendeurs relatent les événements et la relation avec la demanderesse de façon très différente. Les défendeurs contestent le fait que la demanderesse ait joué un quelconque rôle dans la découverte de l’invention, et affirment que le rôle de M. Bentivoglio se limitait aux ventes et à la commercialisation. Les défendeurs contestent le fait que M. Castillo était un employé et attirent l’attention sur les modalités de l’entente de collaboration qui indiquent que M. Castillo n’est pas un employé, mais un entrepreneur indépendant. Les défendeurs ajoutent que l’entente précisait que DSS conserverait des droits exclusifs sur toute propriété intellectuelle développée pendant la période de la relation.

[22]  Les défendeurs allèguent également que la demanderesse a secrètement copié l’information au sujet de l’invention depuis l’ordinateur de M. Castillo après avoir invité M. Castillo à une réunion, l’expulsant ensuite des lieux sans son ordinateur.

[23]  Selon les défendeurs, la demanderesse a présenté une demande de brevet canadien concernant la même invention en 2003, mais a abandonné la demande peu après que les défendeurs eurent déposé un avis d’opposition. Les défendeurs font remarquer qu’il n’existe pas de brevet canadien ni de demande de brevet présentée au Canada concernant l’invention.

III.  LA REQUÊTE

[24]  L’argument principal des défendeurs est que l’action de la demanderesse devrait être rejetée puisque la Cour n’a pas compétence pour statuer sur les demandes, étant donné que celles-ci portent sur un différend au sujet de la propriété d’un brevet américain, et soulèvent des questions relatives au droit des contrats.

[25]  Les défendeurs affirment également que la demande devrait être rejetée aux termes de l’article 118 des Règles puisque Alpha Marathon Technologies Inc. est passée par une procédure de faillite et a été achetée et vendue, sans un avis de transmission ou de cession de l’intérêt dans le présent litige, comme l’exige l’article 117 des Règles.

[26]   Dans l’éventualité où la déclaration ne serait pas radiée, les défendeurs demandent un cautionnement pour les dépens, conformément à l’article 416 des Règles et compte tenu de l’allégation selon laquelle Alpha Marathon Technologies Inc. est une société de portefeuille, qui n’a aucune activité commerciale, et qui est sans doute impécunieuse.

IV.  Les questions en litige

[27]  La requête soulève les questions suivantes :

  • La question de savoir si les objections préliminaires de la demanderesse devraient être traitées et, le cas échéant, de quelle façon.
  • La question de savoir si la Cour fédérale a compétence pour statuer sur les demandes de la demanderesse.
  • La question de savoir si l’action devrait être rejetée en raison du fait que la demanderesse n’a pas avisé les défendeurs et la Cour d’une transmission de l’intérêt.
  • La question de savoir, dans le cas où l’action se poursuivrait, s’il y a lieu d’ordonner à la demanderesse de fournir un cautionnement pour les dépens.

V.  Les questions préliminaires

[28]  En tout premier lieu, la demanderesse conteste que l’on puisse s’appuyer sur l’article 221 des Règles pour annuler la déclaration de la demanderesse. Une requête en radiation déposée aux termes de l’article 221 des Règles sera accueillie lorsqu’il est « évident et manifeste » que la déclaration ne révèle aucune cause d’action valable (Hunt c Carey Canada Inc., [1990] 2 RCS 959, [1990] 1 WDCP (2d) 523). Le critère du caractère « évident et manifeste » s’applique également à la radiation des demandes pour défaut de compétence (Hodgson et al. c Ermineskin Indian Band et al. (2000), 180 FTR 285, à la page 289, 95 ACWS (3d) 788 (CF 1re inst.), conf. par (2000) 267 NR 143, 102 ACWS (3d) 2 (CA), autorisation d’interjeter appel à la Cour suprême du Canada refusée (2001) 276 NR 193, 2001 CarswellNat 1860).

[29]  Le critère du caractère évident et manifeste a été repris plus récemment dans l’arrêt City of Windsor, où la Cour a déclaré, au paragraphe 24 :

La seule question litigieuse consiste à décider si la Cour fédérale a compétence, suivant le critère de l’arrêt ITO, pour connaître de la demande de la Société. Si la Cour fédérale n’a manifestement pas compétence pour connaître de cette demande, la requête en radiation doit être accueillie.

[30]  La demanderesse allègue ensuite que la requête des défendeurs va au-delà de la directive du juge chargé de la gestion de l’instance. La demanderesse explique que les défendeurs ont d’abord présenté leur requête conformément à l’article 221 des Règles pour qu’elle soit tranchée par le juge chargé de la gestion de l’instance sans dossier de requête complet. Le juge chargé de la gestion de l’instance a ensuite fixé une date pour permettre à la Cour de trancher la requête et a donné comme directive aux défendeurs de signifier et de déposer un dossier de requête révisé accompagné d’observations écrites d’ici le 24 juillet 2017. La demanderesse soutient que la présente requête devrait se limiter uniquement à la question relevant de l’article 221 des Règles et ne devrait pas porter sur la demande de réparation des défendeurs fondée sur le fait que la demanderesse a prétendument omis de donner un avis de la transmission d’intérêt ou porter sur la question du cautionnement pour les dépens. Je ne suis pas de cet avis.

[31]  Une partie n’est aucunement tenue de demander une permission au juge chargé de la gestion de l’instance pour présenter une requête dans les circonstances actuelles. La demanderesse n’a cité aucune référence pour étayer son affirmation selon laquelle la requête devrait se limiter à celle que le juge chargé de la gestion de l’instance a demandé de présenter. La demanderesse n’a pas non plus laissé entendre qu’elle avait subi des préjudices en répondant aux autres motifs énoncés dans la requête. La demanderesse a reçu un avis plus que suffisant de cette requête, qui a été déposée en juillet 2017, et a eu amplement le temps de répondre avant la tenue de l’audience, qui a eu lieu en octobre 2017.

[32]  La demanderesse conteste aussi l’affidavit de M. Castillo, le jugeant non pertinent et provocateur, et elle soutient que celui-ci ne devrait pas être pris en compte parce que le paragraphe 221(2) des Règles dispose qu’aucune preuve ne sera entendue dans le cadre d’une requête fondée sur l’article 221 des Règles.

[33]  Comme le font remarquer les défendeurs, une preuve par affidavit est autorisée lorsque la requête en radiation des actes de procédure se fonde sur le défaut de compétence de la Cour. Dans l’arrêt Mil Davie Inc. c Société d’Exploitation et de Développement d’Hibernia Ltée. (1998), 226 NR 369, au paragraphe 8 (CanLII), 1998 CarswellNat 814 (CA), la Cour d’appel fédérale a précisé que l’article 419 des Règles, qui est maintenant l’article 221 des Règles, pouvait être invoqué pour radier des actes de procédure pour défaut de compétence. La Cour d’appel a aussi clarifié que l’interdiction de produire des éléments de preuve pour de telles requêtes ne s’applique pas lorsque la question concerne la compétence de la Cour. Au paragraphe 8, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

En général, lorsqu’une objection se rapportant à la compétence de la Cour est soulevée, la Cour doit être convaincue que des faits juridictionnels ou des allégations de tels faits étayent une attribution de compétence. L’existence des faits juridictionnels requis pourra habituellement être établie à partir des actes de procédure et des affidavits déposés au soutien de la requête ou en réponse à celle-ci. À cet égard, l’interdiction prévue à la Règle 419(2) en matière d’admissibilité de la preuve ne s’applique pas lorsque c’est la compétence même de la Cour qui est contestée, par opposition à lorsqu’il s’agit de la formulation d’une simple objection contre les actes de procédure au motif qu’ils ne révèlent aucune cause raisonnable d’action. Nous disons cela afin de dissiper tout doute concernant l’admissibilité de la preuve par affidavit en l’espèce.

VI.  La Cour fédérale a-t-elle compétence pour statuer sur la demande de la demanderesse?

[34]  Les parties ont été invitées à fournir des observations écrites additionnelles après l’audience pour donner des précisions sur la question de la compétence de la Cour, et plus particulièrement sur ce qui suit : l’application du critère de l’arrêt ITO et sa récente considération dans l’arrêt City of Windsor; la question de savoir si la Cour fédérale a la compétence légale de statuer sur les revendications en cause, aux termes du paragraphe 20(2); et, la question de savoir s’il existe une jurisprudence appuyant la position de la demanderesse selon laquelle la Cour a compétence pour statuer sur les revendications concernant la propriété d’une invention réalisée au Canada, mais non brevetée au Canada. Les observations déposées après l’audience sont résumées ci-dessous en plus d’autres observations écrites et orales.

A.  Les observations des défendeurs

[35]  Les défendeurs réfutent l’allégation de la demanderesse selon laquelle ils ont reconnu la compétence de la Cour. Les défendeurs font valoir que, bien que les parties soient engagées dans ce litige depuis plusieurs années et aient participé à deux ou trois séances de médiation, les défendeurs n’ont pas reconnu et ne peuvent pas reconnaître la compétence de la Cour parce que cette compétence n’existe tout simplement pas. (Canadian National Railway c Canada (Commission des transports du Canada) (1987), [1988] 2 CF 437; 1987 CarswellNat 226) (CF 1re inst.).

[36]  Les défendeurs soutiennent en outre que la compétence de la Cour ne peut jamais être présumée. Le fardeau d’établir la compétence incombe à la partie qui introduit la demande, en l’occurrence, la demanderesse (Norrail Transport Inc. c Canadien Pacifique Ltée (1998), 154 FTR 161, aux paragraphes 22 et 23,79 ACWS (3d) 288 (CF 1re inst.) [Norrail]).

[37]  Les défendeurs allèguent que la demanderesse n’a pas établi que la Cour fédérale avait compétence. Les trois exigences essentielles à respecter pour que la Cour fédérale ait compétence ont été établies par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt ITO : il doit y avoir une attribution de compétence par une loi du parlement fédéral; il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence; et, la loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où l’expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, c 3 (R.-U.) (Loi constitutionnelle), ce qui signifie les lois promulguées par le Parlement du Canada (voir aussi la décision Norrail, aux paragraphes 24 et 25).

[38]  Les défendeurs soutiennent que la première exigence ‒ l’attribution de la compétence par une loi ‒ n’est pas respectée. Le paragraphe 20(2), qui prévoit une compétence concurrente pour la Cour fédérale, n’est pas applicable parce que les termes « un brevet d’invention », dans ce paragraphe, signifient le brevet d’une invention obtenu au Canada, non simplement une invention ou le brevet d’une invention obtenu dans un autre pays.

[39]  Les défendeurs attirent l’attention sur la déclaration de la demanderesse qui demande comme réparation un jugement déclaratoire et une injonction concernant la propriété d’un brevet américain. Les défendeurs soutiennent que la question de savoir qui détient les droits rattachés à la technologie ou à l’invention revendiquée dans un brevet américain n’a rien à voir avec la Loi sur les brevets, LRC (1985), c P-4. (Loi sur les brevets) et ne peut pas être tranchée aux termes d’une autre loi au sens de l’expression « une loi du Canada ».

[40]  Les défendeurs soutiennent également que même si un brevet canadien ou une demande de brevet au Canada existait, la Cour n’aurait pas compétence pour trancher cette revendication, puisque le différend repose sur des questions contractuelles, y compris la relation de travail alléguée entre les parties, et possiblement sur un délit civil (c’est-à-dire, la conversion). Le défendeur fait remarquer que la demanderesse ne mentionne que l’entente de collaboration pour soutenir sa revendication d’un droit de propriété sur le brevet américain, ce qui confirme que le fondement du litige est de nature contractuelle. Les défendeurs soutiennent que l’instance appropriée pour régler ce litige est la cour supérieure d’une province.

[41]  Les défendeurs soutiennent que l’arrêt Kellogg Company c Kellogg (1941), [1941] RCS 242, [1941] 2 DLR 545 (CSC) [Kellogg], invoqué par la demanderesse, ne fait pas autorité pour établir que la Cour a compétence en l’espèce, faisant remarquer que dans l’arrêt Kellogg, une demande de brevet canadien était en cause, c’est-à-dire, il y avait attribution de la compétence par la loi.

[TRADUCTION]

Les défendeurs réfutent la qualification du litige par la demanderesse comme portant sur « la paternité de l’invention », faisant remarquer qu’il n’existe aucune preuve concernant cette question, qu’il s’agit simplement d’une allégation. En outre, la paternité de l’invention devrait être déterminée en fonction de la loi américaine sur les brevets. Les défendeurs soulignent que la demanderesse n’a engagé aucune action aux États-Unis.

B.  Les observations de la demanderesse

[42]  La demanderesse allègue en tout premier lieu que les défendeurs auraient dû présenter une requête préliminaire conformément à l’article 208 des Règles et, ne l’ayant pas fait, qu’ils ont clairement reconnu la compétence de la Cour, ce qui élimine l’argument lié à la compétence. La demanderesse fait remarquer que les défendeurs ont déposé une défense et demande reconventionnelle en 2005, que, durant les années intermédiaires, ils ont participé à des séances de médiation ordonnées par le tribunal et à une séance de médiation « improvisée » subséquente et qu’ils n’avaient pourtant jamais contesté la compétence de la Cour, jusqu’à maintenant.

[43]  Deuxièmement, la demanderesse affirme qu’elle avait répondu au critère en trois volets de l’arrêt ITO pour établir que la Cour fédérale avait compétence.

[44]  La demanderesse fait remarquer que dans l’arrêt City of Windsor, la Cour suprême du Canada a réitéré le critère de l’arrêt ITO et a déclaré que le point de départ consiste à déterminer la nature ou le caractère de la demande (au paragraphe 25). La demanderesse qualifie ses demandes comme visant à se voir accorder des recours équitables (un jugement déclaratoire et une injonction) concernant la paternité de l’invention et la propriété des [traduction« inventions canadiennes revendiquées dans la demande de brevet américain no 10/060, 0081 ». La demanderesse déclare également que le caractère essentiel de sa demande est un différend au sujet de la paternité et de la propriété d’une invention canadienne réalisée par des Canadiens, au Canada, à l’encontre d’un résident canadien, c’est-à-dire, qu’elle ne porte pas sur un brevet américain. La demanderesse soutient que la Cour fédérale a compétence pour trancher la question de la propriété et de la paternité de l’invention. La demanderesse soutient également que ses demandes de réparation se fondent sur la common law concernant les brevets, ou se fondent sur le droit des brevets, relevant tous deux de la compétence fédérale.

[45]  La demanderesse affirme que l’aspect contractuel du différend n’empêche pas la Cour d’être compétente lorsque l’objet de l’action concerne un brevet, une marque de commerce ou un droit d’auteur (Kellogg, aux pages 249 et 250).

[46]  La demanderesse s’appuie sur le paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales, qui prévoit une compétence concurrente pour la Cour fédérale lorsqu’un recours est demandé « sous le régime d’une loi fédérale ou de toute autre règle de droit [...] relativement à un brevet d’invention ». La demanderesse soutient qu’elle sollicite des recours équitables concernant [traduction] « un brevet d’invention » et invoque l’arrêt Kellogg aux pages 249 et 250, à l’appui de sa position.

[47]  En ce qui a trait au deuxième volet du critère de l’arrêt ITO, la demanderesse affirme que les règles de common law fédérales concernant les brevets et la paternité d’une invention, qui sont bien établies (Apotex Inc. c Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, aux paragraphes 96 à 99, [2002] 4 RCS 153 [Wellcome]; Corlac Inc. c Weatherford Canada Ltd., 2011 CAF 228, au paragraphe 99, 422 NR 49 [Weatherford]), s’appliquent. La demanderesse ajoute que la propriété des inventions réalisées par les employés fait partie de l’ensemble des règles de droit fédérales sur les brevets qui [traduction] « entoure » l’interprétation et l’application de la Loi sur les brevets (G.D. Searle & Co. c Novopharm Ltd., 2007 CAF 173, aux paragraphes 36 à 40, 281 DLR (4th) 207).

[48]  Pour ce qui est du troisième volet du critère de l’arrêt ITO, la demanderesse soutient que la [traduction] « loi du Canada » invoquée est à la fois la common law fédérale concernant la paternité d’une invention et les brevets, et la Loi sur les brevets.

[49]  Pour répondre à la demande faite par la Cour de présenter une jurisprudence pour soutenir sa position selon laquelle la Cour fédérale a compétence pour trancher un différend au sujet de la propriété d’un brevet étranger – ou simplement d’une invention ‒ la demanderesse continue d’invoquer l’arrêt Kellogg, faisant remarquer que l’arrêt Kellogg a été cité avec approbation dans d’autres affaires, dont récemment par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Apotex Inc. c Allergan, Inc., 2015 CF 367, aux paragraphes 32 et 33, 252 ACWS (3d) 433, inf. pour d’autres motifs, mais conf. en ce qui concerne la compétence, 2016 CAF 155, aux paragraphes 11 à 13, 399 DLR (4th) 549 [Allergan].

[50]  La demanderesse soutient qu’une distinction peut être faite avec l’arrêt Cellcor Corp. of Canada Ltd. et al. c Kotacka (1976), [1977] 1 CF 227, 1976 CarswellNat 87 (CA) [Cellcor] (où la Cour a exprimé son désaccord avec un passage de l’arrêt Kellogg), puisque dans l’arrêt Cellcor, une demande de brevet était en cours, mais en l’espèce, il n’y a aucune demande de brevet.

C.  La Cour fédérale n’a pas compétence

1)  Le critère de l’arrêt ITO

[51]  Dans l’arrêt City of Windsor, la Cour suprême du Canada a indiqué que la Cour fédérale possède uniquement la compétence qui lui est conférée par la loi et que « c’est le texte de la [Loi sur la Cour fédérale] qui détermine complètement l’étendue de la compétence de la cour » (au paragraphe 33).

[52]  Comme il a été mentionné précédemment, la Cour suprême du Canada a réitéré les trois exigences essentielles à respecter pour que la Cour fédérale ait compétence comme cela est énoncé dans l’arrêt ITO, lesquelles doivent toutes être établies, faisant remarquer au paragraphe 34 :

Dans l’arrêt ITO, notre Cour a jugé qu’une attribution législative de compétence était nécessaire, mais insuffisante, à elle seule, pour conférer à la Cour fédérale compétence dans une affaire donnée. Étant donné que le Parlement a établi la Cour fédérale en application de la compétence que lui reconnaît l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 d’établir « des tribunaux additionnels pour la meilleure administration des lois du Canada », le rôle de la Cour fédérale se limite constitutionnellement à administrer les « lois du Canada », une expression qui, dans le présent contexte, s’entend des lois fédérales (Thomas Fuller, p. 707; Quebec North Shore, p. 1065‑1066; Consolidated Distilleries, p. 521‑522). Le critère à trois volets déterminatif de la compétence, élaboré dans l’arrêt ITO, vise à faire en sorte que la Cour fédérale n’outrepasse pas ce rôle limité (ITO, p. 766, le juge McIntyre) :

1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral.

2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de l’attribution légale de compétence.

3. La loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où l’expression est employée à l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[53]  Avant de déterminer si le critère à trois volets est rempli, la nature essentielle de la demande de la demanderesse doit être examinée. Comme la Cour suprême du Canada l’a indiqué dans l’arrêt City of Windsor au paragraphe 25, « l’attribution de compétence dépend de la nature de la demande ou du recours exercé », ajoutant que « la compétence ne s’apprécie pas au cas par cas ou au regard d’une question litigieuse à la fois ».

[54]  La demanderesse a qualifié ses demandes de plusieurs façons et fait des observations connexes difficiles à concilier. La demanderesse indique qu’elle cherche à se voir accorder des recours équitables (un jugement déclaratoire et une injonction) concernant la paternité et la propriété des inventions canadiennes revendiquées dans un brevet américain. La demanderesse déclare également que le caractère essentiel de sa demande est un différend au sujet de la paternité et de la propriété d’une invention canadienne réalisée par des Canadiens, au Canada, à l’encontre d’un résident canadien, c’est-à-dire, qu’elle ne porte pas sur un brevet américain ou sur quelque brevet que ce soit. Toutefois, en invoquant l’arrêt Kellogg, la demanderesse allègue que la présence d’un aspect contractuel dans le différend n’empêche pas la Cour d’être compétente [traduction] « lorsque l’objet de l’action concerne un brevet, une marque de commerce ou un droit d’auteur », ce qui est incompatible avec la qualification par la demanderesse de sa demande comme portant sur une invention plutôt que sur un brevet.

[55]  La demanderesse soutient également que les règles de common law fédérales bien établies traitant des brevets et de la paternité d’une invention fournissent le fondement de sa demande et [traduction] « l’alimentent » également, relativement au deuxième volet du critère de l’arrêt ITO. La demanderesse ajoute que la propriété des inventions réalisées par les employés fait partie de l’ensemble des règles de droit fédérales sur les brevets qui [TRADUCTION« entoure » l’interprétation et l’application de la Loi sur les brevets. Toutefois, l’action ne se fonde pas sur les dispositions de la Loi sur les brevets.

[56]  La déclaration de la demanderesse ne peut pas être mise de côté lorsque l’on détermine la nature de la demande. Comme il a été mentionné précédemment, la demanderesse sollicite, entre autres recours : une déclaration selon laquelle elle est la propriétaire (ou, subsidiairement, la « copropriétaire ») de l’ensemble des droits, titres de propriété et intérêts dans les technologies, découvertes et inventions revendiquées dans la demande de brevet américain; et, une injonction provisoire, interlocutoire, permanente et mandatoire interdisant aux défendeurs de contrefaire la demande de brevet américain. Dans la mesure où la demanderesse suggère une quelconque distinction entre une « demande » de brevet et un brevet, la demanderesse a reconnu que le brevet américain a été délivré.

[57]  Je suis d’avis que la nature essentielle de la demande de la demanderesse est un jugement déclaratoire et une injonction (recours équitables) concernant la propriété d’une invention, qui fait aussi l’objet d’un brevet américain. Compte tenu de cette qualification de la demande, la première question consiste à déterminer s’il y a une attribution de la compétence par la loi conformément au paragraphe 20(2).

2)  La portée du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales

[58]  L’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales dispose ce qui suit :

20 (1) La Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, dans les cas suivants opposant notamment des administrés :

20 (1) The Federal Court has exclusive original jurisdiction, between subject and subject as well as otherwise,

a) conflit des demandes de brevet d’invention ou de certificat de protection supplémentaire sous le régime de la Loi sur les brevets, ou d’enregistrement d’un droit d’auteur, d’une marque de commerce, d’un dessin industriel ou d’une topographie au sens de la Loi sur les topographies de circuits intégrés;

(a) in all cases of conflicting applications for any patent of invention or for any certificate of supplementary protection under the Patent Act, or for the registration of any copyright, trade-mark, industrial design or topography within the meaning of the Integrated Circuit Topography Act; and

b) tentative d’invalidation ou d’annulation d’un brevet d’invention ou d’un certificat de protection supplémentaire délivré sous le régime de la Loi sur les brevets, ou tentative d’inscription, de radiation ou de modification dans un registre de droits d’auteur, de marques de commerce, de dessins industriels ou de topographies visées à l’alinéa a).

(b) in all cases in which it is sought to impeach or annul any patent of invention or any certificate of supplementary protection issued under the Patent Act, or to have any entry in any register of copyrights, trade-marks, industrial designs or topographies referred to in paragraph (a) made, expunged, varied or rectified.

[59]  Comme il est expliqué en détail plus loin, je suis d’avis que le paragraphe 20(2) ne prévoit pas d’attribution de compétence par une loi relativement au présent différend. Pour pouvoir invoquer les dispositions du paragraphe 20(2), la demanderesse doit demander un redressement qui découle de la « loi fédérale ». En ce qui concerne les brevets, la seule « loi fédérale » pertinente est la Loi sur les brevets, qui ne crée pas de recours concernant la propriété d’inventions non brevetées ou faisant l’objet de brevets étrangers.

[60]  En alléguant que le paragraphe 20(2) prévoit une attribution de compétence par une loi concernant ce différend, la demanderesse invoque presque uniquement l’arrêt Kellogg. L’arrêt Kellogg portait sur deux demandes de brevet concurrentes pour un même produit prétendument fabriqué par un employeur et son ancien employé (dont les héritiers poursuivaient la cause d’action). Le commissaire aux brevets a déterminé que le défunt mari de l’intimée était le premier inventeur. L’appelant, l’employeur, a alors entrepris une action devant la Cour de l’Échiquier du Canada pour déterminer les droits des parties. L’un des arguments subsidiaires formulés par l’appelant était que, même si l’employé (le mari de l’intimée) était le véritable inventeur, l’appelant était le propriétaire de l’invention en raison du contrat de travail qui le liait avec l’employé. La Cour de l’Échiquier a rejeté la demande subsidiaire pour le motif qu’il s’agissait d’une question de nature contractuelle pour laquelle la Cour n’avait pas compétence. La Cour suprême n’était pas du même avis et a rétabli la demande. La Cour suprême a noté, à la page 249, que si l’on présume que les allégations faites dans la demande subsidiaire sont vraies, cela donnerait un motif de déclarer l’appelant comme ayant droit à la délivrance d’un brevet, ce qui inclut les revendications en litige, et cela donnerait lieu aux redressements qui relèvent de l’article 44 de la Loi sur les brevets, 1935 (Dom c 32). La Cour suprême a ensuite déclaré aux pages 249 et 250 :

[traduction]

Il est indéniable [...] que la Cour de l’Échiquier n’a pas compétence pour trancher une question portant sur un contrat entre particuliers [...] mais, en l’espèce, l’objet de l’allégation de l’appelant ne fait référence qu’accessoirement au contrat de travail [...] L’allégation concerne principalement l’invention prétendument faite par [l’employé] et dont l’appelant affirme être propriétaire en raison du contrat et des autres faits présentés; dans l’allégation. Le contrat et les revendications fondées sur celui-ci sont avancés dans le but d’établir que l’appelant devrait bénéficier des droits découlant de l’invention et a droit à la délivrance d’un brevet en son propre nom. C’est précisément le recours que la Cour de l’Échiquier du Canada a le pouvoir d’accorder aux termes de l’alinéa (iv) du paragraphe 8 de l’article 44 de la Loi sur les brevets.

[Non souligné dans l’original]

[61]  La demanderesse invoque une première fois l’arrêt Kellogg pour soutenir l’idée selon laquelle, bien que sa demande donne lieu à certaines questions de nature contractuelle, cela n’empêche pas la Cour fédérale d’être compétente. Ce fait n’est pas contesté. L’arrêt Kellogg est de nouveau cité pour soutenir l’argument selon lequel la Cour fédérale peut résoudre des questions contractuelles [traduction] « accessoires » lorsque la demande globale relève, [traduction] « de par son caractère véritable », du champ de compétence de la Cour (arrêt ITO, à la page 781; Allergan, aux paragraphes 11 à 13; Ballantrae Holdings Inc. c Phoenix Sun (Navire), 2016 CF 570, aux paragraphes 142, 267 ACWS (3d) 259). Dans l’arrêt Kellogg, la Cour a conclu que le redressement demandé se fondait sur l’article 44 de la Loi sur les brevets, que la question contractuelle était accessoire et que la demande dans son ensemble relevait de la compétence de la Cour.

[62]  Dans l’arrêt Allergan, aux paragraphes 11 à 13, la Cour d’appel fédérale a réitéré que les questions contractuelles pouvaient être traitées par la Cour fédérale lorsque « la question du droit des contrats dont la Cour est saisie s’inscrit dans une question sur laquelle la Cour fédérale a compétence légale ». Le juge Stratas a expliqué au paragraphe 13 ce qui suit :

[13]  Concernant la question de la compétence, j’abonde dans le sens de la Cour fédérale et je retiens en substance son analyse. Je voudrais ajouter ce qui suit. Le droit des contrats, lorsqu’il est fait abstraction du contexte, relève normalement de la compétence provinciale. Toutefois, la Cour fédérale a compétence lorsque la question du droit des contrats dont la Cour est saisie s’inscrit dans une question sur laquelle la Cour fédérale a compétence légale, il existe des règles de droit fédérales essentielles pour se prononcer sur l’affaire qui sont valides aux termes du partage constitutionnel des pouvoirs : ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 RCS 752, 28 D.L.R. (4) 641; Canadian Transit Company c. Windsor (Corporation de la ville), 2015 CAF 88, 384 D.L.R. (4th) 547.

[63]  Dans Salt Canada Inc. c Baker, 2016 CF 830, 269 ACWS (3d) 153 [Salt Canada], la demanderesse sollicitait une déclaration en application de l’article 52 de la Loi sur les brevets selon laquelle elle était titulaire d’un brevet canadien enregistré. La Cour a reconnu avoir compétence pour trancher des questions portant sur la propriété d’un brevet dans certaines circonstances, mais elle a conclu qu’elle « n’[avait] pas compétence pour statuer lorsque la détermination de la propriété d’un brevet dépend de l’application et de l’interprétation de principes de droit contractuel » (au paragraphe 20). La Cour a noté que le fil conducteur dans la jurisprudence pertinente est que la Cour n’est pas compétente lorsqu’« il est essentiel d’interpréter d’abord des documents contractuels pour pouvoir ensuite déterminer la propriété d’un brevet » (au paragraphe 23).

[64]  Comme il ressort clairement de la jurisprudence, il doit d’abord y avoir une attribution de compétence par une loi. Les questions contractuelles accessoires n’empêcheront pas nécessairement la cour d’être compétente si le différend contractuel « s’inscrit » dans la demande globale, sur laquelle la Cour a autrement compétence. En revanche, lorsque la demande est « purement et simplement » un différend contractuel, ou lorsqu’une question à l’égard de laquelle la Cour pourrait avoir compétence est « secondaire et dépendante de » la résolution de la question contractuelle, la Cour n’a aucune compétence (voir la décision Salt Canada).

[65]  Ces principes sont bien établis; toutefois, ils ne sont d’aucune utilité pour la demanderesse. La question dans la présente affaire n’est pas simplement celle de savoir si les questions contractuelles « s’inscrivent » dans les demandes globales ou si elles sont simplement accessoires; mais c’est aussi celle de savoir si les demandes globales relèvent, « de par leur caractère véritable », du champ de compétence de la Cour (Kellogg), c’est-à-dire, s’il y a une attribution de compétence par une loi.

[66]  Pour tenter de répondre à cette question, la demanderesse invoque aussi l’arrêt Kellogg pour soutenir l’argument selon lequel le paragraphe 20(2) établit une compétence lorsqu’un recours est demandé en droit ou en equity concernant « un brevet d’invention ». Dans l’arrêt Kellogg, les commentaires de la Cour suprême du Canada suggèrent une large interprétation de l’alinéa 22c) de la Loi sur la Cour de l’Échiquier, SRC 1927, c 34 (Loi sur la Cour de l’Échiquier) qui est le précurseur ou prédécesseur du paragraphe 20(2) actuel de la Loi sur les Cours fédérales. La Cour suprême du Canada a noté à la page 250 :

[traduction]

On remarquera que l’alinéa c) porte sur le « recours » qui est sollicité. Et il prévoit que la Cour de l’Échiquier a compétence tant entre particuliers dans tous les cas où un « recours est sollicité » « sous l’autorité d’une loi du Parlement du Canada ou en vertu de la common law ou en equity » « concernant un brevet d’invention ». Le recours sollicité par l’appelante, en raison du paragraphe 8 de sa déclaration, est à l’évidence un recours en equity concernant le brevet d’une invention. L’appelante sollicite ce recours en tant que conséquence des faits allégués dans son paragraphe 8. Elle demande le recours en tant que titulaire tirant son titre du même inventeur allégué duquel l’intimée affirme être la cessionnaire, par l’entremise d’autres cédants. En pareil cas, l’invention ou le droit au brevet pour l’invention est principalement l’objet de la demande de l’appelante, et le recours sollicité concerne clairement « un brevet d’invention ». Et cela est couvert par l’alinéa c) de l’article 22 de la Loi sur la Cour de l’Échiquier, telle qu’elle existe actuellement.

[67]  Cet alinéa, lu de façon isolée, donne à penser que la Cour fédérale a compétence pour toute action visant l’obtention d’un recours concernant un brevet fondé sur la common law ou l’equity. Toutefois, les termes de l’alinéa doivent être examinés dans le contexte de la décision dans son ensemble et en tenant compte des faits de l’arrêt Kellogg. Je n’interprète pas cela comme appuyant l’opinion selon laquelle ce paragraphe 20(2) donne à notre Cour une compétence concurrente dans toutes les circonstances lorsqu’un recours équitable est demandé concernant un brevet d’invention. Dans l’arrêt Kellogg, l’objet de la demande était une demande de brevet canadien en cours et une décision du commissaire aux brevets, que les appelants contestaient. Comme il a été mentionné précédemment, la Cour a conclu que le recours se fondait sur l’article 44 de la Loi sur les brevets.

[68]  De plus, ce passage doit être interprété à la lumière de la jurisprudence ultérieure, aussi bien en ce qui a trait à la Loi sur les Cours fédérales de façon générale que pour le paragraphe 20(2) en particulier.

[69]  La jurisprudence ultérieure illustre une approche plus restreinte pour l’interprétation de la Loi sur les Cours fédérales, qui tient compte du statut constitutionnel et du rôle de la Cour fédérale (ITO, Quebec North Shore Paper c C.P. Ltée., [1977] 2 RCS 1054, 71 DLR (3d) 111 [Quebec North Shore], City of Windsor). Comme on le fait remarquer ci-dessous, l’interprétation vaste et littérale du précurseur du paragraphe 20(2) offerte dans l’arrêt Kellogg, en particulier pour ce qui est de la formule [traduction] « un recours est sollicité sous l’autorité d’une loi du Parlement du Canada ou en vertu de la common law ou en equity » n’a pas été abordée dans la jurisprudence plus récente. La jurisprudence plus récente a confirmé que, pour établir une attribution de compétence par une loi, le « recours » sollicité doit découler de la « loi fédérale », qu’il soit légal ou non (Quebec North Shore aux pages 1065 et 1066). La jurisprudence ne soutient pas la notion selon laquelle le paragraphe 20(2) prévoit une attribution de compétence par une loi pour toute action dans le cadre de laquelle une partie demande un quelconque recours équitable concernant un brevet d’invention, quel qu’il soit.

[70]  L’arrêt Cellcor est l’affaire qui ressemble le plus aux présents faits. Dans l’arrêt Cellcor, Kotacka demandait une déclaration selon laquelle elle était [traduction] « l’inventeur de l’objet de la demande de brevet américain [...] déposée par le défendeur Hughes ou en son nom, et qu’il est la personne fondée à demander et à obtenir au Canada des lettres patentes relativement à l’invention en question » (au paragraphe 4). Il n’y avait pas de brevet canadien équivalent concernant l’invention. La Cour fédérale a conclu que les circonstances étaient similaires à celles de l’arrêt Kellogg et que la Cour avait compétence pour trancher la question de la propriété de l’objet d’un brevet américain.

[71]  Cellcor a interjeté appel et a allégué que la Cour n’avait pas compétence parce que la Loi sur les brevets ne prévoyait aucun droit au recours sollicité. L’appelant a allégué que le pouvoir législatif fédéral prévu au paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle se limite à la législation concernant les « brevets d’invention et de découverte », il n’englobe pas la législation portant sur les inventions mêmes, et que la compétence de la Cour fédérale conformément à l’article 20 de la Loi sur la Cour fédérale serait assujettie à la même limitation. L’appelante a fait remarquer que le différend portait sur la propriété d’une invention pour laquelle aucune demande de brevet n’avait été faite ni aucun brevet obtenu. L’appelante a ajouté que l’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales ne porte que sur la compétence et ne crée pas le droit à un recours, qui doit être établi par d’autres dispositions législatives; la Cour fédérale n’a pas compétence concernant les lettres patentes d’invention si aucun droit à un recours n’existe en vertu de la législation fédérale. En d’autres mots, il n’y avait pas de fondement juridique pour le recours demandé.

[72]  L’intimée, Kotacka, a allégué que le recours demandé était une déclaration selon laquelle, en tant que propriétaire de l’invention, elle avait le droit de faire une demande de lettres patentes en vertu de la Loi sur les brevets, ce qui est un recours [traduction] « relatif à un brevet d’invention au sens de l’article 20 ». En accueillant l’appel, la Cour d’appel a souscrit à l’argument de l’appelante, Cellcor, selon lequel il n’y avait pas de fondement légal au recours réclamé (c’est-à-dire faire une déclaration selon laquelle une partie était la propriétaire d’une invention) et que, par conséquent, la Cour était sans compétence, expliquant ce qui suit au paragraphe 10 :

[traduction]

10  À mon avis, la prétention de l’intimé n’est pas fondée. Prenant pour acquis que la déclaration cherchée par les défendeurs soit un redressement relatif à un brevet d’invention au sens de l’article 20, je suis néanmoins d’opinion que, dans les circonstances de cette affaire, ce n’est pas un redressement que la Cour fédérale a le pouvoir d’accorder, car, à mon avis, les appelants ont eu raison de soutenir que l’octroi de ce redressement n’est pas autorisé par la loi. Suivant la Loi sur les brevets, c’est le commissaire qui doit d’abord décider si un requérant a droit à un brevet. La loi n’autorise pas les tribunaux à lui donner des directives sur la décision qu’il doit prendre; c’est seulement si on prétend qu’il a rendu une mauvaise décision que, suivant la loi, la question peut être soumise aux tribunaux. À mon avis, il serait contraire à l’esprit de la Loi sur les brevets que les tribunaux s’arrogent le pouvoir, dans un cas comme celui-ci, de prononcer un jugement déclaratoire comme celui qu’on demande. Je pense que le pouvoir de la Cour de prononcer des jugements déclaratoires en vertu de la Règle 1723 ne peut pas être exercé en matière de brevet d’invention quand cet exercice n’est pas autorisé au moins implicitement par la Loi sur les brevets ou une autre loi validement adoptée par le Parlement.

[Non souligné dans l’original]

[73]  La Cour d’appel fédérale a reconnu, au paragraphe 11, que sa conclusion pourrait être difficile à concilier avec les propos de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Kellogg à la page 250, mais a ajouté que les déclarations dans l’arrêt Kellogg étaient également difficiles à concilier avec la décision subséquente de la Cour suprême du Canada dans Radio Corporation of America c Philco Corporation (Delaware), [1966] RCS 296, 56 DLR (2d) 407 [Radio Corporation]. Dans l’arrêt Radio Corporation, la Cour suprême du Canada a conclu que, bien que la Cour de l’Échiquier ait compétence aux termes de l’alinéa 22c) de la Loi sur la Cour de l’Échiquier (le précurseur du paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales) pour trancher des demandes conflictuelles relatives à un brevet aux termes de l’article 45 de la Loi sur les brevets, la Cour n’avait pas compétence pour statuer sur des demandes non fondées sur la Loi sur les brevets. En d’autres mots, il faut d’abord trouver le fondement juridique de la demande dans une loi fédérale.

[74]  Dans l’arrêt Cellcor, la Cour d’appel a clairement confirmé que la compétence ne peut pas être établie aux termes du paragraphe 20(2) lorsque le recours sollicité n’a pas de fondement juridique. L’acceptation par la Cour d’appel des arguments de l’appelante et sa référence à la Loi sur les brevets montre bien que la Cour d’appel a accepté que la Loi sur les brevets soit l’unique source de la « loi fédérale » dans le domaine des brevets. En conséquence, la Cour fédérale n’a pas compétence pour faire des déclarations au sujet de la propriété d’inventions revendiquée dans un brevet étranger, pour lequel il n’existe aucun équivalent canadien, parce que la Loi sur les brevets ne donne pas cette autorité à la Cour fédérale.

[75]  L’arrêt Cellcor a été cité dans la décision Suncor Energy Inc. c MMD Design and Consultancy Limited, 2008 CF 488, 327 FTR 22 [Suncor]. Dans la décision Suncor, la demanderesse souhaitait obtenir une déclaration selon laquelle elle était la véritable titulaire de la propriété intellectuelle décrite dans une demande de brevet canadien, pour laquelle aucun brevet n’avait encore été délivré. Le protonotaire a rejeté la demande en raison d’un manque de compétence. La Cour a confirmé l’ordonnance du protonotaire, faisant remarquer au paragraphe 10 ce qui suit :

La demanderesse a prétendu que l’affaire Cellcor pouvait être distinguée de la présente affaire en ce que, dans ce précédent, il ne s’agissait pas d’inscriptions de brevets. Je n’accepte pas cet argument. La Cour d’appel fédérale a clairement déclaré, dans l’arrêt Cellcor, que c’est au commissaire qu’il appartenait de décider si le brevet devait être délivré au défendeur. Dans la présente affaire, on n’est pas arrivé à ce stade. Toutefois, il se pourrait que la Cour devienne saisie de l’affaire si le commissaire devait rendre une décision erronée aux termes de la [Loi sur les brevets].

Le juge O’Keefe a ajouté au paragraphe 11, que « [l]e protonotaire a eu raison de conclure que la Cour n’a pas compétence pour rendre une décision préliminaire sur la propriété de l’invention ».

[Non souligné dans l’original]

[76]  La demanderesse allègue qu’une distinction doit être faite avec l’arrêt Cellcor puisqu’il y avait une demande de brevet dans cet arrêt, et non dans l’affaire qui nous intéresse. Je ne suis pas de cet avis. Tout d’abord, l’existence d’une demande de brevet dans l’arrêt Cellcor est incertaine. Deuxièmement, l’argument de la demanderesse ne tient pas compte de la conclusion formulée par les décisions Cellcor et Suncor : la Cour n’a pas compétence pour trancher la question de la propriété d’une invention, puisqu’il n’y a rien dans la Loi sur les brevets qui l’en autorise. Je remarque également que le juge O’Keefe a rejeté l’argument contraire, avancé par la demanderesse dans la décision Suncor, à savoir que l’arrêt Cellcor pouvait être distingué puisque « dans ce précédent, il ne s’agissait pas d’inscriptions de brevets ». Dans la présente affaire, il n’y a pas de brevet ni de demande de brevet ‒ il n’y a que l’invention.

[77]  L’arrêt Cellcor a également été cité dans la décision Peak Innovations Inc. c Meadowland Flowers Ltd., 2009 CF 661, 75 CPR (4th) 359 [Peak Innovations], où la juge Tremblay-Lamer a rejeté l’argument de la demanderesse selon lequel le paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales pouvait être invoqué pour établir une compétence et a déclaré aux paragraphes 8 et 9 :

[8]  La demanderesse s’en remet au paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, pour faire valoir que la Cour fédérale a compétence pour rendre un jugement déclaratoire sous la forme d’une déclaration de non-contrefaçon, puisqu’elle a le pouvoir de traiter de [traduction] « toute mesure de réparation » – la Cour fédérale a une vaste compétence en ce qui a trait aux recours liés aux dessins industriels, et celle-ci s’étend à toute mesure de réparation demandée en vertu des lois générales portant sur les dessins industriels. Je ne suis pas d’accord.

[9]  Le paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne fait qu’établir la compétence à l’égard des recours dans les cas où la compétence pour la cause d’action sous-jacente est établie dans une autre loi. Cet argument est corroboré par l’analyse utilisée dans les arrêts Radio Corporation of America c. Philco Corporation (Delaware), 1966 CanLII 85 (SCC), [1966], R.C.S. 296 (C.S.C.) et Cellcor Corp. of Canada Ltd. c. Kotacka, (1976), 27 C.P.R. (2d) 68 (C.A.F.).

[78]  La juge Tremblay-Lamer a formulé la même observation que dans l’arrêt Cellcor, à savoir que le paragraphe 20(2) de la Loi sur les Cours fédérales ne peut établir à lui seul une compétence pour une cause d’action; le recours doit être établi dans une loi fédérale (aux paragraphes 10 et 12).

[79]  Dans l’arrêt City of Windsor, la Cour suprême du Canada a interprété les termes « en vertu d’une loi du Parlement du Canada ou autrement » de l’alinéa 23c) comme signifiant « d’une législation fédérale [...], que ce soit une loi, un règlement ou la common law » (au paragraphe 40, citant l’arrêt Quebec North Shore). La Cour a déclaré, au paragraphe 41, que cette interprétation exigeait, en retour, que « [l]a cause d’action du demandeur, ou le droit de solliciter une réparation », doit être « créé ou reconnu par une loi fédérale, un règlement fédéral ou une règle de common law traitant d’un sujet relevant du pouvoir de légiférer du fédéral ». Bien que le libellé du paragraphe 20(2) ne soit pas identique, il est similaire.

[80]  En appliquant la même approche pour la formulation du paragraphe 20(2), je ne peux conclure que le recours ou la « cause d’action ou le droit de solliciter une réparation » de la demanderesse est créé ou reconnu par « une loi du Parlement du Canada ou en vertu de la common law ou en equity » traitant d’un sujet relevant du pouvoir de légiférer du fédéral.

[81]  En ce qui concerne les brevets, la seule loi fédérale pertinente est la Loi sur les brevets, qui est un régime légal complet (Clarizio et autres, Hughes and Woodley on Patents, 2e éd. (Markham, Ontario : LexisNexis, 2005) (édition révisée sous forme de feuillets mobiles 57-6/2017) §2, à la page 105, citant l’arrêt Commissioner of Patents c Fabwerks Hoechst Atiengeselschaft Vormals Meister Bruning, [1964] RCS 49, à la page 57, 41 CPR 9, entre autres). Cela est implicite dans les décisions Cellcor et Suncor où les cours ont conclu qu’elles n’avaient pas compétence sur le différend, puisque rien dans la Loi sur les brevets n’établissait le recours que les demanderesses souhaitaient obtenir.

[82]  Dans la décision Safematic, Inc. c Sensodec Oy (1988), 21 CPR (3d) 12, 20 FTR 132 (CF 1re inst.) [Safematic], les demanderesses alléguaient que les défenderesses s’étaient présentées à tort comme les titulaires des droits de brevet qui appartenaient aux demanderesses, mais pour lesquels les demanderesses ne détenaient aucun brevet. La Cour a accueilli la requête en radiation de la défenderesse pour des motifs de compétence, concluant que [traduction] « les droits conférés par la Loi sur les brevets ne naissent que lorsqu’un monopole a été accordé » en vertu de cette loi (à la page 21).

[83]  Dans la présente affaire, aucun monopole n’a été accordé aux termes de la Loi sur les brevets. Par conséquent, aucun droit ne découle de cette Loi. Il n’y a rien dans la Loi sur les brevets qui crée le recours sollicité par la demanderesse concernant la propriété de l’invention. Si la cause d’action portait, dans une certaine mesure, sur la paternité de l’invention (sans rapport avec la question de la relation d’emploi ou de la relation contractuelle en litige), la Loi sur les brevets ne permet pas à la Cour fédérale de statuer sur les questions de la paternité d’une invention tant que, du moins, la partie n’a pas demandé à obtenir une protection par brevet au Canada. Aucune autre loi canadienne ne régit la propriété d’une contrefaçon d’un brevet américain.

[84]  Pour résumer, la jurisprudence établit que : la compétence de la Cour fédérale doit être conférée par la loi (City of Windsor); l’attribution de la compétence par une loi n’est pas, à elle seule, suffisante; c’est-à-dire, les trois éléments du critère de l’arrêt ITO doivent être établis (City of Windsor); l’attribution d’une compétence dépend de la nature essentielle de la demande (City of Windsor); les litiges de nature contractuelle n’empêchent pas la Cour fédérale d’être compétente lorsque la demande globale relève de la compétence légale de la Cour (Kellogg, ITO, Allergan), mais lorsque les litiges de nature contractuelle sont au centre de la résolution des questions, la Cour n’a pas compétence (Kellogg, Salt Canada); la compétence légale conférée par le paragraphe 20(2) ne porte que sur la compétence et ne crée pas un droit à un recours ou un fondement juridique pour la demande, lesquels doivent être trouvés dans une loi fédérale ou dans une autre loi du ressort fédéral (Cellcor, City of Windsor, Peak Innovations); la Cour fédérale n’a pas la compétence de trancher la question de la propriété d’une « invention » (Suncor), puisque rien dans la Loi sur les brevets ne l’en autorise; les droits découlent de la Loi sur les brevets, un sujet relevant du pouvoir de légiférer du fédéral, uniquement lorsque le brevet a été accordé ou que des recours en vertu de cette loi ont été sollicités (Safematic).

[85]  En me fondant sur la jurisprudence, je conclus qu’il n’y a pas d’attribution de compétence par une loi permettant à notre Cour de statuer sur les demandes de la demanderesse. Rien dans la Loi sur les brevets ne permet de trancher la question des droits des parties se rattachant à un brevet étranger, pour lesquels une protection par brevet canadienne n’a pas été demandée et aucune règle de common law fédérale ne fournit de fondement juridique pour statuer sur la question de la propriété d’une invention.

3)  Deuxième et troisième volet du critère de l’arrêt ITO

[86]  Puisqu’il a été conclu que la première étape du critère de l’arrêt ITO n’a pas été remplie, il n’est pas nécessaire d’examiner les deuxième et troisième étapes. En outre, l’application des deuxième et troisième étapes est quelque peu illogique compte tenu de la nécessité d’une attribution de la compétence par une loi. Toutefois, s’il est éventuellement possible d’interpréter le paragraphe 20(2) de façon à ce qu’il comporte une attribution légale de compétence, je conclus également que la demanderesse n’a pas rempli les deuxième et troisième étapes du critère de l’arrêt ITO.

[87]  Le deuxième volet du critère de l’arrêt ITO impose un seuil élevé. Le seul fait que l’on tienne compte des règles de droit fédérales en tant que « facteur nécessaire » ne suffit pas; ces règles de droit doivent être essentielles à la solution du litige. Au paragraphe 67 de l’arrêt City of Windsor, la Cour a déclaré ceci :

[67]  Le deuxième volet du critère ITO requiert l’existence de règles de droit fédérales « essentiel[les] à la solution du litige », en ce qu’elles « constitue[nt] le fondement de l’attribution légale de compétence » (p. 766, le juge McIntyre). En effet, le fait que la demande porte sur des droits et obligations conférés par une règle de droit fédérale est pertinent à ce sujet. Cette exigence est importante, parce qu’elle se rapporte au statut constitutionnel et au rôle de la Cour fédérale au regard de l’art. 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[88]  La Cour a répété cela à nouveau, au paragraphe 69, indiquant, « [à] lui seul, le fait que la Cour fédérale puisse devoir tenir compte des règles de droit fédérales en tant que facteur nécessaire ne suffit pas; ces règles de droit doivent être « essentiel[les] à la solution du litige ». Elles doivent ‘‘constituer le fondement’’ de l’attribution de compétence. »

[89]  La demanderesse soutient que les règles de common law fédérales concernant la paternité de l’invention doivent être prises en compte pour trancher la demande. La demanderesse mentionne l’arrêt Wellcome aux paragraphes 96 à 99, et l’arrêt Weatherford, au paragraphe 99 comme illustrant l’ensemble de la common law fédérale concernant la paternité d’une invention.

[90]  Dans l’arrêt Wellcome, la question portait sur la validité d’un brevet canadien. Il n’y avait manifestement aucune question touchant la compétence de la Cour fédérale pour trancher les demandes. La Cour suprême du Canada a conclu que le brevet serait uniquement considéré nul aux termes de l’article 53 de la Loi sur les brevets s’il contenait une déclaration inexacte importante (concernant l’inventeur) volontairement faite pour induire en erreur et elle n’a trouvé aucune preuve d’une telle déclaration. La Cour a renvoyé à la jurisprudence concernant la nature et les rôles variés des inventeurs aux paragraphes 94 à 99, faisant remarquer ce qui suit au paragraphe 99 :

Je souscris à cet extrait dans la mesure où il laisse entendre qu’un individu qui aide à réaliser l’idée originale peut être un co-inventeur sans être le principal auteur de cette idée. Toutefois, dans la mesure où il peut être interprété comme englobant parmi les inventeurs ceux qui aident à compléter l’invention, mais qui consacrent leur ingéniosité à la vérification plutôt qu’à la réalisation de l’idée originale, je ne puis, en toute déférence, y souscrire pour les motifs déjà exposés.

[91]  L’arrêt Weatherford était une action en contrefaçon intentée en vertu de la Loi sur les brevets. Là encore, la compétence de la Cour n’était pas en cause. Au paragraphe 99, la Cour d’appel fédérale a approuvé le droit portant sur la paternité de l’invention tel qu’il a été formulé dans l’arrêt Wellcome.

[92]  En l’espèce, la demanderesse soutient que la common law fédérale portant sur la paternité de l’invention s’appliquera pour trancher les demandes. Je ne suis pas d’avis, compte tenu des allégations figurant dans la déclaration et des observations faites concernant la présente requête, que la paternité de l’invention est une question clé dans les demandes de la demanderesse. Les demandes de la demanderesse se fondent, dans une plus grande mesure, sur la relation contractuelle ou de travail alléguée. La common law portant sur la paternité de l’invention, dans la mesure où les arrêts Wellcome et Weatherford peuvent être perçus comme des règles de common law, puisque les Cours traitaient des demandes en vertu de la Loi sur les brevets, n’est pas essentielle au règlement des questions que comporte la présente affaire. On ne peut pas dire qu’elle constitue le fondement de l’attribution légale de compétence, même si cette compétence était établie.

[93]  La demanderesse affirme également que le droit fédéral en matière de brevets s’applique à l’examen des demandes. Comme il a été mentionné précédemment, ce n’est pas le cas, puisqu’il n’y a aucun brevet canadien en cause ou aucun autre recours sollicité aux termes de la Loi sur les brevets.

[94]  La troisième partie du critère de l’arrêt ITO exige que la loi invoquée dans l’affaire soit « une loi du Canada » au sens où l’expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867. La loi fédérale invoquée pour soutenir la compétence de la Cour doit relever de la compétence législative du Canada (ITO, à la page777).

[95]  Dans l’arrêt City of Windsor, la Cour suprême a reconnu que ce volet du critère « chevauchait jusqu’à un certain point » le deuxième, et que les deux premiers volets du critère « pèsent lourd dans l’analyse » (City of Windsor, au paragraphe 117, les juges Moldaver et Brown sont dissidents (toutefois pas sur ce point-ci), citant le juge Stratas dans le jugement faisant l’objet du pourvoi, 2015 CAF 88). Comme cela a été conclu plus haut, la demande de la demanderesse ne se fonde pas sur une loi du Canada tel que ces termes ont été interprétés dans l’arrêt City of Windsor et dans d’autres affaires.

4)  Principalement un différend contractuel

[96]  Même si le paragraphe 20(2) pouvait être interprété de façon à établir une attribution légale de la compétence dans ces circonstances et que les deux autres volets du critère de l’arrêt ITO étaient également établis, en d’autres termes, si la Cour avait une compétence concurrente, les plaidoiries révèlent que les questions contractuelles soulevées par les parties sont au centre de la résolution des demandes. Les revendications de la demanderesse concernant sa propriété ou sa paternité à l’égard de l’invention semblent dépendre, dans une large mesure, de la relation contractuelle ou de travail alléguée et non de la revendication additionnelle, qui n’est pas expliquée, selon laquelle M. Bentivoglio était un co-inventeur.

[97]  Les autres revendications de la demanderesse sont également clairement fondées sur les relations contractuelles avec M. Castillo, y compris sur la relation de travail alléguée, et avec DSS (par exemple, le projet PARI). Les défendeurs soutiennent que ces contrats précisent de façon explicite que la propriété intellectuelle découlant de la relation sera conservée par les défendeurs. Pour résoudre la question de la propriété, la Cour serait d’abord appelée à interpréter les documents contractuels et d’autres éléments de preuve que les parties pourraient présenter concernant les ententes qu’elles ont conclues. Il ne semble pas que le droit sur les brevets, même s’il était applicable, soit essentiel à l’examen des demandes. Comme elle l’a conclu dans la décision Salt Canada, la Cour n’aurait pas la compétence requise pour régler les principales questions de nature contractuelle.

VII.  La demande devrait-elle être rejetée aux termes des articles 117 et 118 des Règles?

[98]  Les défendeurs reconnaissent qu’ils n’ont pas une connaissance directe des antécédents de l’entreprise de la demanderesse, notamment en ce qui concerne sa faillite. Toutefois, les défendeurs attirent l’attention sur les réponses données par M. Marzano (président d’Alpha-Marathon Technologies Inc.) lors du contre-interrogatoire sur son affidavit et sur une entrevue de M. Marzano accessible au public qui ont révélé qu’il était vice-président de 2000 à 2006, que l’entreprise a été vendue en 2006, que l’entreprise était en faillite en 2008, et que M. Marzano a acheté les actifs de l’entreprise en faillite auprès du syndic de faillite et a fondé une nouvelle société.

[99]  Les défendeurs s’appuient également sur l’affidavit de M. Castillo, qui relate, entre autres, ce qui suit : en 2006, Alpha Marathon Technologies Inc. a été vendue à Robert Kazimowicz, qui a ensuite vendu les actifs à Alpha Marathon Technologies Group Inc.; en 2008, Alpha Marathon Technologies Group Inc. a été déclarée en faillite; et, par la suite, M. Marzano a acheté les actifs de l’entreprise auprès du syndic de faillite et a établi Alpha Marathon Film Extrusion Technologies. Les défendeurs allèguent que le présent litige n’était pas inscrit dans les actifs de l’entreprise en faillite et qu’ils n’ont pas été avisés d’une transmission d’intérêt.

[100]  Les défendeurs soutiennent qu’il existe au moins certains éléments de preuve du fait que l’entreprise de la demanderesse a été vendue au moins deux fois. Les défendeurs ajoutent que les dossiers relatifs à la faillite d’Alpha Marathon Technologies Inc. n’indiquent pas le présent litige en tant qu’actif. Les défendeurs, par conséquent, soutiennent que l’action devrait être rejetée conformément à l’article 118 des Règles puisque la demanderesse a omis d’aviser les défendeurs de la transmission de l’intérêt dans le litige.

[101]  La demanderesse répond que les graves allégations des défendeurs selon lesquelles l’omission de fournir un avis constitue une inconduite criminelle sont fondées sur du ouï-dire et des spéculations, qu’elles sont dénuées de fondement et qu’elles devraient être sanctionnées par une adjudication de dépens payables immédiatement.

[102]  La demanderesse a reconnu dans les observations orales qu’elle n’avait pas fourni un avis de transmission d’intérêt dans ce litige, mais soutient que cela n’était pas nécessaire puisqu’une tierce partie a fait faillite, non Alpha Marathon Technologies Inc. Lors de l’audience de la requête, la demanderesse a présenté un rapport sur le profil d’entreprise daté du 18 février 2014 pour une société à numéro de l’Ontario – 1234001 Ontario Inc. Ce rapport inclut l’historique de la dénomination sociale; 1234001 Ontario Inc. est en exploitation depuis le 30 janvier 2007 et Alpha Marathon Technologies Inc. a été en exploitation à partir du 18 avril 1997. Domenic Marzano est identifié comme étant le directeur, le secrétaire et le président. La demanderesse soutient que l’entreprise à numéro est la même entité légale que celle de la demanderesse.

[103]  Je note que la demanderesse a contre-interrogé M. Castillo sur la source de son information au sujet de la faillite d’Alpha Marathon Technologies Inc., qui, a-t-il déclaré, provenait de plusieurs sources, dont certaines étaient accessibles au public. La demanderesse a aussi interrogé M. Castillo au sujet de son dépôt d’une défense et d’une demande reconventionnelle en 2005, qui ont plus tard été modifiées, sur ses différents changements d’avocat depuis 2005, et sur sa participation à deux ou trois séances de médiation.

[104]  Je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de traiter la requête des défendeurs fondée sur l’article 118 des Règles puisque l’action est rejetée conformément à l’article 221 des Règles pour les motifs présentés ci-dessus; notre Cour n’a pas compétence pour statuer sur l’action de la demanderesse. Toutefois, si j’ai tort de conclure que la Cour n’a pas compétence, je ne suis pas convaincue, compte tenu des éléments de preuve limités et contestés présentés concernant la vente, la faillite et la reconstitution ultérieure de la société de la demanderesse, que l’action devrait être rejetée aux termes de l’article 118 des Règles, en raison du fait allégué que la demanderesse a omis de fournir un avis de transmission des intérêts comme l’exige l’article 117 des Règles.

VIII.  Y a-t-il lieu d’ordonner à la demanderesse de payer un cautionnement pour les dépens?

[105]  Les défendeurs allèguent parallèlement que si l’action se poursuit, la demanderesse devrait fournir un cautionnement pour les dépens. Les défendeurs soutiennent que si Alpha Marathon Technologies Inc. continue à exister, elle n’est autre qu’une société fictive et qu’elle pourrait être sans actifs. Les défendeurs contestent que le retard pris dans le dépôt de la présente requête de cautionnement pour les dépens puisse exclure cette mesure de réparation, faisant remarquer que la demanderesse n’a offert aucune preuve du fait qu’elle en subirait un préjudice.

[106]  La demanderesse répond que la Cour ne devrait pas faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour ordonner un cautionnement pour dépens conformément à l’article 416 des Règles étant donné le dépôt tardif de la requête des défendeurs et du fait que les défendeurs invoquent des faits qui étaient connus depuis au moins 2014, au moment des examens préliminaires.

[107]  Là encore, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire de traiter la requête des défendeurs fondée sur l’article 416 des Règles puisque l’action est rejetée conformément à l’article 221 des Règles parce que notre Cour n’a pas compétence pour statuer sur l’action de la demanderesse. Toutefois, si je tire cette conclusion à tort et que l’action se poursuit, la question du cautionnement pour dépens peut être réexaminée en tenant compte des éléments de preuve disponibles à ce moment-là.

IX.  Conclusion

[108]  Pour conclure, la requête des défendeurs présentée conformément à l’article 221 des Règles en vue de radier la déclaration de la demanderesse est accueillie puisqu’il est évident et manifeste que notre Cour n’a pas compétence pour statuer sur les demandes de la demanderesse. Il n’est pas nécessaire de statuer sur la requête subsidiaire des défendeurs, présentée conformément à l’article 118 des Règles, de radier la déclaration de la demanderesse en raison de son omission d’aviser les défendeurs d’une transmission de l’intérêt. Il n’est pas non plus nécessaire de statuer sur la requête subsidiaire des défendeurs, présentée conformément à l’article 416 des Règles.

[109]  Je refuse de rendre une ordonnance concernant les dépens. Bien que la demanderesse ait présenté sa déclaration en 2005 et que les défendeurs y aient répondu en présentant une défense et une demande reconventionnelle, le litige a stagné au fil des ans pendant de longues périodes. Les deux parties ont, de temps à autre, participé à des tentatives de médiation qui se sont avérées infructueuses. Les parties ont manifestement présumé que notre Cour avait compétence. Comme il a été mentionné précédemment, la demanderesse a allégué dans sa réponse à la demande reconventionnelle des défendeurs que la Cour n’avait pas compétence pour trancher certaines demandes, mais elle n’a pas tenu compte de la compétence de la Cour pour statuer sur ses propres demandes. Il incombe à la demanderesse d’établir que la Cour a compétence. La requête des défendeurs, qui soulève une question fondamentale relative à la compétence de notre Cour, a été faite très tardivement – après que la date du procès a été fixée et après beaucoup de temps et d’efforts consacrés par les deux parties. Bien que leur requête ait été accueillie, je ne suis pas d’avis que des dépens en faveur des défendeurs sont justifiés. Je ne suis également pas d’avis que la demanderesse devrait se voir adjuger des dépens en raison des allégations des défendeurs concernant les conséquences possibles de l’omission par la demanderesse de fournir un avis d’une transmission d’intérêt, si cet avis était nécessaire. Même si les allégations peuvent être perçues par la demanderesse comme étant incendiaires, elles ne sont pas non pertinentes ou dénuées de fondement. Il existe quelques éléments de preuve qui soutiennent la requête des défendeurs fondée sur l’article 118 des Règles, mais elles ne sont pas suffisantes pour permettre à la Cour de tirer une conclusion; cette conclusion n’étant pas non plus nécessaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. La requête des défendeurs, présentée conformément à l’article 221 des Règles, en vue de radier la déclaration de la demanderesse est accueillie.
  2. Il n’est pas nécessaire de statuer sur la requête des défendeurs présentée conformément à l’article 117 des Règles.
  3. Il n’est pas nécessaire de statuer sur la requête des défendeurs présentée conformément à l’article 416 des Règles.
  4. Aucune ordonnance n’est rendue à l’égard des dépens.

« Catherine M. Kane »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour de juin 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-632-05

 

INTITULÉ :

ALPHA MARATHON TECHNOLOGIES INC. c DUAL SPIRAL SYSTEMS INC. ET, RAFAEL J. CASTILLO

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 octobre 2017

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE KANE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Jaime Holroyd

 

Pour la demanderesse

 

Marc A. Munro

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ANISSIMOFF LAW

Avocats

London (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Graydon Sheppard Professional Corporation

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

 

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