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Date : 20170327


Dossier : IMM-1352-17

Référence : 2017 CF 314

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2017

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

BABA TAMAKA DIAKITÉ

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

partie défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Monsieur Diakité se présente devant la Cour fédérale pour obtenir le sursis de son renvoi vers son pays de nationalité, le Mali. Ce départ est prévu pour lundi, le 27 mars 2017.

[2]               De fait, le demandeur sait depuis le 6 mars dernier qu’il doit quitter le Canada au plus tard le 27 mars. Cependant, il semble qu’il ait retenu les services d’un avocat uniquement le 17 mars, ce qui expliquerait les délais extrêmement serrés pour disposer de cette affaire. Par ailleurs, l’avocat du demandeur s’est déchargé de son mandat avec diligence. Aucun reproche ne saurait être fait aux avocats pour les très courts délais.

[3]               J’ai choisi d’entendre la demande de renvoi le 24 mars 2017, à 17h00. La décision de refuser un sursis avait été reçue le 23 mars 2017 et cette décision de refus administratif fait l’objet d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire aussi daté du 23 mars 2017.

[4]               Pour bénéficier d’un sursis judiciaire, le demandeur doit satisfaire aux trois conditions du test tripartite énoncé dans RJR-Macdonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 et Toth c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 NR 302 (CAF). Ces trois éléments sont les suivants :

1.         Y a-t-il une question sérieuse à être débattue lors d’une audience relative à la demande de contrôle judiciaire sous-jacente?

2.         Y a-t-il un préjudice irréparable qui sera causé au demandeur s’il doit quitter avant qu’un contrôle judiciaire ne soit entendu?

3.         La balance des inconvénients favorise-t-elle le demandeur?

[5]               Monsieur Diakité est au Canada depuis janvier 2010. On nous dit qu’il serait venu au Canada à titre de résident temporaire comme étudiant. De fait, il est toujours aux études puisqu’il participe à un programme à l’École de Technologie (ÉTS) depuis janvier 2015. Ce programme ne peut être complété avant le 20 juillet 2018. Il semble que le demandeur ait acquis 8 crédits par session pour les trois sessions complétées. Le demandeur indique à son affidavit qu’il lui reste 66 crédits à valider avant de pouvoir être diplômé.

[6]               Ce demandeur s’est rendu coupable d’une infraction d’agression sexuelle aux termes de l’article 271 b) du Code criminel, LRC (1985), ch C-46. Sa condamnation date du 9 février 2016 et il a été condamné à une période de probation de 18 mois, en plus d’une amende et de devoir effectuer des travaux communautaires. La sentence est suspendue.

[7]               Étant donné sa condamnation, il est frappé d’une mesure d’expulsion. Il a fait l’objet d’un examen de risques avant renvoi qui s’est soldé par une décision négative communiquée le 22 février dernier. De là, son départ était prévu pour le 27 mars 2017.

[8]               Le demandeur prétend que la question sérieuse à être débattue au contrôle judiciaire ne droit qu’être ni futile, ni vexatoire. Malheureusement pour le demandeur, là n’est pas l’état du droit. En effet, il est de jurisprudence constante depuis Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 RCF 682 que celui qui recherche un sursis dont le résultat serait le même que si la demande de contrôle judiciaire était acceptée est tenu à une norme bien supérieure au « ni futile, ni vexatoire ». Comme le notait le juge Pelletier, alors de notre Cour, au para 11 de la décision, « c’est que le volet du critère qui porte sur la question sérieuse se transforme en critère de vraisemblance que la demande sous-jacente soit accueillie, étant donné que l’octroi de la réparation recherchée dans la demande interlocutoire accordera au demandeur la réparation qu’il sollicite dans le cadre du contrôle judiciaire. » Ainsi, il faut que le demandeur satisfasse la Cour que le succès de sa demande de contrôle judiciaire est vraisemblable (« likelihood success »).

[9]               Or, la question sérieuse est que l’agent de renvoi a commis une erreur de ne pas reporter le renvoi parce que le demandeur est sous probation à cause de la condamnation criminelle qu’il a reçue. De plus, le demandeur reproche à l’agente de renvoi qu’elle n’aurait pas étudiée de façon sérieuse et attentive les pièces soumises compte tenu du court délai et qu’il devrait pouvoir demeurer au Canada tant que ses études ne sont pas complétées.

[10]           Malheureusement pour ce demandeur, il ne s’agit pas là de questions sérieuses. Comme chacun le sait, la juridiction de l’agent de renvoi est très limitée. Le demandeur a raison de souligner qu’une discrétion existe, mais celle-ci n’est certes pas suffisante pour donner raison au demandeur. Dans Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311 [Baron], la Cour fédérale d’appel se prononçait de la façon suivante :

-           Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

[Soulignement dans l’original]

[11]           C’est que l’agente de renvoi est confrontée à l’obligation qui est faite à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la Loi], de faire en sorte que la mesure de renvoi soit exécutée dès que possible, l’étranger visé par ladite mesure devant quitter immédiatement le territoire du Canada (para 48 (2) de la Loi). Cela résulte en des reports à court terme généralement, qui, en plus de ceux notés dans Baron, seront de la nature des difficultés rencontrées avec les arrangements de voyage, le calendrier scolaire des enfants, des naissances ou décès imminents. Comme le disait la Cour d’appel fédérale dans Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, [2012] 2 RCF 133, « (l)es agents d’exécution disposent de peu de latitude et les reports sont censés être temporaires. » (para 45) Qui plus est, ils ne se prononcent par sur les demandes ERAR ou CH. L’examen des circonstances du demandeur n’est pas celui qu’il réclame. Aucune difficulté comme celles reconnues par la jurisprudence n’a été démontrée comme pouvant être vraisemblable.

[12]           Le demandeur s’est réclamé du paragraphe 50 b) de la Loi pour arguer que le sursis était dû. Ce paragraphe prévoit qu’il y a sursis de la mesure de renvoi tant que la peine d’emprisonnement infligée n’a pas été purgée. En l’espèce, il n’y a pas de peine d’emprisonnement à purger puisque le tribunal criminel a fait bénéficier le demandeur d’une sentence suspendue. Comme il est écrit à l’article 731 du Code criminel, le tribunal peut surseoir au prononcé de la peine : il n’y a donc pas de peine d’emprisonnement à purger. Aucune telle peine n’a même été imposée. Il n’y a pas de vraisemblance de succès sur cette question.

[13]           Comme on le voit, les questions soumises par le demandeur ne rencontrent aucunement les paramètres. Il pourrait, à mon sens, être possible de reporter un renvoi pour tenir compte de facteurs ponctuels comme la maladie. Mais on ne soulève en l’espèce aucun tel type de difficulté. De fait, le programme académique auquel le demandeur a adhéré est bien loin d’être complété. Même à ce chapitre, la demande de sursis n’aurait aucune vraisemblance de succès. Je conclus donc que le critère de la question sérieuse n’est pas rencontré.

[14]           Il suffit que l’un des trois critères ne soit pas rencontré pour que la demande de sursis échoue. J’ajouterais cependant que, en notre espèce, il n’y a pas de préjudice irréparable qui a été soulevé. Le fait que l’employeur de Monsieur Diakité témoigne par lettre que celui-ci est un excellent employé, ce qui est tout en son honneur, ne saurait constituer un préjudice irréparable. Il s’agit au mieux d’un préjudice économique éventuel non pas pour le demandeur mais plutôt pour cet employeur qui devra remplacer Monsieur Diakité.

[15]           Finalement, la balance des inconvénients favorise le gouvernement ultimement puisque le Parlement a fait une obligation au Ministre de faire en sorte que l’interdit de territoire quitte le Canada dès que la mesure peut être exécutée. Il y a un intérêt public à ce que la loi soit appliquée et c’est à ce devoir que l’agent de renvoi est convié. J’aurais cependant accordé un certain poids à l’inconvénient causé au demandeur du fait que la décision ERAR rendue en octobre 2016 n’a été communiquée qu’à la fin février, alors que les événements se sont bousculés à l’initiative du gouvernement pour rendre sens dessus dessous la vie de ce demandeur. C’est comme si on avait attendu pour ensuite expédier le départ. Ce demandeur ne me semblait pas constituer un risque particulier.

[16]           J’ai une certaine sympathie pour le demandeur qui doit retourner dans son pays d’origine qu’il a quitté depuis longtemps. Cependant, l’infraction dont il s’est rendu coupable en est une qui fait en sorte qu’il est interdit de territoire au Canada. La conséquence d’une interdiction de territoire est le retour dans son pays d’origine qui est toujours accompagné des désagréments que cela importe.

[17]           En conséquence, la demande de sursis doit être rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande sursis soit rejetée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1352-17

 

INTITULÉ :

BABA TAMAKA DIAKITÉ c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 mars 2017

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 mars 2017

 

COMPARUTIONS :

Salif Sangaré

 

Pour la PARTIE demanderesse

 

Guillaume Bigaouette

Pour la PARTIE défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Salif Sangaré

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la PARTIE demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la PARTIE défenderesse

 

 

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