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Date : 20170725


Dossier : T-598-17

T-599-17

T-600-17

T-601-17

T-602-17

T-603-17

T-604-17

T-605-17

Référence : 2017 CF 676

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

ABBVIE CORPORATION ET

ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

demanderesses

et

SAMSUNG BIOEPIS CO., LTD. ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS MODIFIÉS

I.  Introduction

[1]  Trois demandes ont été présentées par les demanderesses, AbbVie Corporation et AbbVie Biotechnology Ltd (ensemble, AbbVie), pour que soit rendue, en application des articles 3, 55, 306, 307 et de l’alinéa 385(1)a) des Règles des Cours fédérales, une ordonnance exigeant que le défendeur, Samsung Bioepis, Ltd. (Bioepis), inverse l’ordre de présentation des éléments de preuve des parties et signifie ses éléments de preuve au sujet des questions 1) de la pertinence de la revendication, 2) du droit lié à la date de priorité, et 3) de la fausse déclaration sur des faits importants avant qu’AbbVie soit tenue de présenter ses éléments de preuve sur ces questions. Les demanderesses sollicitent les dépens afférents à la requête.

II.  Contexte

[2]  Le 2 mars 2017, Bioepis a déposé les présentations de drogues nouvelles (PDN) no 203250 ( PDN 2032050 ) et no 203292 (PDN 263292) pour son produit d’adalimumab appelé HADLIMA. Les PDN contiennent des indications différentes mais chevauchantes pour HADLIMA. Les indications pour lesquelles la PDN 203250 a été déposée incluent le traitement de la maladie de Crohn, de la colite ulcéreuse et de l’hidrosadénite suppurée, tandis que la PDN 203292 n’inclut pas ces indications.

[3]  Le 13 mars 2017, Bioepis a signifié huit avis d’allégation en rapport avec le produit HADLIMA (les lettres de Bioepis). Pour chaque PDN, Bioepis a signifié un avis d’allégation pour chacun des brevets suivants qu’AbbVie avait énumérés dans le Registre des brevets : i) brevet canadien no 2 385 745 (le brevet 745); ii) brevet canadien no 2 494 756 (le brevet 756); iii) brevet canadien no 2 847 142 (le brevet 142); et iv) brevet canadien no 2 504 868 (le brevet 868).

[4]  Les lettres de Bioepis contiennent chacune les allégations d’invalidité suivantes : antériorité, caractère évident, double brevet, défaut d’utilité, portée excessive, insuffisance, ambiguïté, objet non brevetable (méthode de traitement médical). Bioepis allègue également ce qui suit :

  • a) Bioepis n’est pas tenue d’aborder les revendications des brevets 868 et 142;

  • b) AbbVie n’est pas autorisée à s’appuyer sur les dates de priorité des brevets 868 et 142 (le 9 avril 2004, le 12 avril 2004 ou le 7 mai 2004) au motif que les exigences du paragraphe 28.1(1) de la Loi sur les brevets n’étaient pas remplies;

  • c) les pétitions des brevets 868 et 142 renferment une allégation fausse et volontairement faite pour induire en erreur, en application de l’article 53 de la Loi sur les brevets.

[5]  AbbVie nie toutes les allégations faites par Bioepis.

[6]  Le 25 avril 2017, AbbVie a entrepris huit demandes, en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) en réponse aux avis d’allégation afin d’obtenir des ordonnances interdisant au ministre de la Santé de délivrer des avis de conformité à Bioepis à l’égard des produits de Bioepis :

  • a) le dossier de la Cour no T-598-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203250 et le brevet 868;

  • b) le dossier de la Cour no T-599-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203250 et le brevet 745;

  • c) le dossier de la Cour no T-600-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203292 et le brevet 868;

  • d) le dossier de la Cour no T-601-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203292 et le brevet 142;

  • e) le dossier de la Cour no T-602-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203292 et le brevet 745;

  • f) le dossier de la Cour no T-603-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203292 et le brevet 756;

  • g) le dossier de la Cour no T-604-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203250 et le brevet 142;

  • h) le dossier de la Cour no T-605-17 portant sur l’avis d’allégation pour la PDN 203250 et le brevet 756.

[7]  Dans ses requêtes d’inversion de l’ordre de présentation des éléments de preuve, AbbVie soutient que les allégations de Bioepis concernant la pertinence de la revendication, le droit lié à la date de priorité et la fausse déclaration sur des faits importants sont insuffisantes, obscures et ne constituent pas un énoncé détaillé en application du Règlement. Pour ce motif, AbbVie demande l’inversion de l’ordre de présentation ordinaire des éléments de preuve relativement à ces questions.

III.  Discussion

[8]  Les articles 306 et 307 des Règles des Cours fédérales fixent l’ordre dans lequel les éléments de preuve seront présentés dans une demande et disposent généralement que les éléments de preuve de la demanderesse soient présentés avant ceux du défendeur.

[9]  Toutefois, la Cour a le pouvoir discrétionnaire d’inverser l’ordre de la présentation des éléments de preuve lorsque cela permet d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible (articles 3 et 55 et alinéa 385(1)a) des Règles des Cours fédérales; Eli Lilly Canada Inc c Novopharm Limited, 2008 CF 875, au paragraphe 10; Tekeda c Canada (Ministre de la Santé), 2013 Carswell Nat 11553, au paragraphe 3).

[10]  En outre, l’inversion de l’ordre de présentation des éléments de preuve ne devrait être accordée que dans des circonstances spéciales et non lorsque cette inversion retarderait l’instance et donnerait lieu à des coûts additionnels (Pfizer Canada Inc c Apotex Inc, 2013 CF 1036, aux paragraphes 1 et 3; Abbott Laboratories Limited et autres c Novopharm et autres, 2007 CF 1291, au paragraphe 17).

[11]  Aux termes de directives de la Cour datées du 7 juin 2017, un calendrier régissant l’instance a été publié et indique, entre autres :

  1. [traduction] Les éléments de preuve des demanderesses sur l’ensemble des questions seront signifiés au plus tard le 17 octobre 2017.

  2. [traduction] Les éléments de preuve du défendeur sur l’ensemble des questions seront signifiés au plus tard le 9 février 2018.

[12]  Malgré la requête présentée par AbbVie pour obtenir l’inversion partielle de l’ordre de présentation des éléments de preuve quant à la pertinence de la revendication, au droit lié à la date de priorité et à la fausse déclaration sur des faits importants, AbbVie a par ailleurs accepté de signifier ses éléments de preuve en premier pour la question concernant l’interprétation de la revendication, la non-contrefaçon, l’antériorité, le caractère évident, le défaut d’utilité, l’insuffisance et la méthode du traitement médical.

[13]  Les trois requêtes concernant ces allégations sont réparties comme suit :

  1. T-598-17, T-600-17, T-601-17 et T-604-17, concernant le brevet 868 et le brevet 142;
  2. T-599-17 et T-602-17, concernant le brevet 745;
  3. T-603-17 et T-605-17, concernant le brevet 756.

[14]  J’examinerai les requêtes en me penchant sur chacune des trois questions pour l’ensemble des brevets.

A.  Allégations quant à la pertinence de la revendication

[15]  À l’audience, l’avocat de Bioepis a reconnu que la pertinence de la revendication n’était plus un problème en ce qui concerne le brevet 898 dans les dossiers T-598-17, T-600-17, T‑601‑17 et T-604-17. L’avocat d’AbbVie a attiré l’attention de la Cour sur les motifs d’un Avis d’allégation en application des paragraphes 5(1) et 5(2) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) :

5 (1) Dans le cas où la seconde personne dépose une présentation pour un avis de conformité à l’égard d’une drogue, laquelle présentation, directement ou indirectement, compare celle-ci à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes d’un avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi —, cette seconde personne doit, à l’égard de chaque brevet ajouté au registre pour cette autre drogue, inclure dans sa présentation :

5 (1) If a second person files a submission for a notice of compliance in respect of a drug and the submission directly or indirectly compares the drug with, or makes reference to, another drug marketed in Canada under a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the second person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

a) soit une déclaration portant qu’elle accepte que l’avis de conformité ne sera pas délivré avant l’expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(a) state that the second person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

 

(i) la déclaration présentée par la première personne aux termes de l’alinéa 4(4)d) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n’est pas valide,

(iv) elle ne contreferait aucune revendication de l’ingrédient médicinal, revendication de la formulation, revendication de la forme posologique ni revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal en fabriquant, construisant, utilisant ou vendant la drogue pour laquelle la présentation est déposée.

 

(i) the statement made by the first person under paragraph 4(4)(d) is false,

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicinal ingredient, no claim for the formulation, no claim for the dosage form and no claim for the use of the medicinal ingredient would be infringed by the second person making, constructing, using or selling the drug for which the submission is filed.

 

(2) Dans le cas où la seconde personne dépose un supplément à la présentation visée au paragraphe (1), en vue d’obtenir un avis de conformité à l’égard d’une modification de la formulation, d’une modification de la forme posologique ou d’une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, lequel supplément, directement ou indirectement, compare celle-ci à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes de l’avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard duquel une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi —, cette seconde personne doit, à l’égard de chaque brevet ajouté au registre pour cette autre drogue, inclure dans son supplément :

(2) If a second person files a supplement to a submission referred to in subsection (1) seeking a notice of compliance for a change in formulation, a change in dosage form or a change in use of the medicinal ingredient and the supplement directly or indirectly compares the drug with, or makes reference to, another drug that has been marketed in Canada under a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the second person shall, in the supplement, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

a) soit une déclaration portant qu’elle accepte que l’avis de conformité ne sera pas délivré avant l’expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(a) state that the second person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

(i) la déclaration présentée par la première personne aux termes de l’alinéa 4(4)d) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n’est pas valide,

(iv) elle ne contreferait aucune revendication de l’ingrédient médicinal, revendication de la formulation, revendication de la forme posologique ni revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal en fabriquant, construisant, utilisant ou vendant la drogue pour laquelle le supplément est déposé.

 

(i) the statement made by the first person under paragraph 4(4)(d) is false,

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

(iv) no claim for the medicinal ingredient, no claim for the formulation, no claim for the dosage form and no claim for the use of the medicinal ingredient would be infringed by the second person making, constructing, using or selling the drug for which the supplement is filed.

 

 

[16]  AbbVie a soutenu que pour chacun des brevets mentionnés dans les trois demandes, les allégations quant à la pertinence de la revendication n’avaient aucun fondement au sens du paragraphe 5(1) ou du paragraphe 5(2), à moins que l’allégation se rapporte au sous-alinéa 5(1)b)(iv), à savoir :

(iv) elle ne contreferait aucune revendication de l’ingrédient médicinal, revendication de la formulation, revendication de la forme posologique ni revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal en fabriquant, construisant, utilisant ou vendant la drogue pour laquelle le supplément est déposé.

[17]  Par conséquent, les allégations auraient dû être claires et se limiter à la question de la contrefaçon dans chacune des demandes.

[18]  Il n’est pas controversé par l’avocat de Bioepis que, conformément à la décision de la juge Johanne Gauthier de la Cour fédérale (tel était alors son titre), dans Solvay Pharma Inc c Apotex Inc, 2008 CF 308 (CanLII), aux paragraphes 55 à 66, l’allégation concernant la pertinence de la revendication doit être limitée, et il n’est pas controversé entre les parties que, pour cette raison, la question concernant la contrefaçon ne fait plus partie des requêtes à trancher en ce qui a trait à l’inversion de l’ordre de présentation des éléments de preuve.

B.  Droit lié à la date de priorité

1)  T-598-17, T-600-17, T-601-17 et T-604-17 : les brevets 898 et 142.

[19]  AbbVie soutient que les allégations relatives au droit lié à la date de priorité dans le cas du brevet 898 (section 5.1, page 40 de l’avis d’allégation) et du brevet 142 (section 7.1, page 43 de l’avis d’allégation) sont lacunaires du fait qu’elles n’offrent aucun fondement pour les allégations relatives au droit lié à la date de priorité. Plus particulièrement, Bioepis allègue que [traduction] « AbbVie n’a droit à aucune de ses dates de priorité des 9 avril 2004, 12 avril 2004 ou 7 mai 2004, parce que les exigences du paragraphe 28.1(1) de la Loi sur les brevets ne sont pas remplies ». Par conséquent, certains éléments d’antériorité à invoquer seront pertinents pour les questions liées à la nouveauté ou l’évidence.

[20]  Le paragraphe 28.1(1) dispose :

Date de la revendication

28.1 (1) La date de la revendication d’une demande de brevet est la date de dépôt de celle-ci, sauf si :

a) la demande est déposée, selon le cas :

(i) par une personne qui a antérieurement déposé de façon régulière, au Canada ou pour le Canada, ou dont l’agent, le représentant légal ou le prédécesseur en droit l’a fait, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication,

(ii) par une personne qui a antérieurement déposé de façon régulière, dans un autre pays ou pour un autre pays, ou dont l’agent, le représentant légal ou le prédécesseur en droit l’a fait, une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication, dans le cas où ce pays protège les droits de cette personne par traité ou convention, relatif aux brevets, auquel le Canada est partie, et accorde par traité, convention ou loi une protection similaire aux citoyens du Canada;

b) elle est déposée dans les douze mois de la date de dépôt de la demande déposée antérieurement;

c) le demandeur a présenté, à l’égard de sa demande, une demande de priorité fondée sur la demande déposée antérieurement.

Claim date

28.1 (1) The date of a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) is the filing date of the application, unless

(a) the pending application is filed by

(i) a person who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim, or

(ii) a person who is entitled to protection under the terms of any treaty or convention relating to patents to which Canada is a party and who has, or whose agent, legal representative or predecessor in title has, previously regularly filed in or for any other country that by treaty, convention or law affords similar protection to citizens of Canada an application for a patent disclosing the subject-matter defined by the claim;

(b) the filing date of the pending application is within twelve months after the filing date of the previously regularly filed application; and

(c) the applicant has made a request for priority on the basis of the previously regularly filed application.

 

[21]  Bioepis répond qu’il est manifeste que seul le sous-alinéa 28.1(1)a)(ii) s’applique et que, par conséquent, AbbVie est consciente du fait que l’allégation conteste le fait que Bioepis a le droit de revendiquer une priorité au motif que Bioepis n’a pas acquis de titre par l’entremise d’un agent, d’un représentant légal ou d’un prédécesseur en titre, qui a antérieurement déposé de façon régulière une demande de brevet divulguant l’objet que définit la revendication soit dans le brevet 898, soit dans le brevet 142.

[22]  AbbVie répond en soutenant que la question de la cession et du titre est très complexe et nécessitera beaucoup de temps, d’argent et de témoignages d’experts si une inversion de l’ordre de présentation des éléments de preuve sur cette question n’est pas accordée par la Cour.

2)  T-599-17 et T-602-17 : le brevet 745.

[23]  AbbVie soutient que l’allégation relative à la priorité dans le cas du brevet 745 (section 6.1, page 45 de l’avis d’allégation), bien qu’elle contienne quelques précisions, est néanmoins insuffisante, injustifiée et n’est pas une allégation adéquate au sens de l’article 5 du Règlement.

[24]  Bioepis répond en indiquant que l’allégation à la section 6.1 précise ceci :

[traduction]

AbbVie n’a pas droit à la date de priorité du 8 juin 2001 parce que les exigences du paragraphe 28.1(1) de la Loi sur les brevets ne sont pas remplies. Lorsque la demande du brevet canadien 2 385 745 (la « demande 745 ») a été déposée, le 10 mai 2002, la présente demande et la demande de priorité (US60/296,961) appartenaient à deux entités différentes. Le 10 mai 2002, la demande du brevet 745 appartenait à Abbott Laboratories (Bermuda) Ltd., mais la demande de priorité appartenait à une autre entité. Abbott Laboratories (Bermuda) Ltd. n’était pas l’agent, le représentant légal ou le prédécesseur en titre de l’entité à qui appartenait la demande de priorité, et Abbott Laboratories (Bermuda) Ltd. n’avait donc pas le droit de tirer profit de la date de priorité de US60/296,961. Par conséquent, la nouveauté et le caractère inventif du brevet 745 doivent être analysés à compter de la date de dépôt de la demande de brevet canadien du 10 mai 2002.

[en gras dans l’original]

[25]  Par conséquent, suffisamment de détails au sujet de l’allégation sont fournis. En outre, Bioepis soutient qu’AbbVie, dans son avis de demande, ne fournit aucun détail sur la façon dont la demande de priorité est conforme à la Loi sur les brevets.

3)  T-603-17 et T-605-17 : le brevet 756.

[26]  AbbVie concède que l’allégation concernant la revendication relative à la priorité est suffisante.

[27]  De plus, il n’est pas controversé par AbbVie qu’il n’existe aucune allégation fondée sur l’article 53 pour ce qui est du présent brevet.

[28]  J’ai examiné en détail les allégations concernant le droit relatif à la priorité. Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l’inversion de l’ordre de présentation des éléments de preuve serait plus juste et entraînerait des économies de temps et d’argent dans l’instance, et je ne vois pas non plus de raison de conclure qu’il existe des circonstances spéciales pour lesquelles une inversion serait bénéfique en ce qui concerne le traitement de la question liée au droit relatif à la priorité.

[29]  Une inversion partielle de l’ordre de présentation des éléments de preuve, en particulier pour une question, dans seulement quelques-unes des affaires visées par ces multiples procédures, qui doivent être entendues ensemble, entraînerait probablement des procédures plus complexes et exigerait que Bioepis dépose des éléments de contre-preuve, si on le lui ordonnait.

[30]  De plus, j’estime que suffisamment de faits sont fournis sur cette question pour qu’AbbVie signifie ses éléments de preuve dans le déroulement normal de l’affaire (AstraZeneca Canada Inc et autres c Apotex Inc et autres, 2008 CF 537, aux paragraphes 8 à 10).

C.  Allégation de fausse déclaration sur des faits importants

1)  T-598-17, T-600-17, T-601-17 et T-604-17 : les brevets 898 et 142.

[31]  AbbVie est d’avis que l’allégation de Bioepis quant à la fausse déclaration sur des faits importants en application de l’article 53 de la Loi sur les brevets [traduction] « soutient pauvrement que l’omission de nommer les véritables inventeurs a été faite volontairement dans le but d’induire en erreur » (section 5.9, pages 85 et 86 de l’avis d’allégation). Puisque la Cour a conclu que les allégations fondées sur l’article 53 étaient essentiellement des allégations de fraude, la prise en compte de l’état d’esprit de l’auteur du méfait est nécessaire, et aucun fait n’est fourni à ce sujet.

[32]  Bioepis répond en déclarant que le fait à l’origine de l’allégation fondée sur l’article 53 est l’omission de nommer les véritables inventeurs, comme cela a été exposé en détail à la section 5.9 :

Les revendications 1 à 16 du brevet 142 ne sont pas valables puisqu’une allégation importante dans la pétition du demandeur concernant le brevet 142 est fausse et volontairement faite pour induire en erreur, ce qui n’est pas conforme à l’article 53 de la Loi sur les brevets. La pétition omet de nommer les véritables inventeurs du brevet 142. Cette omission d’énumérer les inventeurs a été faite volontairement pour induire en erreur.

La pétition dans la demande relative au brevet 142 indiquait que Rebecca Hoffman, Elliott Keith Chartash, Lori Taylor, George Richard Granneman et Philip Yan sont les inventeurs du brevet 142. Le brevet 142 porte prétendument sur l’utilisation de D2E7 pour traiter la maladie inflammatoire chronique de l’intestin et l’hidrosadénite suppurée. Les exemples 1 et 2 dans le brevet 142 portaient sur le traitement de la maladie de Crohn et sont les seuls exemples dans le brevet 142 qui portent sur la maladie inflammatoire chronique de l’intestin et l’hidrosadénite suppurée.

L’exemple 1 du brevet 142 a été divulgué dans Hanaeur, « Human Anti-Tumor Necrosis Factor Monoclonal Antibody (Adalimumab) in Crohn’s Disease: the CLASSIC-I Trial », Gastroenterology, 2006, 130:323-333 (« Hanauer 2006 »). Aucun des auteurs d’Hanauer 2006 n’est énuméré en tant qu’inventeur du brevet 142. Hanauer 2006 indique que [traduction] « [c]ette étude a été conçue par les membres du personnel d’Abbott Laboratories et par deux des enquêteurs qui sont les auteurs du présent rapport (S.B.H. et W.J.S.) ». S.B.H. est Stephen B. Hanauer et W.J.S. est William J. Sandborn.

L’exemple 2 a été divulgué dans Sandborn 2004. Aucun des auteurs de Sandborn 2004 n’est énuméré en tant qu’inventeur du brevet 142.

Aucun des véritables inventeurs du brevet 142 n’a été nommé dans la pétition. Les véritables inventeurs incluaient Stephen B. Hanauer, William J. Sandborn et vraisemblablement d’autres, qui n’ont pas été nommés en tant qu’inventeurs dans la pétition relative au brevet 142. Cette omission d’énumérer les véritables inventeurs a été faite volontairement pour induire en erreur.

[en gras et souligné dans l’original]

2)  T-599-17 et T-602-17 : le brevet 745.

[33]  AbbVie soutient que, comme dans la requête relative aux brevets 898 et 142, l’allégation de fausse déclaration sur des faits importants concernant le brevet 745 (section 6.7, page 74 de l’avis d’allégation) est vague et insuffisante, mettant l’accent sur l’absence de faits étayant l’intention délibérée de fausse déclaration présumée concernant les inventeurs désignés – c’est-à-dire, il y a une absence de détails (Apotex Inc c Shire LLC, 2016 CF 1267, au paragraphe 7; Ratiopharm Inc c Pfizer Limited, 2009 CF 711, au paragraphe 196).

[34]  Une fois de plus, Bioepis répond en déclarant que l’allégation de fausse déclaration sur des faits importants est claire, en ce sens que l’inclusion d’Abbott Bermuda en tant que demanderesse dans la demande est une déclaration fausse sur des faits importants, puisqu’Abbott Bermuda n’était pas en réalité la demanderesse lorsque la pétition a été signée.

3)  T-603-17 et T-605-17 : le brevet 756.

[35]  Comme il a été mentionné précédemment, il n’existe aucune allégation fondée sur l’article 53 en lien avec la présente demande et, par conséquent, le brevet 756 ne pose aucun problème.

[36]  Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés précédemment, concernant la question du droit de priorité, je conclus que, vu le dossier qui m’a été présenté, il existe suffisamment de faits étayant l’allégation de la fausse déclaration sur des faits importants pour qu’AbbVie procède à la signification de ses éléments de preuve dans le déroulement normal de l’affaire, sans ordonnance d’inversion.

[37]  Si l’allégation comporte des failles en ce sens que l’intention concernant la fausse déclaration n’a pas été exposée, Bioepis courra le risque qu’elle n’ait pas avancé suffisamment de faits pour étayer son allégation et, comme l’a reconnu Bioepis à l’audience, aucune inversion de l’ordre de présentation des éléments de preuve ne corrigera cette lacune – cette question devra être tranchée par le juge des requêtes.

[38]  En outre, je suis d’accord avec Bioepis sur le fait qu’une ordonnance d’inversion de l’ordre de présentation des éléments de preuve, élément par élément comme cela est proposé, augmentera encore la complexité de la procédure et ne permettra pas d’apporter la solution la plus expéditive et économique possible à la question.

[39]  Il serait utile d’apporter une autre précision. Les avocats des deux parties ont fait référence à un long litige au Royaume-Uni sur la question du titre et des cessions concernant des parties assujetties au droit allemand et à celui du Royaume-Uni, dans le cadre duquel la propriété et le titre de brevets similaires à ceux en l’espèce ont été tranchés. J’ai encouragé les avocats des parties à envisager le règlement de la question en litige et des questions de fait et de droit avant la tenue de l’audience sur le bien-fondé de la demande, ce qui pourrait entraîner des économies importantes de temps et d’argent durant la procédure.

[40]  La requête est rejetée avec dépens en faveur de Bioepis.


ORDONNANCE MODIFIÉE DANS LES DOSSIERS T-598-17, T-599-17, T-600-17,

T-601-17, T-602-17, T-603-17, T-604-17, T-605-17

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. La requête est rejetée avec dépens en faveur de Samsung Bioepis, Ltd., calculés en fonction de la valeur médiane de la colonne 4 du tarif B.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-598-17, T-599-17, T-600-17, T-601-17, T-602-17,T‑603-17, T-604-17, T-605-17

INTITULÉ :

ABBVIE CORPORATION ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD. c SAMSUNG BIOEPIS CO., LTD. ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 juillet 2017

 

ORDONNANCE MODIFIÉE ET ORDONNANCE :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 25 juillet 2017

 

COMPARUTIONS :

Peter Wilcox

Jason Markwell

 

Pour les demandeRESSES

 

Vincent De Grandpre

Geoffrey Langen

 

Pour le défendeur,

SAMSUNG BIOEPIS CO., LTD.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

BELMORE NEIDRAUER LLP

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeRESSES

 

OSLER, HOSKIN & HARCOURT S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur,

SAMSUNG BIOEPIS CO., LTD.

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

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