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Date : 20170323


Dossier : IMM-1236-17

Référence : 2017 CF 307

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2017

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

HERIBERTO TAMAREZ GARCIA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Le demandeur recherche une suspension de son départ pour la République dominicaine, son pays d’origine, qui est prévu pour le 25 mars 2017. La demande de sursis est rejetée, car elle ne rencontre aucune des conditions qui devraient être remplies.

[2]               Après un séjour de quelques années aux États-Unis, où ce demandeur s’est rendu coupable d’infractions pénales, il est arrivé au Canada illégalement le 26 février 2014. Il disait être venu au Canada pour y rejoindre son épouse, mais cette réunion n’aura jamais eu lieu puisque, selon le demandeur, un divorce aurait été obtenu par son épouse.

[3]               Le 2 juin 2014, le demandeur a été intercepté par la police qui a constaté l’arrivée clandestine du demandeur. Deux jours plus tard, le 4 juin, le demandeur faisait une demande d’asile.

[4]               Il s’est marié en août 2014. Sa nouvelle conjointe pouvait le parrainer. Le 29 octobre 2014, il a fait une demande de résidence permanente à titre de conjoint au Canada.

[5]               La demande d’asile a été rejetée le 22 mai 2015 aux termes de l’article 98 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la Loi]:

Exclusion par application de la Convention sur les Réfugiés

Exclusion — Refugee Convention

98 La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98 A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

[6]               Le demandeur était donc exclu parce qu’il avait commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’être admis comme réfugié. Il est inadmissible au Canada, et interdit de territoire, en vertu de l’article 36 de la Loi.

[7]               Un examen des risques avant renvoi a été fait. Il s’est soldé par un rejet parce que « le demandeur ne fournit pas de preuve susceptible d’établir qu’il serait assujetti à un risque personnel en République dominicaine. » (décision ERAR, page 37 du dossier de réponse du défendeur).

[8]               Le demandeur prétend qu’il ne devrait pas devoir quitter le Canada tant que sa demande de réadaptation et sa demande de résidence permanente à titre de conjoint au Canada n’auront pas été conclues. La demande de résidence ne pourra elle pas être accordée tant que la réadaptation n’aura pas été obtenue, levant ainsi l’interdit de territoire. La réadaptation est prévue à l’alinéa 36 (3) c) de la Loi et les personnes présumées réadaptées sont décrites à l’article 18 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

[9]               Par ailleurs, la preuve révèle une absence d’empressement de la part du demandeur pour obtenir ladite réadaptation. Dès le 31 octobre dernier, les autorités de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC]  indiquaient au demandeur ne pas avoir un dossier complet. Le 10 mars 2017, CIC rappelait au demandeur que les 60 jours conférés pour compléter le dossier étaient expirés et qu’un nouveau délai de 30 jours était accordé. Si la documentation n’est pas complétée, la demande de réadaptation sera considérée comme abandonnée.

[10]           On voit mal dans ces circonstances comment on pourrait faire reproche à l’agent d’exécution de refuser un sursis, si tant est que l’agent puisse surseoir à un renvoi en raison de demandes encore pendantes devant CIC.

[11]           J’entretiens de sérieux doutes sur la possibilité de surseoir, même si les demandes faites étaient près d’aboutir (Baron c Canada, 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311[Baron]). Je n’ai aucun doute que celui qui n’a pas démontré diligence ne peut se réclamer du délai à disposer de ses recours pour tenter de justifier un sursis sur une mesure de renvoi.

[12]           Il n’est pas facile de comprendre le cadre juridique dans lequel ce demandeur aurait voulu opérer. En effet, le dossier révèle que le 17 mars dernier, une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire était déposée à l’égard de l’avis remis au demandeur le 6 mars 2017 par un agent d’exécution de la loi pour qu’il se présente le 25 mars 2017. Il est pourtant de jurisprudence constante de cette Cour qu’un tel avis n’est pas une ordonnance de laquelle un contrôle judiciaire puisse être demandé (Anokwuru-Nkemka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 337). Essentiellement, le demandeur prétend qu’un sursis aurait dû lui être accordé avant même qu’une demande de sursis administratif n’ait été présentée. Un sursis peut être accordé parce qu’une question sérieuse est soulevée dans un contrôle judiciaire sous-jacent. Parce qu’une question sérieuse devrait être décidée, la loi permet qu’une mesure provisoire soit prise. Mais ici, il n’y a eu aucune décision prise ou ordonnance rendue par un office fédéral donnant ouverture à une demande de contrôle judiciaire. Plutôt, le demandeur conteste l’avis reçu de se présenter pour son départ le 25 mars prochain. On ne peut savoir sur quelle base cela pourrait être fait. À y regarder de plus près, le demandeur recherche un sursis tout simplement parce que d’autres recours sont pendants, indépendamment qu’une question sérieuse aurait été soulevée devant cette Cour sur contrôle judiciaire. La demande de sursis aurait pu être rejetée sur cette seule base.

[13]           Selon ce que je comprends, telle demande de sursis administratif a été faite le 13 mars 2017 et l’avocat du défendeur nous avise que le sursis administratif a été rejeté le 20 mars 2017. Nous avons choisi de considérer la demande de sursis judiciaire comme procédant du refus de sursis administratif. Ce pragmatisme était possible puisque la situation n’a pas changé entre la demande de sursis présentée à cette Cour et la demande, puis le rejet, de la demande de sursis administratif. Ni le demandeur ni le défendeur n’en subissaient un préjudice.

[14]           Pour réussir dans sa demande de sursis, le demandeur devait satisfaire la Cour qu’il y a une question sérieuse à être débattue dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente telle qu’il faille surseoir au renvoi du demandeur. Je n’ai pas trouvé nulle part en quoi consistait la question sérieuse pouvait bien consister. La seule question qui semble être soumise est que le demandeur devrait pouvoir rester au Canada pendant que sa demande de réadaptation et sa demande de résidence permanente soient traitées. Pourtant, la juridiction de l’agent d’exécution de la loi est fort restreinte (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, [2012] 2 RCF 133 et Baron, aux paras 48 à 50). Cela ne constitue pas une question sérieuse ayant quelque vraisemblance de succès (Wang c Canada, 2001 CFPI 148; [2001] 3 RCF 682) d’autant que la demande de réadaptation n’a pas été traitée avec célérité par le demandeur (Baron, au para 51).

[15]           Le deuxième critère est celui du préjudice irréparable. Encore ici, c’est le fardeau du demandeur de démontrer qu’il subira un préjudice irréparable s’il est retourné dans son pays d’origine. Ni la demande d’examen des risques avant renvoi, ni les prétentions faites sur ce sursis ne rencontrent le critère du préjudice irréparable. Les lettres soumises sont sans valeur persuasive (Gateway City Church c Canada, 2013 CAF 126, aux paras 15 et 16). Les prétentions relatives à un danger allégué n’atteignent jamais un niveau de vraisemblance de par la qualité de la preuve offerte.

[16]           Enfin, la balance des inconvénients favorise le gouvernement dans cette affaire. L’article 48 de la Loi oblige le Ministre à exécuter la mesure de renvoi dès que possible. Les considérations soulevées par le demandeur sont non avenues et l’intérêt public à ce que la Loi soit respectée doit prévaloir.

[17]           En fin de compte, le demandeur sur une demande de sursis doit satisfaire la Cour de la présence des 3 conditions qui viennent d’être évoquées. Une seule condition n’étant pas remplie suffirait à rejeter la demande. Ici, les trois conditions ne sont pas remplies. La demande de sursis est donc rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis soit rejetée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1236-17

 

INTITULÉ :

HERIBERTO TAMAREZ GARCIA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 mars 2017

 

ORDONNANCE ET MOTIFS

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 23 mars 2017

 

COMPARUTIONS :

Anthony Karkar

 

Pour le demandeur

 

Zoé Richard

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anthony Karkar,

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du

Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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