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Date : 20171116


Dossier : IMM-4706-16

Référence : 2017 CF 1045

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2017

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

SRIDER PALANIVELU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Palanivelu est un ressortissant du Sri Lanka. La Section de la protection des réfugiés a rejeté sa demande d’asile, et la Section d’appel des réfugiés a réservé le même sort à son appel. Notre Cour a rejeté sa demande d’autorisation de soumettre cette décision à un contrôle judiciaire. M. Palanivelu a aussi été débouté de sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Il a soumis une demande de contrôle judiciaire de cette dernière décision qui a été entendue conjointement à la présente demande et à l’égard de laquelle une décision de rejet sera rendue (2017 CF 1044).

[2]  La présente demande de contrôle judiciaire se rapporte à la demande de dispense de visa permettant à M. Palanivelu de soumettre une demande de statut de résident permanent au Canada pour des motifs d’ordre humanitaire. Dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, M. Palanivelu déclare qu’il sollicite une dispense [traduction] « parce qu’un retour au Sri Lanka l’exposerait à de graves difficultés, à la discrimination, au harcèlement et à un contexte général de violence et de précarité pour lui et pour les personnes se trouvant dans une situation semblable ».

[3]  M. Palanivelu a allégué devant la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés, ainsi que dans sa demande d’ERAR, qu’il risquait d’être dans la mire des forces de sécurité du Sri Lanka parce qu’il avait déjà été placé en détention en raison de ses liens présumés avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET). Il a ensuite déclaré que l’ancien mari de son épouse était un membre des TLET qui avait été assassiné par l’armée durant le conflit.

[4]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que M. Palanivelu n’était pas crédible. Elle n’a pas été convaincue qu’il avait été détenu, que son épouse était la veuve d’un membre des TLET et qu’il avait été ou risquait d’être pris pour cible par les forces de sécurité en raison des agissements de l’époux décédé de son épouse. M. Palanivelu n’a pas contesté la conclusion quant à la crédibilité des éléments de preuve présentés à la Section d’appel des réfugiés, et il n’en a pas soumis de nouveau.

[5]  Dans sa demande d’ERAR et dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, il a présenté à titre de nouveaux éléments de preuve une lettre de son épouse vivant au Sri Lanka et une autre d’un député de la circonscription électorale de Jaffna. Le même agent a été chargé d’examiner la demande d’ERAR et la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Dans les décisions concernant chacune de ces demandes, il a accordé très peu d’importance à ces lettres. Quand j’ai examiné la décision relative à l’ERAR, je suis parvenu à la conclusion que l’agent avait fait une évaluation raisonnable et je maintiens mon jugement en l’espèce. L’analyse effectuée portait sur l’un des motifs soulevés dans la présente demande, savoir que l’agent a [traduction] « commis une erreur en rejetant deux lettres crédibles ayant une force probante importante ». D’autres motifs de contrôle judiciaire sont soulevés.

[6]  M. Palanivelu allègue que l’agent a commis une erreur [traduction] « en enjoignant au demandeur de démontrer un “degré d’établissement important” au Canada ». Il cite les passages de la décision à l’origine de cette allégation :

[Traduction]

Le demandeur est entré au Canada pour la première fois le 31 octobre 2013. Sa demande indique qu’il a commencé à travailler à la boulangerie ACE Bakery en novembre 2015. Il joint une lettre datée du 16 mars 2016 dans laquelle son employeur confirme la date à laquelle il est entré en fonction et qu’il occupe toujours cet emploi. Il présente également des bulletins de paye pour la période du 29 novembre 2015 au 30 avril 2016, sur lesquels il est indiqué qu’il travaille une quarantaine d’heures par semaine pour un salaire net de 450 à 550 $. Le demandeur soumet de plus une cotisation d’impôt sur le revenu selon laquelle son revenu s’est établi à 11 566 $ en 2015. Le demandeur ne précise pas qui était son employeur avant ACE Bakery, mais son revenu pour 2015 suggère qu’il a travaillé ailleurs.

[...]

Le demandeur ne donne aucun détail sur ses antécédents professionnels ou une autre source de soutien financier avant novembre 2015. Il n’a pas produit d’élément de preuve concernant des économies, la location d’un logement, des transferts d’argent à sa famille au Sri Lanka, la possession d’un véhicule ou de tout autre actif, ou quoi que ce soit pouvant attester son degré d’établissement financier. Je reconnais l’importance des éléments de preuve relatifs aux antécédents professionnels du demandeur, mais je ne suis pas convaincu que les éléments de preuve fournis confirment un degré important d’établissement financier. [Non souligné dans l’original.]

[7]  Je ne crois pas que l’agent a exigé que M. Palanivelu prouve un [traduction] « degré important d’établissement financier ». Comme l’a observé le défendeur, M. Palanivelu fait lui-même allusion à son degré important d’établissement financier dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire :

[traduction]

Mon client continue d’occuper un emploi rémunéré à plein temps au Canada. Il est autonome financièrement et il a réussi l’exploit, en plein processus de demande d’asile, de parfaire son anglais et de trouver un emploi, contribuant ainsi au marché du travail et à l’économie du Canada. Tout cela indique un degré important d’établissement qui ne devrait pas être interrompu ou délaissé à cause d’un potentiel renvoi au Sri Lanka. [Non souligné dans l’original.]

[8]  J’estime, comme le défendeur, qu’on ne peut pas reprocher à un agent qui n’est pas d’accord avec une allégation du demandeur de reprendre une formulation utilisée par celui-ci. Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que M. Palanivelu s’en est tenu au strict minimum pour démontrer son degré d’établissement financier et que la force probante de ces éléments de preuve n’est pas très grande.

[9]  M. Palanivelu soutient par ailleurs que l’agent a commis une erreur en [TRADUCTION] « concluant, à l’égard de la demande de dispense de visa, que la meilleure solution pour le demandeur serait de rentrer au Sri Lanka pour retrouver sa famille et ses enfants » [Non souligné dans l’original]. Il fait valoir qu’en se préoccupant de l’intérêt supérieur des enfants, l’agent a agi de manière déraisonnable et contraire aux directives de la Cour suprême du Canada.

[10]  La déclaration reprochée à l’agent se trouve dans la partie de son analyse portant sur l’intérêt supérieur des enfants. L’agent se prononce ainsi :

[traduction]

Le demandeur déclare avoir des enfants de 5, 4 et 2 ans au Sri Lanka. Il ne dit rien d’autre à leur sujet ou sur les répercussions sur eux de l’issue de sa demande.

Le demandeur ne mentionne jamais qu’il envoie de l’argent au Sri Lanka pour subvenir aux besoins de ses enfants, et il n’a pas joint de copie de reçus de transfert d’argent. Il n’indique pas non plus s’il envisage de faire venir ses enfants au Canada si jamais sa demande est approuvée.

Le peu d’information concernant l’intérêt supérieur des enfants du demandeur me force à accorder un faible poids à ce facteur dans la présente demande. Je crois important de souligner qu’un retour au Sri Lanka permettrait au demandeur d’y retrouver ses enfants et que cette réunification leur serait probablement bénéfique.

[11]  M. Palanivelu fait valoir en contrepartie [TRADUCTION] « que ce commentaire sur la réunification avec son épouse et ses enfants au Sri Lanka n’a rien à voir puisqu’il a soumis une demande fondée sur des motifs humanitaires essentiellement parce qu’il a peur de la discrimination, du harcèlement et des conséquences pénibles [Souligné dans l’original] ».

[12]  À mon avis, M. Palanivelu oublie qu’un agent saisi d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est tenu de prendre en compte l’intérêt supérieur des enfants touchés : voir Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 39. L’agent a cette obligation même si, comme dans la présente affaire, le demandeur donne peu d’information sur ses enfants et leur situation à l’étranger ou au Canada. Le défaut de l’agent d’effectuer cette analyse aurait pu constituer une erreur susceptible de révision. Par surcroît, considérant le laconisme du demandeur pour ce qui est de ses enfants – il se borne à dire qu’il a trois enfants au Sri Lanka et à donner leur âge –, il peut difficilement décrier l’analyse sommaire de l’agent. Voici ce que dit à ce propos la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 8 :

Le demandeur qui invoque des raisons d’ordre humanitaire n’a pas un droit d’être interviewé ni même une attente légitime à cet égard. Et, puisque le demandeur a le fardeau de présenter les faits sur lesquels sa demande repose, c’est à ses risques et périls qu’il omet des renseignements pertinents dans ses observations écrites.

[13]  Je ne vois ici aucune erreur qui soit du type allégué. Étant donné le peu d’information donné sur les enfants du demandeur, l’analyse de leur intérêt supérieur pourrait difficilement être plus étoffée. La réunification de leur famille étant généralement souhaitable pour les enfants, il n’est pas choquant que dans sa réflexion sur leur intérêt supérieur, l’agent évoque la possibilité qu’ils soient réunis avec leur père au Sri Lanka.

[14]  En dernier lieu, M. Palanivelu soutient que [TRADUCTION] « l’analyse [effectuée par l’agent] de la situation régnante au Sri Lanka n’est pas raisonnable, et notamment sa conclusion comme quoi la possibilité d’un refuge intérieur à Colombo ou dans la province d’Uva pouvait représenter une solution de rechange viable ».

[15]  Je me range aux arguments du défendeur selon lesquels l’agent a raisonnablement et correctement examiné les documents relatifs à la situation du pays en tenant compte de l’identité du demandeur – et en gardant à l’esprit les nombreuses conclusions comme quoi il ne serait pas perçu comme ayant des liens avec les TLET. Je souscris également à l’observation suivante :

[Traduction]

L’agent chargé d’examiner la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne dit nulle part que Colombo et la Province d’Uva offrent une possibilité de refuge intérieur. Il s’agit d’une conclusion tirée dans le cadre d’une évaluation des risques. Cette déclaration est énoncée dans le contexte de l’évaluation des difficultés du demandeur. L’agent a relevé que le demandeur avait des liens importants avec Colombo et la province d’Uva, où il pourrait déménager pour éviter d’être surveillé de trop près par les autorités gouvernementales. Un agent chargé d’examiner une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire peut s’intéresser aux différentes régions d’un pays dans son évaluation des difficultés.

[16]  Je suis d’avis que l’agent a réalisé une analyse bien étayée et transparente, en prenant en considération les éléments de preuve à sa disposition. Je ne relève aucune erreur susceptible de révision.

[17]  Aucune partie n’a proposé de question à certifier, et les faits en l’espèce n’en soulèvent pas.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4706-16

LA COUR rejette la demande et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de septembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4706-16

 

INTITULÉ :

SRIDER PALANIVELU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 3 octobre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 16 novembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Robert Blanshay

 

Pour le demandeur

 

David Joseph

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Israel Blanshay Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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