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Date : 20171114


Dossier : T-1357-17

Référence : 2017 CF 1037

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 14 novembre 2017

En présence de monsieur le juge Lafrenière

ENTRE :

JOSE LUIS FIGUEROA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

VU LA REQUÊTE déposée par écrit le 11 octobre 2017 conformément à l’article 369 des Règles des Cours fédérales au nom du défendeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre), en vue d’obtenir une ordonnance rejetant la demande de contrôle judiciaire soumise par le demandeur le 1er septembre 2017 (la demande de contrôle judiciaire);

ET APRÈS avoir pris connaissance des dossiers de requête déposés au nom des défendeurs et par le demandeur;

[1]  J’estime que les faits pertinents fondant la requête ne sont pas contestés. Dans une lettre datée du 26 juillet 2017, le demandeur s’est adressé au ministre défendeur pour obtenir un certificat aux termes de l’article 83.07 du Code criminel, LRC 1985, c C-46.

[2]  L’article 83.07 est libellé ainsi :

83.07 (1) L’entité qui prétend ne pas être une entité inscrite peut demander au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de lui délivrer un certificat à cet effet.

(2) S’il est convaincu que le demandeur n’est pas une entité inscrite, le ministre délivre le certificat dans les quinze jours suivant la réception de la demande.

83.07 (1) An entity claiming not to be a listed entity may apply to the Minister of Public Safety and Emergency Preparedness for a certificate stating that it is not a listed entity.

(2) S’il est convaincu que le demandeur n’est pas une entité inscrite, le ministre délivre le certificat dans les quinze jours suivant la réception de la demande.

[3]  Le ministre n’ayant pas donné suite à la demande de certificat dans les 15 jours suivant sa réception, le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire le 1er septembre 2017. La mesure de redressement réclamée dans l’avis de demande comprend [traduction] « un bref de mandamus enjoignant au ministre de traiter la demande déposée sous le régime de l’article 83.07 du Code criminel » et les dépens de l’instance.

[4]  Dans une lettre de réponse datée du 13 septembre 2017, le ministre a fait part au demandeur de son refus de rouvrir la demande de certificat présentée en 2015 (laquelle fait l’objet d’un litige en instance devant notre Cour et la Cour d’appel fédérale). Il y indiquait également que le demandeur avait omis de dire comment son nom aurait pu être confondu avec un autre sur la liste, ou qu’il pouvait y avoir une similitude entre son nom et un autre sur la liste. Le ministre ajoutait que le demandeur n’avait pas établi en quoi les circonstances avaient changé depuis le dépôt des demandes précédentes, en 2013 et 2015.

[5]  Le 5 octobre 2017, l’avocat du défendeur a écrit au demandeur pour le sommer d’abandonner sa demande de contrôle judiciaire, laquelle était devenue théorique puisque le ministre avait donné suite à sa demande de certificat fondée sur l’article 83.07. Le demandeur n’ayant pas obtempéré, le ministre a déposé la présente requête en vue d’obtenir une ordonnance de rejet de la demande de contrôle judiciaire au motif de son caractère théorique.

[6]  Le demandeur fait valoir que la question déterminante dans la présente requête est celle de savoir si la lettre du 13 septembre 2017 signée par le ministre peut être interprétée comme un refus de délivrer le certificat demandé le 26 juillet 2017. Je ne suis pas d’accord. Il est plutôt demandé à la Cour de trancher s’il y a lieu de rejeter la demande du demandeur au motif de son caractère théorique.

[7]  Le critère en deux volets du caractère théorique d’un litige a été établi au paragraphe 16 de l’arrêt Borowski c Canada, [1989] 1 RCS 342. Tout d’abord, le tribunal doit se demander si le différend concret et tangible a disparu et si les questions sont devenues théoriques. Si c’est le cas, le tribunal doit décider s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire d’instruire le litige.

[8]  En ce qui concerne le premier volet du critère, le demandeur a sollicité un bref de mandamus enjoignant au ministre de rendre une décision sur la demande fondée sur l’article 83.07. Le ministre a rendu cette décision. Rien n’empêche le demandeur de contester les motifs pour lesquels le ministre a refusé de délivrer un certificat, mais la demande a bel et bien été [traduction] « traitée », comme il avait été réclamé dans l’avis de demande. Par conséquent, étant donné que plus aucune demande fondée sur l’article 83.07 du Code criminel n’est en suspens, l’ordonnance de mandamus n’est plus requise. Le point litigieux à l’origine de la demande – le prétendu manquement du ministre au paragraphe 83.07(2) – ayant disparu, il est clair que le demandeur sollicite une mesure de redressement qui est devenue théorique. Le mandamus ne serait d’aucune utilité puisque la décision concernant la demande fondée sur l’article 83.07 a été rendue.

[9]  S’agissant du second volet du critère, les facteurs pertinents dont le tribunal doit tenir compte pour établir s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et instruire un litige devenu théorique sont la persistance du contexte contradictoire, la nécessité d’économiser les ressources judiciaires et celle de prendre en considération la fonction véritable du tribunal dans l’élaboration du droit.

[10]  Bien qu’il puisse subsister un contexte contradictoire entre les parties après le refus du ministre de réexaminer une demande antérieure du demandeur aux termes de l’article 83.07, il est clair que le litige à l’origine de la présente instance a disparu. Plus précisément, le mandamus sollicité par le demandeur n’a plus de fondement et aucune mesure de redressement n’est désormais requise ou nécessaire puisqu’une décision a été rendue à l’égard de sa demande fondée sur l’article 83.07. Si le demandeur souhaite contester la légalité ou le caractère adéquat ou suffisant des motifs de la décision ministérielle du 13 septembre 2017, libre à lui de soumettre une nouvelle demande de contrôle judiciaire. Toutefois, il ne peut pas contester un refus opposé par le ministre après sa demande de mandamus.

[11]  Le deuxième facteur déterminant de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal et de l’instruction d’un litige devenu théorique est la nécessité d’économiser les ressources judiciaires. Ce facteur tient compte de la nécessité de rationner des ressources judiciaires limitées entre les justiciables. La Cour peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre des litiges devenus théoriques uniquement si des circonstances particulières justifient de consacrer des ressources judiciaires limitées pour les régler. La Cour décidera si des circonstances particulières existent en examinant (i) les effets pratiques sur les parties; (ii) s’il est probable qu’une situation se répète sans jamais être soumise aux tribunaux; (iii) l’importance des questions en litige.

[12]  Dans la présente espèce, une décision de la Cour n’aurait aucun effet pratique sur les droits des parties. Le ministre ayant statué récemment sur la demande fondée sur l’article 83.07, la Cour ne peut rien ordonner puisque la mesure de redressement réclamée a été accordée pour l’essentiel. De surcroît, la Cour dispose d’autres moyens que l’instruction de la demande théorique du demandeur pour trancher la question soulevée dans la procédure sous-jacente. Finalement, la demande soulève peut-être une question de grand intérêt au regard de l’interprétation législative, mais je ne suis pas convaincu qu’elle ait une grande importance sociale pour le public en général. J’arrive à la conclusion que le demandeur réclame une mesure de redressement qui s’applique uniquement à lui et qui, en l’occurrence, lui a déjà été accordé. Il n’existe aucune raison impérieuse d’intérêt public qui commanderait à la Cour d’instruire sa demande à ce stade-ci. Il serait plus indiqué de trancher les questions en litige dans un véritable contexte contradictoire, qui manque entièrement ici.

[13]  Pour les raisons énoncées, je conclus que la demande de contrôle judiciaire est théorique. En outre, je suis d’accord avec le ministre que la Cour ne peut pas, en l’espèce, exercer son pouvoir discrétionnaire d’instruire un litige théorique. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[14]  Le ministre a obtenu gain de cause et les dépens de la requête devraient normalement suivre l’issue de l’instance. Toutefois, étant donné que la demande a été soumise par suite du prétendu manquement du ministre au paragraphe 83.07(2) et qu’elle l’a probablement amené à donner suite plus rapidement à la demande de certificat, je conclus que chaque partie devrait assumer ses propres dépens.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.  Chaque partie assumera ses propres dépens à l’égard de la présente instance.

« Roger R. Lafrenière »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1357-17

 

INTITULÉ :

JOSE LUIS FIGUEROA c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE), CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LAFRENIÈRE

 

DATE DES MOTIFS :

Le 14 novembre 2017

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Jose Luis Figueroa

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Brett J. Nash

 

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour les défendeurs

 

 

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