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Date : 20171109


Dossier : IMM-317-17

Référence : 2017 CF 1025

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

JESSICA ANABEL ADELA LAZO GESITE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  En 2008, la demanderesse est arrivée au Canada en provenance des Philippines, à titre de travailleuse temporaire. Elle a occupé un emploi jusqu’en 2015, après quoi elle n’a pas pu renouveler son permis de travail. Elle a présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, afin d’obtenir le statut de résidente permanente au Canada. Sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée. Elle affirme que l’agent chargé d’examiner sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (l’agent) n’a pas adéquatement tenu compte de sa situation d’unique soutien financier de sa famille aux Philippines. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

I.  Résumé des faits

[2]  La demanderesse est une citoyenne des Philippines qui est venue au Canada en 2008, munie d’un permis de travail de 24 mois. Elle a obtenu un deuxième permis de travail en septembre 2013. Une demande de prolongation de ce permis a été rejetée le 8 juillet 2015.

[3]  De 2008 à 2015, la demanderesse a occupé divers emplois. Elle participait aux activités de son église et elle effectuait du travail de traduction pour les services d’immigration à Edmonton. Elle n’a pas travaillé depuis 2015, puisqu’elle n’a pas de permis de travail. Elle affirme qu’elle est le seul soutien de sa famille, compte tenu de l’invalidité de son conjoint, et qu’elle doit rester au Canada pour pouvoir aider sa famille aux Philippines. Elle fait valoir que les occasions d’emploi aux Philippines sont rares, étant donné son âge.

[4]  Sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rejetée le 9 janvier 2017.

II.  Décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire

[5]  Au moment de soupeser les divers facteurs d’ordre humanitaire, l’agent a noté que la demanderesse était assez bien établie au Canada. L’agent a mentionné que la demanderesse avait été sans emploi pendant 18 mois et qu’elle avait accumulé des dettes. L’agent a noté que tous les liens familiaux de la demanderesse sont aux Philippines.

[6]  L’agent a reconnu l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle doit subvenir aux besoins de sa famille; toutefois, il a finalement conclu qu’étant donné la nature temporaire du permis de travail initial, l’éducation et les compétences de la demanderesse ainsi que son expérience de travail acquise aux Philippines, elle serait en mesure de se trouver un emploi dans ce pays.

III.  Questions en litige

[7]  La demanderesse soulève essentiellement deux questions :

  1. L’agent a-t-il appliqué le critère approprié à la mesure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire?
  2. La décision est-elle raisonnable?

IV.  Norme de contrôle

[8]  Le choix de l’agent quant au critère juridique approprié qu’il doit appliquer à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est assujetti à la norme de la décision correcte : Marshall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 72, au paragraphe 27 [Marshall]; Gomez Valenzuela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 603, au paragraphe 19.

[9]  La norme de contrôle applicable aux conclusions motivées par les faits rendues à l’occasion d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable (Kisana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CAF 189, au paragraphe 18 [Kisana]).

V.  Discussion

A.  L’agent a-t-il appliqué le critère approprié à la mesure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire?

[10]  La demanderesse affirme que l’agent n’a pas correctement appliqué le critère approprié à la mesure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, puisqu’il n’a pas examiné si la demanderesse éprouverait des difficultés [traduction] « inhabituelles, injustifiées ou démesurées ». La demanderesse affirme qu’il s’agit d’une erreur.

[11]  Dans l’arrêt Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au paragraphe 33 [Kanthasamy], la Cour suprême du Canada a conclu que lors de l’évaluation de demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire, les agents doivent « examiner et [...] soupeser toutes les considérations d’ordre humanitaire pertinentes » à un cas précis. L’arrêt Kanthasamy a « changé le droit » concernant les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaires en concluant que les agents ne devaient plus évaluer la situation d’un demandeur selon la notion de « difficultés inhabituelles et injustifiées ou démesurées », comme il est indiqué dans les Lignes directrices destinées aux agents chargés d’examiner les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire (Marshall, au paragraphe 7). Comme on l’indique dans l’arrêt Kanthasamy, au paragraphe 31, même si ces termes peuvent être des qualitatifs utiles, ils ne supplantent pas « la raison d’être équitable de la dispense pour considérations d’ordre humanitaire ».

[12]  En l’espèce, je conclus que l’agent a appliqué le critère approprié pour examiner la mesure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent a effectué une évaluation globale de la situation de la demanderesse, en soulignant les facteurs pertinents en faveur et en défaveur de la mesure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent n’a pas limité son examen aux [traduction] « difficultés », il a plutôt pris en compte tous les facteurs pertinents présentés par la demanderesse. Cela est conforme à l’arrêt Kanthasamy et, par conséquent, l’agent n’a pas commis d’erreur concernant le critère applicable.

B.  La décision est-elle raisonnable?

[13]  La demanderesse affirme que l’éducation et le bien-être de ses enfants dépendent de sa capacité à gagner un salaire canadien. Elle affirme que ses enfants devront quitter l’école sans son revenu canadien. Elle indique également qu’elle a des dettes et elle affirme qu’elle ne sera pas en mesure de trouver du travail aux Philippines, puisque les employeurs hésitent à embaucher des travailleurs plus âgés. Elle affirme que l’agent n’a pas raisonnablement tenu compte de ces facteurs.

[14]  L’agent a conclu qu’aucun élément de preuve ne démontrait que la demanderesse ne serait pas en mesure de trouver un emploi aux Philippines en raison de son âge. De plus, aucun élément de preuve objectif quant à la situation dans le pays ne portait précisément sur la difficulté pour les travailleurs plus âgés de se trouver un emploi aux Philippines. L’agent a également noté plus particulièrement l’étendue de l’expérience de travail que la demanderesse avait déjà acquise aux Philippines.

[15]  En ce qui concerne l’analyse de l’intérêt supérieur des deux enfants de la demanderesse, l’agent note que l’analyse ne s’applique généralement qu’aux enfants de moins de 18 ans. Par conséquent, il n’avait pas lieu de tenir compte du fils de la demanderesse, âgé de plus de 18 ans au moment de la demande. La demanderesse n’a présenté aucun argument quant aux raisons pour lesquelles l’enfant adulte devrait être inclus dans l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant (voir l’arrêt Norbert c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 409, aux paragraphes 37 et 38).

[16]  L’agent a indiqué qu’il y avait peu d’éléments de preuve pour démontrer que la fille de la demanderesse devrait quitter l’école en l’absence du revenu canadien de la demanderesse. En conséquence, ce fait n’était pas suffisant pour justifier la mesure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[17]  Même si la demanderesse a présenté quelques éléments de preuve de son établissement au Canada, l’agent a remarqué qu’elle avait davantage de liens aux Philippines, où sa famille réside. Ce facteur a raisonnablement été soupesé en défaveur de sa demande.

[18]  À mon avis, la demanderesse ne soulève aucune erreur susceptible de révision concernant la pondération par l’agent des facteurs d’ordre humanitaire et de la preuve. La Cour n’a pas pour rôle, à l’occasion d’un contrôle judiciaire, de soupeser de nouveau les facteurs et la preuve examinés par l’agent (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59).

[19]  Dans l’ensemble, puisqu’il incombe à la demanderesse de démontrer les raisons pour lesquelles l’agent devrait exercer son pouvoir discrétionnaire exceptionnel au chapitre des motifs d’ordre humanitaire, son défaut de présenter une preuve suffisante est fatal. Dans l’arrêt Kisana, au paragraphe 43, la Cour d’appel fédérale a noté qu’il n’appartenait pas à l’agent de chercher à obtenir d’autres renseignements pour découvrir des éléments de preuve qui auraient pu être favorables à la thèse défendue par la demanderesse. Dans l’arrêt Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 8, la Cour d’appel fédérale a également mentionné que si les demandeurs omettent de présenter certains faits pertinents à leur demande, c’est à leurs risques et périls.

[20]  Compte tenu de l’état du droit, en l’espèce, l’agent responsable a effectué un examen global et raisonnable de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de la demanderesse, compte tenu des éléments de preuve présentés. Par conséquent, la décision est raisonnable et il n’existe aucune raison justifiant l’intervention de la Cour.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-317-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale n’a été certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-317-17

INTITULÉ :

JESSICA ANABEL ADELA LAZO GESITE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 SEPTEMBRE 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 9 NOVEMBRE 2017

COMPARUTIONS :

Robert Gertler

POUR LA DEMANDERESSE

Elanor Elstub

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gertler Law Office

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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