Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20171102


Dossier : T-1947-16

Référence : 2017 CF 978

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2017

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

MICRO MATIC A/S

demanderesse

et

TAIZHOU TALOS SANITARY CO., LTD.

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Micro Matic AS, sollicite une ordonnance aux termes de l’article 57 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985 c T-13 (la Loi) radiant l’enregistrement LMC 942 000 (LMC 942 000) du registre des marques de commerce.

[2]  La demanderesse est une société danoise. La société a été établie en 1953 et elle exerce ses activités à l’échelle mondiale dans le domaine de l’approvisionnement en systèmes et en solutions de distribution de boissons. Elle vend ses produits au Canada depuis plus de vingt ans.

[3]  La demanderesse emploie la marque de commerce MICRO MATIC, de même que la marque MICRO MATIC & Design (collectivement les marques MICRO MATIC) illustrées ci-après en liaison avec des robinets de fût et des systèmes de bière pression.

[4]  Bien que n’étant pas enregistrées au Canada, les marques MICRO MATIC ont été enregistrées dans de nombreux pays, y compris la Chine, le Danemark, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Allemagne, la Norvège et l’Union européenne.

[5]  La demanderesse est également titulaire du droit d’auteur sur la marque MICRO MATIC & Design.

[6]  Les clients de la demanderesse sont principalement des fournisseurs d’équipement de bière pression. Ils vendent à leur tour des produits arborant la marque MICRO MATIC aux utilisateurs finaux, tels que les bars et les restaurants.

[7]  La défenderesse, Taizhou TALOS Sanitary Co. Ltd., est une société chinoise. Le 29 août 2012, elle a déposé en Chine une demande d’enregistrement de la marque de commerce MICRO MATIC & Design et s’est servie du fondement de cette demande pour déposer une demande d’enregistrement d’une marque de commerce internationale auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Dans le cadre de cette demande, elle a sélectionné 17 États désignés, qui n’incluaient pas le Canada.

[8]  Le 20 janvier 2014, la défenderesse a déposé une demande d’enregistrement de la marque MICRO MATIC & Design au Canada en affirmant qu’elle employait cette marque au Canada depuis le 18 juin 2013. La marque de la défenderesse a été enregistrée sans opposition le 29 juin 2016 sous le numéro LMC 942 000. La marque est illustrée ci-après.

[9]  Les produits énumérés dans la demande d’enregistrement sont les suivants :

  • (1) Appareils pour tirer de la bière sous pression, à savoir des fûts et des robinets à bière, des machines pour fabriquer des boissons gazeuses, des machines pour laver les bouteilles, des machines à café et à thé, des machines de fabrication d’eau minérale, des pompes à bière, des vannes de régulation de pression.

[10]  Les activités de la défenderesse au Canada sont inconnues, puisqu’elle n’a pas présenté d’éléments de preuve ou d’observations et qu’elle ne s’est pas présentée à l’audience, bien qu’un avis lui ait été dûment signifié.

[11]  En plus de s’opposer à l’enregistrement de la marque MICRO MATIC & Design en Chine, la demanderesse a contesté avec succès la demande ou l’enregistrement par la défenderesse, de la marque de commerce dans d’autres pays, dont le Danemark, l’Australie et les États-Unis.

[12]  Lorsqu’elle a présenté cette demande de radiation de l’enregistrement LMC 942 000 du registre des marques de commerce, la demanderesse a fait valoir trois motifs d’invalidité. D’abord, la demanderesse affirme que, conformément à l’alinéa 16(1)a) de la Loi, la défenderesse n’avait pas le droit d’obtenir l’enregistrement de la marque de commerce, puisqu’au moment où la défenderesse a déposé sa demande d’enregistrement de sa marque de commerce au Canada, le 20 janvier 2014, cette marque pouvait créer de la confusion avec les marques MICRO MATIC de la demanderesse, employées précédemment au Canada. Par conséquent, conformément à l’alinéa 18(1)d) de la Loi, l’enregistrement est invalide et devrait être radié.

[13]  Deuxièmement, la demanderesse se fonde sur l’alinéa 18(1)b) de la Loi et soutient que lorsque cette demande a été présentée le 16 novembre 2016, la marque de commerce de la défenderesse n’était pas distinctive au sens de l’article 2 de la Loi, puisqu’elle créait de la confusion avec les marques MICRO MATIC.

[14]  Troisièmement, la demanderesse soutient que la défenderesse a faussement déclaré dans sa demande d’enregistrement présentée en application de l’alinéa 30b) de la Loi que la marque était employée au Canada depuis le 18 juin 2013.

[15]  Compte tenu de ma conclusion selon laquelle l’enregistrement LMC 942 000 devrait être radié du registre au motif de l’absence de droit à l’enregistrement, il n’est pas nécessaire que je me penche sur les deux autres motifs d’invalidité.

[16]  En règle générale, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou de services confère au propriétaire de la marque de commerce le droit exclusif d’employer la marque partout au Canada, à moins que son invalidité soit démontrée.

[17]  Conformément à l’alinéa 18(1)d) de la Loi, l’enregistrement d’une marque de commerce est invalide si l’auteur de la demande d’enregistrement n’avait pas le droit d’obtenir l’enregistrement.

[18]  Le droit à l’enregistrement est régi par l’article 16 de la Loi. Lorsqu’une marque de commerce a été employée ou révélée au Canada, il faut se reporter au paragraphe 16(1) de la Loi. Essentiellement, cette disposition accorde des droits prioritaires au premier utilisateur de la marque de commerce et codifie le principe de common law selon lequel c’est l’emploi d’une marque de commerce qui confère un droit prioritaire à la marque de commerce, et non pas son enregistrement (Masterpiece Inc. c Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, aux paragraphes 35 et 36 [Masterpiece]; TLG Canada Corp c Product Source International LLC 2014 CF 924, au paragraphe 49).

[19]  En d’autres mots, pour démontrer que la défenderesse n’était pas celle qui avait droit à l’enregistrement LMC 942 000, la demanderesse doit d’abord établir qu’au moment où la défenderesse a commencé à employer LMC 942 000, cela créait de la confusion avec les marques MICRA MATIC de la demanderesse et, en deuxième lieu, que la demanderesse avait déjà employé la marque de commerce au Canada.

[20]  En l’espèce, il n’y a aucun doute sérieux que les marques créent de la confusion. Les marques elles-mêmes semblent être identiques. Le nom et le style de lettrage sont identiques, tout comme les gouttes utilisées dans la conception. En outre, les produits liés à la marque de commerce sont presque identiques, puisque les deux ont trait à l’équipement de distribution de boissons et de bière pression. J’estime qu’en ce qui concerne la première impression, « le consommateur ordinaire plutôt pressé » ou le « consommateur moyen ayant un vague souvenir de l’autre marque » serait susceptible de confondre les marques de commerce et pourrait croire que les produits proviennent de la même personne (Masterpiece, aux paragraphes 40 et 41; American Assoc. of Retired Persons c Canadian Assn of Retired Persons, [1998] ACF no 1806, au paragraphe 30).

[21]  De plus, les éléments de preuve présentés par la demanderesse démontrent qu’elle bénéficiait de droits prioritaires sur la défenderesse.

[22]  Le rapport de la base de données du Bureau de la propriété intellectuelle du Canada relatif à la LMC 942 000 montre que la défenderesse revendique l’emploi de la marque au Canada depuis le 18 juin 2013. Toutefois, selon l’affidavit du directeur de la chaîne d’approvisionnement du groupe de la demanderesse, qui occupe ce poste depuis 2010, la demanderesse vend ses produits au Canada [traduction] « depuis plus de 20 ans », et emploie les marques MICRO MATIC au Canada en liaison avec des robinets de fût et des systèmes de bière pression [traduction] « depuis des décennies ». Bien que ces déclarations auraient pu être plus précises, le déposant indique également que la demanderesse [traduction] « a vendu annuellement, au Canada, entre 1 500 000 dollars et 3 000 000 dollars de produits arborant la marque MICRO MATIC de 2011 à 2015 ». La demanderesse a également inclus un affidavit du directeur de Draught Services, une division de Brewers Retail Inc., indiquant que Draught Services achète des produits MICRO MATIC depuis au moins les vingt dernières années, que la marque MICRO MATIC est bien connue dans l’industrie de l’équipement de distribution lié à la bière au Canada et qu’il ne sait pas si d’autres sociétés au Canada emploient une marque de commerce similaire à l’une des marques MICRO MATIC.

[23]  Comme la demanderesse a clairement profité de l’emploi antérieur des marques MICRO MATIC au Canada, la défenderesse n’avait pas droit à l’enregistrement de LMC 942 000 suivant l’alinéa 16(1)a) de la Loi. Par conséquent, l’enregistrement de la marque de commerce est invalide suivant l’alinéa 18(1)d) de la Loi et devrait être radié du registre des marques de commerce aux termes de l’article 57 de la Loi.

[24]  Pour ces motifs, la demande de radiation de l’enregistrement LMC 942 000 du registre des marques de commerce est accueillie avec dépens qui, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, sont fixés à 3 000 $.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1947-16

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE ce qui suit :

  1. La demande de la demanderesse fondée sur l’article 57 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985 c T-13, est accueillie;

  2. L’enregistrement de la marque de commerce no LMC 942 000 de la défenderesse est radié du registre des marques de commerce aux termes de l’article 57 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13;

  3. La demanderesse a droit à des dépens de 3 000 $.

« Sylvie E. Roussel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1947-16

INTITULÉ :

MICRO MATIC S/A c TAIZHOU TALOS SANITARY CO., LTD.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 8 mai 2017 et le 26 octobre 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 2 NOVEMBRE 2017

COMPARUTIONS :

Daniel M. Anthony

Pour la demanderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Avocats

Ottawa (Ontario)

Pour la demanderesse

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.