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Date : 20171031

Dossier : T­1031­16

Référence : 2017 CF 973

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie­Britannique), le 31 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

DAYTON BOOT CO. ENTERPRISES LTD.

demanderesse

et

RED CAT LTD.,

DAYTON BOOT BRANDS LTD.

RODERICK HALL RISK ET

HUTCHINGAME GROWTH

CAPITAL CORPORATION

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Dayton Boot Co. Enterprises Ltd. (la demanderesse) a saisi notre Cour d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 30 mai 2016 par le registraire des marques de commerce concernant une demande d’enregistrement d’un changement au titre de l’enregistrement au Canada de la marque de commerce DAYTON portant le no TMA792915 de la demanderesse à Red Cat Ltd., ainsi que de correction de l’inscription au registre aux termes du paragraphe 57(1) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T­13.

[2]  La défenderesse Hutchingame Growth Capital Corporation (HGC) a soumis à notre Cour une requête écrite aux termes de l’article 369 des Règles des Cours fédérales dans laquelle elle invoque le paragraphe 50(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F­7, pour obtenir la suspension de la présente demande ou, subsidiairement, sa suspension jusqu’au règlement des procédures de faillite visant la défenderesse Dayton Boot Brands Ltd.

[3]  Cette demande a été déposée le 29 juin 2016 contre toutes les défenderesses, sauf HGC, laquelle a été ajoutée après qu’elle a enregistré auprès du registraire des marques de commerce une cession de la marque de commerce DAYTON pour l’enregistrer à titre de propriétaire actuelle de la marque de commerce.

[4]  Aucun dossier de réponse à la demande n’a été déposé. Une demande d’audience de quatre heures a été signifiée et produite le 21 mars 2017. Le 22 mars 2017, HGC a déposé une requête en prorogation du délai pour déposer un avis de comparution. Cette requête a été accueillie le 11 avril 2017, sous réserve du paiement des dépens.

[5]  Le 25 avril 2017, la défenderesse Dayton Boot Brands Ltd. a déposé un avis d’intention de faire une proposition sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. La proposition a été déposée le 24 août 2017. Le 22 septembre 2017, HGC a déposé la présente requête en suspension.

[6]  Au soutien de cette requête, HGC a déposé les affidavits de Roderick Hall Risk et d’Eric Hutchingame, souscrits respectivement le 20 septembre 2017 et le 21 septembre 2017. L’affidavit Hutchingame soulève des questions fondamentales.

[7]  Certaines des déclarations qui y figurent sont fondées sur les renseignements reçus de M. Risk. Comme le fait valoir la demanderesse, cet affidavit est truffé de [traduction] « ouï­dire inutiles » puisque M. Risk a aussi fourni un affidavit à l’égard duquel il a été contre­interrogé. Il était et il demeure le mieux placé pour présenter ces éléments de preuve.

[8]  Je souscris aux observations formulées au paragraphe 21 du mémoire des arguments de la demanderesse concernant l’inadmissibilité des opinions et des arguments avancés dans bon nombre des paragraphes de l’affidavit Hutchingame.

[9]  Pour ces raisons, les paragraphes suivants de l’affidavit Hutchingame sont radiés : le paragraphe 3 (sauf la première phrase); les paragraphes 6 à 12, 16, 18, 20 (quatrième et cinquième phrases) et 27.

[10]  Par ailleurs, comme l’a mentionné la demanderesse, les renvois ne coïncident pas toujours avec les pièces jointes, et il semble y avoir des contradictions entre certaines parties de l’affidavit et les pièces jointes. Le fait que M. Hutchingame n’a pas été contre­interrogé au sujet de son affidavit ne fait aucunement obstacle à l’argument de la demanderesse, que la Cour admet en grande partie, concernant le peu de poids à accorder à cette déposition.

[11]  Le juge Dubé a énoncé les critères à appliquer à une requête en suspension en instance devant un autre tribunal au paragraphe 5 de la décision White c E.B.F. Manufacturing Limited, [2001] ACF no 1073, et la juge Mactavish les a appliqués récemment au paragraphe 24 de la décision Tractor Supply Co. of Texas c TSC Stores L.P., 2010 CF 883 :

1. La poursuite de l’action causerait­elle un préjudice ou une injustice (non seulement des inconvénients et des frais additionnels) au défendeur?

2. La suspension créerait­elle une injustice envers le demandeur?

3. Il incombe à la partie qui demande la suspension d’établir que ces deux conditions sont réunies.

4. L’octroi ou le refus de la suspension relèvent de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du juge.

5. Le pouvoir d’accorder une suspension peut seulement être exercé avec modération et dans les cas les plus évidents.

6. Les faits allégués, les questions de droit soulevées et la réparation demandée sont­ils les mêmes dans les deux actions?

7. Quelles sont les possibilités que le [sic] deux tribunaux tirent des conclusions contradictoires?

8. À moins qu’il y ait un risque que deux tribunaux différents rendent prochainement une décision sur la même question, la Cour devrait répugner fortement à limiter le droit d’accès d’une partie en litige à un autre tribunal.

9. La priorité ne doit pas nécessairement être accordée à la première instance par rapport à la deuxième ou vice versa.

[12]  Après avoir examiné les documents soumis à la Cour, je suis convaincu que les procédures de faillite et la présente demande se recoupent en partie. Je ne puis donc accueillir l’allégation de la demanderesse selon laquelle ce n’est pas le cas. Il ressort clairement de la lettre rédigée le 21 septembre 2017 par le syndic de faillite Murph & Associates qu’il a tenu pour acquis que [traduction] « la marque de commerce a initialement été vendue à Red Cat Ltd. aux termes de l’accord d’acquisition d’éléments d’actif conclu le 4 mai 2012 », et que Red Cat Ltd. lui a indiqué qu’elle n’était pas en défaut à l’égard de cet accord. Dans le cadre de la présente demande, la question du défaut ne semble pas se poser. La demanderesse soutient plutôt que le registraire a commis une erreur en retenant un document caviardé comme preuve du transfert de la propriété, et qu’il est allé de l’avant à l’insu de la demanderesse ou sans son consentement. Il s’agit d’allégations potentiellement lourdes de conséquences, qui doivent être tranchées par notre Cour et non dans le cadre de l’autre instance.

[13]  Le cas échéant, il se peut qu’il faille trancher la question des droits des diverses parties à l’égard de la marque de commerce dans le cadre des procédures de faillite, mais ce n’est pas la question dont la Cour est saisie ici. Il lui est seulement demandé de déterminer si le registraire a commis une erreur. Selon l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce, « l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de produits ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle­ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services ». Par conséquent, le nom du propriétaire inscrit au registre m’apparaît d’une grande importance et il ne fait aucun doute que cette information sera pertinente pour les procédures de faillite.

[14]  HGC n’a fourni aucune preuve établissant qu’un refus de suspendre la présente demande lui portera préjudice ou entraînera une injustice. Elle affirme simplement que ce refus reporterait les procédures de proposition en l’empêchant [traduction] « d’enregistrer une marque qui n’a pas été concédée par licence à [Dayton Boot Brands Ltd.], comme le prévoit la proposition ». Aucun élément de preuve ne me porte à croire que, advenant un échec de la présente demande, un bref délai entraînerait l’abandon de la proposition. Si la demande est accueillie et que la suspension est accordée, la demanderesse subira un préjudice important. Il convient de souligner que n’eût été la requête de HGC, il est fort probable que le litige devant notre Cour serait déjà réglé.

[15]  La présente demande pourra être instruite au cours des prochaines semaines, et c’est ce que j’ordonnerai. Après avoir pris connaissance des documents à ma disposition, je ne puis conclure qu’il s’agit d’un cas si manifeste que je doive accorder une suspension.

[16]  Pour ces motifs, la requête de HGC est rejetée et elle devra sans délai payer des dépens de 1 500 $ à la demanderesse.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. La requête de HGC est rejetée et elle devra sans délai payer des dépens de 1 500 $ à la demanderesse.

  2. La présente demande sera inscrite au rôle pour une audience de 4 heures, qui devra être tenue à Vancouver au plus tard le 31 janvier 2018.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 29e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T­1031­16

 

INTITULÉ :

DAYTON BOOT CO. ENTERPRISES LTD. c

RED CAT LTD., DAYTON BOOT

BRANDS LTD., RODERICK HALL RISK ET HUTCHINGAME GROWTH CAPITAL CORPORATION

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE­BRITANNIQUE) AU TITRE DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS :

Le 31 octobre 2017

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Bruce M. Green

POUR LA DEMANDERESSE

 

Michael S. Hebert

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Oyen Wiggs Green & Mutala LLP

Vancouver (Colombie­Britannique)

POUR LA DEMANDERESSE

 

Beament Hebert Nicholson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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