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Date : 20171108


Dossier : IMM-1811-17

Référence : 2017 CF 1014

Montréal (Québec), le 8 novembre 2017

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

SERAPHINE KANZIGA

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    Nature de l’affaire

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rendue le 27 mars 2017. Dans cette décision, la SPR a conclu que la demanderesse n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger conformément aux articles 96 et 97(1) de la LIPR. Par conséquent, la demande d’asile a été rejetée.

II.                 Faits

[2]               La demanderesse, âgée de 66 ans, est citoyenne du Rwanda.

[3]               Lors du génocide rwandais en 1994, la demanderesse aurait perdu son époux ainsi que l’un de ses fils. Elle aurait alors trouvé refuge au Zaïre (actuellement la République démocratique du Congo) avec ses trois filles avant de retourner au Rwanda en 2002. À son retour au Rwanda, la demanderesse aurait accueilli son neveu et sa nièce dans sa famille.

[4]               La demanderesse allègue être une enseignante ayant fait partie du comité électoral en charge du référendum des 17 et 18 décembre 2015. D’après ses dires, la demanderesse aurait été recrutée dans le comité en question en vue des élections de 2017 afin d’aider le président Kagamé à briguer un troisième mandat présidentiel.

[5]               Opposée à un tel référendum, la demanderesse aurait fait valoir son opinion auprès de ses collègues dans le comité électoral ainsi qu’auprès de ses collègues enseignants. Elle leur aurait également dévoilé ses liens avec l’abbé Nahimana.

[6]               Avant le décès de son époux, la demanderesse et ce dernier auraient accueilli un jeune étudiant au nom de Thomas Nahimana, fils de leur couple d’amis. Ce jeune homme serait plus tard devenu un opposant politique bien connu. L’abbé Nahimana serait parti en France en 2011. Toutefois, la demanderesse aurait gardé contact avec lui jusqu’en septembre 2015.

[7]               D’après la demanderesse, une de ses filles serait devenue membre de la Fondation Kizito Mihigo, comme les autres jeunes de son âge qui prônent pour la paix et la justice sociale au Rwanda. Kizito Mihigo est un chanteur gospel au Rwanda et un activiste pour la paix et la réconciliation.

[8]               Le 6 septembre 2015, la police rwandaise aurait interrogé la demanderesse non seulement sur ses liens avec l’abbé Nahimana, mais aussi sur Kizito Mihigo, accusé de conspiration contre l’État rwandais. La police aurait laissé partir la demanderesse car elle aurait tout nié.

[9]               Suite à cet événement, des civils non identifiés seraient venus chercher la demanderesse à son domicile tous les vendredis afin de l’emmener au poste de police et l’interroger davantage.

[10]           Malgré ces incidents, la demanderesse aurait continué à occuper son poste au sein du comité électoral jusqu’au référendum du 18 décembre 2015.

[11]           À la suite du référendum, la demanderesse et ses enfants auraient été suivis et surveillés par les autorités rwandaises. De plus, en janvier 2016, les autorités auraient même accusé la demanderesse d’avoir encouragé la population à voter contre le président Kagamé.

[12]           Le 2 juillet 2016, la demanderesse aurait été encore une fois emmenée au poste de police où elle aurait été agressée sexuellement par deux policiers, puis ensuite relâchée le lendemain.

[13]           Le 8 juillet 2016, des policiers seraient entrés de force chez la demanderesse pendant que sa fille, les deux orphelins et des amis discutaient à propos de Kizito Mihigo. Les policiers auraient emmené les enfants, et, depuis ce jour, la demanderesse allègue ne plus avoir revu sa fille ni son neveu et sa nièce.

[14]           Le 12 juillet 2016, la demanderesse serait partie chez l’une de ses filles à Kigali et cette dernière l’aurait emmenée à l’hôpital.

[15]           Le 15 septembre 2016, la demanderesse a réussi à obtenir un visa pour les États-Unis afin d’assister à un mariage. Le 6 octobre 2016, la demanderesse est arrivée aux États-Unis, mais ne serait pas allée au prétendu mariage, alléguant être épuisée par le voyage.

[16]           Le 12 octobre 2016, la demanderesse s’est présentée à la frontière canadienne et a demandé l’asile.

III.               Décision

[17]           Compte tenu de l’ensemble de la preuve au dossier, le tribunal n’a pas été d’avis que la demanderesse était recherchée par le gouvernement rwandais. Le tribunal n’a pas cru non plus que les autorités rwandaises aient arrêté la demanderesse à deux reprises. La demanderesse n’a pas inscrit dans son formulaire qu’elle aurait fait l’objet d’une arrestation à deux reprises. Le tribunal a considéré cette omission comme étant importante, car la demanderesse avait allégué avoir une crainte d’être à nouveau arrêtée par les autorités rwandaises, advenant un retour dans son pays. De plus, le tribunal n’a accordé aucun poids aux documents soumis par la demanderesse sur son état de santé mentale pour démontrer la véracité de ses allégations. Le tribunal a plutôt conclu que la demanderesse n’était pas crédible et que ses documents étaient principalement basés sur le témoignage de la demanderesse.

[18]           Ensuite, après avoir soumis un certificat d’appréciation pour son travail lors des élections d’août 2010 et après avoir été questionnée là-dessus, la demanderesse n’aurait pas convaincu le tribunal qu’elle a travaillé au sein du comité électoral dans le cadre du référendum de fin 2015. Également, le tribunal a noté que la demanderesse a eu de la difficulté à répondre à des questions simples et au cœur de la demande d’asile. D’après le tribunal, la demanderesse n’est pas active politiquement et aucune référence n’a été faite à cet effet dans le formulaire de la demanderesse.

[19]           Pour ces motifs, le tribunal a tiré une inférence négative sur la crédibilité de la demanderesse puisque, d’après la décision citée par le tribunal, la demanderesse n’a pas soumis de « preuve raisonnablement accessible et qui contient des éléments d’information importants et pertinents » (Toure c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1388 au para 11). La demande d’asile a donc été rejetée. C’est cette décision qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

IV.              Question en litige

[20]           La Cour soulève la seule question en litige comme suit : la décision de la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse est-elle raisonnable ?

[21]           La Cour considère que la norme de contrôle applicable aux conclusions touchant la crédibilité d’un demandeur d’asile est celle de la décision raisonnable. La SPR est un tribunal spécialisé et est la mieux placée pour apprécier la crédibilité du demandeur d’asile ainsi que la vraisemblance de son récit. Par conséquent, la Cour ne doit pas apprécier la preuve de nouveau, étant donné que les conclusions du tribunal sur la crédibilité commandent une retenue judiciaire considérable (Seenivasan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1410 aux para 14-15; Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1052 au para 13; Saleem c Canada (Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 389 au para 13). Pour apprécier le caractère de la raisonnabilité, la Cour doit donc décider si la décision de la SPR appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47 [Dunsmuir]).

V.                 Dispositions pertinentes

[22]           Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes en l’espèce :

Définition de réfugié

Convention refugee

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

Personne à protéger

Person in need of protection

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Décision sur la demande d’asile

Decision on Claim for Refugee Protection

107 (1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d’asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.

107 (1) The Refugee Protection Division shall accept a claim for refugee protection if it determines that the claimant is a Convention refugee or person in need of protection, and shall otherwise reject the claim.

VI.              Observations des parties

A.                 Prétentions de la demanderesse

[23]           La demanderesse soumet essentiellement que la conclusion de la SPR est déraisonnable. La SPR aurait erré en écartant le témoignage de la demanderesse, étant donné que cette dernière est présumée dire la vérité dans le cadre d’une revendication du statut de réfugié. À titre d’exemple, la SPR aurait dû croire la demanderesse sur sa participation aux élections de 2015 en considérant, comme preuve soumise, le certificat d’appréciation pour son travail lors des élections d’août 2010.

[24]           Quant aux omissions qui ont été soulevées par le tribunal dans le formulaire de Fondement de la demande d’asile [FDA] de la demanderesse, cette dernière explique qu’il n’est pas mentionné dans le formulaire de détailler ou de préciser des points précis à sa demande d’asile. Également, la demanderesse mentionne avoir obtenu l’aide de sa nièce pour remplir son FDA et cette dernière ne pouvait pas bien l’aider à compléter le formulaire d’immigration. La demanderesse indique donc qu’il était déraisonnable pour le tribunal d’accorder une importance au FDA quand celui-ci est entaché d’erreurs et de ratures.

[25]           D’après la demanderesse, il est vrai qu’elle a eu de la difficulté à répondre à des questions lors de l’audience devant la SPR. Toutefois, il importe de savoir que la SPR a tout de même obtenu une réponse claire de la part de la demanderesse. La demanderesse tente de rappeler que son état psychologique pourrait expliquer ses hésitations ou son problème de compréhension. La SPR a donc erré dans sa décision puisqu’elle aurait dû tenir compte du syndrome de stress post-traumatique et préciser dans sa décision en quoi l’état de la demanderesse ne constituait pas une justification valable des incohérences tirées par le témoignage de la demanderesse. La SPR aurait donc erré en concluant que la demanderesse n’était pas crédible en raison de son récit (Belahmar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 812 au para 8).

[26]           Enfin, la SPR aurait aussi erré dans sa décision quant à l’arrestation de la demanderesse. Même si la demanderesse n’avait plus gardé contact avec l’abbé Nahimana depuis
septembre 2015, il n’était pas invraisemblable pour les autorités rwandaises d’arrêter à nouveau la demanderesse le 2 juillet 2016. En effet, d’après la demanderesse, l’abbé Nahimana avait des plans de revenir au Rwanda dans le but de participer aux élections.

B.                 Prétentions du défendeur

[27]           D’abord, le défendeur soumet que la décision de la SPR est raisonnable. Après avoir analysé l’ensemble de la preuve, incluant la preuve médicale au dossier, le tribunal a conclu qu’il y avait des irrégularités sur des éléments centraux de la demande d’asile de la demanderesse. Compte tenu des lacunes importantes dans la preuve soumise par la demanderesse, le tribunal pouvait rejeter la demande d’asile.

[28]           Ensuite, le défendeur rappelle qu’il incombait à la demanderesse de prouver les éléments sur lesquels repose sa demande d’asile et qu’elle ne s’est pas déchargée de son fardeau. Par conséquent, le défendeur prétend que le tribunal pouvait tirer une inférence négative sur la crédibilité de la demanderesse en raison des contradictions et incohérences soulevées entre les documents de la demanderesse au point d’entrée, son témoignage, son FDA et la preuve documentaire soumise au dossier (George c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 535 au para 11; Yakoub c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1188 au para 3).

[29]           Par ailleurs, le tribunal pouvait aussi se fonder sur les omissions au point d’entrée parce qu’elles portaient sur des éléments qui étaient au cœur de la demande d’asile de la demanderesse (Eze c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 601 au para 20). Le défendeur soumet ensuite que la SPR est « en droit d’évaluer la crédibilité d’un demandeur en se fondant sur une seule contradiction, quand la preuve contestée est un aspect important de la demande » (Garay Moscol c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 657 au para 21).

[30]           Également, le défendeur soutient qu’il était justifié pour le tribunal d’exiger des preuves corroborant des éléments essentiels à la demande d’asile de la demanderesse. En effet, l’absence d’une preuve corroborant un élément essentiel d’une demande d’asile peut affecter la crédibilité d’un demandeur si le tribunal a des préoccupations à ce sujet (Ortiz Sosa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 275 au para 19).

[31]           Enfin, contrairement aux soumissions de la demanderesse, le défendeur soutient que la lettre du Dr. War soumise en preuve indiquait que la demanderesse était apte à témoigner. Le tribunal a effectivement considéré la preuve médicale au dossier.

Quant au certificat médical, aucun des participants à l’audience n’a pu lire avec exactitude et certitude ce qu’il y est écrit. De plus, ce certificat fait référence à une visite à l’hôpital le 11 juillet 2016, soit neuf jours après l’agression sexuelle prétendument subie au poste de police le 2 juillet 2016. Le tribunal note également que la demandeure allègue dans son narratif être arrivée à Kigali le
12 juillet 2016, et que c’est le 13 juillet 2016 que sa fille l’a amenée à l’hôpital. Ainsi, la demandeure n’a pas pu être admise à l’hôpital le 11 juillet 2016 et en être sortie le 13 juillet 2016 tel qu’il est inscrit sur ledit certificat. Le tribunal ne peut lui accorder aucune valeur probante.

(Motifs de la décision, au para 30.)

[32]           Le défendeur soumet que, de toute façon, le tribunal pouvait d’abord conclure à l’invraisemblance de l’histoire de la demanderesse avant de considérer la preuve médicale
(R c Abbey, [1982] 2 RCS 24, 1982 CanLII 25 (CSC) à la p 42). Il s’agissait d’une preuve comme toute autre dans le présent dossier et le tribunal pouvait déterminer le poids à accorder à chacune des preuves soumises par la demanderesse (Diaz Serrato c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 176 aux para 21-22 [Diaz Serrato]).

VII.            Analyse

[33]           Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

A.                 La décision de la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse est-elle raisonnable ?

[34]           « Un récit, trempé d’un manque de crédibilité, couche par couche, se fonde dans son propre néant » (Oukacine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1376 au para 1).

[35]           Les conclusions tirées par la SPR font d’ailleurs état des contradictions, incohérences et invraisemblances relativement à la preuve au dossier, au FDA de la demanderesse ainsi qu’à son témoignage, notamment :

-l’absence de preuve corroborant l’allégation selon laquelle la demanderesse a travaillé au sein du comité électoral dans le cadre du référendum de 2015. La demanderesse avait seulement soumis un certificat d’appréciation de son travail pour les élections de 2010 (Motifs de la décision, au para 21) ;

-l’absence de preuve corroborant l’allégation selon laquelle la demanderesse était enseignante au Rwanda jusqu’en juillet 2016 ;

-l’absence de preuve corroborant la relation de la demanderesse avec l’abbé Nahimana et son défaut d’obtenir une confirmation de cette relation (Motifs de la décision, au para 28) ;

-l’invraisemblance dans le récit de la demanderesse qui aurait conservé son mandat au sein du comité électoral, alors que les autorités rwandaises la soupçonnaient sur son opposition au gouvernement du président Kagamé, sur ses liens avec l’abbé Nahimana et sur ses arrestations (Motifs de la décision, au para 23);

-l’invraisemblance dans le récit de la demanderesse qui serait toujours recherchée par les autorités du Rwanda, alors que ces dernières n’aient pas tenté de retrouver la demanderesse chez ses filles à Kigali, ni tenté de rejoindre les membres de sa famille (Motifs de la décision, au para 26) ;

-l’omission de la demanderesse de mentionner au point d’entrée avoir été arrêté à deux reprises par les autorités rwandaises (Motifs de la décision, au para 27) ;

-la contradiction soulevée entre le FDA et le certificat médical au dossier qui « fait référence à une visite à l’hôpital le 11 juillet 2016, soit neuf jours après l’agression sexuelle prétendument subie au poste de police le 2 juillet 2016 » (Motifs de la décision, au para 30) ;

-la difficulté de la demanderesse à répondre à des questions lors de son témoignage qui étaient pourtant simples et portaient sur des éléments importants à sa demande d’asile. Ses réponses auraient pu être claires, nettes et précises, sans possibilité de divergences à l’égard d’une matière très récente et considérée comme étant non négligeable à sa revendication.

Par exemple, « le tribunal a dû répéter quatre fois la question à savoir quel était exactement son rôle au sein dudit comité électoral avant d’avoir une réponse claire » (Motifs de la décision, au para 24).

[36]           La SPR a ensuite tenu compte des explications fournies par la demanderesse quant à ces contradictions, incohérences et invraisemblances. Cependant, elle les a jugées insatisfaisantes. Suite aux explications subséquentes de la demanderesse à son récit et suite à une analyse du dossier dans son ensemble, la Cour est convaincue que le tribunal n’a pas erré en concluant que la demanderesse n’était pas crédible. Les divergences dans le propre récit de la demanderesse ont démontré un manque de logique inhérente à l’histoire de la demanderesse.

[37]           Également, la SPR avait le droit de n’accorder aucune force probante au rapport médical puisqu’il était de toute façon fondé en partie sur les propres allégations de la demanderesse (Diaz Serrato, au para 21). Après avoir considéré la preuve médicale au dossier sur le stress post-traumatique, le tribunal a conclu que la difficulté de la demanderesse à répondre à des questions étant au cœur de sa demande d’asile ne résulte pas d’un problème de mémoire ou d’incompréhension, mais bien d’incohérences (Diaz Serrato, au para 22). Ainsi, les contradictions, incohérences et invraisemblances soulevées dans le témoignage de la demanderesse ne présentaient aucun lien avec le syndrome allégué de la demanderesse (Diaz Serrato, au para 24).

[38]           Enfin, la Cour n’est pas d’avis que la demanderesse s’est déchargée de son fardeau en matière de revendication du statut de réfugié. L’insuffisance de la preuve au dossier ainsi que l’invraisemblance de son propre récit ont mené le tribunal à conclure que la demanderesse n’était pas crédible. La Cour rappelle que « [l]a Commission est un tribunal indépendant, à qui il revient d’apprécier et de décider de la crédibilité de la preuve présentée. La juridiction de la Commission comme tribunal spécialisé de première instance doit être respectée sauf si la Commission outrepasse ses fonctions d’une façon arbitraire, malicieuse ou sans logique inhérente, ce qui n’est pas le cas en l’espèce » (Oukacine, au para 36).

[39]           Par conséquent, la Cour est convaincue que la décision de la SPR est raisonnable et elle appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, ci-dessus, au para 47).

VIII.         Conclusion

[40]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

OBITER

Suite au dévoilement du récit avec plusieurs failles de crédibilité, cela reste aux autorités pertinentes de plutôt revoir le cas à l’intérieur de considérations humanitaires en temps et lieu, si l’occasion s’y trouve propice.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1811-17

 

INTITULÉ :

SERAPHINE KANZIGA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 2 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 8 novembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Luciano Mascaro

 

Pour la partie demanderesse

 

Yaël Levy

 

Pour la partie défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Arpin, Mascaro & Associés

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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