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Date : 20171101


Dossier : IMM-376-17

Référence : 2017 CF 976

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er novembre 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

JOZSEF ZSOLT VIDAK

ROBERT GYORGY VIDAK

AGNES RENATA VIDAK

JAZMIN DZESSZI VIDAK

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs, des enfants âgés de 14, 13, 9 et 8 ans, sont originaires de la Hongrie et d’origine ethnique rome. Ils vivent au Canada depuis 2009. L’agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) a conclu qu’ils ne seraient exposés à aucun risque si la mesure de renvoi en Hongrie prononcée par la Section de la protection des réfugiés (SPR) quatre ans auparavant était exécutée. Pour les motifs qui suivent et parce que l’agent n’a pas procédé à une analyse raisonnable de la protection de l’État, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

I.  Résumé des faits

[2]  Les demandeurs sont arrivés au Canada avec leur mère en novembre 2009 et ont présenté une demande d’asile fondée sur le traitement discriminatoire subi à l’école et dans le système de santé. En juin 2012, la Section de la protection des réfugiés a rejeté les demandes d’asile des demandeurs et de leur mère en raison de ses doutes quant à leur crédibilité. La mère a été renvoyée du Canada en juillet 2013. Depuis, c’est la grand-mère qui s’occupe des enfants.

II.  Décision de l’agent chargé de l’ERAR

[3]  Le 25 novembre 2016, l’agent chargé de l’ERAR a rejeté la demande des demandeurs au motif que les faits invoqués étaient les mêmes que ceux qui avaient été invoqués à l’appui de la demande rejetée par la Section de la protection des réfugiés.

[4]  Après une analyse de la situation en Hongrie, l’agent a conclu que les Roms y étaient certes victimes de discrimination dans tous les aspects de la vie, mais que l’État avait instauré différents programmes pour améliorer leurs conditions de vie.

[5]  L’agent a estimé que les demandeurs n’avaient pas réussi à réfuter les conclusions de la Section de la protection des réfugiés relativement à la protection que l’État pouvait leur offrir, et il a conclu que la situation n’avait pas vraiment changée en Hongrie.

III.  Question en litige

[6]  Même si les demandeurs soulèvent différentes questions, la protection de l’État est déterminante dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire en l’espèce.

IV.  Norme de contrôle

[7]  La décision de l’agent est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Cependant, la norme de contrôle correcte s’applique si la détermination porte sur le critère approprié à appliquer dans une analyse de la protection de l’État (G.S. c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 599, au paragraphe 11).

V.  Discussion

[8]  Le critère relatif à la protection de l’État est celui du caractère suffisant des efforts déployés pour assurer une protection concrète (Meza Varela c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1364, au paragraphe 16; Orgona c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1438, aux paragraphes 11 et 12). Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas appliqué le bon critère dans son analyse de la protection de l’État puisqu’il s’est borné à souligner les bons efforts de la Hongrie plutôt que de se concentrer sur leur efficacité concrète.

[9]  Je ne peux pas me prononcer sur le choix d’un critère approprié pour évaluer la protection de l’État, mais je constate que l’agent a fait une interprétation déraisonnable des éléments de preuve produits à cet égard, et c’est ce qui prime.

[10]  L’agent a affirmé qu’aucun élément de preuve n’indiquait un changement radical de la protection offerte par l’État entre le moment où la Section de la protection des réfugiés a rendu sa décision et l’examen de la demande d’ERAR. La Section de la protection des réfugiés était parvenue à la conclusion qu’il incombait à la police de répondre des actes discriminatoires commis à l’encontre des Roms. L’agent a estimé que la situation n’avait pas réellement changé en Hongrie et que, par conséquent, les conclusions de la Section de la protection des réfugiés sur la protection de l’État tenaient encore.

[11]  Dans leur demande, les demandeurs font valoir que les éléments de preuve soumis à l’agent montrent que la protection de l’État n’est pas adéquate. Il est reproché à l’agent de ne pas avoir accordé tout le poids voulu à ces éléments de preuve, et notamment à ceux qui concernent les changements survenus en Hongrie depuis l’analyse de la protection de l’État par la Section de la protection des réfugiés et la nature des risques à évaluer. La Section de la protection des réfugiés a évalué les risques au regard des demandes combinées de la mère et des enfants. Or, l’agent devait analyser la protection que l’État pouvait offrir aux quatre enfants seulement, une question qui ne soulevait pas forcément les mêmes considérations. Il était donc déraisonnable de la part de l’agent de tenir pour acquis que l’analyse qu’avait faite la Section de la protection des réfugiés de la protection de l’État s’appliquait à des demandeurs d’âge mineur.

[12]  À l’inverse des demandeurs, je ne suis pas d’avis que l’obligation d’un agent est plus exigeante quand il apprécie les facteurs de risque pour des enfants. Cela dit, l’analyse de la Section de la protection des réfugiés remontait à quatre ans et la mère des enfants n’était plus partie à la demande, des circonstances particulières qui commandaient à l’agent de faire sa propre appréciation de l’ensemble des circonstances plutôt que de s’en remettre à l’analyse de la Section de la protection des réfugiés.

[13]  Notre Cour a tranché que certaines voies de recours sont insuffisantes en Hongrie (Katinszki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1326, aux paragraphes 14 à 18). Compte tenu de cette conclusion et de l’évolution de la situation en Hongrie, l’agent aurait dû faire sa propre analyse de la protection offerte par l’État en gardant à l’esprit le fait particulier que les demandeurs sont d’âge mineur.

[14]  Au vu des circonstances, l’analyse qu’a faite l’agent de la protection de l’État n’était pas raisonnable. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-376-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’agent est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen.
  2. Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et aucune n’est soulevée en l’espèce.
  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-376-17

INTITULÉ :

JOZSEF ZSOLT VIDAK ET AL. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 septembre 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

Le 1er novembre 2017

COMPARUTIONS :

John Grice

Pour les demandeurs

Nicole Rahaman

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David & Grice

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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