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Date : 20170405


Dossier : IMM-3737-16

Référence : 2017 CF 344

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 5 avril 2017

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

SUSIYANTHAN RASALINGAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Rendus oralement à l’audience à Toronto (Ontario), le 4 avril 2017)

I.  Instance

[1]  Le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 19 juillet 2016 (la décision), rejetant sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). La présente demande est présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

II.  Résumé des faits

[2]  Le demandeur est un Tamoul de 34 ans du nord du Sri Lanka. Il dit qu’il s’est rendu à Vavuniya pour rendre visite à sa famille après avoir terminé ses examens en 2006. Après sa visite, il n’a pas été en mesure de rentrer chez lui, car le gouvernement avait fermé l’autoroute en raison d’affrontements avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET).

[3]  Le demandeur affirme qu’après la fin de la guerre en mai 2009, des personnes ont été détenues dans des camps à Vavuniya. Deux personnes du village du demandeur ont quitté un camp et ont habité brièvement avec lui. La police s’est rendue chez lui et des militants progouvernementaux ont commencé à le menacer. Le cousin du demandeur s’est également enfui du camp. Les autorités se sont rendues à son domicile à trois reprises et l’ont accusé d’aider des membres des TLET à fuir le Sri Lanka. Cependant, il n’a jamais été arrêté ou détenu.

[4]  Le demandeur a fui vers la Thaïlande, puis est parti pour le Canada à bord du MV Sun Sea avec l’aide d’un passeur. Le demandeur a présenté une demande d’asile à son arrivée au Canada le 13 août 2010. Entre autres observations, le demandeur a fait valoir que son profil en tant que passager du Sun Sea justifiait une demande d’asile sur place. La Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté sa demande le 25 juillet 2013, en raison d’un manque de crédibilité et de l’absence d’une crainte objective et fondée. La Cour a rejeté une demande d’autorisation de soumettre la décision de la Section de la protection des réfugiés à un contrôle judiciaire.

[5]  La Section de la protection des réfugiés est arrivée à la conclusion que le demandeur était incohérent concernant le moment et la fréquence des visites des autorités à la résidence de son oncle à la recherche de son cousin, et quant à la façon dont ce dernier s’était enfui du camp. Le demandeur a indiqué à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) qu’il avait été agressé par le Service des enquêtes criminelles (Criminal Investigation Department – CID) du Sri Lanka, mais n’a pas inclus ce renseignement dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP). Ses explications portant sur la façon dont les autorités ont été informées qu’il avait quitté le Sri Lanka variaient. La Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur n’était [traduction] « pas crédible quant aux éléments clés et essentiels de sa demande d’asile » et n’a accordé aucune valeur probante à ses allégations de poursuite et de persécution par les autorités à son retour.

[6]  La Section de la protection des réfugiés a également examiné et rejeté la demande d’asile sur place du demandeur, concluant que le voyage sur le MV Sun Sea ne suffisait pas à établir une affiliation imputée avec les TLET. La Section de la protection des réfugiés a également tiré la conclusion suivante, au paragraphe 46 de la décision : [traduction] « […] rien n’indique qu’il a été membre ou partisan d’une quelconque organisation pro‑TLET pendant son séjour au Canada. Le tribunal estime qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour donner à penser que, depuis qu’il a fui le Sri Lanka, hormis sa présence sur le MV Sun Sea, le gouvernement sri lankais aurait des motifs de croire qu’il est un membre ou un sympathisant des TLET ».

III.  La décision quant à l’ERAR

[7]  L’agent qui a rendu la décision (l’agent) a examiné les nouveaux éléments de preuve, qui comprenaient une lettre du père du demandeur datée du 10 mai 2014 (la lettre du père). Elle se lisait en partie comme suit :

[traduction] Le 7 mai 2014, le service des renseignements de l’armée s’est présenté à notre domicile accompagné de personnes parlant le tamoul et a fouillé notre maison. Ils ont demandé des détails sur notre famille. Soupçonnant que la diaspora tamoule tentait de ramener les TLET, ils ont mentionné ton nom et ils ont posé des questions à propos de toi et de tes activités politiques au Canada. Ils ont accusé la diaspora tamoule d’être responsable des activités récentes des TLET et affirmé que tu avais participé aux activités des TLET là-bas. Ils ont également accusé que tu avais aidé les TLET quand tu étais au Sri Lanka et que tu étais parti au Canada à bord d’un navire, et que tous ces éléments prouvent que tu es membre des TLET, et ils s’inquiétaient des activités politiques menées contre le Sri Lanka dans des pays étrangers.

(Les erreurs sont issues de la traduction originale)

[8]  L’agent a déclaré ce qui suit à propos de la lettre du père :

[traduction] J’estime que la lettre du père constitue un nouvel élément de preuve qui n’est pas suffisamment corroborant, car le père du demandeur est une source très proche du demandeur. Par conséquent, il est plus probable que le contraire, qu’il ait un intérêt à l’égard du résultat de cette évaluation, et il manque donc d’objectivité et d’indépendance. En outre, on a jugé que le demandeur n’était pas crédible dans sa demande d’asile. Pour ces motifs, j’accorde peu de poids à la lettre du père du demandeur.

IV.  Discussion et conclusion

[9]  À mon avis, le traitement de la lettre du père par l’agent comporte deux problèmes. D’abord, on lui a accordé [traduction] « peu de poids », car elle manquait [traduction] « d’objectivité et d’indépendance ». Ce traitement était déraisonnable, car il est peu probable que quiconque hormis un membre de la famille du demandeur ait pu présenter un témoignage concernant la fouille de leur domicile effectuée par l’armée. Ensuite, l’agent semble avoir fait fi du fait que la lettre du père allègue un nouveau risque pour le demandeur en tant que membre de la diaspora tamoule au Canada. D’après la lettre du père, l’armée du Sri Lanka perçoit les Tamouls au Canada comme les responsables des activités récentes de résurgence des TLET au Sri Lanka.

V.  Question à certifier

[10]  Aucune question n’a été posée aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR accueille la présente demande. La décision est annulée et la demande d’ERAR doit être réexaminée par un autre agent. Le réexamen doit porter uniquement sur le risque futur allégué pour le demandeur, en tant que membre de la diaspora tamoule au Canada. Les parties peuvent présenter d’autres éléments de preuve sur cette question, si elles le jugent à propos.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dossier :

IMM-3737-16

 

INTITULÉ :

SUSIYANTHAN RASALINGAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 4 avril 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

Le 5 avril 2017

COMPARUTIONS :

Robert I. Blanshay 

Pour le demandeur

Suranjana Bhattacharyya

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert I. Blanshay

Avocats

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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