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Date : 20171012


Dossier : IMM-1839-17

Référence : 2017 CF 902

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

JASKARANBEER SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, Jaskaranbeer Singh (le demandeur), sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de l’agent d’immigration (l’agent) qui a rejeté sa demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) prévue par l’article 112 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

II.  Résumé des faits

[2]  Le demandeur est un homme de 23 ans originaire de Dhandowal, en Inde, dans l’état du Punjab. Il est arrivé au Canada en 2013.

[3]  Le demandeur affirme qu’il est exposé à un danger s’il retourne en Inde parce qu’il est la cible de Kulwant Singh, le cousin de son père, un citoyen puissant et ayant des liens politiques, résidant dans la région du Punjab. Kulwant Singh serait en grande partie responsable de l’arrestation du demandeur, des tortures qu’il a subies aux mains de la police, de la détention de son frère et des meurtres de son père et de son demi-frère. Kulwant Singh serait apparemment motivé par de sérieux désaccords politiques avec son père. Il est affilié au parti au pouvoir Akali Dal Badal, tandis que son père était membre du parti minoritaire Congress Party. Il serait également motivé par son désir de s’approprier les biens immobiliers que possède la famille du demandeur.

[4]  Le demandeur n’a lui-même aucune affiliation politique et n’est pas actif sur le plan politique. Toutefois, le 16 octobre 2012, des policiers se sont présentés à son domicile à la recherche de son père pour l’arrêter. En apprenant que son père n’était pas à la maison, la police a procédé à l’arrestation du demandeur au lieu de son père, l’accusant de [traduction« collaborer avec des militants ». Le demandeur a été détenu pendant deux jours et affirme avoir été torturé par la police pendant sa détention. Le demandeur croit que la police a agi sous l’influence de Kulwant Singh.

[5]  En novembre 2012, le demandeur a fui à New Delhi avec son père. Ils y ont vécu sans incident jusqu’en avril 2013, moment où le demandeur est parti pour les États-Unis, puis s’est présenté au Canada pour demander l’asile. Le demandeur a soutenu que s’il retournait en Inde, il serait arrêté parce que la police n’a pas été en mesure d’arrêter son père qui a été accusé d’aider les militants. Il a également déclaré également qu’il était exposé à une menace de la part de Kulwant Singh.

[6]  La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile du demandeur, concluant à l’insuffisance des éléments de preuve selon lesquels le père du demandeur était persécuté du fait de ses croyances politiques. La Section de la protection des réfugiés a également indiqué que le demandeur s’était rendu aux États-Unis avant d’arriver au Canada, et qu’il a attendu deux mois avant de présenter une demande d’asile, ce qui indiquait une absence de crainte. Enfin, la Section de la protection des réfugiés a conclu qu’il existait une possibilité de refuge intérieur à New Delhi; le demandeur n’ayant pas établi que son profil justifiait qu’il soit poursuivi par la police partout en Inde.

[7]  La Section d’appel des réfugiés a autorisé l’appel du demandeur, mais ce dernier n’a pas eu gain de cause dans le réexamen effectué par la Section de la protection des réfugiés. Cette fois, la Section de la protection des réfugiés s’est penchée sur le fait que le demandeur n’a pas expliqué pourquoi Kulwant Singh ou la police irait aussi loin que de le tuer, simplement parce qu’ils n’arrivaient pas à trouver son père, de même que sur les contradictions relevées dans la chronologie des événements établie par le demandeur. La Section de la protection des réfugiés a de nouveau conclu à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur à New Delhi. La Section de la protection des réfugiés n’a pas cru que la police du Punjab rechercherait le demandeur à New Delhi, puisqu’il n’avait aucune affiliation politique et que le parti de Kulwant Singh est un parti politique local de l’état du Punjab qui n’a aucune influence de portée nationale. La Section d’appel des réfugiés a confirmé cette décision. Le demandeur a contesté cette décision devant la Cour fédérale, mais l’autorisation a été refusée.

[8]  Le 11 novembre 2016, le frère du demandeur a été détenu par la police. Le demandeur croit que cette détention a été commandée par Kulwant Singh.

[9]  Le 3 décembre 2016, le père et le demi-frère du demandeur ont été tués dans un incident de la route au Punjab. Le demandeur croit que son père a été attiré au Punjab afin de faire relâcher son frère détenu par la police, et qu’il a ensuite été frappé intentionnellement par un véhicule alors qu’il marchait le long de la route en compagnie de son demi-frère. Le demandeur croit de plus que les policiers dissimulent activement les détails de ce meurtre et qu’ils ont enregistré ces décès comme découlant d’un accident d’automobile. Le demandeur croit que Kulwant Singh est l’ultime responsable.

[10]  Le demandeur a fourni les détails de sa situation et a présenté plusieurs documents devant être examinés par l’agent, y compris :

  • Une traduction du premier rapport d’information de la police indienne qui documente l’altercation du frère du demandeur avec la police, en novembre 2016.
  • Les certificats de décès et les rapports d’autopsie du père et du demi-frère du demandeur.
  • Un affidavit de la police indienne obtenu par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) dans lequel il est déclaré que les décès du père et du demi-frère du demandeur se sont produits lorsque la voiture que conduisait son père a frappé accidentellement un arbre; cet affidavit est corroboré par le frère du demandeur, témoin de l’accident. Le demandeur affirme que ces documents constituent un élément de preuve d’une dissimulation, parce que son frère était détenu par la police à ce moment-là.
  • Un rapport rédigé par le Dr Michael Shkrum, un médecin légiste canadien. Le Dr Shkrum a examiné les rapports d’autopsie du père et du demi-frère du demandeur. Le rapport du Dr Shkrum met en doute l’exactitude du récit de la police et soulève la possibilité que les victimes aient pu être à pied lorsqu’elles ont été frappées par une voiture ou un camion.
  • Des éléments de preuve documentaire au sujet de la situation en Inde, notamment en ce qui concerne la corruption policière.
  • Un affidavit d’un avocat indien spécialisé dans la défense des droits de la personne, Navkiran Singh, qui décrit en détail le comportement de la police envers les rapatriés qu’elle souhaite trouver, détenir et torturer.

[11]  Le demandeur a également présenté plusieurs documents qui avaient déjà été présentés et examinés par la Section de la protection des réfugiés dont, par conséquent, l’agent n’a pas explicitement tenu compte. Ces documents renferment un billet d’un médecin en Inde, daté du 4 octobre 2013, qui décrit en détail les blessures subies par le demandeur pendant sa détention par la police.

[12]  L’agent a initialement rendu sa décision à ce sujet le 2 mars 2017. La décision ne faisait pas référence aux autres documents que le demandeur avait déposés à la fin de février et, par conséquent, un addenda à la décision a été déposé le 10 mai 2017. Le demandeur n’était pas au courant de l’addenda au moment de rédiger son premier mémoire de demande d’autorisation et sa demande de contrôle judiciaire initiale. Lorsqu’il en a pris connaissance, l’avocat du demandeur a présenté une requête visant à déposer un mémoire complémentaire, sur consentement des parties, requête qui a été accordée par la protonotaire Milczynski le 22 août 2017.

[13]  Les allégations que le demandeur a formulées à l’agent étaient essentiellement les mêmes que celles qui avaient été soulevées devant la Section de la protection des réfugiés, soit qu’il serait ciblé par la police et Kulwant Singh advenant un retour en Inde. Il a déclaré que son père et son frère avaient été assassinés et que s’il devait retourner en Inde, ce serait [traduction] « à son tour ».

[14]  L’agent a conclu que les éléments de preuve présentés n’avaient pas étayé les prétentions du demandeur voulant que son père et son demi-frère aient été assassinés. Bien que l’agent ait reconnu que les deux personnes étaient décédées, il a indiqué que les certificats de décès ne mentionnaient pas la cause du décès. L’agent a tenu compte du rapport du Dr Shkrum et des conclusions de ce rapport, mais il a également pris note de ses limites intrinsèques; le rapport lui-même reconnaît qu’il ne reposait que sur les rapports d’autopsie en Inde, dont certains passages étaient indéchiffrables et qui ne contenait aucune photo. De surcroît, l’agent a estimé que, même si le père et le demi-frère du demandeur avaient été frappés par un véhicule alors qu’ils marchaient, cela n’établissait pas qu’ils avaient été assassinés. L’agent a également noté que l’affidavit de l’officier de police indien qui avait été obtenu par l’ASFC mentionnait que la cause du décès était accidentelle et que le frère du demandeur était un témoin.

[15]  L’agent a de la même façon conclu que le demandeur n’avait pas établi que son frère était détenu au moment du décès de son père et de son demi-frère, et qu’il ne pouvait donc pas être un témoin. Tout d’abord, le demandeur n’a fourni qu’une copie traduite du premier rapport d’information, et non l’original. Le demandeur n’a pas expliqué la façon dont il avait obtenu ce document. Ensuite, le premier rapport d’information est daté du 14 novembre 2016 et décrit une altercation entre le frère du demandeur et la police. Il n’indique pas la durée de la détention du demandeur ni qu’il continuerait d’être détenu jusqu’au moment de l’incident du 3 décembre 2016.

[16]  Enfin, l’agent a examiné la documentation relative à la situation en Inde et a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à réfuter la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il n’avait pas le profil d’une personne présentant un intérêt pour les autorités indiennes ou qu’une vérification des antécédents à New Delhi révélerait qu’il était recherché par la police du Punjab. Par conséquent, le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur à New Delhi. Bien qu’il ait pris en compte les éléments de preuve documentaire concernant les violations des droits humains commises par la police indienne, l’agent a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il courait personnellement un risque.

[17]  L’agent a rejeté la demande du demandeur en concluant qu’il n’avait pas établi l’existence d’un risque personnel et objectivement identifiable ou l’absence d’une possibilité de refuge intérieur. L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas établi plus qu’une simple possibilité qu’il serait soumis à de la persécution au regard de l’article 96 de la LIPR ni qu’il serait soumis à la torture, à une menace à sa vie et au risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l’article 97 s’il retournait en Inde.

III.  Questions en litige

[18]  Les questions en litige sont les suivantes :

  1. L’examen des éléments de preuve par l’agent était-il déraisonnable?
  2. L’agent a-t-il procédé à une analyse sélective de la documentation et fait abstraction des éléments de preuve contradictoires pour conclure que le demandeur bénéficiait d’une protection de l’État et d’une possibilité de refuge intérieur?

IV.  Norme de contrôle

[19]  La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

V.  Discussion

A.  L’examen des éléments de preuve par l’agent était-il déraisonnable?

[20]  Le demandeur soutient que l’agent a fait abstraction de certains éléments de preuve et qu’il n’a pas porté suffisamment attention aux autres éléments de preuve, rendant ainsi la décision déraisonnable.

1)  Rapport du Dr Shkrum

[21]  Selon le demandeur, malgré le fait d’en avoir reconnu l’existence, l’agent a fait fi du contenu actuel du rapport du Dr Shkrum, et il est bien établi en droit que le simple fait de « dresser la liste des éléments de preuve » n’indique pas qu’on en a tenu compte. Au lieu d’examiner adéquatement le contenu du rapport, le demandeur soutient que l’agent a simplement répété les limites que le Dr Shkrum avait lui-même établies (qu’il n’y avait pas de photos et que certaines parties des rapports d’autopsie étaient illisibles). Le demandeur soutient que, si l’agent avait adéquatement tenu compte du rapport, il aurait compris que le compte rendu de la police selon lequel les personnes décédées avaient été tuées lorsque leur propre véhicule était entré en collision avec un arbre était [traduction] « matériellement impossible », étant donné les blessures subies. Selon le demandeur, le rapport du Dr Shkrum confirme qu’ils avaient été frappés par un véhicule alors qu’ils marchaient.

[22]  Je suis d’avis que l’agent a raisonnablement traité le rapport. Contrairement à l’argument du demandeur, l’agent a fait beaucoup plus que simplement « dressé la liste » des éléments de preuve. L’agent a tenu compte du contenu du rapport, y compris les limites admises par l’auteur et les autres éléments de preuve, et il n’a pas été convaincu que le père et le demi-frère du demandeur avaient été tués par un véhicule.

[23]  Lorsque la substance du rapport est examinée dans le contexte, il est évident que l’agent l’a raisonnablement traité. L’argument du demandeur consiste à demander à la Cour de réévaluer ces éléments de preuve, ce qui n’est pas son rôle.

2)  Affidavit de la police indienne et détention du frère du demandeur

[24]  Le demandeur soutient également qu’il était déraisonnable pour l’agent de faire abstraction du manque de fiabilité de l’affidavit produit par la police indienne, dans lequel il est déclaré que le frère du demandeur avait été témoin de la mort de son père et de son demi-frère. Le demandeur ajoute que son frère était détenu par la police à ce moment-là et que l’affidavit de la police établit clairement qu’elle cherchait à étouffer l’affaire. Selon le demandeur, le fait que la police fasse tant d’efforts pour cacher les circonstances du meurtre de son père met en évidence le risque auquel il est exposé s’il devait retourner en Inde.

[25]  L’agent a tenu compte de l’argument du demandeur ainsi que du premier rapport d’information du 14 novembre 2016 relatant une altercation entre la police et son frère en novembre, mais il a conclu que le demandeur n’avait pas démontré que son frère était détenu au moment de la mort de son père, le 3 décembre 2016. Le demandeur soutient que cela était déraisonnable parce qu’il était détenu par les autorités d’immigration au moment du dépôt de la demande d’ERAR, et qu’il ne faudrait donc pas s’attendre à obtenir de nombreux éléments de preuve sur la détention de son frère. Le demandeur affirme également qu’il est plausible que son frère ait été détenu le 3 décembre 2016, puisqu’il l’était en novembre 2016.

[26]  Il n’était pas déraisonnable pour l’agent de tenir compte de l’affidavit de la police indienne ou d’écarter l’argument du demandeur selon lequel il s’agissait d’une tentative, par la police, d’étouffer l’affaire, ce qui est, dans le meilleur des cas, de nature conjecturale. De plus, il n’était pas déraisonnable que l’agent précise que le demandeur n’avait pas pu démontrer que son frère était en détention au moment de la mort de son père. Le premier rapport d’information du 14 novembre 2016 ne donne aucune indication sur la durée possible de détention.

[27]  Il incombe au demandeur de démontrer le bien-fondé de sa demande et de fournir suffisamment d’éléments de preuve à son appui (Shire c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 795, au paragraphe 47).

3)  Billet du médecin en date du 4 octobre 2013

[28]  Le demandeur soutient également que l’agent a commis une erreur en faisant abstraction de la torture qu’il a subie pendant sa détention par la police, comme l’a corroboré le billet du médecin en date du 4 octobre 2012. Tout en reconnaissance que l’agent a fait abstraction du rapport parce qu’il faisait partie des éléments dont la Section de la protection des réfugiés disposait, le demandeur insiste pour dire que c’était une erreur, parce ce que le rapport se fonde sur une tendance [traduction] « chez la police à commettre des gestes ignobles » à son endroit, de même que les éléments de preuve relatifs à la [traduction] « tentative d’étouffer l’affaire ». Le demandeur est d’avis que la Cour devrait examiner ces questions dans le cadre d’une continuité, questions qui auraient dû être évaluées parallèlement aux nouveaux éléments de preuve (Aladenika c Canada (Citoyenneté et Immigration)), 2017 CF 565, au paragraphe 18).

[29]  L’alinéa 113a) de la LIPR dispose que « le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet […] » (non souligné dans l’original). L’élément de preuve concernant la torture qu’a subie le demandeur aux mains des policiers n’était pas nouveau et ne s’est pas présenté après son rejet par la Section de la protection des réfugiés. De plus, je ne vois pas de lien suffisant entre les événements antérieurs et les risques auxquels le demandeur dit faire face pour pouvoir établir un tel continuum.

[30]  La Section de la protection des réfugiés avait des doutes quant à la crédibilité du demandeur en général, et bien qu’elle ne semble pas avoir particulièrement examiné le billet du médecin, elle a conclu que le demandeur exagérait l’étendue de ses altercations avec la police. En outre, l’agent n’a pas retenu l’affirmation purement spéculative du demandeur selon laquelle la police [traduction] « tentait d’étouffer l’affaire » du meurtre de son père et de son demi-frère, ce qui était une conclusion raisonnable et, par conséquent, il n’y avait aucun continuum de persécution que l’agent aurait dû prendre en compte.

B.  L’agent a-t-il procédé à une analyse sélective de la documentation et fait abstraction des éléments de preuve contradictoires pour conclure que le demandeur bénéficiait d’une protection de l’État et d’une possibilité de refuge intérieur?

[31]  Le demandeur soutient que l’examen des risques avant renvoi a présenté des conclusions contradictoires sur l’existence d’une possibilité de refuge intérieur : d’un côté, en concluant que le demandeur n’avait pas le profil d’une personne présentant un intérêt pour les autorités indiennes en général, tout en concluant également que [traduction] « le fait de procéder à des vérifications de routine permettrait inévitablement aux autorités du Punjab de retrouver le demandeur. »

[32]  Le demandeur affirme également que la conclusion de l’agent concernant la possibilité de refuge intérieur était, de façon générale, déraisonnable. Il soutient que l’affidavit de Navkiran Singh, un avocat indien spécialisé dans la défense des droits de la personne, de même que les rapports sur la situation dans le pays établissent clairement que le demandeur serait sans doute repéré, détenu et torturé par les autorités où qu’il se trouve en Inde.

[33]  Le défendeur conteste le fait que l’affidavit de Navkiran Singh, qui a été préparé dans le cadre de la demande d’une autre personne, porte sur la façon dont la police traite les activistes bien connus. Par conséquent, l’affidavit n’est d’aucun secours pour le demandeur qui n’a aucun antécédent en matière d’activités politiques ou d’activisme. Le défendeur réitère également les conclusions de la Section de la protection des réfugiés : le parti politique de Kulwant Singh est un parti local au Punjab et n’a aucune influence importante de portée nationale, le demandeur ne fait l’objet d’aucun mandat d’arrestation et aucune accusation n’a été portée contre lui, enfin, il n’a eu aucun problème à quitter l’Inde, même si ses empreintes digitales ont fait l’objet d’une vérification à l’aéroport avant son départ. Finalement, le défendeur souligne qu’un des éléments de preuve documentaire, une réponse de la CISR à une demande d’information concernant la prévalence des vérifications des antécédents en Inde, est antérieur au rejet de sa demande d’asile et de l’appel, et n’est donc pas pertinent pour l’ERAR.

[34]  L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour réfuter la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il n’avait pas le profil d’une personne présentant un intérêt pour les autorités indiennes ou qu’une vérification des antécédents révélerait qu’il est recherché par la police du Punjab. Selon moi, cette conclusion est raisonnable.

[35]  Les éléments de preuve objectifs présentés par le demandeur indiquent aux mieux qu’il pourrait être retrouvé par les autorités dans le cadre d’une vérification des antécédents aux fins de l’obtention d’un logement ou d’un emploi, s’il était [traduction] « une personne présentant un intérêt » ou « une personne recherchée ». Toutefois, le demandeur a vécu à New Delhi sans incident de novembre 2012 à avril 2013, il n’a aucun antécédent d’activisme politique ou de militantisme en faveur des droits de la personne, il ne fait l’objet d’aucun mandat d’arrestation et aucune accusation n’a été portée contre lui et le parti politique de Kulwant Singh n’a aucune influence de portée nationale. Il a également pu quitter New Delhi sans incident, même après s’être soumis au balayage de ses empreintes digitales.

[36]  En outre, l’argument du demandeur selon lequel il serait en danger à New Delhi repose sur la prémisse que la police du Punjab est à sa recherche ou qu’elle serait à sa recherche s’il était repéré à New Delhi. Le seul élément de preuve nouveau que le demandeur a présenté pour étayer cette prémisse est son allégation concernant la tentative d’étouffer le meurtre de son père et de son demi-frère, une allégation qui a raisonnablement été rejetée par l’agent. La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’avait pas réussi à réfuter la conclusion de la Section de la protection des réfugiés à ce sujet était raisonnable.

[37]  Le demandeur soutient également que la conclusion de l’agent portant sur la possibilité d’obtenir la protection de l’État était déraisonnable parce qu’elle exige une lecture sélective des éléments de preuve documentaire qui mettent l’accent sur les [traduction] « bonnes nouvelles » concernant l’Inde, et fait abstraction de la violence policière et du non-respect des lois, y compris l’élément portant sur la [traduction] « tentative d’étouffer » les meurtres.

[38]  L’agent n’a pas refusé de tenir compte des éléments de preuve défavorables sur l’Inde, contenus dans le rapport du Département d’État des États-Unis. Les citations dans la décision sont tirées de sommaire du rapport du Département d’État des États-Unis, y compris :

[traduction] « Le problème le plus important en matière de droits de la personne concerne les abus des forces de sécurité, y compris les exécutions extrajudiciaires, la torture et le viol. La corruption demeure largement répandue et contribue aux réactions inefficaces à la criminalité […]

D’autres problèmes en matière de droits de la personne comprennent les disparitions, les conditions de détention dangereuses, les arrestations et les détentions arbitraires […] »

[39]  L’agent poursuit en admettant que l’Inde est aux prises avec [traduction] « des violations des droits de la personne rapportées quant à l’utilisation excessive de la force par les forces de sécurité, des lacunes dans l’application régulière de la loi et la répression des libertés civiles. »

[40]  L’agent a raisonnablement conclu que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment de [traduction] « documents personnels qui démontrent qu’il est personnellement à risque », même en tenant compte des problèmes généralisés d’inconduite policière en Inde. Les [traduction] « éléments de preuve personnels » présentés par le demandeur pour démontrer qu’il était à risque comprenaient l’affidavit de l’avocat spécialisé en droits de la personne, qui n’abordait pas directement la situation personnelle du demandeur ainsi que l’ensemble des éléments de preuve concernant la tentative de la police d’étouffer l’affaire, qui n’ont pas été retenus. Je suis d’avis que la décision de l’agent sur cette question était également raisonnable.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1839-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est soumise pour être certifiée.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1839-17

 

INTITULÉ :

JASKARANBEER SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 3 OCTOBRE 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 12 OCTOBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Warda Shazadi Meighen

POUR LE DEMANDEUR

Bradley Gotkin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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