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Date : 20170929


Dossier : T-581-17

Référence : 2017 CF 869

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 septembre 2017

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

ADRIAN STRAWBERRY

demandeur

et

PREMIÈRE NATION O’CHIESE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                    Aperçu

[1]               Adrian Strawberry demande le contrôle judiciaire d’une décision du Comité d’appel électoral de la Première nation O’Chiese [le Comité d’appel]. Le Comité d’appel s’est déclaré incompétent à entendre l’appel de M. Strawberry sur l’élection de Darren Whitford comme chef de la Première nation O’Chiese. Il a estimé que M. Strawberry n’était pas candidat à l’élection et a rejeté son appel en fonction de ce seul motif.

[2]               La demande de contrôle judiciaire doit être accordée. Le Comité d’appel a omis d’évaluer si le statut de M. Strawberry, qui était un candidat confirmé à la suite de l’assemblée de mise en candidature, était suffisant pour lui permettre d’interjeter appel du résultat de l’élection. Le Comité d’appel a également omis d’évaluer s’il devait entendre l’appel de M. Strawberry même si ce dernier n’était pas candidat. Sa décision de ne pas entendre l’appel de M. Strawberry au motif d’incompétence était par conséquent déraisonnable.

II.                 Contexte

[3]               La Première nation O’Chiese possède un code électoral coutumier. Ses élections sont régies par la O’Chiese First Nation Election Act [la Loi électorale], le O’Chiese First Nation Election Regulations [Règlement électoral] et le O’Chiese First Nation Appeal Regulation [Règlement d’appel].

[4]               L’article 12.1 de la Loi électorale régit l’admissibilité des personnes à se présenter aux postes de chef ou de conseillers de la Première nation O’Chiese :

[traduction]

12.1 Pour être admissible à se présenter au poste de Chef ou de conseiller, une personne doit :

a)     être membre de la Première nation O’Chiese en vertu de la Loi sur l’appartenance à la Première nation O’Chiese;

b)    être âgée d’au moins 18 ans le jour de la tenue de l’assemblée de mise en candidature à l’élection;

c)     parler aisément l’anishinaabe [c.-à-d. le saulteaux] ou le cri;

d)    être membre de la Première nation O’Chiese depuis au moins cinq (5) ans avant la date de l’assemblée de mise en candidature;

e)     ne pas avoir été reconnu coupable d’une infraction criminelle en vertu du Code criminel du Canada au cours des cinq (5) années précédant l’assemblée de mise en candidature.

[5]               Le 11 janvier 2017, M. Strawberry a participé à l’assemblée de mise en candidature pour l’élection du chef de la Première nation O’Chiese. Il y a avisé le directeur général des élections, Bernie Makokis [le directeur des élections] qu’il satisfaisait à tous les critères pour déposer sa candidature.

[6]               Linda Littlejohn, une membre du personnel de la Première nation, a demandé à M. Strawberry en saulteaux s’il parlait la langue, ce à quoi il a répondu, toujours en saulteaux, « Oui, bien entendu ». Joanne Gladue, la sœur de M. Strawberry, s’est également portée garante des connaissances linguistiques de son frère.

[7]               Alice Strawberry a aussi évalué les capacités de M. Strawberry à parler le saulteaux. Mme Strawberry est la mère de M. Whitford, le candidat élu au poste de chef de la Nation. Elle a avisé le directeur général des élections que M. Strawberry parlait et comprenait le saulteaux avec aisance. Toutefois, en application du paragraphe 12.2e) du Règlement électoral, les membres de la famille immédiate d’un candidat ne peuvent agir comme interprète aux fins d’une élection.

[8]               Le demandeur a fourni au directeur des élections un rapport des résultats de vérification du casier judiciaire. Ce document indiquait qu’en se fondant exclusivement sur le nom et la date de naissance donnés, il y avait une [traduction] « correspondance possible » avec une condamnation inscrite au casier judiciaire. Le document prévenait également qu’une identification formelle du casier judiciaire ne pouvait être faite qu’à l’aide d’une comparaison d’empreintes digitales. M. Strawberry a déclaré au directeur des élections qu’il n’avait pas été reconnu coupable d’une infraction prévue au Code criminel, LRC 1985, ch. C-46, au cours des cinq ans précédant l’assemblée de mise en candidature.

[9]               Le directeur des élections a rempli le formulaire de mise en candidature de M. Strawberry et y a indiqué que sa maîtrise du saulteaux avait été vérifiée par Alice Strawberry. Sa photo a été prise pour le scrutin et son nom a été inscrit sur un tableau de papier avec le nom de M. Whitford, le seul autre candidat à ce poste.

[10]           M. Strawberry affirme avoir demandé au directeur des élections s’il y avait des problèmes avec sa candidature avant de quitter l’assemblée de mise en candidature, ce à quoi le directeur a répondu : [traduction] « non, tout est conforme ».

[11]           Il n’est pas contesté par les parties qu’à ce moment, M. Strawberry était un candidat confirmé à l’élection du chef de la Première nation O’Chiese.

[12]           Peu après l’assemblée de mise en candidature, M. Whitford a mis en doute l’aisance de M. Strawberry en langue saulteaux. Le directeur des élections a avisé M. Strawberry qu’il y avait des préoccupations à cet effet, sans nommer sa source. M. Strawberry a accepté de passer un nouvel examen de maîtrise de la langue avant le 13 janvier 2017 et le directeur des élections lui a garanti qu’entre-temps, son nom demeurerait sur la liste des candidats confirmés. Cette procédure a également été suivie pour le candidat au poste de conseiller Herman Poorman, dont la maîtrise de la langue avait également été mise en doute.

[13]           Le 12 janvier 2017, M. Whitford a présenté une déclaration écrite au directeur des élections, l’avisant qu’il contestait la maîtrise du saulteaux de M. Strawberry. Le 13 janvier 2017, le directeur des élections a envoyé un courriel à M. Strawberry, l’avisant que son nom serait retiré de la liste des candidats en raison d’une lettre reçue de la collectivité contestant sa maîtrise de la langue. Le directeur des élections a également informé M. Strawberry qu’il pouvait interjeter appel de la décision devant Geraldine Hill, présidente du Comité d’appel.

[14]           M. Strawberry a donc présenté un appel au Comité d’appel, qui, le 30 janvier 2017, a ordonné au directeur des élections d’organiser un examen de maîtrise de la langue avant le 2 février 2017. Toutefois, le 31 janvier 2017, l’administrateur de bande de la Première nation O’Chiese a écrit à Mme Hill pour l’aviser que le Comité d’appel n’avait pas la compétence pour statuer sur l’appel de M. Strawberry puisqu’il n’était pas candidat à l’élection. L’administrateur de bande a également refusé de payer les frais encourus par le Comité d’appel dans le cadre de l’appel de M. Strawberry.

[15]           M. Strawberry n’a finalement pas passé d’autre examen de maîtrise de la langue. L’élection s’est déroulée le 16 février 2017, sans que le nom de M. Strawberry ou sa photo ne se trouvent sur le bulletin de vote. M. Whitford a été nommé chef par acclamation.

[16]           Le lendemain, M. Strawberry a interjeté appel du résultat de l’élection devant le Comité d’appel.

[17]           Le 20 mars 2017, le directeur des élections a envoyé à Mme Hill un courriel contenant les instructions suivantes :

[traduction]

« Renvoyez le paiement d’Adrian et déclarez que le directeur des élections a invalidé sa candidature et que le Comité d’appel n’a donc pas compétence pour entendre son appel. Je prendrai l’entière responsabilité de ma décision. » [sic dans le texte intégral]

[18]           Le 22 mars 2017, Mme Hill a écrit à M. Strawberry pour l’aviser que le Comité d’appel n’avait pas compétence pour statuer sur son appel, car le directeur général des élections l’avait déclaré inadmissible à se présenter comme candidat. M. Strawberry sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

III.               Questions en litige

[19]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.                 Quelle est la norme de contrôle?

B.                 La décision du Comité d’appel de se déclarer incompétent à entendre l’appel de M. Strawberry est-elle équitable sur le plan de la procédure?

C.                 La décision du Comité d’appel de se déclarer incompétent à entendre l’appel de M. Strawberry est-elle raisonnable?

IV.              Analyse

A.                 Quelle est la norme de contrôle?

[20]           Les questions d’équité procédurale doivent être examinées par la Cour sous l’angle de la norme de la décision correcte (Desnomie c. Première nation de Peepeekisis, 2007 CF 426, au paragraphe 11; Parenteau c. Badger, 2016 CF 535, au paragraphe 36).

[21]           Les décisions des organismes administratifs portant sur des questions réelles de compétence doivent être correctes (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 59 [Dunsmuir]). Toutefois, les véritables questions de compétence sont rares (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 34).

[22]           Lorsqu’un tribunal interprète « sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » s’agissant de se prononcer sur une question de compétence, la norme applicable est, sauf situation exceptionnelle, celle de la décision raisonnable (Yellowdirt c. Comité d’appel en matière électorale de la première nation Alexander, 2013 CF 26, au paragraphe 12). Je conclus par conséquent que le fondement de la décision du Comité d’appel doit être examiné par la Cour selon la norme de la décision raisonnable.

B.                 La décision du Comité d’appel de se déclarer incompétent à entendre l’appel de M. Strawberry est-elle équitable sur le plan de la procédure?

[23]           M. Strawberry plaide que la décision du Comité d’appel de se déclarer incompétent à entendre son appel était inéquitable sur le plan de la procédure, car le Comité d’appel n’était ni indépendant ni impartial et n’a fourni aucun motif adéquat expliquant sa décision.

[24]           Le critère juridique pour conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique »? (Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie) (1976), [1978] 1 RCS 369 (CSC) à la page 386).

[25]           M. Strawberry fait observer que l’administrateur de bande de la Première nation O’Chiese a refusé de payer les frais encourus par le Comité d’appel dans le cadre de l’appel de M. Strawberry. Le directeur général des élections a ensuite correspondu avec le Comité d’appel relativement au remboursement de ses factures. Bien que le moment et le contexte de ces communications puissent soulever des préoccupations, je ne peux affirmer qu’elles ont manifestement miné l’indépendance ou l’impartialité du Comité d’appel.

[26]           Le courriel du 20 mars 2017 du directeur des élections au Comité d’appel est plus troublant. Le directeur des élections semble y dicter le résultat de l’appel de M. Strawberry en demandant au Comité d’appel de renvoyer ses frais de mise en candidature et de se déclarer incompétent à entendre l’appel en raison de la déclaration de l’inadmissibilité de la candidature de M. Strawberry par le directeur des élections.

[27]           La Première nation O’Chiese fait valoir qu’il n’y a pas de preuve que le Comité d’appel a agi sur les instructions du directeur des élections, et ce, même si la décision du Comité d’appel a été rendue seulement deux jours après la réception de ces instructions. À mon avis, une personne bien renseignée, qui examinerait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, aurait de sérieux doutes quant à l’indépendance et à l’impartialité du Comité d’appel. Toutefois, compte tenu de ma décision ci-dessous, il n’est pas nécessaire d’en arriver à une conclusion définitive sur ce point.

[28]           L’insuffisance des motifs n’est plus un motif de contrôle judiciaire distinct (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 14), mais les motifs d’un tribunal doivent malgré tout être transparents, justifiés et intelligibles (Dunsmuir, au paragraphe 47). Les motifs du Comité d’appel pour décliner sa compétence sont laconiques, mais demeurent clairs et intelligibles. Le Comité d’appel s’est déclaré incompétent à entendre l’appel de M. Strawberry, car le directeur des élections avait invalidé sa candidature. À mon avis, il est préférable d’examiner la plainte de M. Strawberry à propos des motifs fournis par le Comité d’appel au soutien de sa décision dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnable de la décision.

C.                 La décision du Comité d’appel de se déclarer incompétent à entendre l’appel de M. Strawberry est-elle raisonnable?

[29]           L’article 6.1 du Règlement d’appel restreint le droit d’appel aux candidats :

[traduction]

Un candidat peut interjeter appel devant le Comité d’appel dans les quinze (15) jours suivant la date de l’élection.

[30]           Un candidat est défini au paragraphe 1.1d) de la Loi électorale comme étant [traduction] « une personne satisfaisant aux exigences pour se présenter à une élection et dont la candidature a été proposée à une élection conformément à la présente Loi et à son Règlement ».

[31]           L’article 7.1 du règlement d’appel prévoit que l’appel peut porter sur les motifs suivants :

[traduction]

Un appel déposé en application de l’article précédent doit suffisamment faire valoir l’un des éléments suivants :

a)            que la personne déclarée élue n’était pas apte à être candidate;

b)            qu’il y a eu, lors du déroulement de l’élection, une violation de la Loi ou de son Règlement qui pourrait porter atteinte au résultat de l’élection;

c)            qu’il y a eu des actes de corruption ou de fraude en lien avec l’élection.

[32]           M. Strawberry soutient qu’il était candidat et que son appel satisfaisait parfaitement aux critères du paragraphe 7.1b) du Règlement d’appel. Il affirme que la conduite du directeur des élections, qui a d’abord confirmé sa candidature pour ensuite le disqualifier, n’est pas conforme à la Loi électorale et au Règlement et qu’elle a eu une incidence sur le résultat de l’élection.

[33]           La Première nation O’Chiese réplique que les affaires relevant de la mise en candidature et de l’admissibilité des candidats s’inscrivent dans la compétence exclusive du directeur des élections. Le rôle du Comité d’appel se limite aux affaires soulevées par les candidats à la suite d’une élection. La Première nation O’Chiese estime que toute préoccupation que pourrait avoir M. Strawberry à l’égard de la conduite du directeur des élections avant l’élection aurait dû faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour.

[34]           L’article 7.1 du Règlement électoral décrit les pouvoirs du directeur électoral :

[traduction]

Le directeur général des élections gère et exécute l’ensemble des procédures et des processus préélectoraux, électoraux et postélectoraux prévus par la Loi et son Règlement. Le directeur général des élections peut adopter les ordonnances et les directives conformes aux dispositions de la Loi et de son Règlement qu’il juge nécessaires pour l’administration efficace des élections ou des élections partielles.

[35]           Selon l’article 7.3 du Règlement électoral, [traduction] « le directeur général des élections doit fournir tous les moyens nécessaires et tout mettre en œuvre pour le besoin des élections ». Cet article précise certains devoirs du directeur des élections, y compris la préparation d’une liste des candidats admissibles à partir de l’ensemble des mises en candidature.

[36]           Le Règlement électoral prévoit des dispositions détaillées à l’égard du processus de mise en candidature :

[traduction

17.1 : L’assemblée de mise en candidature ouverte par le directeur général des élections doit demeurer ouverte pendant au moins trois (3) heures afin de recevoir les mises en candidatures.

[…]

17.3 : Le directeur général des élections doit inscrire le nom du candidat, de la personne le proposant et de la personne l’appuyant et confirmer aux personnes présentes à l’assemblée que le candidat proposé est admissible à être élu au poste de chef ou de conseiller aux fins de l’élection.

[…]

18.2 : Chaque mise en candidature doit être présentée au directeur général des élections avant la fin de l’assemblée et doit comprendre :

a)   une mise en candidature écrite dans la forme prescrite et fournie par le directeur général des élections;

b)   la signature de deux électeurs inscrits accompagnée de leur déclaration exprimant leur conviction que le candidat est admissible à être nommé et à occuper le poste;

c)   une déclaration solennelle dans la forme prescrite, signée par le candidat, indiquant qu’il accepte sa mise en candidature;

d)   une lettre d’acquittement, un dossier du CIPC ou une lettre de pardon, au besoin;

e)   un dépôt non remboursable du montant prévu par la Loi, payable à l’administration de la Première nation O’Chiese.

18.4 : À la fin de l’assemblée de mise en candidature, le directeur général des élections :

a)   doit, si une seule personne a été mise en candidature pour le poste de chef, la déclarer élue par acclamation;

[…]

c)   doit, si plus de personnes que le nombre de postes à pourvoir ont été mises en candidature, annoncer qu’il y aura tenue d’élections.

18.5 : Le lendemain de l’assemblée de mise en candidature, le directeur général des élections doit publier à au moins un endroit visible dans la réserve une liste des candidats, le nom des personnes les ayant proposées et appuyées, ainsi que les postes auxquels elles se présentent.

[…]

19.5 : Quiconque omet de remplir les documents conformément aux dispositions de la Loi et de son Règlement ne peut être candidat à l’élection et son nom ne sera pas inscrit sur les bulletins de vote.

19.6 : Il est interdit à quiconque d’accepter d’être candidat à une élection s’il n’est pas éligible en vertu de la Loi et de son Règlement.

[…]

19.8 : Un candidat peut se retirer dans les trois (3) jours qui suivent l’assemblée de mise en candidature en soumettant au président d’élection une déclaration écrite à cet effet. Les frais relatifs à la mise en candidature ne seront pas remboursés.

[37]           Il n’est pas contesté que le directeur général des élections a confirmé la candidature de M. Strawberry lors de l’assemblée de mise en candidature du 11 janvier 2017. Aucune disposition retrouvée au Règlement électoral ou ailleurs n’octroie au directeur des élections le pouvoir de disqualifier un candidat après la confirmation de sa candidature. Selon M. Strawberry, si l’admissibilité de sa candidature avait soulevé des préoccupations, l’assemblée de mise en candidature aurait dû être suspendue jusqu’à ce que ces préoccupations soient résolues. Subsidiairement, la seule façon dont M. Strawberry aurait pu être disqualifié avant l’élection alors que sa candidature avait été confirmée dans une assemblée de mise en candidature publique aurait été par la tenue par le directeur des élections d’une nouvelle assemblée de mise en candidature, où l’affaire aurait été abordée en présence des membres de la collectivité.

[38]           L’argument de M. Strawberry est très convaincant. Le Comité d’appel aurait au moins dû examiner si le statut de candidat confirmé du demandeur après la tenue de l’assemblée de mise en candidature était suffisant pour lui permettre d’interjeter appel du résultat de l’élection.

[39]           Même si M. Strawberry n’était pas considéré comme étant candidat à l’élection, cette situation ne l’empêchait pas nécessairement de faire appel du résultat. Comme la Cour d’appel fédérale l’a jugé dans la décision Wolfe v. Ermineskin, 2001 CAF 199, au paragraphe 6, le règlement n’empêche pas un comité d’appel d’enquêter à bon droit sur une plainte d’une manière équitable, notamment, s’il y a lieu, en donnant à une personne qui n’était pas candidate aux élections la possibilité de lui soumettre des preuves à l’appui de sa plainte.

[40]           Dans la décision D’Or c. St. Germain, 2013 CF 223, aux paragraphes 24 et 25, conf. par D’Or c. St. Germain, 2014 CAF 28, le juge James O’Reilly déclare que les contestations des résultats d’une élection de bande doivent être tranchées rapidement, de façon à ce que le gouvernement de la collectivité ne soit pas mis en doute pendant une longue période. Les dispositions qui régissent les procédures d’appel doivent être interprétées comme étant permissives et non exhaustives. Le Comité d’appel aurait dû avoir cette considération en tête en rendant sa décision sur sa compétence à entendre l’appel de M. Strawberry.

[41]           Le Comité d’appel a omis d’évaluer si le statut de M. Strawberry, qui était un candidat confirmé à la suite de l’assemblée de mise en candidature, était suffisant pour lui permettre d’interjeter appel du résultat de l’élection. Le Comité d’appel a également omis d’évaluer s’il devait entendre l’appel de M. Strawberry même si ce dernier n’était pas candidat. Sa décision de ne pas entendre l’appel de M. Strawberry au motif d’incompétence était par conséquent déraisonnable.

V.                 Conclusion

[42]           La demande de contrôle judiciaire est accueillie. M. Strawberry réclame, à titre de dépens, une somme forfaitaire de 25 000 $, mais n’a pas déposé d’ébauche de mémoire de frais. Son avocat décrit ce montant comme s’approchant des frais réellement encourus, sans toutefois être aussi élevé. La Première nation O’Chiese suggère, en citant la décision Coutlee c. Première nation Lower Nicola, 2015 CF 1305, aux paragraphes 23 et 24, que des dépens d’un montant de 10 000 $ seraient plus raisonnables.

[43]           Rien dans la conduite de la Première nation O’Chiese à l’égard de la présente demande de contrôle judiciaire ne justifie d’accorder des dépens sur une base avocat-client. Je suis donc d’accord qu’il est approprié d’accorder un montant forfaitaire de 10 000 $.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire. Des dépens d’une somme globale de 10 000 $ sont accordés au demandeur.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-581-17

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ADRIAN STRAWBERRY c. PREMIÈRE NATION O’CHIESE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 septembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 septembre 2017

 

COMPARUTIONS :

David C. Rolf, c.r.

 

Pour le demandeur

 

Brian Yaworski, c.r.

Sharilyn C. Nagina,

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MLT AIKINS LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

Pour le demandeur

 

DLA Piper (Canada) LLP

Avocats

Calgary (Alberta)

Pour la défenderesse

 

 

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