Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20171006


Dossier : IMM-1282-17

Référence : 2017 CF 887

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Locke

ENTRE :

DAWIT SOLOMON WORKU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) du Canada. Par sa décision, la Section d’appel des réfugiés a rejeté l’appel logé par le demandeur contre une décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la CISR rejetant sa demande d’asile.

I.  RAPPEL DES FAITS

[2]  Le demandeur est un citoyen de l’Éthiopie qui soutient être membre du Parti Bleu, un parti de l’opposition dans ce pays. Il a fui l’Éthiopie pour le Canada parce qu’il aurait appris que le gouvernement prévoyait l’arrêter en raison de ses activités politiques. Il soutient qu’à deux occasions sa mère a reçu des avis de la police (assignations) pour qu’il comparaisse afin d’être interrogé.

[3]  La Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur n’était pas crédible après avoir tiré plusieurs conclusions défavorables des éléments de preuve.

[4]  La Section d’appel des réfugiés a souscrit à certaines des conclusions défavorables de la Section de la protection des réfugiés sur la crédibilité, mais pas à certaines autres.

II.  QUESTIONS EN LITIGE

[5]  Le demandeur soutient que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur concernant les aspects cruciaux suivants :

  1. Il était déraisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de conclure que les assignations de la police n’étaient pas authentiques.

  2. Il était déraisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de tirer une conclusion défavorable du fait que les membres de la famille du demandeur n’aient pas été détenus après que ce dernier eut omis de se présenter pour être interrogé.

  3. La demande d’asile sur place du demandeur n’aurait pas dû être rejetée pour les motifs donnés par la Section d’appel des réfugiés.

III.  DISCUSSION

[6]  En ce qui concerne l’authenticité des assignations de la police, le demandeur fait valoir qu’il est incorrect de considérer les avis de la police comme des assignations (il soutient qu’il s’agit plutôt d’avis informels) et qu’il était donc déraisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de les comparer à un élément de preuve documentaire concernant la forme des assignations. Toutefois, au départ, le demandeur a lui-même fait référence à ces documents comme des assignations. De plus, les documents eux-mêmes indiquent qu’ils [traduction] « assignent » le demandeur. Je ne souscris pas à l’argument selon lequel la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur lorsqu’elle a traité ces documents comme des assignations alléguées. En outre, je ne constate aucune erreur dans l’analyse de la Section d’appel des réfugiés comparant ces documents aux exemples d’assignations des éléments de preuve documentaire. À mon avis, il n’était pas déraisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de conclure que les assignations de la police n’étaient pas authentiques.

[7]  En ce qui concerne le deuxième des arguments susmentionnés par le demandeur, la Section d’appel des réfugiés a déclaré que [traduction] « le traitement de la famille [du demandeur] n’est pas conforme à l’élément de preuve documentaire qui indique que les membres de la famille des personnes recherchées pour être interrogées sont habituellement détenus ». Au soutien de sa déclaration, la Section d’appel des réfugiés invoque deux documents : un document du département d’État américain et une Réponse à une demande d’information. Toutefois, selon ma compréhension de ces documents, ils n’appuient pas la déclaration de la Section d’appel des réfugiés. Même si des arrestations des membres de la famille sont survenues, je ne suis pas convaincu que cela est habituel. Je conclus que la déclaration de la Section d’appel des réfugiés n’était pas fondée et que sa conclusion quant à la crédibilité du demandeur était déraisonnable.

[8]  J’examine maintenant la demande d’asile sur place du demandeur. Cette demande est fondée sur des photographies du demandeur accompagné du dirigeant du Parti Bleu à une réunion au Canada ainsi qu’un article de presse au sujet de la réunion qui est disponible sur Internet. L’argument du demandeur à ce sujet est que l’analyse de la Section d’appel des réfugiés va à l’encontre de son examen de l’analyse de la Section de la protection des réfugiés. En particulier, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en [traduction] « diminuant l’importance de cet élément de preuve parce qu’il n’était pas abordé dans le FDA [fondement de la demande d’asile du demandeur] ». Toutefois, en considérant l’importance de cet élément de preuve dans le paragraphe suivant immédiatement sa décision, la Section d’appel des réfugiés a conclu que [traduction] « [s]i le [demandeur] et son avocat avaient pensé que la publication de l’article sur Internet représentait un risque important pour le [demandeur], il aurait été raisonnable de s’attendre à ce qu’ils modifient l’exposé circonstancié du FDA afin d’inclure ces renseignements ». Selon ma compréhension, cette conclusion semble amoindrir l’importance de cet élément de preuve apporté par le demandeur parce qu’il n’a pas été abordé dans le FDA. Malgré les arguments du défendeur, je ne peux concilier l’analyse par la Section d’appel des réfugiés des éléments de preuve concernant la demande d’asile sur place du demandeur avec son traitement de l’analyse de la Section de la protection des réfugiés. Je conclus que l’analyse de la Section d’appel des réfugiés à cet égard était déraisonnable.

IV.  CONCLUSIONS

[9]  Après avoir conclu que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur sur au moins deux des aspects susmentionnés, je dois décider de la question de savoir si les conclusions défavorables relatives à la crédibilité formulées par la Section d’appel des réfugiés suffisent pour surmonter ses erreurs. À mon avis, ce n’est pas le cas. D’abord, je dois reconnaître que l’accumulation d’erreurs doit être considérée tout comme l’accumulation des conclusions défavorables relatives à la crédibilité. De plus, au moins en ce qui concerne la question de la demande d’asile sur place, cette dernière est suffisamment distincte du reste de la demande présentée par le demandeur pour justifier un examen approprié malgré les problèmes de crédibilité.

[10]  Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la présente demande devrait être accueillie. Les parties ont convenu qu’il n’y avait aucune question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1282-17

LA COUR ORDONNE que :

  1. L’intitulé de la cause soit modifié afin de refléter le bon défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.
  2. La demande de contrôle judiciaire soit accueillie.
  3. La décision de la Section d’appel des réfugiés soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour un nouvel examen.
  4. Aucune question grave de portée générale n’a été certifiée.

« George R. Locke »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1282-17

 

INTITULÉ :

DAWIT SOLOMON WORKU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 SEPTEMBRE 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LOCKE

 

DATE DES MOTIFS :

LE 6 OCTOBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Paul VanderVennen

Pour le demandeur

 

Asha Gafar

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Paul VanderVennen

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.