Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20171018


Dossier : IMM-1105-17

Référence : 2017 CF 921

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

À Ottawa (Ontario), le 18 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

JOZSEF OLAH

JUDIT DINAI

REBEKA OLAH

BRENDON JOZSEF OLAH

DZENIFER CINTIA OLAH

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un agent d’immigration (l’agent) rendue le 31 janvier 2017 rejetant la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) des demandeurs.

[2]  Par les motifs exposés ci-dessus, la présente demande est rejetée, car les arguments des demandeurs ne démontrent pas que la décision de l’agent était déraisonnable.

II.  Résumé des faits

[3]  Les demandeurs, Jozsef Olah, Judit Dinai, Rebeka Olah, Brendon Jozsef Olah et Dzenifer Cintia Olah, sont membres d’une famille de ressortissants hongrois qui sont entrés au Canada le 3 mars 2016, et qui ont présenté une demande d’asile. Ils allèguent craindre d’être persécutés en Hongrie, car ils sont Roms et ils allèguent qu’ils ont éprouvé des problèmes à obtenir un accès à l’éducation pour leurs enfants, à l’emploi pour M. Olah, et à des soins de santé pour Mme Dinai. Les demandeurs font référence à différentes préoccupations à propos des mauvais traitements infligés aux Roms en Hongrie et font valoir qu’ils sont exposés à de la discrimination en Hongrie, ce qui équivaut cumulativement à de la persécution, et que la protection de l’État n’était pas accessible pour ces motifs.

[4]  La demande présentée par les demandeurs était irrecevable par la Section de la protection des réfugiés parce qu’ils avaient antérieurement déposé une demande d’asile en 2012, demande qui avait été rejetée par la Section de la protection des réfugiés en raison de l’accessibilité à la protection de l’État, et leur demande de contrôle judiciaire subséquente étant rejetée à l’étape de l’autorisation. Ils ont donc présenté une demande d’ERAR, qui a été rejetée par l’agent, qui a jugé que les demandeurs ne seraient pas exposés à un risque de torture, de persécution, ou de punition ou de traitement cruels et inhabituels, ou à une menace à leur vie, s’ils retournaient en Hongrie.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[5]  Dans leur mémoire des faits et du droit, les demandeurs soumettaient douze questions à l’examen de la Cour. Toutefois, à l’audience de la présente demande, l’avocat des demandeurs a expliqué que la principale question litigieuse qu’il souhaitait soulever était un argument voulant que l’agent ait commis une erreur en omettant de procéder à l’analyse requise en application de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR) à savoir si, en tenant compte de la documentation pertinente à la situation dans le pays en Hongrie, les demandeurs étaient exposés à plus qu’une simple possibilité de persécution en raison de leur origine ethnique rome. L’avocat des demandeurs a également expliqué que bon nombre des douze questions soulevées dans les observations écrites étaient subsumées dans cet argument, même s’il a également présenté de brefs plaidoyers sur quelques-unes des autres questions.

[6]  À la lumière des plaidoyers des demandeurs, je qualifierais les questions soumises à l’examen de la Cour comme suit :

  1. L’agent a-t-il commis une erreur en ne procédant pas à l’analyse requise en application de l’article 96 de la LIPR à savoir si, en tenant compte de la documentation pertinente à la situation dans le pays en Hongrie, les demandeurs étaient exposés à plus qu’une simple possibilité de persécution en raison de leur origine ethnique rome?

  2. L’agent a-t-il commis une erreur en sous-estimant l’étendue des répercussions défavorables de la négligence alléguée de l’ancien avocat des demandeurs sur leur audience devant la Section de la protection des réfugiés?

  3. En concluant à une absence d’éléments de preuve corroborants, l’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas d’audience?

  4. L’agent a-t-il commis une erreur en omettant d’examiner le témoignage sous serment du demandeur principal concernant la discrimination envers sa famille en matière de soins de santé?

  5. L’agent a-t-il commis une erreur en minimisant les évictions répandues de Roms en Hongrie, ce qui l’a mené à tirer la conclusion que les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque?

  6. L’agent a-t-il commis une erreur en omettant de procéder à une analyse de la protection de l’État?

[7]  Il n’est pas contesté entre les parties que ces questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Cependant, les demandeurs font valoir que la première question susmentionnée porte sur une question de droit et que, par conséquent, elle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. La position du défendeur est que cette question, comme les autres dans la présente demande, est assujettie à la norme de la décision raisonnable.

[8]  Je suis d’accord avec la position du demandeur relative aux normes de contrôle. À cet égard, la décision du juge en chef Crampton dans la décision Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1004 [Ruszo] est instructive. L’une des questions soulevées dans cette affaire était de savoir si la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en omettant de fournir des motifs adéquats pour étayer sa conclusion, selon laquelle le traitement que les demandeurs avaient subi en Hongrie était discriminatoire, mais qu’il n’équivalait pas à de la persécution, et que l’attitude générale vis-à-vis des personnes d’origine ethnique rome en Hongrie n’atteint pas non plus le niveau de la persécution.

[9]  Le juge en chef Crampton a fait remarquer que cette question soulevait deux questions distinctes. La première était une question d’interprétation législative, notamment le sens du terme « persécution » à l’article 96 de la LIPR. La Cour a confirmé que cette question était susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, car la jurisprudence a établi un critère clair pour le sens de ce terme, de sorte que la question relevait de la catégorie restreinte des situations exceptionnelles lorsque la norme de la décision correcte était applicable (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 [Alberta Teachers] aux paragraphes 30, 34 et 46).

[10]  La deuxième question dans la décision Ruszo consistait à trancher si la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur en décidant que la conduite discriminatoire qui constituait le fondement des demandes des demandeurs ne satisfaisait pas au critère de la persécution. Cette question était susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La question soulevée en l’espèce par les demandeurs s’apparente à cette question. Je ne vois aucune raison de conclure que cette question relève des catégories de questions limitées auxquelles la norme de la décision correcte est applicable en vertu de l’arrêt Alberta Teachers. La question de savoir si l’agent a commis une erreur dans son analyse en application de l’article 96, tenant compte des documents pertinents sur la situation dans le pays, est plutôt une question mixte de faits et de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

IV.  Analyse

A.  L’agent a-t-il commis une erreur en omettant de procéder à l’analyse requise en application de l’article 96 de la LIPR à savoir si, en tenant compte de la documentation pertinente à la situation dans le pays en Hongrie, les demandeurs étaient exposés à plus qu’une simple possibilité de persécution en raison de leur origine ethnique rome?

[11]  Les demandeurs ont étayé leur demande d’ERAR par une déclaration de Jozsef Olah et d’observations écrites, pointant des problèmes liés à l’accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’emploi depuis leur retour en Hongrie à la suite du rejet de leur demande d’asile par la Section de la protection des réfugiés. L’agent a examiné les directives du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) en ce qui a trait aux circonstances dans lesquelles les effets cumulatifs de la discrimination peuvent équivaloir à de la persécution, et a consulté la documentation pertinente à la situation des Roms en Hongrie. Cependant, l’agent a relevé plusieurs lacunes dans la preuve des demandeurs (dont certaines sont abordées de manière plus détaillée dans les autres questions examinées plus loin) menant l’agent à conclure que les expériences de discrimination des demandeurs en Hongrie ne constituaient ni individuellement ni collectivement de la persécution.

[12]  L’agent a mentionné avoir examiné la documentation sur le pays produite par l’avocat des demandeurs et a tiré la conclusion qu’il ne faisait aucun doute que les Roms demeuraient une population marginalisée en Hongrie. L’agent a mentionné que la discrimination envers les Roms les touchait de différentes façons, notamment dans les secteurs du logement, des soins de santé et des interactions avec la police. Cependant, l’agent a ensuite cité la décision Balogh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 426 [Balogh], selon laquelle le simple fait d’être d’origine rome en Hongrie ne constitue pas, en soi, un élément suffisant pour établir qu’un demandeur est exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution à son retour au pays. Même si l’agent a conclu que les demandeurs avaient été victimes de discrimination en Hongrie et qu’ils en seraient probablement encore victimes, l’agent a conclu, dans les limites de leur preuve, que leurs expériences personnelles n’appuyaient pas une conclusion voulant qu’ils aient été victimes d’une discrimination équivalant à de la persécution ou qu’ils soient exposés à un risque prospectif de persécution du simple fait qu’ils sont Roms.

[13]  Les demandeurs font valoir que, puisqu’on ne contestait pas qu’ils étaient Roms et que l’agent avait conclu qu’ils seraient victimes de discrimination en Hongrie, l’agent a commis une erreur en omettant d’évaluer si le fait de leur origine ethnique rome, combinée à la preuve sur la situation des Roms en Hongrie, justifiait d’accueillir une demande d’asile en application de l’article 96 de la LIPR. Essentiellement, les demandeurs font valoir que l’agent a commis une erreur en concluant que, d’après la décision Balogh et les lacunes dans la preuve concernant leurs expériences personnelles, aucune autre analyse n’était requise pour déterminer si les demandeurs seraient victimes de discrimination, qui équivalait, cumulativement, à de la persécution uniquement en fonction de leur origine ethnique rome et de la preuve objective sur les conditions sociales auxquelles ce groupe ethnique est assujetti. Ces arguments englobent plusieurs questions soulevées dans les observations écrites des demandeurs : que l’agent n’a pas examiné la preuve relative aux changements en Hongrie depuis la décision de la Section de la protection des réfugiés, qu’il a commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas présenté d’éléments de preuve corroborants en faisant fi des documents corroborants sur la situation dans le pays, qu’il a écarté la preuve concernant des personnes dans une situation semblable, qu’il a omis de procéder à une analyse de la discrimination cumulative atteignant le niveau de la persécution, et qu’il n’a accordé aucun poids aux éléments de preuve documentaire concernant l’attitude générale de la société envers les Roms en Hongrie.

[14]  Je suis d’accord avec l’argument des demandeurs voulant qu’il ne soit pas nécessaire d’avoir été personnellement ciblé ou déjà victime de persécution pour établir un risque au titre de l’article 96. En revanche, la persécution peut être établie en examinant la situation de personnes dans une situation semblable (Salibian c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 RCF 250, au paragraphe 17; Kang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1128, au paragraphe 10; Fi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1125, au paragraphe 14). Cependant, je ne considère pas que la décision Balogh, sur laquelle l’agent s’est fondé, contredit de quelque façon que ce soit ces principes. Comme l’a expliqué le juge LeBlanc au paragraphe 19 de cette décision :

[19] De plus, bien que la preuve documentaire sur les conditions générales des Roms en Hongrie soulève des préoccupations concernant les droits de la personne, le simple fait d’être d’origine rom (sic) en Hongrie ne constitue pas, en soi, un élément suffisant pour établir qu’un demandeur fait face à plus qu’une simple possibilité d’être persécuté à son retour au pays (Csonka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1056, aux paragraphes 67 à 70 [Csonka]; Ahmad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 808, au paragraphe 22 [Ahmad]. Une demande d’asile valide comporte à la fois un élément de crainte subjective et un élément de crainte objective (Csonka, au paragraphe 3). Il appartient au demandeur d’établir un lien entre les éléments de preuve documentaire de nature générale et la situation qui lui est propre (Prophète c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 331, au paragraphe 17; Jarada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, au paragraphe 28; Ahmad, au paragraphe 22).

[15]  J’interprète ce raisonnement comme le fait d’indiquer que la jurisprudence concernant les demandes d’asile formulées par des Roms hongrois n’appuie pas une conclusion voulant que la situation générale dans le pays soit telle que tous les Roms en Hongrie sont victimes d’une discrimination équivalant à de la persécution. Il est plutôt nécessaire d’examiner la situation particulière d’un demandeur, en combinaison avec les éléments de preuve documentaire en général, pour déterminer si le demandeur est exposé à un risque de persécution. La déclaration susmentionnée tirée de la décision Balogh ne constitue pas une dérogation aux principes entourant l’article 96 sur lesquels s’appuient les demandeurs, mais plutôt une application de ces principes.

[16]  Comme l’a fait remarquer le défendeur, un raisonnement similaire est manifeste dans la décision rendue dans la décision Csoka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 651 [Csoka] au paragraphe 28, dans laquelle le juge Diner a confirmé l’analyse de l’agent chargé de l’ERAR en se penchant sur la preuve objective quant aux difficultés éprouvées par les Roms en Hongrie, mais en tirant la conclusion que les éléments de preuve individualisés liés à la situation personnelle des demandeurs en Hongrie étaient insuffisants pour justifier une conclusion selon laquelle les demandeurs étaient exposés à un risque.

[17]  Les demandeurs soutiennent que le lien nécessaire entre leur situation particulière et la preuve documentaire en général est établi par le simple fait qu’ils sont Roms, ce qui distingue leur situation de celle de la décision Balogh. Ils observent que, dans cette affaire, la Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur n’avait pas établi son origine ethnique rome, et que cette conclusion n’avait pas été infirmée par la Cour. Cependant, cela signifie uniquement que l’analyse décrite au paragraphe 19 de la décision Balogh constituait une conclusion supplémentaire, car cette analyse reposait manifestement sur la prémisse selon laquelle le demandeur était d’origine ethnique rome. Je fais également remarquer qu’il ne semble y avoir aucun doute quant à l’origine ethnique rome des demandeurs qui a fait l’objet de l’analyse du juge Diner dans la décision Csoka.

[18]  Je ne relève donc aucune erreur commise par l’agent lorsqu’il a tenu compte des limites dans la preuve des demandeurs en ce qui a trait à leur expérience personnelle, en évaluant le risque auquel ils sont exposés et en tirant la conclusion qu’ils n’avaient pas établi qu’ils étaient exposés à un risque prospectif de persécution. Je ne peux pas non plus conclure que l’agent n’a pas examiné la preuve concernant les changements survenus en Hongrie depuis la décision de la Section de la protection des réfugiés, qu’il a fait fi des documents corroborants sur la situation dans le pays ou la preuve de personnes dans une situation semblable, ou qu’il n’a accordé aucun poids à la preuve documentaire concernant l’attitude générale de la société envers les Roms en Hongrie. Bien que l’analyse de la documentation sur la situation dans le pays ne soit pas très élaborée, l’agent mentionne avoir examiné les documents sur la situation dans le pays produits par l’avocat, invoque explicitement et indique dans les notes de bas de page différents éléments de ces documents, et l’agent tire des conclusions quant à la marginalisation et à la discrimination dont est victime la population rome en Hongrie.

[19]  J’estime en outre qu’il n’existe aucun motif de conclure que l’agent a omis de procéder à une analyse de la discrimination cumulative atteignant le niveau de la persécution. Comme je l’ai indiqué ci-dessus, l’agent a expressément examiné le Guide du UNHCR en ce qui concerne les circonstances dans lesquelles les effets cumulatifs de la discrimination peuvent équivaloir à de la persécution. L’analyse subséquente mentionne explicitement que l’ensemble limité des éléments de preuve produits par les demandeurs ne persuadent pas l’agent que les expériences de discrimination citées équivalent à de la persécution, même lorsqu’elles sont examinées cumulativement.

[20]  En conséquence, je conclus que la question principale soulevée par les demandeurs, ainsi que les différents arguments soulevés à l’appui de celle-ci, ne justifie pas une conclusion voulant que la décision de l’agent soit déraisonnable.

B.  L’agent a-t-il commis une erreur en sous-estimant l’étendue des répercussions défavorables de la négligence alléguée de l’ancien avocat des demandeurs sur leur audience devant la Section de la protection des réfugiés?

[21]  Cette question est liée au fait que, pendant leur audience devant la Section de la protection des réfugiés, les demandeurs étaient représentés par un avocat qui a subséquemment fait l’objet d’une mesure disciplinaire par le Barreau du Haut-Canada pour sa représentation négligente de nombreux demandeurs roms. Dans la décision d’ERAR, l’agent a mentionné les préoccupations des demandeurs à l’égard de la compétence de leur avocat devant la Section de la protection des réfugiés et leur manque de préparation pour l’audience de la Section de la protection des réfugiés qui en a découlé. Cependant, l’agent affirme que les demandeurs n’avaient soulevé aucun problème particulier lié à leur témoignage devant la Section de la protection des réfugiés ou qu’ils n’avaient sollicité aucun recours particulier.

[22]  Les demandeurs ont affirmé dans leur mémoire des faits et du droit que le problème particulier qu’ils avaient soulevé auprès de l’agent était le fait de ne pas avoir été préparés en vue de l’audience de la Section de la protection des réfugiés. Ils font valoir l’incidence défavorable sur l’ERAR qu’ont eue les conclusions de la Section de la protection des réfugiés, sur lesquelles pesait également l’incidence défavorable de leur représentation négligente par leur ancien avocat.

[23]  Cet argument ne soulève pas une erreur de l’agent susceptible de contrôle. L’agent a conclu que, même si les demandeurs ont indiqué qu’ils n’étaient pas bien préparés, ils n’ont pas soulevé de problèmes particuliers liés à leur témoignage ou à la production d’éléments de preuve devant les commissaires. Ils n’ont pas non plus présenté d’exemples démontrant que leur preuve aurait été mal interprétée pendant l’audience ou dans les motifs de décision de la Section de la protection des réfugiés. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette analyse. Je suis également en désaccord avec l’affirmation selon laquelle les conclusions de la Section de la protection des réfugiés ont eu une incidence défavorable sur l’ERAR. Comme le soutient le défendeur, la décision de l’agent était fondée sur les arguments et les éléments de preuves produits à l’ERAR et ne démontre pas que l’agent s’est fondé d’une quelconque façon sur la décision de la Section de la protection des réfugiés.

C.  En concluant à une absence d’éléments de preuve corroborants, l’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas d’audience?

[24]  La déclaration de M. Olah pour appuyer la demande d’ERAR expliquait les difficultés éprouvées par ses enfants à l’école à leur retour en Hongrie. En analysant cette preuve, et en concluant qu’il n’y avait pas suffisamment d’information pour accorder un poids significatif à ce prétendu problème, l’agent a déclaré que les éléments de preuve qu’il s’attendait, à raison, à obtenir afin de corroborer et de préciser la nature de l’éducation que les enfants ont reçue, n’avaient pas été fournis. L’agent a également observé à cet égard qu’il n’y avait aucun élément de preuve concernant le niveau et les progrès scolaires actuels, ce qui aurait pu donner un certain aperçu quant à leurs années de retard par rapport aux cohortes de leur âge respectif dans le système d’éducation de l’Ontario.

[25]  Les demandeurs font valoir que, même si l’agent n’a pas explicitement formulé une conclusion défavorable quant à la crédibilité de la déclaration de M. Olah, son rejet de cette preuve en l’absence d’une corroboration représente une conclusion déguisée sur la crédibilité. En conséquence, ils font valoir que l’agent était tenu de donner aux demandeurs une possibilité de répondre à ses préoccupations en matière de crédibilité dans le cadre d’une audience.

[26]  Je ne suis pas d’accord avec la description que font les demandeurs des conclusions de l’agent. Je n’interprète pas l’analyse comme le fait de ne pas croire la déclaration de M. Olah. En raison de l’absence d’information à sa disposition, l’agent a plutôt conclu que la déclaration ne suffisait pas à justifier une conclusion selon laquelle les enfants étaient victimes de discrimination en raison de leur origine ethnique ou que leur éducation en avait souffert. Étant donné que l’agent n’a formulé aucune conclusion explicite ou implicite quant à la crédibilité, il n’était pas tenu de tenir une audience.

D.  L’agent a-t-il commis une erreur en omettant d’examiner le témoignage sous serment du demandeur principal concernant la discrimination envers sa famille en matière de soins de santé?

[27]  Les demandeurs ont fait valoir qu’ils ont subi des mauvais traitements lorsqu’est venu le temps d’accéder à des soins de santé ou d’en recevoir. M. Olah faisait référence à une visite à l’hôpital où son épouse, Mme Dinai, qui souffrait d’un spasme rénal, a dû attendre pour finalement être renvoyée à la maison sans avoir été examinée. Les demandeurs allèguent que cette situation est survenue parce qu’ils sont Roms. Deux mois plus tard, Mme Dinai s’est rendue dans un autre hôpital et on l’a informée que, si elle avait été examinée, son rein aurait pu être sauvé.

[28]  L’agent a fait observer que la déclaration écrite de M. Olah ne présentait qu’un exemple d’un problème d’accès à des soins de santé, sans aucune date ni même de période de temps générale, ce qui rendait difficile de conclure qu’il s’agissait d’un nouvel élément de preuve survenu depuis la décision de la Section de la protection des réfugiés en 2012. L’agent a également fait remarquer qu’il n’y avait aucune indication de la raison pour laquelle les demandeurs croyaient que leur ethnicité était la cause du traitement qu’ils ont reçu lors de la première visite à l’hôpital. L’agent a relevé plusieurs détails potentiellement importants qui n’ont pas été présentés, ainsi qu’une absence de preuve médicale relative à l’état de santé de Mme Dinai, et il a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’information fournie pour tirer des conclusions significatives quant aux expériences de la famille en ce qui a trait à la discrimination dans la prestation de soins de santé.

[29]  Les demandeurs font valoir que, puisque l’agent n’a soulevé aucun doute quant à la crédibilité de la preuve produite par M. Olah, celle-ci devrait être acceptée sans qu’il soit nécessaire de présenter quelque autre élément de preuve corroborant. Je souscris à la thèse des demandeurs voulant que l’agent n’ait pas conclu que la déclaration de M. Olah n’était pas crédible. En revanche, comme en ce qui a trait à l’analyse de l’agent portant sur l’éducation des enfants, je suis d’avis que l’analyse de la preuve liée à l’accès à des soins de santé repose sur une preuve insuffisante. L’exercice de pondération de la preuve appartient à l’agent et je ne trouve rien de déraisonnable dans son analyse.

E.  L’agent a-t-il commis une erreur en minimisant les évictions répandues de Roms en Hongrie, ce qui l’a mené à tirer la conclusion que les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque?

[30]  Les arguments des demandeurs dans le cadre de l’ERAR ont soulevé une préoccupation relative au logement dans leur ville, Miskolc, en raison des plans d’éliminer les bidonvilles dans lesquels les Roms vivent. Les demandeurs ont cependant reconnu qu’on ne leur avait signifié aucun avis d’éviction pendant qu’ils vivaient en Hongrie et l’agent a déclaré que la preuve était insuffisante pour conclure qu’ils seraient probablement visés par un processus d’expropriation dans l’éventualité d’un retour en Hongrie. L’agent a souligné que les demandeurs n’avaient fourni aucune indication quant à l’endroit où ils vivaient à Miskolc, et si c’était l’une des régions qui, selon la preuve, pourraient être touchées. En constatant dans les documents sur la situation dans le pays qu’il ne semblait pas que la majorité des Roms à Miskolc soient touchés, l’agent est arrivé à la conclusion qu’il serait hautement spéculatif de tirer des conclusions en ce sens. Par conséquent, l’agent n’a pas été en mesure d’accorder de poids à l’examen des répercussions de la discrimination en matière de logement à l’endroit des demandeurs.

[31]  Les demandeurs font valoir que, en affirmant que la preuve était insuffisante pour conclure qu’ils seraient probablement touchés par un processus d’expropriation, l’agent a appliqué le mauvais critère, car le critère applicable consiste à déterminer s’il existe ou non une possibilité sérieuse de persécution, non pas s’il était probable que les demandeurs soient personnellement visés.

[32]  Je souscris à l’affirmation des demandeurs concernant le critère applicable. Cependant, en interprétant l’analyse de l’agent sur cette question dans son ensemble, je ne considère pas l’emploi du mot [traduction] « probable » par l’agent comme un indicateur d’une mauvaise compréhension du critère ou que l’agent a tiré une conclusion fondée sur le mauvais critère. En revanche, l’agent a analysé l’insuffisance de la preuve pour établir un lien entre la situation personnelle des demandeurs et les évictions à Miskolc et a conclu que la preuve était insuffisante pour tirer des conclusions à cet égard.

[33]  Les demandeurs soutiennent également que l’agent a commis une erreur en concluant que la majorité des Roms ne sont pas touchés par les évictions. Dans leur mémoire des faits et du droit, ils mentionnent un extrait tiré de la preuve documentaire faisant référence au lancement par la Hongrie d’un programme national d’élimination des bidonvilles qui, selon eux, contredit la conclusion de l’agent.

[34]  Pour tirer la conclusion selon laquelle il semble que la majorité des Roms à Miskolc ne sont pas touchés par les évictions, l’agent fait référence à la documentation sur la situation dans le pays indiquant que certaines régions, par exemple les [traduction] « rues numérotées » sont ciblées lors des activités d’éviction. Je ne suis pas d’avis que la référence à un programme national d’élimination des bidonvilles, auquel les demandeurs renvoient la Cour, contredise la conclusion de l’agent en ce qui concerne l’accent mis sur les évictions à Miskolc.

F.  L’agent a-t-il commis une erreur en omettant de procéder à une analyse de la protection de l’État?

[35]  Les demandeurs font valoir que l’agent a commis une erreur en omettant de procéder à une analyse de l’accessibilité de la protection dont peuvent se réclamer les Roms en Hongrie. Concernant cette question, je suis d’accord avec l’argument du défendeur selon lequel, lorsqu’aucune conclusion de risque de persécution n’a été tirée, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse de la protection de l’État. Étant donné que l’agent n’a pas tiré la conclusion selon laquelle la discrimination a dans le cas présent atteint le niveau de la persécution, il n’était pas tenu de procéder à une analyse de l’accessibilité de la protection de l’État (Mallampally c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 267, au paragraphe 41.

V.  Conclusion

[36]  Après avoir conclu qu’aucun des arguments des demandeurs ne démontre que la décision de l’agent est déraisonnable, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1105-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1105-17

INTITULÉ :

JOZSEF OLAH, JUDIT DINAI, REBEKA OLAH, BRENDON JOZSEF OLAH, DZENIFER CINTIA OLAH c LE MINITRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 septembre 2016

JUGEMENT ET MOTIFS :

Le juge Southcott

DATE DES MOTIFS :

Le 18 octobre 2017

COMPARUTIONS :

John Grice

Pour les demandeurs

Catherine Vasilaros

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Grice

Davis & Grice

North York (Ontario)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.