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Date : 20171019


Dossier : IMM-1188-17

Référence : 2017 CF 936

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 19 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

JIANFENG LUO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La présente demande vise une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) dans laquelle le demandeur, un citoyen chinois, présente une demande d’asile sur place parce qu’il est un adepte du mouvement Falun Gong et que, s’il devait retourner en Chine, il serait exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution.

[2]  Dans la décision faisant l’objet du présent contrôle, datée du 10 janvier 2017, un agent d’ERAR (l’agent) a rejeté la demande présentée par le demandeur.

[3]  Dans la décision d’ERAR, l’agent a fait référence à la décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR), datée du 12 novembre 2014, dans laquelle la Section de la protection des réfugiés avait rejeté la demande que le demandeur présentait comme adepte du Falun Gong en Chine. La Section de la protection des réfugiés, en rejetant la demande présentée par le demandeur, avait tiré une conclusion précise quant à l’origine de l’intérêt du demandeur pour le Falun Gong. Le demandeur a expliqué qu’il avait été initié au Falun Gong par un compagnon de travail chez Toyota, son lieu de travail. Sans préavis, la Section de la protection des réfugiés a rejeté la déclaration du demandeur selon laquelle il était un employé de Toyota et a demandé un élément de preuve documentaire, ce que le demandeur ne pouvait pas fournir. La Section de la protection des réfugiés a tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur n’a pas fourni un élément de preuve relatif à son emploi chez Toyota et a donc rejeté la demande d’asile du demandeur en se fiant en partie à cette conclusion.

[4]  En ce qui concerne la présente demande du demandeur à l’agent, le demandeur a produit la documentation qu’il n’avait pas en sa possession au moment de son audience devant la Section de la protection des réfugiés en vue d’établir qu’il travaillait chez Toyota. Le litige s’est alors déplacé vers la question de la conformité du document aux exigences de l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), LC 2001 c 27 comme nouvel élément de preuve et, plus précisément, s’il était raisonnable de s’attendre dans les circonstances à ce que le demandeur présente le document à la Section de la protection des réfugiés. Le demandeur, dans sa « Demande d’examen des risques avant renvoi », a fait une déclaration attestant que les renseignements fournis dans sa demande étaient [traduction] « véridiques, complets et exacts » (dossier certifié du tribunal, volume 1, à la page 80). En conséquence, le demandeur a expliqué son défaut de fournir la documentation à la Section de la protection des réfugiés de la manière suivante :

[traduction]

Je soutiens de plus que cet élément de preuve ne m’était pas raisonnablement accessible pour que je le présente à l’audience devant la Section de la protection des réfugiés, ou de façon subsidiaire, qu’il n’était pas raisonnable de s’attendre dans les circonstances à ce que je présente l’élément de preuve à la Section de la protection des réfugiés. Il est cependant juste d’affirmer que je ne savais même pas que ce document était pertinent à ma demande d’asile lorsque je me suis présenté devant la Section de la protection des réfugiés. En préparation à mon audience devant la Section de la protection des réfugiés, je cherchais surtout à obtenir des lettres d’appui d’autres adeptes du Falun Gong au Canada parce que cette démarche semblait plus importante pour ma demande d’asile comme adepte du Falun Gong et aussi plus pertinente. C’est seulement après l’audience, et après avoir pris connaissance des conclusions de la Section de la protection des réfugiés concernant ma capacité à fournir des documents relatifs à mon emploi chez Toyota que j’ai compris que ces documents avaient une pertinence quelconque dans ma demande.

Dès que je me suis rendu compte de l’importance de ces documents, j’ai demandé à mes parents de récupérer ces documents pour moi et de me les envoyer ici au Canada. Néanmoins, mes parents ont refusé ma demande. Ils étaient tout simplement trop nerveux à l’idée que le BSP (Bureau de la sécurité publique chinois) les surveille et que le BSP les harcèlerait davantage s’il devait apprendre que mes parents m’envoyaient des documents au Canada. C’est pour cette même raison qu’ils ont refusé de me fournir une lettre d’appui ou tout autre type de confirmation des prétentions contenues dans ma demande d’asile. Ainsi, mon intention était de demander à mes parents de remettre les documents à un ami qui se rendait en Chine et qui accepterait de m’apporter les documents en main propre au Canada. Au mois d’octobre 2015, mon ami Wang Lan Chen m’a apporté les documents au Canada.

À la lumière de ce qui précède, je soutiens que les documents sont des éléments fiables, pertinents, nouveaux et qui ne m’étaient pas raisonnablement accessibles au moment de la prise de décision de la Section de la protection des réfugiés. Ainsi, je soutiens respectueusement que les documents sont conformes aux exigences explicites et implicites prévues à l’article 113 de la LIPR.

[Dossier certifié du tribunal, pages 17 et 18].

[5]  L’agent a rejeté ces explications et conclu que les éléments de preuve présentés par le demandeur pour démontrer qu’il était un employé de Toyota ne pouvaient pas être considérés comme de nouveaux éléments de preuve. L’agent a tiré les conclusions suivantes :

[traduction]

Je ne suis pas convaincu que le demandeur ne connaissait pas l’importance de fournir des documents à l’appui de sa demande. Je ne suis pas convaincu qu’il a demandé la possibilité de déposer de tels documents auprès de la Section de la protection des réfugiés après l’audience et je conclus qu’il n’a pas fourni d’explication valable de la raison de son défaut de le faire.

[Décision, à la page 5]

[6]  À l’appui de sa demande d’ERAR, le demandeur a présenté de la documentation originale établissant qu’il était effectivement un employé de Toyota. L’agent n’a pas remis en question l’authenticité et la véracité de la documentation. L’agent a toutefois rejeté la documentation parce qu’elle ne constituait pas « de nouveaux éléments de preuve », ce qui a, en partie, mené au rejet de la demande présentée par le demandeur.

[7]  À mon avis, les motifs invoqués par l’agent pour rejeter les éléments de preuve vont à l’encontre des éléments de preuve au dossier mentionnés ci-dessus et constituent une conclusion défavorable relative à la crédibilité qui est sans fondement. Par conséquent, je conclus que la décision faisant l’objet du contrôle n’est pas raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la décision visée par le présent contrôle soit annulée et que l’affaire soit renvoyée pour un nouvel examen par un autre décideur.

Il n’y a aucune question à certifier.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1188-17

INTITULÉ :

JIANFENG LUO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 octobre 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

Le 19 octobre 2017

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

Pour le demandeur

Nicole Paduraru

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dov Maierovitz

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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