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Date : 20171004


Dossier : IMM-4694-16

Référence : 2017 CF 880

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

LEONARD LIKA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur demande l’asile et prétend être la cible d’une vendetta dans son pays d’origine, l’Albanie. Au moyen de la présente demande, il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel des réfugiés confirmant une décision de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle il n’est ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, puisque la décision de la Section d’appel des réfugiés n’est ni intelligible ni transparente quant à son examen de la preuve documentaire.

I.  Résumé des faits

[3]  Au mois d’avril 2015, le demandeur a été impliqué dans un accident de la circulation ayant entraîné la paralysie d’un membre de la famille Hysa. À la suite de cet accident, la famille Hysa a déclaré une vendetta contre la famille Lika. Les familles se sont entendues pour ne pas se porter mutuellement préjudice. L’entente ne visait toutefois pas le demandeur, qui, par conséquent, a dû se cacher.

[4]  Au mois d’août 2015, à la suite d’une fusillade dans laquelle on l’a pris pour son cousin, le demandeur a obtenu un visa l’autorisant à se rendre aux États-Unis. Au mois de septembre 2015, il s’est rendu en Allemagne, où il est resté jusqu’au mois d’octobre 2015. Au mois d’octobre 2015, il s’est rendu aux États-Unis. Au mois de mars 2016, il est arrivé au Canada et il a demandé l’asile en invoquant la vendetta.

[5]  Au mois de juin 2016, la Section de la protection des réfugiés a rejeté sa demande pour des raisons de crédibilité, en soulignant qu’il n’avait pas demandé l’asile en Allemagne ou aux États-Unis. La Section de la protection des réfugiés a également relevé d’importantes omissions dans son formulaire Fondement de la demande d’asile. Il a interjeté appel de cette décision devant la Section d’appel des réfugiés.

II.  Décision de la Section d’appel des réfugiés

[6]  Au mois d’octobre 2016, la Section d’appel des réfugiés a rejeté son appel. À l’instar de la Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés a conclu que le défaut du demandeur d’avoir demandé l’asile en Allemagne ou aux États-Unis indiquait une absence de crainte subjective. Le demandeur a expliqué qu’il a tardé à demander l’asile parce qu’il espérait que la vendetta prenne fin et qu’il puisse retourner en Albanie.

[7]  Devant la Section de la protection des réfugiés, le demandeur a indiqué, dans son témoignage, que la famille Hysa avait avoué son rôle dans la fusillade de son cousin, un fait qui était corroboré par un document provenant des aînés du village. Toutefois, comme le demandeur n’a pas mentionné ce fait dans son formulaire Fondement de la demande d’asile, la Section d’appel des réfugiés et la Section de la protection des réfugiés ont conclu que cette omission mettait en doute sa crédibilité.

[8]  De plus, la Section d’appel des réfugiés n’a accordé aucun poids au document provenant des aînés et aux documents portant sur l’implication du cousin du demandeur dans une fusillade, compte tenu de la conclusion globale selon laquelle le demandeur n’était pas crédible.

[9]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que le demandeur n’était probablement pas la cible d’une vendetta et qu’il n’était, par conséquent, ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

III.  Les questions en litige

[10]  Le demandeur soulève plusieurs arguments concernant le caractère raisonnable de la décision de la Section d’appel des réfugiés. Toutefois, l’examen par la Section d’appel des réfugiés de la preuve documentaire est déterminant quant à l’issue de la présente demande.

IV.  Norme de contrôle

[11]  La norme de contrôle applicable à la décision de la Section d’appel des réfugiés est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 35; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Singh, 2016 CAF 96, aux paragraphes 29 et 30).

V.  Discussion

[12]  Le demandeur affirme qu’étant donné la conclusion défavorable concernant sa crédibilité, la Section d’appel des réfugiés n’a pas tenu compte de la preuve documentaire, notamment un rapport médical portant sur la fusillade de son cousin et une lettre provenant des aînés du village.

[13]  Devant la Section de la protection des réfugiés, le demandeur a témoigné concernant la fusillade dans laquelle son cousin a été impliqué. Il a présenté un élément de preuve, soit une lettre provenant des aînés du village, selon lequel la famille Hysa avait admis l’existence de la vendetta, laquelle était connue de la police. Comme il n’a pas indiqué ces faits dans son formulaire Fondement de la demande d’asile, la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés ont tiré une conclusion défavorable quant à sa crédibilité.

[14]  Toutefois, la Section d’appel des réfugiés a omis de tenir compte de cet élément de preuve comme une corroboration de sa demande. Même s’il n’est pas nécessaire que la Section d’appel des réfugiés mentionne chaque élément de preuve, elle a l’obligation d’examiner les éléments de preuve provenant d’une source officielle qui corroborent la demande sur le fond.

[15]  Comme la Cour l’a expliqué dans la décision Vushaj c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 255, aux paragraphes 15 et 17 :

[15] Toutefois, en ce qui concerne les documents provenant des sources officielles, soit les aînés du village et la commune, la Section de la protection des réfugiés leur a accordé une valeur probable faible en raison de la prévalence de documents frauduleux. La Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés n’ont pas expliqué la raison pour laquelle ces documents pouvaient vraisemblablement être frauduleux. Aucune préoccupation n’a été soulevée à l’égard du contenu, de la forme ou de la source des documents.

[17] Puisque le rejet des documents qui semblent, à première vue, officiels n’a pas fait l’objet d’une justification analysée et expliquée, la Section d’appel des réfugiés ne peut rejeter cette partie du témoignage des demanderesses axé sur l’existence d’une vendetta sur le principe qu’elle n’est pas crédible.

[16]  En l’espèce, la Section d’appel des réfugiés n’indique pas les motifs pour lesquels elle ne prend pas en compte ces documents, à l’exception de la conclusion défavorable globale relative à la crédibilité du demandeur. Ce n’est pas suffisant.

[17]  La décision de la Section d’appel des réfugiés est donc déraisonnable.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4694-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d’appel des réfugiés est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différent pour nouvel examen.

  2. Aucune question de portée générale n’est proposée par les parties et aucune n’est soulevée en l’espèce.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4694-16

INTITULÉ :

LEONARD LIKA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 JUILLET 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 4 OCTOBRE 2017

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt

POUR LE DEMANDEUR

Nadine Silverman

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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