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Date : 20171011


Dossier : T-2144-16

Référence : 2017 CF 901

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 11 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

demanderesse

et

DIANNE BLAKE

défenderesse

ORDONNANCE ET MOTIFS

I.                    Aperçu

[1]               La demanderesse, la ministre du Revenu national (ministre), demande une ordonnance en application des articles 466 et 467 des Règles sur les Cours fédérales, DORS/98-106, (Règles) en vertu de laquelle la défenderesse, Dianne Blake, est coupable d’outrage au tribunal pour avoir omis de se conformer à l’ordonnance du juge Gleeson datée du 18 janvier 2017.

II.                 Faits

[2]               Le 14 mars 2016, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a délivré une demande péremptoire à la défenderesse concernant des renseignements et des documents (demande péremptoire) en application de l’article 231.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 5 (5e suppl) dans sa version modifiée (LIR). La défenderesse exploite une entreprise de tenue de livres ainsi qu’une entreprise de location.

[3]               La demande péremptoire portait sur la production de documents et de registres afin d’effectuer une vérification de la déclaration de revenus de la défenderesse pour les années d’imposition 2012 et 2013 pour vérifier qu’elle s’était acquittée de ses devoirs et de ses obligations en vertu de la LIR. La demande péremptoire a été envoyée par courrier recommandé et une copie de celle-ci a été remise en mains propres à la défenderesse le 15 mars 2016.

[4]               La défenderesse n’a fourni ni les documents ni les registres, et elle ne s’est pas conformée à la demande péremptoire.

[5]               Le 12 décembre 2016, la demanderesse a produit un avis de demande sommaire en application de l’article 231.7 de la LIR demandant une ordonnance exécutoire afin d’obliger la défenderesse à fournir tout accès, toute assistance, tout renseignement ou tout document qui lui était demandé conformément à la demande péremptoire datée du 14 mars 2016. L’avis de demande sommaire a été signifié à personne à la défenderesse. Elle n’a pas comparu en réponse à l’avis à la date de présentation du 17 janvier 2017.

[6]               Le 18 janvier 2017, le juge Gleeson a accordé la demande et a délivré une ordonnance exécutoire afin d’obliger la défenderesse à fournir à la demanderesse les renseignements ou les documents conformément à la lettre datée du 14 mars 2016, dans les 21 jours suivant la date de l’ordonnance.

[7]               Le juge Gleeson a ordonné ce qui suit :

1.      Conformément à la demande sommaire formulée par la ministre en vertu de l’article 231.7 de la LIR, la défenderesse fournisse à Judy McEwan, une agente autorisée de l’Agence du revenu du Canada au Bureau des services fiscaux de Toronto-Est, ou à une autre personne autorisée susceptible d’être affectée au traitement de ce dossier, les renseignements et les documents énoncés dans la demande péremptoire datée du 14 mars, laquelle est annexée à l’ordonnance en tant qu’annexe « A », dans les 21 jours suivant la date de la présente ordonnance.

2.      La ministre du Revenu national est autorisée à signifier la présente ordonnance à la défenderesse par un autre mode de signification en application de l’article 139 des Règles des Cours fédérales.

3.      Des dépens de 500 $ sont accordés à la ministre du Revenu national.

[8]               L’ordonnance exécutoire a été envoyée par courrier recommandé à la dernière adresse connue de la défenderesse, comme l’a autorisé le juge Gleeson. La défenderesse ne s’est pas conformée à l’ordonnance dans le délai prescrit.

[9]               Le 17 juillet 2017, la demanderesse a présenté une requête par écrit en application de l’article 369 des Règles en vue d’obtenir une ordonnance en vertu du paragraphe 467(1) des Règles exigeant que la défenderesse comparaisse devant la Cour, prête à entendre la preuve et à présenter une défense de l’acte dont elle est accusée, c’est-à-dire d’être coupable d’outrage au tribunal pour avoir désobéi à une ordonnance de la Cour en vertu de l’article 466 des Règles, et pour être reconnue coupable en vertu de l’article 472 des Règles pour son défaut de se conformer à l’ordonnance exécutoire.

[10]           Le 31 juillet 2017, le protonotaire Aalto a délivré une ordonnance de justifier en application du paragraphe 467(1) des Règles pour avoir omis de se conformer à l’ordonnance du juge Gleeson datée du 18 janvier 2017. On a ordonné à la défenderesse de se présenter à la Cour le 19 septembre 2017. L’ordonnance de justifier a été envoyée à la défenderesse par la poste. La défenderesse n’a pas comparu devant la Cour le 19 septembre 2017 et le juge Boswell a ajourné l’affaire jusqu’au 10 octobre 2017 pour confirmer la signification de l’ordonnance de justifier à la défenderesse.

[11]           Le 10 octobre 2017, la défenderesse n’a pas comparu et la demanderesse a présenté une requête ex-parte en vue d’une ordonnance validant la signification de l’ordonnance de justifier ou, subsidiairement, une ordonnance de signification indirecte. La Cour a accordé la requête en validation de la signification et une ordonnance a été délivrée le 11 octobre 2016 à cet effet.

III.               Question en litige

[12]           La défenderesse est-elle coupable d’outrage au tribunal pour avoir omis d’obéir à l’ordonnance exécutoire datée du 18 janvier 2017?

IV.              Preuve

[13]           La preuve de l’outrage de la défenderesse a été présentée par le témoignage du témoin de la demanderesse et au moyen d’un affidavit en application du paragraphe 470(1) des Règles.

[14]           La demanderesse a convoqué un témoin pour appuyer ses prétentions selon lesquelles la défenderesse est coupable d’outrage au tribunal. Le témoin était Mme Judy McEwan, de la Division de la vérification de l’Agence du revenu du Canada, qui est responsable de la vérification à l’égard de la défenderesse.

[15]           À la barre, Mme McEwan a expliqué qu’elle avait tenté, à plusieurs reprises, d’examiner les documents et les registres de la demanderesse à sa résidence, en plus des multiples tentatives de joindre la défenderesse au téléphone. Après l’échec de ses tentatives, elle a demandé d’avoir recours à une demande péremptoire visant les renseignements et les documents de la défenderesse. Elle a indiqué de quelle façon la défenderesse ne s’était pas conformée à la demande péremptoire ou à toutes les autres tentatives répétées de faire respecter la demande péremptoire ou l’ordonnance du juge Gleeson.

[16]           Pour appuyer la requête de la demanderesse relative à une ordonnance en vue de valider la signification de l’ordonnance du juge Boswell du 19 septembre 2017, la demanderesse a produit un affidavit de signification pour montrer que la demanderesse avait pris des mesures raisonnables afin de signifier à personne l’ordonnance de justifier à la dernière adresse connue de la défenderesse à de multiples reprises.

[17]           La demanderesse a fait valoir que la défenderesse était informée de l’instance devant la Cour concernant l’ordonnance exécutoire et l’ordonnance de justifier.

[18]           La demanderesse a fait valoir que la défenderesse a été signifiée et est au fait de l’ordonnance exécutoire du juge Gleeson datée du 18 janvier 2017, puisqu’une copie de l’ordonnance exécutoire a été envoyée par courrier recommandé et que la signification a été effectuée en application de l’article 139 des Règles.

V.                 Discussion

[19]           Une personne peut être reconnue coupable d’outrage au tribunal pour avoir désobéi à une ordonnance de la Cour : article 466 des Règles. Une déclaration de culpabilité pour outrage doit s’appuyer sur une preuve hors de tout doute raisonnable : article 469 des Règles; Canada (Revenu national) c. Marangoni, 2013 CF 1154 au paragraphe 22 [Marangoni]. Dans ce contexte, pour que la défenderesse soit déclarée coupable d’une infraction d’outrage au tribunal, la Cour doit être convaincue que (1) la défenderesse a reçu l’ordonnance exécutoire et en a été informée et que (2) la défenderesse a réellement omis de se conformer à ladite ordonnance : Marangoni, précitée, paragraphe 23; Canada (Revenu national) c. Vallelonga, 2013 CF 1155 aux paragraphes 18 et 19.

[20]           Compte tenu de la preuve présentée à la Cour, je conclus que la demanderesse a prouvé hors de tout doute raisonnable que l’ordonnance exécutoire datée du 18 janvier 2017 a été signifiée à la défenderesse. Je conclus également que la défenderesse a omis de se conformer, par un acte intentionnel ou par omission, aux conditions énoncées dans l’ordonnance exécutoire exigeant qu’elle divulgue certains documents et registres. La défenderesse n’a pas comparu devant la Cour et elle n’a ni fourni les documents ni les registres requis par l’ordonnance exécutoire au cours de la période de huit mois qui s’est écoulée depuis la délivrance de celle-ci par la Cour. Elle ne s’est pas non plus conformée à l’ordonnance de justifier ou n’a respecté aucune des autres ordonnances délivrées par la Cour.

[21]           Par conséquent, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que la défenderesse Dianne Blake est coupable d’outrage au tribunal.

[22]           Avant de fixer la peine, la Cour a reçu et examiné des observations de la demanderesse quant à la peine appropriée à imposer et a passé en revue la jurisprudence. La défenderesse n’a pas comparu et n’a présenté aucun plaidoyer quant à la peine. La Cour estime que les observations proposées par la demanderesse sont justes et proportionnelles dans les circonstances et qu’elles offrent amplement le loisir à la demanderesse de se libérer de sa condamnation pour outrage en se conformant à l’ordonnance du 18 janvier 2017 et en fournissant des explications raisonnables à la Cour pour ses actions et omissions subséquentes.

[23]           Dans l’éventualité où la défenderesse omettrait de se conformer aux conditions de la présente ordonnance, la demanderesse peut s’adresser à la Cour pour obtenir la délivrance d’un mandat d’arrêt et d’emprisonnement contre la défenderesse.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

  1. La défenderesse Dianne Blake soit par les présentes déclarée coupable d’outrage au tribunal.
  2. La défenderesse soit tenue de payer une amende de 3 000 $ dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance et soit également tenue de payer les dépens de 3 969,63 $ de la demanderesse dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance. Le défaut de paiement de l’amende et des dépens dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance exposera la défenderesse à 30 jours d’emprisonnement.
  3. La défenderesse fournisse tous les renseignements et documents dont la présentation est prescrite par l’ordonnance exécutoire dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance, à défaut de quoi la défenderesse doit être emprisonnée pendant 30 jours, cette peine devant être purgée consécutivement à toute autre peine d’emprisonnement imposée par la présente ordonnance.
  4. La défenderesse ne soit pas emprisonnée pour le défaut de payer l’amende ou les dépens tel qu’il est ordonné dans le paragraphe 2, ci-dessus, si, dans les 30 jours à compter de la signification de la présente ordonnance, la défenderesse prend des dispositions auprès de la ministre aux fins d’un interrogatoire oral sous serment et présente une preuve satisfaisante à la Cour qu’elle n’est pas actuellement en mesure de payer l’amende ou les dépens, ou qu’elle a besoin d’une prorogation du délai de paiement.
  5. La défenderesse ne soit pas emprisonnée pour le défaut de produire les renseignements et les documents, tel qu’il est ordonné au paragraphe 3, ci-dessus, si, dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance relative à la détermination de la peine, la défenderesse prend des dispositions auprès de la ministre aux fins d’un interrogatoire oral sous serment et présente une preuve satisfaisante à la Cour qu’elle n’est pas en mesure de produire les renseignements et documents et que son incapacité de le faire de découle pas de ses actions intentionnelles, de sou insouciance ou de sa négligence.
  6. Si la ministre informe la Cour par affidavit que le paiement de l’amende ou des dépens tel qu’il est ordonné au paragraphe 2, ci-dessus, n’a pas été effectué dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance et que la défenderesse n’a pas pris de dispositions auprès la ministre aux fins d’un interrogatoire oral sous serment conformément au paragraphe 4 ci-dessus, la ministre peut s’adresser à la Cour pour la délivrance d’un mandat d’emprisonnement de 30 jours contre la défenderesse.

7.      Si la ministre informe la Cour par affidavit que le la défenderesse n’a pas fourni les renseignements et documents, tel qu’il est ordonné au paragraphe 3, ci-dessus, dans les 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance et que la défenderesse n’a pas pris de dispositions auprès de la ministre aux fins d’un interrogatoire oral sous serment à l’égard de sa capacité de produire les renseignements et documents, et que la défenderesse n’a pas convaincu la Cour conformément au paragraphe 5, ci-dessus, alors la ministre peut s’adresser à la Cour pour la délivrance d’un mandat d’emprisonnement de 30 jours contre la défenderesse. Cette peine doit être purgée consécutivement à toute autre peine d’emprisonnement imposée par la présente ordonnance.

  1. La présente ordonnance peut être signifiée à la défenderesse par signification indirecte, conformément au paragraphe 136(1) des Règles, en envoyant une copie de l’ordonnance par courrier recommandé par l’intermédiaire de Postes Canda, si la demanderesse n’est pas en mesure de procéder à la signification à la défenderesse conformément à l’article 139 des Règles.

« Richard G. Mosley »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Dossier :

T-2144-16

 

 

INTITULÉ :

LA MINISTRE DU REVENU NATIONAL c DIANNE BLAKE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 octobre 2017

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 11 octobre 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Annette Evans

 

Pour la demanderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureure générale du Canada

Pour la demanderesse

 

 

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