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Date : 20171004


Dossier : IMM-4452-16

Référence : 2017 CF 879

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 octobre 2017

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

ISMAIL OLANIYI TAIWO

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés, rejetant la demande d’asile d’Ismail Olaniyi Taiwo. Il soutient qu’en raison de sa conversion au christianisme, il est victime de persécution de la part de son oncle au Nigéria. La Section de la protection des réfugiés a rejeté sa demande d’asile au motif qu’il n’était pas crédible et qu’il disposait d’une possibilité de refuge intérieur viable dans le sud du Nigéria. La Section d’appel des réfugiés a également rejeté sa demande pour les mêmes motifs.

[2]  Pour les raisons qui suivent, le présent contrôle judiciaire est rejeté, puisque le demandeur n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision.

I.  Décision de la Section d’appel des réfugiés

[3]  La Section d’appel des réfugiés a rejeté la demande du demandeur en octobre 2016 et a confirmé la décision de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle une possibilité de refuge intérieur s’offrait au demandeur au Nigéria, soit à Port Harcourt.

[4]  Dans son évaluation d’une possibilité de refuge intérieur viable, la Section d’appel des réfugiés a appliqué le critère à deux volets énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706 (CA) [Rasaratnam].

[5]  Comme la Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que l’oncle du demandeur avait un pouvoir ou une influence à l’extérieur de Lagos. En ce qui concerne l’enlèvement du demandeur, la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il n’était exposé qu’à un risque local. En outre, la Section d’appel des réfugiés a souligné que le demandeur n’était pas très connu et que son oncle avait une influence peu étendue au Nigéria; pour ces raisons la Section d’appel des réfugiés pensait que le demandeur ne serait pas ciblé par la police ou toute autre personne à l’extérieur de Lagos.

[6]  La Section d’appel des réfugiés n’a accordé aucun poids au rapport de police qui indiquait que le demandeur était recherché pour avoir commandité Boko Haram. La Section d’appel des réfugiés a jugé que le document n’avait pas les caractéristiques d’un document officiel d’une autorité gouvernementale nigériane.

[7]  La Section d’appel des réfugiés a également examiné la question de savoir s’il serait trop sévère de s’attendre à ce que l’appelant déménage dans une autre partie du pays, conformément au critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 RCF 589 (CA) [Thirunavukkarasu]. La Section d’appel des réfugiés a souligné la conclusion de la Cour d’appel dans l’arrêt Thirunavukkarasu, selon laquelle les épreuves liées au déplacement et à la réinstallation représentent les répercussions normales d’une possibilité de refuge intérieur et ne constituent pas des épreuves indues.

[8]  Le demandeur a fait valoir qu’il serait victime de discrimination de nature ethnique, religieuse et linguistique à Port Harcourt. Toutefois, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la discrimination ethnique et linguistique n’existe pas dans les grandes villes comme Port Harcourt. Pour ce qui est de la discrimination religieuse invoquée par le demandeur, la Section d’appel des réfugiés a souligné qu’une grande majorité de la population chrétienne se trouve dans le sud du Nigéria.

[9]  Il a également soutenu qu’il aurait des difficultés financières parce qu’il serait plus difficile pour lui de travailler comme architecte à l’extérieur de Lagos. La Section d’appel des réfugiés a conclu que les difficultés économiques ou liées à l’emploi auxquelles serait exposé le demandeur ne constituaient pas des épreuves indues.

[10]  La Section d’appel des réfugiés était d’accord avec la Section de la protection des réfugiés pour dire que le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur viable.

II.  Question en litige

[11]  Le caractère raisonnable de la décision de la Section d’appel des réfugiés sera évalué par rapport aux trois questions principales soulevées par le demandeur :

  1. Le traitement par la Section d’appel des réfugiés d'un nouvel élément de preuve.

  1. Le traitement par la Section d’appel des réfugiés du rapport de la police nigériane.
  2. L’évaluation de la possibilité de refuge intérieur.

III.  Norme de contrôle

[12]  Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 35; Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, au paragraphe 22).

[13]  Cette norme s’applique également à l’évaluation par la Section d’appel des réfugiés de l’admissibilité du « nouvel élément de preuve » (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, au paragraphe 29 [Singh]).

[14]   À ce titre, la Cour n’interviendra que si la décision de la Section d’appel des réfugiés n’appartient pas aux issues possibles pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

IV.  Discussion

a.  Le traitement par la Section d’appel des réfugiés du nouvel élément de preuve.

[15]  Devant la Section d’appel des réfugiés, le demandeur a tenté de déposer un nouvel élément de preuve dont ne disposait pas la Section de la protection des réfugiés. Le demandeur fait valoir que le refus par la Section d’appel des réfugiés d’examiner cet élément de preuve constituait une erreur et qu’elle aurait dû admettre ce nouvel élément de preuve, soit un article qui a été publié après l’audience devant la Section de la protection des réfugiés.

[16]  Concernant la question de l’admission du nouvel élément de preuve, la Section d’appel des réfugiés a appliqué à juste titre l’analyse énoncée dans l’arrêt Raza (Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385) [Raza]. Même si elle aurait pu admettre l’article qui a été publié après l’audience devant la Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés a fait remarquer que le demandeur n’avait pas expliqué la raison pour laquelle il n’avait pu présenter l’article à titre d’élément de preuve déposé après l’audience quand il a pris connaissance de sa publication.

[17]  La Section d’appel des réfugiés n’était pas convaincue que l’article en question respectait les critères indiqués au paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la LIPR) pour l’admission d’un nouvel élément de preuve, et a donc refusé le document. Il est manifeste que la Section d’appel des réfugiés a examiné les motifs permettant d’admettre le nouvel élément de preuve et qu’elle a fait les recherches appropriées au sujet de l’article. Même si la Section d’appel des réfugiés a refusé au bout du compte d’accepter l’article comme élément de preuve, elle a agi de façon raisonnable lorsqu’elle l’a examiné.

[18]  Il ne convient pas que la Cour, lors d’un contrôle judiciaire, revoit les facteurs de l’arrêt Raza et les applique aux documents présentés par le demandeur. Selon la norme de révision raisonnable, la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de l’analyse faite par la Section d’appel des réfugiés de l’admissibilité du nouvel élément de preuve.

[19]  La décision de la Section d’appel des réfugiés de ne pas admettre le nouvel élément de preuve est raisonnable.

b.  Le traitement par la Section d’appel des réfugiés du rapport de la police nigériane.

[20]  Le demandeur fait valoir que la Section d’appel des réfugiés aurait dû accorder du poids au rapport de la police nigériane. Il soutient que si la Section d’appel des réfugiés avait des doutes quant à son authenticité, elle aurait dû les communiquer au demandeur pendant une audience orale. Selon lui, le format des documents de la police au Nigéria peut varier, et l’aspect seul ne peut justifier qu’on écarte le rapport parce qu’il n’est pas authentique.

[21]  Toutefois, un examen des motifs de la Section d’appel des réfugiés indique que cette dernière n’a pas écarté le rapport uniquement en raison de son aspect physique. Selon son raisonnement, un rapport de police qui proviendrait supposément d’un organisme central, comme le département d’État au quartier général de Lagos, porterait habituellement les caractéristiques de rapports de police typiques au pays. La Section d’appel des réfugiés a conclu que le rapport de police, qui précise que le demandeur était recherché par l’État, est probablement un faux et elle ne lui a donc accordé aucun poids.

[22]  Le demandeur n’a pas démontré en quoi cette conclusion est déraisonnable.

[23]  À titre d’argument connexe, le demandeur soutient que si la Section d’appel des réfugiés avait des doutes quant à l’authenticité du rapport de la police nigériane, elle aurait dû les communiquer au demandeur pendant une audience orale. Selon le paragraphe 110(6) de la LIPR, la Section d’appel des réfugiés peut convoquer une audience orale si de nouveaux éléments de preuve documentaire sont admis aux termes du paragraphe 110(4), et qu’ils soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité de la personne en cause et d’autres considérations (Adera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 871, au paragraphe 57). En l’espèce, le rapport de police n’était pas « nouveau », parce qu’il avait été présenté à la Section de la protection des réfugiés. En outre, la Section d’appel des réfugiés n’a pas écarté le rapport de police en raison du manque de crédibilité du demandeur, mais plutôt en raison de la valeur probante du document en soi.

[24]  Même si l’obligation d’équité procédurale de common law peut donner au demandeur une possibilité de répondre lorsque la Section d’appel des réfugiés formule de nouvelles conclusions quant à la crédibilité (Husian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 684, aux paragraphes 9 et 10), les conclusions en l’espèce concernaient le poids accordé au rapport de police et non la crédibilité du demandeur.

[25]  Par conséquent, le traitement par la Section d’appel des réfugiés du rapport de police était raisonnable.

c.  L’évaluation de la possibilité de refuge intérieur.

[26]  Le demandeur soutient que la possibilité de refuge intérieur n’est pas viable en raison de son profil et des difficultés auxquelles il fera face.

[27]  L’analyse de la possibilité de refuge intérieur comporte deux aspects : 1) la question de savoir s’il existe une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté dans la partie du pays où une possibilité de refuge intérieur existe et 2) la question de savoir s’il serait déraisonnable pour le demandeur de chercher refuge dans la région visée par la possibilité de refuge intérieur (Rasaratnam, à la page 711). En ce qui concerne le deuxième volet du critère, le refuge sera déraisonnable uniquement si la réinstallation entraîne des épreuves indues (Thirunavukkarasu, à la page 688).

[28]  En l’espèce, le demandeur fait valoir qu’il y a une possibilité sérieuse de persécution parce que, selon lui, son oncle exerce un pouvoir et une influence partout au pays. Toutefois, la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’aucun élément de preuve n’appuyait cette affirmation. Elle a fait remarquer l’absence d’éléments de preuve montrant que son oncle, un imam de Lagos, détenait un pouvoir ou une influence à l’extérieur de Lagos. Il n’y avait également aucun élément de preuve montrant qu’en tant qu’homme de moyens, il exerçait une influence sur la police locale.

[29]  La deuxième source de persécution alléguée est la police qui, selon le demandeur, recevrait des pots-de-vin de son oncle. Le demandeur a fait valoir qu’il avait été détenu sans raison sur ordre de son oncle. Selon la Section d’appel des réfugiés, sa détention avait pour but d’obtenir un pot-de-vin, une situation à laquelle font face de nombreux Nigérians. La Section d’appel des réfugiés a également conclu que cette détention était un incident local.

[30]  La Section d’appel des réfugiés a examiné la question de savoir si la difficulté associée à la réinstallation constituait une épreuve indue comme on le décrit dans la décision Thirunavukkarasu. Le demandeur a fait valoir qu’il serait victime de discrimination de nature ethnique, religieuse et linguistique à Port Harcourt. Il a également fait valoir, en insistant fortement sur ce fait, qu’il ne pourrait pas trouver un emploi convenable comme architecte qui lui permettrait de subvenir aux besoins de sa famille.

[31]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que même s’il existait une possibilité de discrimination, comme pour tout groupe de la minorité ou même de la majorité, une telle discrimination est moindre dans des grands centres urbains. À ce titre, cet élément n’est pas admissible à titre d’épreuve indue.

[32]  De plus, la Section d’appel des réfugiés a conclu que le demandeur ne ferait pas face à des difficultés pour se trouver un emploi qui constitueraient une épreuve indue.

[33]  Dans l’ensemble, le demandeur n’a soulevé aucune erreur susceptible de révision dans l’évaluation par la Section d’appel des réfugiés du caractère raisonnable de la possibilité de refuge intérieur.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4452-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés est rejetée.

  2. Aucune question grave de portée générale n’a été certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 4e jour de septembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4452-16

INTITULÉ :

ISMAIL OLANIYI TAIWO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 25 juillet 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 4 OCTOBRE 2017

COMPARUTIONS :

Solomon Orjiwuru

Pour le demandeur

Christopher Crighton

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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