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Date : 20170922


Dossier : IMM-575-17

Référence : 2017 CF 850

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 22 septembre 2017

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

GYORGY GOMBOS

ZITA LAKATOS

ZITA VIRAG GOMBOS

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente principale d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agente) datée du 3 janvier 2017, par laquelle a été rejetée la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) des demandeurs.

Résumé des faits

[2]  Les demandeurs sont tous membres d’une famille composée du demandeur principal, de sa conjointe de fait (la demanderesse) et de leur fille de onze ans. Ils sont tous des citoyens de la Hongrie. Les demandeurs sont entrés au Canada en avril 2011 et ont présenté des demandes d’asile au motif de leur origine ethnique rome. Leur demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 18 juin 2013. Les demandeurs ont été renvoyés du Canada en août 2014. Le 29 juin 2015, la Cour a rejeté la demande de contrôle judiciaire des demandeurs à l’égard de la décision de la Section de la protection des réfugiés (Gombos et al c Citoyenneté et Immigration, IMM-4776-13). En janvier 2016, le demandeur principal s’est rendu aux États‑Unis, sa famille l’a suivi peu de temps après. Les demandeurs ont tenté de revenir au Canada en juillet 2016 et, même s’ils faisaient toujours l’objet de mesures de renvoi, ils avaient le droit de demander un ERAR, ce qu’ils ont fait.

Décision faisant l’objet du contrôle

[3]  L’agente a décrit les conclusions de la Section de la protection des réfugiés, le but de l’ERAR et les documents à l’appui produits par les demandeurs pour appuyer leur ERAR. L’agente a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de nouveaux éléments de preuve pour régler les questions de crédibilité soulevées par la Section de la protection des réfugiés ou pour la convaincre que les conditions du pays avaient changé au point que les demandeurs étaient désormais exposés à un risque en sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[4]  L’agente a également conclu que les demandeurs s’appuyaient sur des éléments de preuve qui ne pouvaient pas être qualifiés de « nouveaux », comme il était raisonnable qu’on s’attende à ce qu’ils les aient soulevés au moment de l’examen effectué par la Section de la protection des réfugiés. Plus particulièrement, les demandeurs ont mentionné leur appartenance à une famille comprenant des défenseurs des Roms bien connus et ils ont indiqué qu’ils participaient personnellement à cette défense. L’agente a consigné le récit du demandeur principal dans le cadre de l’ERAR, qui indiquait que son père avait été un célèbre représentant rom au parlement rom et un défendeur des Roms, ce qui avait causé des préjudices, et que le demandeur principal et ses frères et sœurs aidaient les Roms par l’intermédiaire d’organisations mises sur pied par son père, et d’autres dirigeants roms, et qu’ils étaient également victimes de menaces. L’agente a fait observer que le père du demandeur principal était décédé en 2009, soit deux ans avant la première arrivée des demandeurs au Canada. En outre, les demandeurs ont omis de mentionner ces activités au point d’entrée en 2011, dans les Formulaires de renseignements personnels (les FRP) des demandeurs, pendant leur témoignage devant la Section de la protection des réfugiés ou dans les observations postérieures à l’audience de la Section de la protection des réfugiés. L’agente a conclu que ces éléments de preuve étaient antérieurs à la décision de la Section de la protection des réfugiés et qu’ils auraient raisonnablement pu être présentés par les demandeurs lors de leur comparution devant la Section de la protection des réfugiés. De plus, au point d’entrée, en juillet 2016, lorsqu’on leur a demandé pour quelles raisons ils fuyaient la Hongrie, le demandeur principal a déclaré que son père était un politicien tsigane et que leurs vies étaient en danger, mais ils n’ont fait aucune mention de leur propre participation. De plus, dans leur déclaration d’antécédents, ils n’ont énuméré aucune organisation ou association dont ils étaient membres.

[5]  L’agente a déclaré qu’elle avait accordé beaucoup d’importance aux motifs écrits de la Section de la protection des réfugiés, qui consignaient un échange entre la demanderesse et le demandeur principal à propos de la possibilité de déménager à Budapest. On leur a demandé directement s’ils pouvaient fournir des renseignements à propos des problèmes éprouvés par d’autres membres de la famille en Hongrie et aucun d’entre eux n’a présenté de renseignements relatifs à leurs familles. L’agente a déclaré que cela l’avait convaincue que, même si leur avocat inscrit au dossier à l’audience de la Section de la protection des réfugiés avait omis d’examiner en profondeur leur situation personnelle pendant qu’il préparait un FRP, on avait posé des questions directement aux demandeurs devant la Section de la protection des réfugiés à propos de tout problème familial particulier et qu’ils auraient raisonnablement pu fournir les renseignements. Par conséquent, l’agente n’était pas convaincue qu’il s’agissait d’un nouveau risque.

[6]  En ce qui concerne le fait que les demandeurs s’étaient appuyés sur les décisions positives de la Section de la protection des réfugiés à l’égard de certains frères et sœurs du demandeur principal, l’agente a d’abord souligné que chaque cas doit être évalué en fonction des éléments de preuve qui lui sont propres et de son bien-fondé. En outre, les demandeurs doivent fournir des éléments de preuve fiables indiquant qu’ils sont des personnes dans une situation semblable. En l’espèce, la sœur du demandeur principal s’est distinguée de ses autres frères et sœurs en témoignant qu’elle accomplissait effectivement un travail semblable à l’un de ses frères, Edmond, mais elle n’a fait aucune mention d’autres membres de sa famille qui œuvraient pour la défense des Roms. L’agente a conclu que cela était conforme à l’omission des demandeurs de soulever eux-mêmes cette question et qu’ils y faisaient maintenant référence en raison de la demande d’asile accueillie d’un frère ou d’une sœur.

[7]  L’agente a conclu que le témoignage d’Aladar Horvath ne constituait pas non plus un nouvel élément de preuve, car il était antérieur au rejet de la demande des demandeurs par la Section de la protection des réfugiés. Dans tous les cas, la Section de la protection des réfugiés aurait raisonnablement eu connaissance des documents, car M. Horvath a fourni ses documents à différents publics au Canada, dont la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. L’agente a également fait remarquer que, même en tenant compte de la preuve de M. Horvath, des éléments de preuve documentaire plus récents et plus fiables montraient que le parti Jobbik commençait à se dissocier des éléments extrémistes. L’agente a cité des éléments de preuve précis à cet égard.

[8]  Les demandeurs ont également produit un document intitulé « Accelerating Patterns of Anti-Roma Violence in Hungary » (Accélération des tendances de la violence contre les Roms en Hongrie), publié par la Harvard School of Public Health. L’agente a indiqué que, bien que ce document était daté de 2014, il faisait référence à des données s’étendant de 2004 à 2009. Par conséquent, il ne rendait pas compte des conditions postérieures à la décision de la Section de la protection des réfugiés ou ne démontrait pas un changement dans les conditions du pays. L’agente a également souligné la preuve des demandeurs concernant la politique de la Hongrie concernant l’intégration des Roms pour 2011-2010, que la Section de la protection des réfugiés a également citée dans sa décision. Cependant, elle est arrivée à la conclusion que les renseignements actuels, datés de 2016, indiquaient des avis partagés à l’égard des progrès du gouvernement concernant la mise en œuvre de la politique, citant ces éléments de preuve documentaire. L’agente est arrivée à la conclusion que les éléments de preuve montraient que la politique adoptée par le gouvernement avait des répercussions positives, mais modestes, tout en reconnaissant toutefois que les conditions pour les non-Roms sont considérablement meilleures que pour la minorité rome.

[9]  En outre, l’agente a indiqué la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les demandeurs disposaient d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) viable à Budapest et que les demandeurs n’avaient pas suffisamment réfuté la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle, pour cette famille, Budapest offrait une possibilité de refuge intérieur raisonnable.

[10]  L’agente a conclu que, même si la preuve était mitigée en ce qui concerne le traitement des Roms et la perception des différentes parties, gouvernementales et autres, en ce qui concerne les défis auxquels ils sont confrontés ainsi que les progrès réalisés pour améliorer les conditions, elle n’était pas convaincue que cela démontrait qu’un changement dans les conditions du pays poserait un nouveau risque pour les demandeurs. La totalité de la preuve ne l’a pas convaincue de tirer une conclusion différente de celle de la Section de la protection des réfugiés. De plus, les demandeurs n’avaient pas présenté suffisamment de nouveaux éléments de preuve pour répondre aux préoccupations de la Section de la protection des réfugiés concernant la crédibilité, et les demandeurs n’avaient pas présenté suffisamment d’éléments de preuve selon lesquels Budapest ne constituait pas une possibilité de refuge intérieur viable. Par conséquent, il n’y avait pas suffisamment de nouveaux éléments de preuve montrant une possibilité de risque sérieuse au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

[11]  Enfin, l’agente a formulé des remarques à l’égard des observations des demandeurs à propos de l’incompétence de leur ancien avocat, M. Farkas. À cet égard, l’agente a reconnu que M. Farkas avait alors fait l’objet d’une procédure disciplinaire, mais elle n’était pas convaincue que cela empêchait les demandeurs de fournir les détails concernant les activités de défense des Roms, qu’il s’agisse de celles du père du demandeur principal ou des leurs, ou tout problème éprouvé par d’autres membres de la famille en raison de leurs liens familiaux. Elle a accordé une grande importance au fait que les demandeurs avaient omis de mentionner des problèmes éprouvés par des membres de la famille lorsqu’ils ont été expressément invités à le faire lors de leur témoignage devant la Section de la protection des réfugiés.

Questions en litige

[12]  Les demandeurs soulèvent les trois questions en litige suivantes :

  • - L’agente a-t-elle commis une erreur en procédant à des évaluations de la crédibilité déguisées sans prévoir une entrevue si la crédibilité était en cause et, par conséquent, l’agente a-t-elle commis une erreur dans l’évaluation de la crédibilité? Ce faisant, l’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte adéquatement du rôle de l’avocat qui a ultérieurement fait l’objet d’une mesure disciplinaire pour inconduite à l’audience?

  • - L’agente a-t-elle omis d’analyser la situation personnelle des demandeurs et s’est-elle appuyée trop fortement sur la décision antérieure de la Section de la protection des réfugiés, restreignant ainsi sa compétence?

  • - L’agente a-t-elle commis une erreur en énonçant le critère de la protection de l’État dans son évaluation?

[13]  Je tiens à souligner que, même si cette question n’est pas expressément mentionnée comme question litigieuse, les demandeurs ont également formulé une allégation de représentation incompétente contre M. Farkas dans leurs observations écrites.

[14]  Le défendeur soutient que les questions qui suivent sont en litige :

  • - À titre préliminaire, les allégations contre l’ancien avocat doivent faire l’objet d’un avis.

  • - L’application par l’agente du critère visé à l’article 113 relatif à de nouveaux éléments de preuve était raisonnable.

  • - L’évaluation par l’agente des éléments de preuve était raisonnable.

[15]  À mon avis, la demande en l’espèce soulève la question préliminaire et les deux questions principales qui suivent :

  • - Question préliminaire : La Cour peut-elle trancher la question de savoir si M. Farkas a fait preuve d’incompétence dans sa représentation des demandeurs?

  • - L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir une audience?

  • - L’évaluation des éléments de preuve par l’agente était-elle raisonnable?

Question préliminaire : La Cour peut-elle trancher la question de savoir si M. Farkas a fait preuve d’incompétence dans sa représentation des demandeurs?

[16]  Les demandeurs ont allégué dans plusieurs contextes tout au long de leurs observations écrites que M. Farkas les avait représentés de manière incompétente. Même si cela n’est pas indiqué clairement, les demandeurs semblent affirmer ou affirment directement une représentation incompétente en plus de la question selon laquelle l’agente s’est appuyée sur une décision antérieure qui était potentiellement entachée par l’incompétence de l’avocat. Cependant, les allégations des demandeurs à l’encontre de M. Farkas ne comprennent aucun détail.

[17]  Le critère pour répondre aux allégations d’assistance inefficace ou incompétente de l’avocat a été bien défini par la jurisprudence (Zhu c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 626, aux paragraphes 39 à 43). Dans un premier temps, le demandeur doit établir que les actes ou omissions de l’avocat concerné relevaient de l’incompétence et, dans un deuxième temps, qu’une erreur judiciaire en a résulté (R c GDB, 2000 CSC 22, au paragraphe 26 (GDB)). Il incombe au demandeur de prouver les volets relatifs à l’examen du travail et au préjudice pour démontrer qu’il s’est produit un manquement à l’équité procédurale (Guadron c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1092, au paragraphe 17). L’incompétence de l’ancien avocat doit ressortir de la preuve de façon suffisamment claire et précise (Shirwa c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 2 CF 51, au paragraphe 12 (Shirwa); Memari c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1196, au paragraphe 36 (Memari)). Il y a également une forte présomption que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable (GDB, au paragraphe 27; Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 269, aux paragraphes 16 et 18). L’incompétence entraînera un manquement à l’équité procédurale seulement dans des « circonstances exceptionnelles » (Shirwa, au paragraphe 13; Memari, au paragraphe 36; Pathinathar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1225, au paragraphe 38; Nizar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 557, au paragraphe 24). En outre, un protocole procédural de la Cour, Concernant les allégations formulées contre les avocats ou contre d’autres représentants autorisés au cours des instances de la Cour fédérale en matière de citoyenneté, d’immigration et de personnes à protéger (le Protocole procédural), établit la procédure que les demandeurs doivent respecter lorsqu’ils allèguent l’incompétence de l’avocat, ce qui comprend la signification d’un avis à l’ancien avocat.

[18]  À mon avis, dans les circonstances, aucune des allégations directes à l’encontre de M. Farkas concernant sa représentation des demandeurs ne peut être examinée par la Cour. Il en est ainsi parce que, comme l’a signalé le défendeur et comme le confirme le dossier, les demandeurs n’ont pas, comme ils étaient tenus de le faire, respecté le Protocole procédural. Ainsi, M. Farkas n’a pas été avisé de l’allégation ou n’a pas eu la possibilité d’y répondre.

[19]  Cependant, les demandeurs font valoir, ce qui n’est pas contesté, qu’après avoir représenté les demandeurs devant la Section de la protection des réfugiés, le Barreau du Haut‑Canada (le Barreau) a pris une mesure disciplinaire à l’encontre de M. Farkas.

[20]  Je souligne que les demandeurs étaient représentés par leur avocat actuel aux fins de l’ERAR. Les éléments de preuve documentaire dont était saisie l’agente chargé de l’ERAR portant sur la compétence de M. Farkas ne comprenaient que l’avis de demande du Barreau, daté du 10 juillet 2013, qui présentait une description très brève des allégations. On alléguait dans l’avis qu’entre février 2011 et novembre 2012, M. Farkas avait contrevenu au Code de déontologie dans sa façon d’exercer le droit, et en omettant de superviser directement et efficacement les membres du personnel, qui n’étaient pas des avocats, de son cabinet à qui il déléguait la préparation des demandes d’asile, et en omettant de servir de multiples clients en ce qui avait trait à leurs demandes d’asile. De plus, des extraits d’un article intitulé « No Refuge : Hungarian Romani Refugee Claimants in Canada » (Sans refuge : Les demandeurs d’asile roms hongrois au Canada), (Julianna Beaudoin, Jennifer Danch et Sean Rehaag, « No Refuge: Hungarian Romani Refugee Claimants in Canada » (2015) Osgoode Legal Studies Research Paper Series, article 94) ont également été produits, qui décrivaient les allégations contre M. Farkas et qui soulignent la brièveté des récits qu’il produisait. Toutefois, le récit des demandeurs dans le cadre de l’ERAR présenté à l’agente chargée de l’ERAR ne précisait pas les actes inefficaces et les omissions de M. Farkas dans leur représentation, mais semble se fier uniquement au fait que d’autres membres de la famille, qui n’étaient pas représentés par M. Farkas, ont fait l’objet de décisions positives de la Section de la protection des réfugiés.

[21]  Le Barreau a rendu sa décision le 8 septembre 2016, avant la décision relative à l’ERAR et avant deux autres observations par les demandeurs pour appuyer leur ERAR, cependant, aucun exemplaire de la décision ne figure au dossier. Les demandeurs n’ont pas non plus produit la décision pour appuyer la demande de contrôle judiciaire en l’espèce. À la demande de la Cour à l’audience, l’avocat des demandeurs a présenté par la suite une copie de la décision du Barreau. Cette décision indique que pendant la période en cause, le cabinet de M. Farkas a représenté un nombre important de demandeurs d’asile roms et le Barreau a conclu qu’il avait commis une faute professionnelle, comme cela est indiqué dans l’avis de demande. En outre, les allégations étaient fondées sur des plaintes formulées par dix clients roms de M. Farkas, principalement en ce qui avait trait à l’assistance offerte par son cabinet dans la préparation de leurs FRP. Les demandeurs n’allèguent pas qu’ils faisaient partie des dix plaignants sur lesquels étaient fondées les allégations du Barreau.

[22]  Même si la décision du Barreau est très importante, à mon avis, cet élément à lui seul ne suffit pas à établir que M. Farkas a fourni une assistance inefficace ou incompétente aux demandeurs devant la Section de la protection des réfugiés.

[23]  L’affidavit de la demanderesse dans le but d’appuyer la demande en l’espèce affirme que l’agente a mentionné que l’avocat à l’audience de la Section de la protection des réfugiés a fait l’objet d’une procédure disciplinaire, mais affirme que, en réalité, M. Farkas a fait l’objet d’une mesure disciplinaire, et que l’agente n’avait pas tenu compte du fait [traduction] « que le défaut de l’avocat de nous représenter adéquatement et de produire des documents avait entraîné des conclusions défavorables en ce qui a trait à la crédibilité ». Abstraction faite de la question de savoir s’il s’agit effectivement d’un argument, tel qu’il a été mentionné plus tôt, au moment de la décision de l’agente chargée de l’ERAR, l’unique preuve dont elle était saisie était l’avis de demande du Barreau contenant les allégations de faute professionnelle, le Barreau n’avait encore tiré aucune conclusion. En outre, la preuve par affidavit de la demanderesse est de nature générale et ne présente aucun détail quant à la façon dont M. Farkas a fait preuve de négligence. Notamment, il n’indique aucun des documents qui étaient disponibles, mais qui n’ont pas été produits et leur importance ne fait l’objet d’aucune explication. Dans leurs observations écrites concernant le contrôle judiciaire en l’espèce, les demandeurs affirment uniquement que les actes ou omissions de M. Farkas dans le cadre de la présentation de leur demande d’asile [traduction] « pourraient ne pas avoir été professionnels et pourraient avoir entraîné la conclusion relative à la crédibilité ».

[24]  Par conséquent, dans la mesure où les demandeurs laissent entendre que l’incompétence de leur avocat constituait en soi un motif de contrôle judiciaire, la Cour n’a pas été saisie à juste titre de cette question et celle-ci n’a pas été personnalisée, elle ne sera donc pas tranchée (voir Chetry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 513, au paragraphe 17). Qui plus est, à elle seule la décision du Barreau ne permet pas d’établir une représentation incompétente devant la Section de la protection des réfugiés en l’espèce. Il était loisible aux demandeurs d’aborder de manière plus exhaustive cette question dans le cadre de l’ERAR, cependant, ils ne l’ont pas fait.

Norme de contrôle

[25]  Bien que la jurisprudence soit divisée sur la norme de contrôle applicable à la décision d’un agent chargé de l’ERAR concernant une audience orale (Khatibi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1147, au paragraphe 13), j’ai déjà conclu que cette décision pouvait faire l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, car un agent chargé d’ERAR décide de tenir une audience en examinant la demande d’ERAR à la lumière des exigences de l’alinéa 113b) de la LIPR et des facteurs énoncés à l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement sur l’IPR), qui est une question mixte de fait et de droit (Chekroun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 737, au paragraphe 40 (Chekroun); Seyoboka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 514, au paragraphe 29; Ibrahim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 837, au paragraphe 6; voir également Hurtado c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2015 CF 768, au paragraphe 8 (Hurtado)). La norme de la décision raisonnable constitue également la norme de contrôle pour les questions relatives à des conclusions déguisées au sujet de la crédibilité (Chekroun, au paragraphe 40; Angulo Lopez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1022, aux paragraphes 20 et 24; Zeng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 49, aux paragraphes 14 et 16).

[26]  La norme de contrôle qui s’applique aux décisions rendues par les agents chargés de l’ERAR dans leur ensemble est celle de la décision raisonnable (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 799, au paragraphe 11; Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 702, au paragraphe 13) et qu’il convient de faire preuve de retenue à l’égard de l’analyse par l’agent chargé de l’ERAR des éléments de preuve au dossier (Belaroui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 863, aux paragraphes 9 et 10).

[27]  L’effet de l’incompétence d’un avocat lors d’une audience préalable a été jugé comme soulevant une question d’équité à laquelle s’applique la norme de la décision correcte (Olah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 316, au paragraphe 25 (Olah); Pusuma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 658, aux paragraphes 47 et 79 à 81 (Pusuma no 2); Mcintyre c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1351, au paragraphe 16).

PREMIÈRE QUESTION EN LITIGE : L’agente a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir une audience?

La position des demandeurs

[28]  Les demandeurs font valoir que la conclusion de l’agente voulant qu’ils aient omis de fournir suffisamment de nouveaux éléments de preuve pour régler les questions en matière de crédibilité soulevées par la Section de la protection des réfugiés démontre qu’elle s’est appuyée trop fortement sur l’évaluation de la crédibilité de la Section de la protection des réfugiés et qu’elle a omis de se pencher sur la question relative à la compétence de l’ancien avocat et, par conséquent, qu’elle a commis une erreur en omettant de procéder à une entrevue.

[29]  Plus particulièrement, à moins que l’agente ne soit prête à accepter la crédibilité du récit et des documents à l’appui des demandeurs, une audience aurait dû être tenue, comme cela a été demandé dans leurs observations écrites dans le cadre de l’ERAR. Même si, en règle générale, une entrevue n’est pas requise pour assurer l’équité procédurale, la conclusion tirée par l’agente relativement à l’insuffisance des éléments de preuve concernant le défaut des demandeurs de réfuter les conclusions de la Section de la protection des réfugiés constitue en fait une conclusion déguisée relative à la crédibilité. Par conséquent, une évaluation adéquate de la crédibilité aurait requis la tenue d’une audience. En l’espèce, l’agente n’a signalé aucun élément de preuve qui contredisait ceux présentés par les demandeurs et a rejeté les corroborations générales et particulières, ce qui soulève une erreur susceptible de contrôle. De plus, l’agente a omis de présenter des motifs adéquats relatifs aux conclusions défavorables qu’elle a tirées en ce qui concerne la crédibilité.

La position du défendeur

[30]  Le défendeur soutient que ce que les demandeurs qualifient de conclusion relative à la crédibilité est lié en réalité à la décision de l’agente à savoir si les éléments de preuve étaient « nouveaux » au sens de l’article 113 de la LIPR.

[31]  Compte tenu de leurs allégations voulant que, en raison de la conduite de leur ancien avocat, on leur ait refusé la possibilité de présenter des éléments de preuve concernant leur implication politique, qui les exposait à des risques, l’agente était tenue d’examiner la question de savoir si les demandeurs avaient eu une possibilité raisonnable de présenter leur demande d’asile (Botragyi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 79, aux paragraphes 11 et 12; Mbaraga c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 580, aux paragraphes 25 à 27). À cet égard, l’agente a expressément examiné leurs allégations et a conclu qu’on leur avait donné plusieurs possibilités de présenter leur cause, à la fois en ce qui a trait aux motifs de risque au point d’entrée en 2011 de même qu’en 2016, ainsi que devant la Section de la protection des réfugiés. En outre, l’agente a indiqué que même si l’ancien avocat avait omis [traduction] « d’examiner en profondeur leur situation personnelle pendant qu’il préparait le FRP », la Section de la protection des réfugiés a posé des questions directes aux demandeurs à l’audience à propos de problèmes familiaux précis et ils n’ont pas répondu. Étant donné qu’ils ont omis de saisir cette occasion, il était loisible à l’agente de conclure que leur preuve était raisonnablement disponible au moment de l’audience de la Section de la protection des réfugiés. En conséquence, l’agente a raisonnablement tiré la conclusion que les nouveaux éléments de preuve des demandeurs ne satisfaisaient pas à l’exigence d’admissibilité visée à l’article 113. En ce sens, aucun nouvel élément de preuve n’exigeait la tenue d’une audience en application de l’article 113 de la LIPR. De même, on n’a pas jugé qu’une incompétence quelconque de l’avocat avait été déterminante quant à l’analyse de la question de savoir si les demandeurs avaient eu une possibilité raisonnable de présenter leur cause.

Analyse

[32]  L’alinéa 113a) de la LIPR stipule que le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet. L’alinéa 113b) stipule qu’une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires.

[33]  Les facteurs réglementaires sont énoncés à l’article 167 du Règlement :

167 Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

[34]  La Cour a examiné l’alinéa 113b) de la LIPR et l’article 167 du Règlement dans l’affaire Strachn c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 984, et a conclu :

[34]  Le critère prévu par cette disposition a été interprété comme étant un critère conjonctif, c’est-à-dire que la tenue d’une audience est généralement requise si des éléments de preuve importants pour la prise de la décision soulèvent des doutes quant à leur crédibilité et que ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que la demande soit accueillie : Ullah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 221. Bien que la Cour ait reconnu qu’il existe une différence entre une conclusion défavorable concernant la crédibilité et une conclusion d’insuffisance de la preuve, la Cour a parfois conclu qu’un agent avait incorrectement formulé de véritables conclusions relatives à la crédibilité comme s’il s’agissait de conclusions d’insuffisance de la preuve et que, en conséquence, la tenue d’une audience aurait dû être accordée : Zokai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1103, au paragraphe 12; Liban c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1252, au paragraphe 14; Haji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 889, aux paragraphes 14 à 16.

[35]  En l’espèce, les demandeurs allèguent qu’ils avaient droit à une audience, car l’agente avait tiré des conclusions déguisées quant à leur crédibilité, alors que le défendeur affirme que l’agente évaluait si les éléments de preuve étaient de nouveaux éléments de preuve dans le contexte de l’alinéa 113a) de la LIPR. En conséquence, la Cour doit d’abord décider si une conclusion quant à la crédibilité a été tirée, explicitement ou implicitement. Dans l’affirmative, la Cour doit décider si la question de crédibilité était au cœur de la décision ou si elle était déterminante (Adeoye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 680, au paragraphe 7; Matute Andrade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1074, au paragraphe 30 (Matute Andrade)). Au moment d’examiner une allégation de conclusions déguisées quant à la crédibilité, la Cour doit aller au-delà des termes qui ont été utilisés par l’agent dans la décision et doit cerner le véritable fondement de la décision (Matute Andrade, aux paragraphes 31 et 32).

[36]  Comme l’agente l’a fait remarquer, la Section de la protection des réfugiés a relevé des incohérences entre le FRP du demandeur principal et son témoignage concernant sa demande d’assistance à la police après un incident survenu le 17 décembre 2010 pour lequel il n’a pas été en mesure de fournir une explication raisonnable. La Section de la protection des réfugiés est arrivée à la conclusion que les demandeurs tentaient d’embellir leur témoignage en vue de donner plus de poids à leur demande d’asile et a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité. En outre, le FRP du demandeur principal et une déclaration à la police concernant un deuxième incident survenu le 23 mars 2011 présentaient des incohérences pour lesquelles il n’y avait pas d’explication adéquate. Le départ des demandeurs de la Hongrie peu après ce dernier incident et avant que la plainte à la police formulée par le demandeur principal ne fasse l’objet d’une enquête, discréditait également ses allégations. La Section de la protection des réfugiés a également déclaré que, si elle devait conclure que le témoignage était crédible, elle décidait néanmoins que tous les efforts raisonnables n’avaient pas été faits afin d’obtenir de la protection de l’État.

[37]  Fait important à signaler, dans leur demande d’ERAR, les demandeurs n’ont pas contesté les conclusions quant à la crédibilité et n’ont pas cherché à présenter de nouveaux éléments de preuve afin de les réfuter. Les demandeurs ont plutôt cherché à présenter de nouveaux éléments de preuve quant à leur appartenance à une famille comprenant des défendeurs des Roms bien connus et qu’ils avaient personnellement participé à la défense des droits des Roms.

[38]  L’agente a souligné que les demandeurs avaient omis de mentionner leur participation au mouvement de défense au point d’entrée en 2011, dans leurs FRP, dans leur témoignage devant la Section de la protection des réfugiés ou dans leurs observations postérieures à l’audience de la Section de la protection des réfugiés. L’agente a conclu que ces éléments de preuve étaient antérieurs à la décision de la Section de la protection des réfugiés et qu’ils auraient raisonnablement pu être présentés par les demandeurs lors de leur comparution devant la Section de la protection des réfugiés. En outre, au point d’entrée en 2016, ils ont déclaré que le père du demandeur principal, qui est décédé depuis 2009, était un politicien tsigane et que, pour cette raison, leurs vies étaient en danger, mais ils n’ont ni mentionné leur propre participation ni n’ont indiqué dans leur déclaration d’antécédents qu’ils étaient membres d’une organisation quelconque comme ils l’affirmaient dans le FRP. L’agente a déclaré qu’elle avait accordé beaucoup d’importance aux motifs de la Section de la protection des réfugiés, qui mentionnaient un échange entre les deux demandeurs adultes lorsqu’on leur a demandé s’ils pouvaient fournir des renseignements précis à propos des problèmes éprouvés par d’autres membres de leur famille en Hongrie, mais ils n’ont pas été en mesure de le faire. Cela l’avait convaincue que, même si leur avocat inscrit au dossier à l’audience de la Section de la protection des réfugiés avait omis d’examiner en profondeur leur situation personnelle pendant qu’il préparait un FRP, on avait posé des questions directement aux demandeurs à propos de tout problème familial particulier et qu’ils auraient raisonnablement pu fournir les renseignements. Pour ces motifs, l’agente a conclu qu’il ne s’agissait pas d’un nouveau risque.

[39]  Alors que le libellé de l’agente aurait pu être plus clair, après avoir examiné les motifs dans leur intégralité, je suis d’avis que l’agente n’a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité, déguisée ou autre. Sa décision était plutôt fondée sur sa conclusion selon laquelle il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve admissibles présentés par les demandeurs dans la demande d’ERAR pour réfuter les conclusions de la Section de la protection des réfugiés, dont celle relative à la crédibilité.

[40]  Comme l’a conclu l’agente : les nouveaux éléments de preuve proposés relativement à la famille du demandeur principal ne sont pas survenus après le rejet de la demande des demandeurs; ceux-ci leur étaient raisonnablement accessibles avant la décision de la Section de la protection des réfugiés; et ils ont eu des possibilités de les présenter, et ces possibilités n’ont pas subi les répercussions négatives de l’incompétence alléguée de l’avocat. Il était donc loisible à l’agente de conclure que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas admissibles. Étant donné que les nouveaux éléments de preuve n’étaient pas admissibles, ils ne soulevaient aucune question sérieuse relative à la crédibilité des demandeurs. Compte tenu de cette conclusion, l’alinéa 113b) n’entrait pas en jeu pas et une audience n’était pas requise (Ponniah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 386, au paragraphe 38).

[41]  L’agente n’a pas commis d’erreur non plus en concluant que les nouveaux éléments de preuve concernant la famille du demandeur principal n’avaient pas réfuté les conclusions de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité, car ces conclusions n’étaient pas liées au statut de la famille. Je ferais également remarquer, après avoir lu la décision de la Section de la protection des réfugiés, qu’il est manifeste que la décision ne reposait pas sur la crédibilité, mais plutôt sur la disponibilité d’une protection de l’État adéquate et d’une possibilité de refuge intérieur viable. Le contrôle judiciaire de cette décision était également fondé sur ces questions. La décision relative à l’ERAR portait principalement sur le défaut de la preuve des demandeurs de convaincre l’agente qu’il y avait eu un changement dans les conditions du pays au point d’entraîner un nouveau risque ou un changement dans celui-ci.

[42]  Il est vrai que les demandeurs ont demandé la tenue d’une audience. Dans leur récit, ils ont déclaré [traduction] « nous demandons une entrevue avec l’agente chargée de l’ERAR pour expliquer les raisons de notre retour au Canada, que j’expose en termes généraux ci-dessous ». Même si la Cour a conclu dans Zokai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1103, au paragraphe 11 (Zokai), que, lorsqu’une demande en vue d’obtenir une audience a été présentée, l’agent est tenu à tout le moins d’examiner la demande dans ses motifs, dans cette affaire, le demandeur avait présenté une demande détaillée dans sa demande d’ERAR en vue d’obtenir une audience, en faisant référence expressément aux facteurs énumérés à l’article 167 du Règlement sur l’IPR. En outre, les doutes en matière de crédibilité étaient au cœur de la décision de l’agent.

[43]  Dans Ghavidel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 939, au paragraphe 24 (Ghavidel), le juge de Montigny a distingué l’affaire Zokai pour ce motif. Il a ajouté que même s’il avait été sans doute préférable que l’agente explique à la demanderesse pourquoi on avait refusé de lui accorder une audience, il hésitait à rendre une telle explication obligatoire et ainsi ajouter au fardeau déjà lourd des agents d’ERAR (Ghavidel, au paragraphe 25). Plus récemment, dans la décision Csoka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 653, au paragraphe 14, le juge Forthergill a souscrit aux motifs dans Ghavidel et a conclu qu’un agent n’est pas tenu d’expliquer la raison pour laquelle il n’a pas tenu d’audience orale si la question de la crédibilité n’était pas en cause. Cependant, si la crédibilité est un facteur déterminant, le fait de ne pas tenir une audience sans motifs adéquats peut équivaloir à une erreur susceptible de contrôle. De plus, dans Hurtado, au paragraphe 10, la Cour a conclu que le fait de tirer des conclusions quant à la crédibilité du demandeur n’exige pas la tenue d’une audience en application de l’article 113 de la LIPR lorsque la décision de l’agent était également fondée sur l’insuffisance des éléments de preuve fournis par le demandeur.

[44]  Étant donné que la crédibilité n’était pas un facteur déterminant en l’espèce et compte tenu du motif limité pour la demande telle que présentée par les demandeurs, je suis convaincue qu’aucun manquement à l’équité procédurale ne découle de l’omission de l’agente d’expliquer pourquoi une audience n’a pas été accordée.

DEUXIÈME QUESTION EN LITIGE : L’évaluation de la preuve par l’agente était-elle raisonnable?

La position des demandeurs

[45]  Les demandeurs soutiennent que l’agente s’est trop fortement appuyée sur les conclusions de la Section de la protection des réfugiés, notamment en ce qui concerne la crédibilité et la protection de l’État, et qu’elle a commis une erreur en menant une évaluation indépendante des nouveaux éléments de preuve.

[46]  L’agente disposait d’une preuve selon laquelle le Barreau avait pris une mesure disciplinaire à l’encontre de M. Farkas, mais a conclu, sans preuve, que la question relative à l’avocat n’empêchait pas les demandeurs de fournir des détails sur les activités de la famille en matière de défense des Roms. Cependant, la preuve était claire dans la demande d’ERAR, voire dans les demandes d’asile, en ce qui concerne les activités de la famille. L’omission de tenir compte de manière appropriée du fait que M. Farkas avait été reconnu coupable de faute professionnelle par le Barreau peut également équivaloir à un manquement à l’équité procédurale. Les demandeurs font valoir que l’agente, dans son évaluation des nouveaux éléments de preuve, a également fait fi de la négligence de l’ancien avocat lorsqu’elle a écarté cette preuve au motif qu’elle était antérieure à la décision de la Section de la protection des réfugiés.

[47]  En outre, la représentation des demandeurs par M. Farkas devant la Section de la protection des réfugiés pourrait avoir entraîné ces conclusions défavorables quant à la crédibilité. En conséquence, l’agente était tenue d’examiner la question d’une manière plus importante et n’aurait pas dû arrêter son évaluation sur la question de la crédibilité et aurait dû évaluer adéquatement les conditions du pays, de même que le fait que les demandes de membres de la famille du demandeur principal avaient été acceptées par la Section de la protection des réfugiés. Les demandeurs affirment également que cette affaire est analogue à la décision de la Cour dans Olah, mais en l’espèce, l’agente n’a fait qu’exprimer du bout des lèvres le fait que M. Farkas faisait l’objet d’une procédure disciplinaire (voir également Pusuma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1025 (Pusuma no 1) et Pusuma no 2).

[48]  Les demandeurs font valoir que le fait que l’agente se soit fortement appuyée sur la décision de la Section de la protection des réfugiés laisse entendre qu’elle a restreint son pouvoir discrétionnaire, elle a également ignoré les arguments relatifs à la question de la possibilité de refuge intérieur. Qui plus est, en ce qui concerne la protection de l’État, la Section de la protection des réfugiés ne s’est penchée que sur deux incidents et, en s’appuyant sur la décision de la Section de la protection des réfugiés, l’agente n’a pas tenu compte de tous les autres incidents mentionnés dans les 43 paragraphes du récit dans le cadre de l’ERAR ou en a fait fi. Par conséquent, on ignore pourquoi les nouveaux éléments de preuve n’ont pas convaincu l’agente.

[49]  Les demandeurs soutiennent aussi que l’agente a commis une erreur en omettant d’analyser la preuve de personnes se trouvant dans une situation similaire. En l’espèce, les deux frères et une sœur du demandeur principal ont été admis comme réfugiés, en se fondant en grande partie sur les mêmes éléments de preuve que ceux dont l’agente était saisie.

[50]  Les demandeurs font valoir que l’agente a utilisé de façon sélective les documents pour appuyer la conclusion voulant qu’ils n’aient pas une crainte de persécution bien fondée et qu’elle a fait fi de la preuve sur le logement, l’éducation, les soins de santé et la discrimination. L’agente a entièrement omis d’examiner la preuve dans son intégralité et n’a pas analysé les éléments de preuve documentaire dans le contexte de leur situation.

[51]  Enfin, les demandeurs font valoir qu’en adoptant les conclusions de la Section de la protection des réfugiés sur la protection de l’État, l’agente a commis une erreur. Un ERAR est une évaluation de novo des nouveaux éléments de preuve et si l’agente a commis une erreur en s’appuyant trop fortement sur la décision ou la conclusion de la Section de la protection des réfugiés voulant que les incidents ne soient pas crédibles, alors l’agente les a traités comme s’ils étaient faux et, par conséquent, elle ne s’est pas penchée adéquatement sur la protection de l’État. Puisque l’agente a commis une erreur en s’appuyant sur les conclusions défavorables tirées par la Section de la protection des réfugiés en matière de crédibilité, les demandeurs ont soutenu que l’analyse de la protection de l’État était viciée. Cela valait également pour l’étendue de l’analyse de la protection de l’État de l’agente.

La position du défendeur

[52]  Le défendeur fait valoir, comme je l’ai décrit plus tôt, que l’agente n’a pas omis d’examiner la question relative à l’avocat incompétent et qu’elle a raisonnablement tiré la conclusion que les nouveaux éléments de preuve des demandeurs ne satisfaisaient pas à l’exigence d’admissibilité visée à l’article 113 de la LIPR. De toute façon, même si l’on accepte que M. Farkas a agi de manière incompétente en l’espèce, les conclusions de l’agente sont fondées sur des omissions d’éléments de preuve qui sont imputables aux demandeurs eux-mêmes, en omettant de fournir des éléments de preuve portant sur l’activisme politique du demandeur principal et de sa famille lorsqu’ils ont été expressément invités à le faire.

[53]  Le défendeur soutient que la position des demandeurs selon laquelle l’agente n’aurait pas dû accorder d’importance à la décision de la Section de la protection des réfugiés fait fi du fait que la mise en balance des éléments de preuve ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire et ne tient pas compte de la nature du régime de l’ERAR. L’ERAR ne constitue pas un appel ou un nouvel examen d’une décision de la Section de la protection des réfugiés. Néanmoins, une demande d’ERAR peut nécessiter l’examen de quelques-uns ou de la totalité des mêmes points de fait ou de droit qu’une demande d’asile. Pour ce motif, la LIPR atténue le risque de multiplication des recours en limitant les preuves qui peuvent être présentées à l’agente chargée de l’ERAR (Raza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 385, aux paragraphes 12 et 13 (Raza)). Par conséquent, en l’absence d’un changement important dans la situation, l’agente était tenue de respecter la décision de la Section de la protection des réfugiés, cela n’équivaut pas à restreindre son pouvoir discrétionnaire.

[54]  Les demandeurs ont effectivement fourni quelques arguments en ce qui concerne la question de la possibilité de refuge intérieur, mais ont omis d’établir tout changement important, comme il est envisagé dans Raza. Hormis une décision sur contrôle judiciaire rendue en 2015, la preuve des demandeurs était liée à des documents sur les conditions du pays datant de 2012. La preuve minime présentée par les demandeurs ne portait sur aucun nouveau développement dans les conditions du pays qui permettrait de réfuter les conclusions de la Section de la protection des réfugiés. Par conséquent, l’agente y a donc souscrit raisonnablement. La contestation, par les demandeurs, de l’analyse de l’agente en ce qui concerne la protection de l’État est irrecevable pour la même raison. En l’absence d’une preuve concernant un changement important, l’agente était tenue de respecter la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle la présomption relative à la protection de l’État n’avait pas été réfutée. Cela était particulièrement le cas, compte tenu du fait que les conclusions de la Section de la protection des réfugiés sur la possibilité de refuge intérieur et la protection de l’État ont été maintenues en raison de leur caractère raisonnable lors du contrôle judiciaire.

[55]  En ce qui concerne l’argument des demandeurs concernant le traitement de la preuve des frères et de la sœur du demandeur principal et les décisions favorables de la Section de la protection des réfugiés les concernant, l’agente a fait remarquer que chaque cas est évalué en fonction de son bien-fondé. La mise en balance de cette preuve relevait du pouvoir discrétionnaire de l’agente.

[56]  Enfin, en ce qui a trait aux arguments des demandeurs concernant la mise en balance par l’agente des éléments de preuve documentaire sur les conditions du pays, un agent chargée de l’ERAR est présumé avoir considéré l’ensemble de la preuve et il n’est pas nécessaire qu’il mentionne tous les éléments de preuve documentaire dont il disposait (Matute Andrade, au paragraphe 64). En l’espèce, l’agente a présenté une décision soigneusement motivée de 10 pages comprenant des références aux éléments de preuve présentés à l’appui; les demandeurs n’ont pas établi un défaut d’examiner les éléments de preuve pertinents.

Analyse

[57]  Comme il est mentionné précédemment, l’alinéa 113a) de la LIPR stipule que le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet. Dans Raza, la Cour d’appel fédérale a expliqué qu’une demande d’ERAR n’est pas un appel ou un réexamen de la décision de la Section de la protection des réfugiés et que l’agent chargé de l’ERAR doit prendre acte de la décision de la Section de la protection des réfugiés de rejeter la demande d’asile, à moins que des preuves nouvelles soient survenues depuis le rejet, qui auraient pu conduire la Section de la protection des réfugiés à statuer autrement si elle en avait eu connaissance (Raza, au paragraphe 13).

[58]  En l’espèce, les demandeurs ne contestent pas le fait que la preuve concernant la défense des Roms par la famille du demandeur principal était accessible en 2013, mais font valoir que l’agente a omis d’examiner si cette preuve n’avait pas été présentée à la Section de la protection des réfugiés en raison de l’incompétence de l’ancien avocat. En conséquence, ils soutiennent que l’agente a commis une erreur en rejetant la preuve au motif qu’il ne s’agissait pas d’une nouvelle preuve.

[59]  Je suis convaincue que l’agente s’est penchée sur la question relative à l’incompétence de l’ancien avocat. Comme je l’ai mentionné précédemment, les demandeurs n’ont présenté aucune preuve à l’agente pour montrer en quoi leur représentation par M. Farkas avait porté atteinte à leur capacité de présenter un dossier en bonne et due forme devant la Section de la protection des réfugiés. En outre, je suis d’accord avec le défendeur sur le fait que l’agente a raisonnablement conclu que la nouvelle preuve n’était pas admissible même si l’on tenait pour avéré que l’ancien avocat ne s’était pas montré compétent dans la représentation des demandeurs. Les demandeurs n’ont pas établi que cette preuve ne leur était pas raisonnablement accessible et la Section de la protection des réfugiés leur a posé directement des questions à propos des problèmes éprouvés par des membres de leur famille (Raza, au paragraphe 13).

[60]  En ce qui concerne l’argument des demandeurs voulant que l’agente n’ait pas mené une évaluation indépendante de la preuve, mais qu’elle se soit plutôt fondée sur les conclusions de la Section de la protection des réfugiés, je ne suis pas d’accord. D’abord, il était loisible à l’agente de se fonder sur les conclusions de la Section de la protection des réfugiés dans la situation en l’espèce. En outre, comme je l’ai déjà mentionné, l’agente n’a pas tiré de conclusions quant à la crédibilité et n’a pas commis d’erreur en concluant que les demandeurs avaient présenté une preuve insuffisante pour réfuter les doutes de la Section de la protection des réfugiés en matière de crédibilité. Par conséquent, contrairement aux arguments des demandeurs, la référence de l’agente à ces conclusions quant à la crédibilité, en ce qui concerne la protection de l’État, ne constituait pas une erreur et était raisonnable.

[61]  Qui plus est, l’agente n’a pas fait fi des éléments de preuve documentaire sur les conditions du pays. Elle a reconnu que les renseignements actuels indiquent des [traduction] « avis partagés » sur les progrès du gouvernement relativement à la mise en œuvre de la politique, que la preuve indique que les conditions pour les non-Roms sont considérablement meilleures que celles de la minorité rome, et que la preuve est mitigée en ce qui concerne le traitement des Roms. Il faut faire preuve de retenue à l’égard de la mise en balance des documents sur les conditions du pays par l’agente. Le point saillant est que la preuve récente sur laquelle s’est fondée l’agente ne démontre pas un changement dans les conditions du pays qui ont été décrites par la Section de la protection des réfugiés. Par conséquent, l’agente a raisonnablement conclu que les demandeurs n’avaient pas présenté une preuve suffisante que les conditions du pays avaient changé au point de poser un nouveau risque (Conka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 984, au paragraphe 9; Kulanayagam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 101, aux paragraphes 36 et 37).

[62]  Les demandeurs soutiennent en outre le fait que l’agente s’est appuyée sur la décision de la Section de la protection des réfugiés pose problème, car la Section de la protection des réfugiés ne s’est penchée que sur deux incidents et, en s’appuyant sur la décision de la Section de la protection des réfugiés, l’agente n’a pas tenu compte de tous les autres incidents mentionnés dans les 43 paragraphes du récit dans le cadre de l’ERAR ou en a fait fi. Je suis d’accord que l’agente n’a pas expressément traité l’argument des demandeurs à cet égard. Cependant, sauf indication contraire, l’agente est présumée avoir tenu compte de chaque élément de preuve (Tapambwa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 522, au paragraphe 85; Traoré c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1022, au paragraphe 48). Qui plus est, sauf pour dire que, le 29 novembre 2015, des racistes avaient tué leur chien alors qu’ils s’en allaient incendier leur maison, mais que l’action des racistes avait été interrompue et qu’ils n’avaient pas été tués (ils n’indiquent pas si leur maison avait été incendiée), les arguments des demandeurs décrivent essentiellement un climat général de sentiment anti-Roms, auquel ils allèguent avoir été assujettis de façon régulière. Le FRP du demandeur principal contenait une affirmation similaire. L’agente a également indiqué que de nouveaux détails concernant leur persécution en Hongrie aux fins de l’ERAR étaient liés aux activités de défense menées par le père du demandeur principal et à la preuve des demandeurs revendiquant leur participation dans la défense des droits des Roms. Après avoir conclu que cette preuve ne constituait pas une nouvelle preuve, à mon avis, aucune erreur ne découle du défaut de l’agente d’examiner davantage les allégations de persécution qui en découle en Hongrie.

[63]  Les arguments des demandeurs lors du contrôle judiciaire n’abordent pas au fonds le traitement de l’agente quant à la disponibilité d’une possibilité de refuge intérieur à Budapest. L’agente a conclu que les demandeurs n’avaient pas suffisamment réfuté la conclusion de la Section de la protection des réfugiés voulant que, pour cette famille, Budapest offre une possibilité de refuge intérieur raisonnable. Les demandeurs soutiennent que l’agente s’est fondée exclusivement sur la décision de la Section de la protection des réfugiés et a fait fi de leurs arguments concernant la question relative à la possibilité de refuge intérieur. Ils citent Kohazi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 FC 705, au paragraphe 16, et une Réponse à une demande d’information de 2012 (HUN104111.E) (RDI), ainsi que Katinszki c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1326, au paragraphe 19. Il s’agissait des mêmes arguments qui avaient été présentés dans l’ERAR. La RDI citée, la seule preuve réelle citée, est antérieure à la décision de la Section de la protection des réfugiés, par conséquent, il ne s’agissait pas d’une nouvelle preuve et elle ne peut pas démontrer un changement important de la situation. La RDI en soi ne figure pas dans le dossier et, de toute façon, la citation sur laquelle se sont fondés les demandeurs mentionne une source qui affirme que les groupes d’autodéfense étaient en déclin et qu’il n’y avait aucune région en Hongrie où la communauté rome vivait dans la peur de ceux-ci. Le passage indiquait également que des actes de violence commis par des groupes extrémistes à l’encontre des Roms depuis 2009 comprenaient un certain nombre de comtés, dont Budapest. À mon avis, compte tenu de la nature limitée de ces arguments, l’agente a conclu de manière raisonnable que la preuve n’avait pas réfuté la conclusion de la Section de la protection des réfugiés.

[64]  Cela s’avère important, car une conclusion selon laquelle une possibilité de refuge intérieur viable existe constitue un facteur déterminant. La question relative à la possibilité de refuge intérieur fait partie intégrante à la fois de la définition d’un réfugié au sens de la Convention et de celle d’une personne à protéger. Lorsqu’une possibilité de refuge intérieur est disponible, les demandeurs n’ont pas besoin de la protection du Canada. Une conclusion quant à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur par la Section de la protection des réfugiés empêche une décision d’ERAR favorable, à moins que de nouveaux éléments de preuve établissent qu’est survenu un changement de situation important depuis qu’a été rendue la décision de la Section de la protection des réfugiés (Silva c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1294, au paragraphe 22; Ikechi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 361, au paragraphe 28; Siliya c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 120, au paragraphe 25; et Oluwole c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 953, au paragraphe 25).

[65]  Il ne découle pas non plus une erreur de la façon dont l’agente a examiné la preuve de personnes dans une situation similaire, notamment les demandes accueillies par la Section de la protection des réfugiés des frères et sœurs du demandeur principal. Les demandeurs ont annexé les conclusions favorables de la Section de la protection des réfugiés de trois frères et sœurs du demandeur principal, Zsolt Gombos, Belane Horvath et Edmond Gombos. L’agente a souligné que la sœur du demandeur principal (Belane Horvath), qui avait été jugée crédible, avait déclaré dans son témoignage qu’elle accomplissait un travail semblable à celui de son père, comme l’un de ses frères, Edmond, mais elle n’a mentionné aucun autre membre de sa famille participant aux activités de défense des Roms. Je souligne qu’il y avait également des éléments de preuve documentaire appuyant les activités de la sœur du demandeur principal ainsi que celles de son père. La partie du FRP concernant Edmond dans le dossier parle de la participation du père du demandeur principal et d’Edmond à la défense des droits des Roms. La demande d’asile d’Edmond mentionnait également sa participation au Programme de coordination des Roms et des efforts persistants en vue d’obtenir la protection de l’État et ne laisse entendre aucune participation du demandeur principal à de telles activités. La Section de la protection des réfugiés l’a jugé crédible dans sa décision du 14 janvier 2013.

[66]  Par conséquent, l’agente n’a pas fait fi de la preuve, mais a conclu qu’elle n’établissait pas que les demandeurs étaient des activistes politiques et, par conséquent, qu’ils étaient des personnes dans une situation similaire. L’agente n’était pas non plus tenue de suivre ces décisions (Mengesha c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 431, au paragraphe 5) et elle a expliqué les raisons pour lesquelles elle ne les avait pas suivies (Mendoza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 251, au paragraphe 25). Il est vrai que la décision de la Section de la protection des réfugiés concernant Zsult Gombos, datée du 6 novembre 2013, n’est pas fondée sur une participation quelconque de sa part en tant qu’activiste. Cependant, contrairement à l’espèce, la Section de la protection des réfugiés l’a jugé crédible. Elle a également conclu que le rôle du père serait connu à Budapest et qu’il avait établi qu’il avait cherché à obtenir la protection de l’État en vain. La question déterminante était une possibilité de refuge intérieur étant donné la taille importante de sa famille et les coûts connexes liés à leur réinstallation.

[67]  L’argument des demandeurs selon lequel l’agente a restreint son pouvoir discrétionnaire ou a commis une erreur en établissant le critère pour la protection de l’État en s’appuyant sur la décision de la Section de la protection des réfugiés n’est pas fondé.

[68]  À mon avis, même si les demandeurs ont présenté de nombreux arguments, la vraie question en l’espèce était de savoir si le fait que l’agente se soit appuyée sur la décision de la Section de la protection des réfugiés, qui était potentiellement viciée par l’incompétence de leur ancien avocat, rendait la décision relative à l’ERAR déraisonnable ou inéquitable sur le plan procédural. La difficulté est que, devant l’agente chargée de l’ERAR, les demandeurs n’ont pas abordé efficacement la question relative à la représentation compétente. Même si les allégations du Barreau étaient connues, les demandeurs n’ont pas lié la préparation de leur FRP à une allégation quelconque d’inconduite ou n’ont pas cerné les actes ou omissions de M. Farkas qui ont eu des répercussions défavorables sur la décision de la Section de la protection des réfugiés. Ils n’ont pas expliqué pour quelle raison ils n’avaient pas soulevé auparavant les activités de leur famille en matière de défense, et ils ont encore moins attribué cette omission à l’incompétence de l’avocat. Il n’y avait tout simplement aucune preuve pour préciser cette position. En outre, lorsque la décision du Barreau a été rendue, qui était antérieure à la délivrance de la décision relative à l’ERAR, l’agente chargée de l’ERAR n’a pas été avisée de l’issue. Même dans leurs arguments lors du contrôle judiciaire, les demandeurs n’ont pas précisé leurs allégations et n’ont pas expliqué ce en quoi consistait l’inconduite alléguée et en quoi elle avait eu une incidence sur la décision relative à l’ERAR, exception faite de leur affirmation que l’agente commettait une erreur en s’appuyant sur la décision de la Section de la protection des réfugiés en raison de l’incompétence éventuelle.

[69]  Compte tenu de la conclusion subséquente du Barreau, il est très tentant d’accepter que la décision de la Section de la protection des réfugiés fût potentiellement viciée par l’incompétence de leur ancien avocat et, parce que l’agente s’est appuyée sur cette décision, sa décision était déraisonnable ou inéquitable sur le plan procédural. Cependant, cela ne veut pas dire que tout demandeur qui est représenté par un avocat qui, il s’est avéré, n’avait pas assuré une représentation compétente ou efficace n’est pas tenu d’aborder les circonstances particulières de sa représentation par l’avocat lorsqu’il demande un ERAR. En outre, en l’espèce, l’agente ne s’est pas fondée sur les conclusions quant à la crédibilité de la Section de la protection des réfugiés pour rendre sa décision et aucun des nouveaux éléments de preuve présentés en ce qui concerne la famille du demandeur principal n’aborde ou ne réfute ces conclusions. L’agente ne s’est pas non plus appuyée sur la décision de la Section de la protection des réfugiés sur l’exclusion d’un examen des nouveaux éléments de preuve admissibles.

[70]  Les demandeurs affirment également que la présente affaire est analogue à la décision de la Cour dans Olah, Pusuma no 1 et Pusuma no 2. À mon avis, Olah se distingue de la présente affaire. Dans cette affaire, la Cour a déclaré que les demandeurs faisaient partie de ceux qui avaient fait l’objet d’une représentation incompétente devant la Section de la protection des réfugiés par leur ancien avocat, M. Viktor Hohots. Elle a également conclu que l’agente chargée de l’ERAR avait conclu à tort qu’une avocate travaillant pour M. Hohots ne lui était pas affiliée et, par conséquent, sa représentation n’avait pas entraîné la remise en question de la conclusion de la Section de la protection des réfugiés. Cependant, la question centrale consistait à décider si le fait que l’agente s’était appuyée sur les conclusions de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité avaient entaché de manière irréparable la décision, c’est-à-dire, l’effet de l’avocat incompétent sur la procédure antérieure devant la Section de la protection des réfugiés. En l’espèce, l’agente n’a commis aucune erreur fatale de ce genre, ne s’est pas appuyée sur les conclusions de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité et s’est penchée sur les arguments limités présentés par les demandeurs en ce qui concerne l’incompétence alléguée de l’avocat. Plus important encore, et contrairement à la présente espèce, dans Olah, un affidavit à l’appui présenté pour appuyer la demande d’ERAR décrivait les problèmes importants dans la représentation des demandeurs par M. Hohots.

[71]  De manière semblable, Pusuma no 2 se distingue au motif que les demandeurs ont déposé une plainte contre leur avocat, qui a ultérieurement admis qu’il n’avait pas servi adéquatement les demandeurs et qu’il avait omis de faire traduire des documents importants. En se fondant sur ces admissions, la Cour avait conclu qu’on n’avait pas accordé aux demandeurs une audience équitable devant la Section d’appel des réfugiés. En l’espèce, les demandeurs n’ont pas établi qu’on leur avait accordé une audience inéquitable en raison de l’incompétence de l’avocat et, par conséquent, que la décision de l’agente chargée de l’ERAR était viciée par cette iniquité. En outre, contrairement à Pusuma no 2, l’agente chargée de l’ERAR n’a pas été fortement influencée par les conclusions de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité. Dans cette affaire, une lettre essentielle qui n’a pas été traduite en raison de la négligence de l’ancien avocat des demandeurs a été rejetée par l’agente chargée de l’ERAR, car il ne s’agissait pas d’une nouvelle preuve. La Cour a conclu que l’inconduite de l’avocat des demandeurs dans la procédure d’asile avait par conséquent eu une incidence directe sur l’évaluation de l’ERAR. En l’espèce, les demandeurs n’ont pas précisé les documents qui n’avaient pas été produits en raison de l’inconduite et n’ont pas précisé leur allégation relative à l’avocat incompétent. En outre, comme je l’ai mentionné, l’agente a traité leurs arguments limités en ce qui a trait à leur représentation par leur ancien avocat devant la Section de la protection des réfugiés. Pusuma no 1 n’aide pas non plus les demandeurs.

[72]  Compte tenu de ce qui précède, à mon avis, la décision appartient aux issues raisonnables. L’agente a rendu une décision suffisamment détaillée et a raisonnablement conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de nouveaux éléments de preuve pour justifier une décision d’ERAR favorable.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-575-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

  3. Les parties n’ont proposé aucune question de portée générale à certifier et aucune question ne se pose en l’espèce.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 1er jour de juin 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-575-17

 

INTITULÉ :

GYORGY GOMBOS, ZITA LAKATOS, ZITA VIRAG GOMBOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 août 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 22 septembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Peter G. Ivanyi

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Christopher Ezrin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rochon Genova LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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