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Date : 20170906


Dossier : IMM-767-17

Référence : 2017 CF 803

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 6 septembre 2017

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

CYRIL KOCKO

JOLANA SIMONICOVA

VLADIMIR KOCKO

NINA KOCKOVA

SIMON KOCKO

KRISTIAN KOCKO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 10 février 2017 par la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui confirme la décision de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger.

[2]  Comme cela est expliqué plus en détail ci-après, la demande est rejetée parce que les demandeurs n’ont pas établi que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur susceptible de révision dans le cadre de son analyse de leur crédibilité ou de la disponibilité de la protection de l’État.

II.  Contexte

[3]  Les demandeurs sont des citoyens de la République slovaque et d’origine rome. Ils forment une famille composée de M. Cyril Kocko, de son épouse Mme Jolana Simonicova, de leur fils Vladimir Kocko, de son épouse Nina Kockova, et de leurs deux enfants.

[4]  La Section de la protection des réfugiés a entendu leurs allégations de persécution fondée sur leur origine rome le 15 juillet 2014 et le 8 septembre 2016. Dans une décision en date du 21 septembre 2016, la Section de la protection des réfugiés a rejeté leurs allégations en raison de conclusions défavorables sur leur crédibilité et une conclusion selon laquelle ils n’avaient pas réfuté la présomption de disponibilité de la protection de l’État. Les demandeurs ont interjeté appel devant la Section d’appel des réfugiés en soutenant que la Section de la protection des réfugiés avait commis une erreur lorsqu’elle a rendu ses conclusions relatives à la crédibilité et dans le cadre de son analyse de la protection de l’État. Dans la décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire, la Section d’appel des réfugiés a confirmé les conclusions de la Section de la protection des réfugiés relatives à la crédibilité et a souscrit à la décision de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[5]  Les demandeurs soumettent les questions suivantes à la Cour :

  1. L’analyse de la crédibilité par la Section d’appel des réfugiés était-elle déraisonnable?

  2. L’analyse de la protection de l’État effectuée par la Section d’appel des réfugiés était-elle déraisonnable?

[6]  Comme en témoigne la formulation des questions, les parties conviennent, et je suis d’accord, que ces questions sont susceptibles de révision en fonction de la norme de la décision raisonnable.

IV.  Analyse

A.  L’analyse de la crédibilité par la Section d’appel des réfugiés était-elle déraisonnable?

[7]  Les demandeurs soutiennent que la Section d’appel des réfugiés a commis des erreurs susceptibles de révision dans le cadre de ses conclusions relatives à la crédibilité à l’égard des trois demandeurs : Jolana Simonicova, Vladimir Kocko et Nina Kockova.

1)  Jolana Simonicova

[8]  Mme Simonicova fait valoir qu’au cours d’une chirurgie pour enlever une masse à la suite de la naissance de son dernier enfant, elle a été stérilisée sans son consentement. Elle invoque également l’existence d’élément de preuve documentaire indiquant que les médecins de la République slovaque ont effectué des procédures de stérilisation chez les femmes d’origine rome sans leur consentement. Comme la Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés a conclu que ses allégations n’étaient pas crédibles et a accordé peu de poids à l’allégation selon laquelle elle avait été stérilisée sans son consentement.

[9]  Lorsqu’elle est parvenue à sa conclusion, la Section d’appel des réfugiés a été grandement influencée par le fait que Mme Simonicova n’avait fourni aucun rapport médical permettant de confirmer qu’elle avait été stérilisée. Les demandeurs soutiennent qu’il s’agit d’une erreur, vu l’explication de Mme Simonicova selon laquelle les rapports médicaux n’étaient pas donnés aux personnes d’origine rome en République slovaque et que, depuis son arrivée au Canada, elle n’avait pas les ressources financières pour obtenir un tel rapport.

[10]  À mon avis, l’analyse de la Section d’appel des réfugiés de cette question n’est pas déraisonnable. La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que Mme Simonicova ait fait un effort pour obtenir un rapport médical afin de fournir au moins la preuve médicale qu’elle avait effectivement été stérilisée, et elle a souligné que les autres membres de sa famille avaient été en mesure d’obtenir leurs dossiers médicaux. Même si la Section d’appel des réfugiés n’a pas formulé de commentaires exprès quant à l’explication de Mme Simonicova selon laquelle elle n’avait pas les moyens d’obtenir un rapport médical au Canada, elle a indiqué qu’elle n’avait fait aucun effort pour obtenir un tel document, que ce soit dans un pays ou dans l’autre. En outre, la Section d’appel des réfugiés a indiqué que, même si elle retenait son témoignage oral selon lequel elle avait subi une ligature des trompes pendant la chirurgie visant à enlever une masse, rien ne prouvait qu’une procédure de stérilisation avait été effectuée pour des motifs autres que la résolution du problème médical qui avait nécessité la chirurgie en premier lieu.

[11]  Selon mon interprétation de la décision de la Section d’appel des réfugiés, sa décision reposait sur le manque de preuve médicale de la stérilisation en soi ou de la raison pour laquelle elle a été effectuée. Bien que Mme Simonicova ait donné des explications de l’absence de tels éléments de preuve, la Section d’appel des réfugiés a pris note de ces explications, mais elle ne les a pas retenues. En appliquant la retenue à l’analyse des éléments de preuve effectuée par la Section d’appel des réfugiés qui est exigée par la norme de la décision raisonnable, je ne constate aucune erreur susceptible de révision de la part de la Section d’appel des réfugiés dans ses conclusions relatives aux allégations de Mme Simonicova.

2)  Vladimir Kocko

[12]  M. Kocko a témoigné qu’il avait été agressé en 2012 dans la ville de Kosice et qu’en conséquence, il s’était présenté à un hôpital à Kosice et avait eu des points de suture aux lèvres. La Section d’appel des réfugiés avait des préoccupations quant à sa crédibilité parce que son témoignage écrit indiquait que l’incident était survenu en 2012 sans indiquer une date précise, qu’il avait déclaré dans son témoignage de vive voix que l’incident était survenu le 26 juin 2012, et que le rapport de l’hôpital indiquait qu’il avait été traité pour la première fois le 27 avril 2012. En outre, même si M. Kocko a affirmé qu’il n’avait été à Kosice qu’une seule fois, le rapport de l’hôpital indiquait qu’il avait consulté un médecin cinq jours plus tard le 2 mai 2012 pour se faire enlever les points de suture. La Section d’appel des réfugiés a conclu que ces contradictions minaient la crédibilité de M. Kocko.

[13]  En attaquant cette conclusion, les demandeurs indiquent que la Section d’appel des réfugiés avait déclaré que l’incohérence quant à la date de l’agression reprochée était de plus de trois mois, ce qui constitue une erreur quant à la différence entre le 27 avril et le 26 juin, soit un peu moins de deux mois. Je suis d’accord pour dire qu’il s’agit d’une erreur factuelle, mais je ne peux pas conclure qu’elle mine le caractère raisonnable de l’analyse de la crédibilité effectuée par la Section d’appel des réfugiés. Cette analyse portait sur l’incohérence des dates et sur le fait que la Section d’appel des réfugiés s’attendrait à ce que M. Kocko se soit souvenu de la date à laquelle il s’était présenté à l’hôpital dans une ville, autre que sa ville natale et du nombre de fois qu’il s’y était présenté, plus particulièrement puisqu’il avait soumis à la Section de la protection des réfugiés un rapport de l’hôpital qui contenait ces renseignements.

[14]  Les demandeurs soutiennent que la transcription du témoignage de M. Kocko devant la Section de la protection des réfugiés établit qu’il ne connaissait pas la date exacte et que, lorsqu’il a affirmé dans son témoignage qu’il n’était pas retourné à Kosice, il ne savait pas si la question qui lui était posée était de savoir s’il était retourné à l’hôpital. Je ne conclus pas que ces arguments aident les demandeurs. Le fait que M. Kocko ne pouvait pas se souvenir de la date à laquelle il s’est présenté à l’hôpital à Kosice faisait partie de l’analyse de la crédibilité par la Section d’appel des réfugiés et il me semble clair, après avoir examiné la transcription, que, selon le témoignage initial de M. Kocko, il n’était pas retourné dans la ville où se situait l’hôpital. La Section d’appel des réfugiés a déclaré qu’elle ne pouvait pas souscrire aux réponses données par M. Kocko quant aux contradictions dans son témoignage et je ne peux constater aucune erreur relative à ses conclusions à cet égard.

[15]  Les demandeurs s’opposent également à l’observation faite par la Section d’appel des réfugiés selon laquelle le rapport de l’hôpital n’indique pas que la blessure de M. Kocko a été causée par une agression. Je reconnais que l’argument des demandeurs qu’une telle déclaration dans le rapport ne représenterait qu’une répétition par ouï-dire de ce que M. Kocko avait dit au personnel de l’hôpital. Toutefois, voici comment j’interprète l’argument de la Section d’appel des réfugiés qui suit son analyse des préoccupations relatives à la crédibilité découlant des incohérences dans le témoignage de M. Kocko : le rapport de l’hôpital ne servait pas à corroborer son témoignage selon lequel ses blessures découlaient d’une agression. Je ne vois rien de déraisonnable dans cette analyse.

3)  Nina Kockova

[16]  Mme Kockova a témoigné que, lorsqu’elle avait donné naissance à son premier fils, le personnel de l’hôpital l’avait mise dans une chambre à part et sale avec quatre autres femmes d’origine rome et qu’elle y était restée pendant deux semaines sans recevoir les soins de santé appropriés. Elle a fait une distinction entre le traitement qu’elle a reçu et celui que les femmes autres que des femmes d’origine rome ont reçu, qui étaient installées par deux dans une chambre, avec des installations propres et leur propre salle de bain. Elle a affirmé avoir été très malade pendant son séjour à l’hôpital, qu’elle était devenue jaune et a fait la déclaration suivante : [traduction] « L’eau en moi n’était pas suffisante. » Mme Kockova a indiqué qu’elle ne savait pas comment elle aurait survécu si les autres femmes d’origine rome dans la chambre n’étaient pas allées chercher le médecin pour lui dire que quelque chose n’allait pas chez elle.

[17]  La Section d’appel des réfugiés a fait référence au témoignage et à l’allégation de traitement discriminatoire de Mme Kockova et a conclu à partir de la transcription de son témoignage qu’elle avait été malade juste avant la date d’accouchement de son premier enfant, qu’elle avait donné naissance deux semaines après avoir été admise à l’hôpital et qu’elle avait été admise à l’hôpital deux semaines avant la date prévue d’accouchement aux fins de traitement de sa maladie. La Section d’appel des réfugiés a conclu que, même si les conditions à l’hôpital pourraient ne pas lui avoir été acceptables, il n’y avait aucune indication qu’elle avait fait l’objet d’une discrimination fondée sur son origine rome.

[18]  En attaquant cette conclusion, les demandeurs soulignent les éléments de preuve sur les conditions au pays, lesquels font état de la discrimination générale contre les personnes d’origine rome en ce qui concerne les soins de santé et la ségrégation des femmes d’origine rome dans les maternités de plusieurs hôpitaux. Les demandeurs indiquent également que, selon le témoignage de Mme Kockova, même si elle n’a pas donné naissance à son fils avant le 10 octobre 2010, sa date d’accouchement prévue était le 26 septembre 2010 et qu’elle avait été admise à l’hôpital le 25 septembre 2010. Il n’était donc pas exact pour la Section d’appel des réfugiés de déclarer qu’elle avait été admise à l’hôpital deux semaines avant sa date d’accouchement prévue. Elle soutient qu’elle n’a pas été admise parce qu’elle était malade, mais qu’elle a plutôt contracté sa maladie pendant son séjour à l’hôpital. En réponse, le défendeur indique que, selon le témoignage de Mme Kockova, elle avait été admise à l’hôpital même si elle n’éprouvait aucune douleur de l’accouchement parce que son gynécologue lui avait dit qu’elle devait y aller. En ce qui concerne cet argument, le défendeur appuie la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle elle avait été admise à l’hôpital parce qu’elle était malade.

[19]  Je conclus que la question de savoir si Mme Kockova était malade avant son admission à l’hôpital et que son état s’est aggravé par la suite, plutôt que d’être tombée malade après son admission à l’hôpital, importe peu. Au contraire, comme l’avocat des demandeurs l’a souligné tant dans les observations écrites qu’en plaidoirie, l’argument des demandeurs repose sur son allégation selon laquelle elle n’a pas reçu des soins appropriés pendant son séjour à l’hôpital, de sorte que d’autres patientes d’origine rome ont dû trouver le médecin pour lui dire que quelque chose n’allait pas chez elle. À l’aide d’éléments de preuve documentaire établissant un traitement discriminatoire et la ségrégation des femmes d’origine rome dans les hôpitaux de la République slovaque, les demandeurs font valoir qu’il était déraisonnable que la Section d’appel des réfugiés parvienne à la conclusion qu’elle a tirée relativement à cette question. Toutefois, en ce qui concerne l’application de la norme de la décision raisonnable, la Cour doit décider si la conclusion de la Section d’appel des réfugiés n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je conclus que la Section d’appel des réfugiés pouvait conclure, tout comme l’avait conclu la Section de la protection des réfugiés, que la preuve n’établissait pas qu’elle avait reçu des soins de santé inférieurs à la norme et discriminatoires en raison de son origine rome. Rien au dossier ne justifie l’intervention de la Cour relativement à cette conclusion.

B.  L’analyse de la protection de l’État effectuée par la Section d’appel des réfugiés était-elle déraisonnable?

[20]  Même sans modifier avec succès les conclusions défavorables sur la crédibilité tirées par la Section d’appel des réfugiés, les demandeurs font valoir qu’elle a commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État. Ils mentionnent que la Section d’appel des réfugiés a retenu l’argument selon lequel M. Cyril Kocko avait été agressé par des skinheads en 2014, qu’il s’était présenté au poste de police pour signaler l’agression et qu’il avait fait un suivi auprès de la police, mais qu’il avait été informé que l’enquête avait été clôturée. Les demandeurs ont soutenu que la Section d’appel des réfugiés avait commis une erreur dans son application du droit relatif à la protection de l’État aux éléments de preuve portant sur cet incident.

[21]  Plus particulièrement, les demandeurs s’opposent à l’énoncé de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle dans des pays démocratiques, comme la République slovaque, un demandeur d’asile doit en faire plus que d’établir simplement qu’il a consulté des policiers et que ces efforts se sont avérés infructueux. Toutefois, les demandeurs reconnaissent que la Section d’appel des réfugiés avait raison lorsqu’elle a ensuite déclaré que les omissions locales par les autorités d’offrir une protection ne signifient pas que l’État, dans son ensemble, omet de protéger ses citoyens, à moins que les omissions ne fassent partie d’une tendance plus générale de l’incapacité ou du refus de l’État d’offrir une protection.

[22]  Le défendeur ne souscrit pas à la thèse des demandeurs selon laquelle la Section d’appel des réfugiés a mal formulé ou mal appliqué le droit relatif à la protection de l’État. Le défendeur renvoie à la décision rendue dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Flores Carrillo, 2008 CAF 94, en application de laquelle la Cour d’appel fédérale a rétabli la décision de la Section de la protection des réfugiés qui indiquait que plus les institutions de l’État sont démocratiques, plus un demandeur d’asile devra avoir cherché à épuiser les recours qui s’offrent à lui (aux paragraphes 32 à 34). Dans cette affaire, la Section de la protection des réfugiés avait conclu que la demandeure d’asile n’avait pas fait d’efforts additionnels pour obtenir la protection des autorités lorsqu’il se fut avéré, selon ses dires, que la police locale ne lui offrirait pas la protection qu’elle recherchait. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’était pas déraisonnable que la Section de la protection des réfugiés tire la conclusion selon laquelle la demandeure d’asile n’avait pas établi que la protection de l’État était insuffisante.

[23]  Le défendeur souscrit à la thèse des demandeurs uniquement dans la mesure où il est exact de dire qu’il existe un cadre à l’intérieur duquel les États peuvent être considérés comme démocratiques et que la capacité du demandeur de réfuter avec succès la présomption de la protection de l’État dépend d’éléments de preuve documentaire objectifs, qui décrit le fonctionnement des institutions démocratiques de l’État particulier et la disponibilité de la protection à l’intérieur de l’État, et de la preuve des expériences et des efforts particuliers du demandeur à obtenir la protection.

[24]  Je ne constate aucune erreur susceptible de révision dans la déclaration du droit relatif à la protection de l’État faite par la Section d’appel des réfugiés. La Cour doit plutôt se demander si la conclusion de la Section d’appel des réfugiés, à savoir que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État, était raisonnable en ce qui concerne la preuve de la condition du pays applicable à la République slovaque et les éléments de preuve des demandeurs.

[25]  La Section d’appel des réfugiés a reconnu que les documents portant sur la condition du pays et les arguments présentés par les demandeurs comportaient tous les deux des renseignements qui indiquent un signalement généralisé d’incidents d’intolérance, de discrimination et de persécution des personnes d’origine rome dans la République slovaque. Toutefois, elle a également souligné que le fait d’être un membre de la communauté rome ne confère pas automatiquement un statut de réfugié en fonction d’éléments de preuve documentaire du profil général de Rom. La question était plutôt de savoir si les demandeurs dans cet appel particulier devant la Section d’appel des réfugiés avaient réfuté la présomption de protection de l’État. Pour répondre à cette question, la Section d’appel des réfugiés a examiné ses diverses conclusions défavorables sur la crédibilité et, en ce qui concerne l’agression dont Cyril Kocko a été victime en 2014, elle a souligné qu’il n’avait pas été en mesure d’identifier les agresseurs et qu’il n’avait fourni aux policiers qu’une description générale. La Section d’appel des réfugiés a conclu que, si la police avait clôturé l’enquête sur l’incident survenu en 2014, c’était en raison de l’incapacité de M. Kocko à fournir une description appropriée des agresseurs et qu’il n’y avait aucune preuve indiquant qu’on lui avait refusé une protection relativement à cet incident en raison de son origine rome.

[26]  Je ne constate aucune erreur susceptible de révision commise par la Section d’appel des réfugiés dans cette composante de sa décision. Les demandeurs ont renvoyé à la transcription du témoignage de M. Kocko dans le cadre duquel il a déclaré qu’il avait fourni aux policiers une description de base des agresseurs, soit qu’ils avaient la tête rasée, qu’ils portaient des vêtements noirs et de lourdes bottes. Les demandeurs soutiennent que ces renseignements étaient suffisants pour permettre aux policiers de conclure qu’il s’agissait d’une agression perpétrée par des membres de l’extrême droite de la République slovaque et pour enquêter à ce sujet de manière plus approfondie. Ils invoquent la décision rendue dans Pinter c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1119 [Pinter], dans laquelle la Cour a accueilli une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de rejeter la demande d’asile présentée par une famille rome de la Hongrie. Les demandeurs évoquent particulièrement le commentaire du juge Zinn figurant au paragraphe 14 de cette décision selon lequel le fait qu’une plainte relative à une conduite criminelle a été acceptée ne signifie pas que la police offre une protection adéquate si rien n’est fait pour enquêter sur la plainte.

[27]  Je ne conclus pas que cette décision aide les demandeurs. L’erreur cernée par le juge Zinn a été commise par la Section de la protection des réfugiés dans l’analyse de la réponse de la police aux plaintes déposées par les demandeurs portant sur les agressions dont ils ont été victimes. Un des demandeurs avait témoigné que, bien que la police ait pris note de leurs plaintes, elle n’a pas mené d’enquête et la Section de la protection des réfugiés a affirmé qu’elle ne pensait pas que la police n’avait même pas essayé de faire enquête comme le demandeur le disait. Le juge Zinn a souligné que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas expliqué pourquoi elle rejetait cette preuve puisqu’il n’y avait absolument rien dans le dossier qui indiquait qu’il y avait eu une enquête policière.

[28]  Le cas de l’espèce ne concerne pas une conclusion sans fondement tirée par la Section d’appel des réfugiés selon laquelle la police avait enquêté sur la plainte déposée par Cyril Kocko. Au contraire, selon la conclusion tirée par la Section d’appel des réfugiés, la police avait clôturé l’enquête parce que M. Kocko n’avait pas fourni à la police une description suffisante des agresseurs. Vu les renseignements limités sur les agresseurs évoqués dans le témoignage de M. Kocko, je ne peux pas conclure que cette conclusion est déraisonnable.

[29]  Les demandeurs reprochent également à la Section d’appel des réfugiés d’avoir omis d’évoquer la décision récente Stojkova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 77 [Stojkova] de la Cour dans laquelle le juge Shore a renvoyé aux éléments de preuve documentaire de Roms qui sont victimes de discrimination et de violence dans la Slovaquie, ainsi que des abus commis par la police envers les suspects et les détenus roms. Les demandeurs font valoir que la Section d’appel des réfugiés aurait dû expliquer pourquoi la disponibilité de la protection de l’État des Roms dans la République slovaque en l’espèce différait de celle constatée dans la décision Stojkova.

[30]  En toute déférence, je conclus que cet argument ne soulève pas une erreur susceptible de révision commise par la Section d’appel des réfugiés. Les demandeurs n’ont pas évoqué la décision Stojkova devant la Section d’appel des réfugiés. En outre, la décision Stojkova est fondée sur les éléments de preuve particuliers dont étaient saisis l’agent d’examen des risques avant renvoi et la Cour dans cette affaire. Tel que le défendeur l’a indiqué, l’analyse du juge Shore aux paragraphes 21 et 22 de sa décision renvoie aux éléments de preuve personnels des demandeurs de la persécution liée à la preuve de la condition du pays et il souligne que chaque cas doit être tranché selon son propre bien-fondé en fonction des documents personnels et de ceux portant sur la condition du pays.

[31]  Cela mène au dernier argument des demandeurs selon lequel les conclusions de la Section d’appel des réfugiés relativement au traitement d’éléments de preuve documentaire par la Section de la protection des réfugiés ne sont pas transparentes. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés avait effectué une analyse équitable et juste des documents portant sur la protection de l’État et qu’elle avait mené une analyse appropriée des éléments de preuve documentaire et elle a souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État. Toutefois, les demandeurs soutiennent que les motifs de la Section d’appel des réfugiés ne révélaient aucune analyse de la façon dont elle était parvenue à ces conclusions. Ils font valoir que la Section d’appel des réfugiés n’a pas mené une évaluation indépendante comme l’exige la norme de contrôle de la décision correcte prescrite par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93.

[32]  Je conclus que les motifs de la Section d’appel des réfugiés ne revêtent aucune erreur dans son application de la norme de contrôle. Si la Section d’appel des réfugiés avait fait preuve de retenue à l’égard de l’analyse de la Section de la protection des réfugiés, cela aurait reflété une application erronée de la norme de la décision raisonnable. Toutefois, cela ne constituait pas la nature de son analyse. Au contraire, la Section d’appel des réfugiés a exprimé son accord avec la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de la protection de l’État, ce que j’estime correspondre à une application de la norme de contrôle de la décision correcte.

[33]  Je reconnais l’argument des demandeurs selon lequel les motifs de la Section d’appel des réfugiés n’indiquent pas une analyse approfondie des documents portant sur la protection de l’État ou des présumées erreurs commises par la Section de la protection des réfugiés dans l’analyse de la protection de l’État figurant aux observations des demandeurs produites en appel. Cependant, le fondement de la conclusion de la Section d’appel des réfugiés est intelligible, vu son examen des principes juridiques applicables à la protection de l’État, sa reconnaissance de la persécution généralisée des Roms révélée par la preuve documentaire et, plus particulièrement, son examen des éléments de preuve personnels des demandeurs, des conclusions défavorables sur la crédibilité et les renseignements limités fournis par Cyril Kocko sur les agresseurs auteurs de l’agression en 2014. J’ai interprété la décision comme une conclusion selon laquelle les éléments de preuve très limités jugés être crédibles par la Section d’appel des réfugiés, en plus de la preuve de la condition du pays, ne suffisaient pas à réfuter la présomption de la protection de l’État. Je conclus que l’analyse était transparente et correspondait aux issues possibles acceptables et pouvant se justifier en fonction desquelles la norme de la décision raisonnable est définie.

V.  Conclusion

[34]  En conclusion, en appliquant la norme de contrôle de la décision raisonnable, je conclus que les demandeurs n’ont établi aucune erreur susceptible de révision commise par la Section d’appel des réfugiés dans ses analyses de la crédibilité ou de la disponibilité de la protection de l’État.

[35]   Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-767-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 18e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-767-17

INTITULÉ :

CYRIL KOCKO ET AL. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 août 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

Le 6 septembre 2017

COMPARUTIONS :

Maureen Silcoff

Pour les demandeurs

David Joseph

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Silcoff, Shacter

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demandeurs

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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