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Date : 20170922

Dossier : T-402-16

Référence : 2017 CF 774

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

PFIZER CANADA INC. et WYETH LLC

demanderesses

et

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

défendeurs

JUGEMENT PUBLIC ET MOTIFS

(Jugement et motifs confidentiels originaux et corrigés rendus le 22 août 2017)

Table des matières

I. Nature de la question 5

II. Note de procédure 5

III. Résumé des conclusions 6

IV. Les témoins 6

V. Exposé des faits 8

1. Résumé des faits 9

2. Historique de l’invention 11

3. Détails de l’historique de l’invention : le témoignage de M. Shah, de Pfizer 16

4. Expérimentation avec le fumarate d’ODV 19

5. Tentative de créer un promédicament d’ODV 21

6. Tentative de créer un sel acceptable d’ODV 22

7. Criblage des polymorphes et des cristaux 26

8. Solubilité 27

9. La préparation du succinate d’ODV 29

10. Tests de perméabilité et de biodisponibilité 30

11. |||||||||||||||||||||||||||||| 31

12. Test de perfusion chez le rat 33

13. Tests chez le chien beagle 36

14. Tests chez l’être humain 39

15. Formes à l’état solide : cristallinité, solides amorphes et polymorphes 42

16. Criblage des polymorphes et sous-traitance du criblage des polymorphes
à SSCI, Inc.
42

17. Mme Aeri Park à SSCI 45

18. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| 51.

19. Points de fusion et analyse calorimétrique différentielle (ACD) 52

20. Études additionnelles portant sur les températures et forme amorphe 53

21. Test d’hygroscopicité (test relatif à la stabilité de la drogue) 54

22. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| 54

23. |||||||||||||| (forme cristalline « C ») 55

24. |||||||||||||||||||||||| (forme cristalline « D ») 56

25. Travaux concernant d’autres candidats salins et criblages 58

26. Divers 59

VI. Questions en litige 59

VII. Dispositions législatives et fardeau de la preuve 60

VIII. Analyse 61

1. Dates pertinentes 61

2. Interprétation des revendications 62

A. Interprétation des revendications 8 et 9 72

B. Interprétation de la revendication 33 80

C. Interprétation des revendications 43 et 44 81

3. Non-contrefaçon 82

4. L’évidence 85

A. Observations préliminaires et sommaire 85

B. Règles de droit applicables à l’examen relatif à l’évidence et la décision Sanofi 87

C. Décisions de la Cour d’appel fédérale, dont Atazanavir et Beloit 98

D. Analyse de l’évidence 104

1. a) Identifier la « personne théorique versée dans l’art » 104

1. b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art 105

2. Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation 121

3.Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous‑tend la revendication ou son interprétation. 126

i. Revendications 8 et 9 126

ii. Revendication 33 127

iii. Revendications 43 et 44 127

4. Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles une quelconque inventivité? 129

5. Appliquer la définition de l’évidence antérieure à l’arrêt Sanofi 129

6. Examiner la notion de l’essai allant de soi 132

7. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art? 135

8. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants? 148

9. L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet 150

10. Quelle démarche a mené à l’invention? 152

11. Conclusion sur l’essai allant de soi concernant les revendications 8 et 9 154.

12. Conclusion sur l’essai allant de soi concernant les revendications 33, 43 et 44 155.

13. Considération de l’orientation fournie dans l’arrêt Sanofi concernant l’analyse relative à l’essai allant de soi 155.

14. Conclusion concernant l’évidence 156.

5. Inutilité 156.

A. Les objets des revendications 33, 43 et 44 sont-ils utiles – c.-à-d., se demander s’ils peuvent donner un résultat concret 163

B. Conclusion sur l’inutilité 165

6. Promesses excessives relativement au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets 165

7. Antériorité 173

8. Double brevet 187

IX. Conclusions 194

X. Dépens 194

XI Motifs confidentiels 194

***

I. Nature de la question

[1] La Cour est saisie de la présente demande d’ordonnance en application de l’article 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/1993-133, dans sa version modifiée, DORS/1998-166, DORS/1999-379 et DORS/2006-242 (le Règlement AC) interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à l’égard d’un avis d’allégation (AA) du 21 janvier 2016 envoyé par Apotex Inc. (Apotex) à Pfizer Canada Inc., anciennement Wyeth LLC (Pfizer ou Wyeth), à l’égard du brevet canadien no 2 436 668 (le brevet 668). Le brevet 668 vise le médicament PRISTIQ, qui est utilisé dans le traitement de la dépression.

[2] Les revendications 8, 9, 33, 43 et 44 sont en cause. Bien qu’Apotex ait invoqué d’autres moyens dans son AA et dans son mémoire, certains d’entre eux ont été abandonnés par la suite, de sorte qu’Apotex allègue maintenant que le brevet 668 est invalide pour cause d’évidence, d’inutilité, d’absence de contrefaçon, d’antériorité et de double brevet.

II. Note de procédure

[3] Sur le plan procédural, la présente affaire a été débattue après que j’eus entendu les débats dans l’affaire Pfizer Canada Inc et Wyeth LLC c Teva Canada Ltée et le ministre de la Santé, à l’égard de laquelle j’ai rendu les motifs et le jugement dans 2017 CF 777. Ces deux affaires concernent des AA distincts déposés par d’autres secondes personnes, contre les mêmes premières personnes à l’égard du même brevet 668. Bien que l’historique de l’invention soit essentiellement la même dans les deux affaires, les moyens d’invalidité alléguée diffèrent. Les arguments étaient semblables à certains égards et différents à d’autres; il y a donc certaines répétitions entre ces deux ensembles de motifs. Le droit applicable est le même dans les deux affaires.

[4] Je tiens à préciser pour guider les lecteurs des deux décisions que, bien que l’évidence et l’inutilité soient en cause dans les deux décisions, Apotex a aussi avancé des allégations de non-contrefaçon, d’antériorité et de double brevet que Teva n’a pas avancées dans son instance. L’interprétation des revendications est attaquée dans la présente instance, mais les parties se sont entendues sur les revendications 8 et 9 dans l’instance de Teva. Apotex a aussi allégué la formulation de promesses excessives dans la présente instance comme moyen d’invalidité découlant du paragraphe 27(3), moyen que Teva n’a pas invoqué dans son instance.

III. Résumé des conclusions

[5] Dans les motifs qui suivent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’invalidité formulées par Apotex pour cause d’évidence, d’inutilité, d’antériorité et de double brevet, de même que son allégation de non-contrefaçon, sont sans fondement. Je conclus que les arguments d’invalidité pour cause de [traduction] « promesses excessives » contrairement au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets sont non fondés. Pfizer aura donc son ordonnance d’interdiction, ainsi que les dépens, fixés dans les présents motifs, selon les modalités convenues par les parties.

IV. Les témoins

[6] Dans les documents qu’elles ont déposés avant l’audience, les parties ont fourni les renseignements suivants sur les témoins, auxquels je n’ai ajouté que quelques précisions :

Témoins des faits de Pfizer :

M. Syed Shah : Syed Shah est un ancien employé de Wyeth (et ultérieurement de Pfizer) qui a occupé différents postes au sein des deux entreprises. Vers la fin des années 1990 et au début des années 2000, il était le directeur adjoint du service de mise au point de produits chimiques et pharmaceutiques chez Wyeth et a participé à la mise au point d’une forme d’ODV pour la recherche clinique et la commercialisation. Il a supervisé la recherche préclinique concernant le succinate d’ODV (et d’autres formes d’ODV), ainsi que la recherche clinique ultérieure concernant le succinate d’ODV et Pristiq®. M. Shah est un inventeur désigné du brevet 668.

Mme Aeri Park : ancienne directrice chez SSCI Inc., le laboratoire de recherche engagé par Wyeth pour réaliser des études polymorphiques concernant le succinate d’ODV. Elle a dirigé l’équipe de scientifiques qui a réalisé les travaux portant sur le succinate d’ODV, qui consistaient notamment à déterminer, à analyser et à produire diverses formes à l’état solide du succinate d’ODV. Mme Park est une inventrice désignée du brevet 668.

Témoins experts de Pfizer :

M. Syed Shah : Syed Shah est un ancien employé de Wyeth (et ultérieurement de Pfizer) qui a occupé différents postes au sein des deux entreprises. Vers la fin des années 1990 et au début des années 2000, il était le directeur adjoint du service de mise au point de produits chimiques et pharmaceutiques chez Wyeth et a participé à la mise au point d’une forme d’ODV pour la recherche clinique et la commercialisation. Il a supervisé la recherche préclinique concernant le succinate d’ODV (et d’autres formes d’ODV), ainsi que la recherche clinique ultérieure concernant le succinate d’ODV et Pristiq®. M. Shah est un inventeur désigné du brevet 668.

M. James Polli : James Polli est professeur en pharmacie industrielle et produits pharmaceutiques à l’école de pharmacie de l’Université du Maryland. Ses recherches portent principalement sur 1) la maximisation de la biodisponibilité par l’adoption de méthodes de formulation et de méthodes chimiques, et 2) l’élaboration de normes de qualité publiques applicables aux formes pharmaceutiques orales. Il a acquis une expérience dans les domaines des produits pharmaceutiques, de la pharmacocinétique et de la biodisponibilité.

Dr Pierre Blier, M.D. : Pierre Blier est professeur titulaire aux départements de psychiatrie et de médecine cellulaire et moléculaire de l’Université d’Ottawa, en Ontario, au Canada. Il est aussi directeur du Programme de traitement des troubles de l’humeur de l’Institut de recherche en santé mentale de l’Université d’Ottawa à l’Hôpital Royal Ottawa. Il a acquis une expérience dans les domaines de la neuropharmacologie et de la psychiatrie.

M. Jerry Atwood : Jerry Atwood est président du département de chimie et professeur-curateur à l’Université du Missouri-Columbia. Il a acquis une expérience de la recherche et de l’enseignement universitaire dans les domaines suivants : chimie supramoléculaire, chimie des solides, croissance cristalline, génie de la matière cristalline, essai des matériaux, radiocristallographie, chimie organique, chimie pharmaceutique, chimie inorganique et chimie des polymères.

M. Allen Myerson : Allan Myerson est professeur de la pratique du génie chimique au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Il a acquis une expérience de la recherche et de l’enseignement universitaire en cristallisation industrielle et en cristallisation des produits pharmaceutiques solides.

Témoins experts d’Apotex :

M. Alan Parr, Ph. D. : Alan Parr est consultant indépendant en biopharmaceutique des produits pharmaceutiques. Il a travaillé pendant environ 30 ans dans l’industrie pharmaceutique, y compris chez Glaxo et de sociétés remplaçantes Glaxo Wellcome et GlaxoSmithKline. M. Parr a acquis une expérience dans les domaines suivants : évaluation in vivo des formes pharmaceutiques, biopharmaceutique, pharmacocinétique et essais d’absorption de médicaments et de biodisponibilité ou de bioéquivalence.

Richard J. Bastin : Richard J. Bastin est le directeur de RJB Pharma Consulting Ltd., une entreprise de consultation qui offre des conseils, un soutien et des formations concernant la développabilité des médicaments, la mise au point de processus, la mise au point de produits et la stratégie sur les contrôles de la fabrication et de la chimie pour les compagnies pharmaceutiques et biotechnologiques.

M. Jonathan Steed, Ph. D. : Jonathan Steed est professeur de chimie à l’Université Durham au Royaume-Uni. Ses recherches sont axées sur la cristallographie, la cristallisation, la chimie des solides, la chimie de coordination et les interactions intermoléculaires dans les solides.

V. Exposé des faits

1. Résumé des faits

[7] Le brevet 668 concerne un médicament appelé o-desméthylvenlafaxine, ci-après « ODV ». L’ODV est un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline [IRSN] utilisé dans le traitement de la dépression. L’ODV agit en inhibant simultanément la recapture de sérotonine et de la noradrénaline, deux neurotransmetteurs qui sont censés être en cause dans la dépression et l’anxiété. L’ingrédient pharmaceutique actif (IPA) visé par la présente instance est le succinate d’ODV de forme I, qui est une forme cristalline particulière d’un sel d’ODV donné, soit le succinate d’ODV. Comme nous le verrons, j’ai retenu l’allégation de Pfizer selon laquelle le succinate d’ODV de forme I est une nouvelle composition de matières et fait l’objet des revendications 8 et 9, dont dépendent les revendications 33, 43 et 44.

[8] L’ODV est un métabolite actif du médicament mère de l’ODV, la venlafaxine. On appelle l’ODV un métabolite parce que l’ODV est produit par le corps lorsque de la venlafaxine est administrée, c’est-à-dire que la venlafaxine est modifiée chimiquement dans le corps pour former l’ODV; c’est l’ODV qui transmet une partie ou la totalité de l’effet pharmacologique.

[9] Il est communément admis que l’ODV lui-même et son usage pour traiter la dépression sont connus depuis un certain temps. La venlafaxine – qui se métabolise en ODV – a déjà fait l’objet d’un brevet et a été approuvée pour le traitement de la dépression. Wyeth disposait de l’ODV depuis au moins 1990. Wyeth et Pfizer ont commercialisé l’ODV, en tant que métabolite connu de la venlafaxine, sous les noms EFFEXOR et EFFEXOR XR. EFFEXOR est la version à libération immédiate de la venlafaxine (qui se transforme en ODV dans le corps); EFFEXOR XR est la version à libération prolongée ou continue de la venlafaxine (qui se transforme aussi en ODV dans le corps, mais plus lentement). L’ODV est l’IPA tant dans EFFEXOR que dans EFFEXOR XR.

[10] EFFEXOR et EFFEXOR XR contiennent tous deux du chlorhydrate de venlafaxine, qui est un sel; le chlorhydrate de venlafaxine est tout simplement appelé « venlafaxine » à partir de maintenant.

[11] L’ODV et les [traduction] « formes de sels pharmaceutiquement acceptables qui en résultent » étaient connus et sont revendiqués à la fois dans la revendication 22 du brevet américain no 4 535 186 (US 186), délivré en 1985, et dans la revendication 21 du brevet canadien no 1 248 540 (CA 540), délivré à une société remplaçante de Pfizer en 1989.

[12] Les [traduction] « sels pharmaceutiquement acceptables », selon l’expression employée dans les brevets US 186 et CA 540, sont formés par la réaction d’un acide et d’une base. L’ODV est une base. Pour produire un sel, il faut donc un acide convenable pour provoquer une telle réaction. Les brevets US 186 et CA 540 revendiquent tous deux le succinate d’ODV comme étant l’un des 11 sels pharmaceutiquement acceptables [traduction] « indicatifs » et mentionnent donc de faire réagir l’ODV avec l’acide succinique.

[13] Rien dans les brevets US 186 et CA 540, ni ailleurs dans l’antériorité, ne laisse toutefois croire que le succinate d’ODV ait déjà été produit. De même, rien n’indique que quelque forme cristalline que ce soit du succinate d’ODV ait déjà été connue ou produite. De plus, il n’y a aucun élément de preuve ni aucun argument selon lequel le succinate d’ODV de forme I cristalline, que Wyeth allègue être le concept inventif des revendications 8 et 9, avait déjà été connu ou produit avant que Wyeth ne le produise.

[14] En plus des renseignements divulgués dans le brevet CA 540 et le brevet US 186 qui viennent d’être mentionnés, il est entendu qu’une autre forme d’ODV, soit sa forme libre, c.-à-d., la drogue ODV elle-même plutôt qu’une forme saline ou cristalline de la drogue, a été divulguée dans la publication de brevets internationale no WO OO/59 851 (WO 851) du 12 octobre 2000. Le brevet WO 851 énumérait 26 [traduction] « sels pharmaceutiquement acceptables », dont l’acide succinique. Encore une fois, rien n’indique toutefois que le succinate d’ODV ait déjà été produit, ou que le succinate d’ODV de forme cristalline ait déjà été produit, ou que le succinate d’ODV de forme I ait déjà été produit avant sa création dans les laboratoires de Wyeth.

[15] L’antériorité divulguait aussi que la venlafaxine en tant que d’EFFEXOR ou EFFEXOR XR et son métabolite ODV étaient utiles pour traiter la dépression.

[16] Comme il est bien connu, la dépression est une maladie grave qui peut être et est souvent incapacitante. Il n’est pas controversé que toutes ces drogues, y compris le succinate d’ODV de forme I, aident les patients qui souffrent de dépression à retrouver et à vivre une vie plus remplie et fonctionnelle.

2. Historique de l’invention

[17] De façon générale, l’essentiel de l’historique de l’invention n’est pas contesté, bien que certains de ses aspects le soient. Les parties ne s’entendent pas sur sa caractérisation et sur la façon dont l’historique de l’invention se rapporte à l’évidence, à l’essai allant de soi et à d’autres principes du droit des brevets. L’historique de l’invention est aussi pertinent quant au différend portant sur le manque d’utilité allégué et quant à d’autres éléments. À mon avis, l’historique de l’invention justifie d’être exposé de façon assez détaillée; je vais le résumer d’abord.

[18] L’historique de l’invention, tel que je l’ai constaté, est exposé ci-dessous. De façon générale, il est tiré des affidavits de M. Shah et de Mme Park. M. Shah était alors chez Wyeth et était chargé de la commercialisation de l’ODV de façon générale et de la commercialisation du succinate d’ODV par la suite. Mme Park était chargée du criblage des polymorphes du succinate d’ODV au sein d’une société spécialisée qui effectuait le criblage des polymorphes pour le compte de Wyeth : SSCI, Inc. (SSCI).

[19] J’ai retenu les témoignages de Mme Park et de M. Shah parce qu’ils étaient là au moment de l’invention, et qu’ils ont une connaissance directe de ce qu’ils décrivent. Je suis conscient qu’ils sont tous deux des inventeurs désignés du brevet 668, mais je ne suis pas convaincu que ce fait ait eu aucune incidence sur leurs témoignages, que ce soit dans leurs affidavits ou en contre-interrogatoire.

[20] Wyeth, maintenant Pfizer, comptait la venlafaxine parmi ses drogues. Ainsi, elle savait que l’ODV était le métabolite actif de la venlafaxine. Pfizer, d’abord par l’entremise d’une société remplaçante et ensuite en son propre nom, a commercialisé la venlafaxine sous les noms EFFEXOR et EFFEXOR XR. EFFEXOR transmettait immédiatement la venlafaxine, ce qui nécessitait chez de nombreux patients qu’il fallait l’administrer plusieurs fois par jour. EFFEXOR XR, une version à libération continue d’EFFEXOR, pouvait être donnée une fois jour; elle transmettait une dose accrue au début, mais une fois présente dans le corps, sa libération était prolongée. EFFEXOR XR est une formulation prolongée ou continue qui était mieux indiquée pour de nombreux patients, voire pour la plupart, y compris ceux qui souffraient de dépression, parce que la prise d’un seul comprimé par jour était plus commode et entraînait une meilleure conformité que la prise de plusieurs comprimés tout au long de la journée. De plus, la forme à libération continue réduisait les effets secondaires en raison de la libération d’une dose réduite du médicament dans le corps à un moment donné, comparativement à EFFEXOR, la forme à libération immédiate de la venlafaxine.

[21] Le problème qu’avait Wyeth avec la venlafaxine était que, même si son métabolite actif était l’ODV, aucune forme solide de l’ODV lui-même ne pouvait être conservée de façon sécuritaire, préparée en tant que drogue, et livrée efficacement aux patients. Wyeth n’avait que la venlafaxine, qui dépendait du corps pour être métabolisée ou transformée en ODV, lequel agissait ensuite en tant qu’antidépresseur dans le cerveau.

[22] La nouvelle drogue ODV que Wyeth cherchait à découvrir devait posséder plusieurs caractéristiques fondamentales : stabilité, solubilité, perméabilité et biodisponibilité. La perméabilité est la capacité d’une drogue de traverser la muqueuse de la voie gastro-intestinale (GI). La biodisponibilité est la capacité d’une drogue de pénétrer dans la circulation sanguine, ce qui, selon la dose orale recherchée, comporte la pénétration dans la muqueuse de la voie GI.

[23] La nouvelle drogue ODV qui était recherchée devait être une drogue stable, c’est-à-dire, une drogue qui devait se conserver de façon sécuritaire tout au long des procédés de fabrication et de distribution. L’ODV recherché devait maintenir sa stabilité tout au long de ces procédés, de même qu’entre les mains du personnel hospitalier et des patients, à des températures ambiantes et des taux d’humidité différents que l’on pouvait observer aux endroits où il pourrait être fabriqué, conservé, distribué ou utilisé.

[24] La drogue ODV recherchée par Wyeth devait pouvoir se dissoudre dans la voie GI, en ce sens qu’elle devait être une drogue soluble. Elle devait aussi être une drogue qui traverserait la voie GI jusque dans la circulation sanguine, où elle pourrait accomplir son travail dans les systèmes du corps et, plus précisément, dans le cerveau, en ce sens qu’elle devait être une drogue perméable et biodisponible.

[25] En plus d’être stable, soluble, perméable et biodisponible, la nouvelle drogue ODV qui était recherchée devait posséder ces propriétés sans entraîner d’effets secondaires néfastes qui soient inacceptables, comme la nausée et les vomissements, qui étaient des problèmes connus associés à l’ODV.

[26] En résumé, pendant environ deux ans – les travaux s’étant intensifiés vers la fin de cette période – des travaux d’expérimentation et de développement de drogues ont été effectués, d’abord par Wyeth, et ensuite par Wyeth conjointement avec un laboratoire spécialisé à contrat, SSCI. Des employés de Wyeth et de SSCI sont des inventeurs désignés du brevet 668.

[27] Wyeth et SSCI ont finalement trouvé une forme cristalline solide de l’ODV qui était stable, soluble, perméable et biodisponible. Cette forme cristalline est maintenant connue sous le nom de succinate d’ODV de forme I, et Pfizer allègue qu’il s’agit du concept inventif qui sous-tend les revendications 8 et 9 du brevet 668. Il est communément admis que cette forme cristalline est une nouvelle composition de matières qui n’avait jamais été produite ni divulguée avant sa création par Wyeth. Je dois observer qu’Apotex soulève l’invalidité pour antériorité; la nouveauté est donc en cause et analysée plus loin dans les présents motifs.

[28] J’ai mentionné des essais menés Wyeth et SSCI lors desquels Wyeth a créé le succinate d’ODV de forme I cristalline, et lors desquels |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Dans ce contexte, les experts s’entendent pour dire que la personne versée dans l’art aurait été incapable de savoir ou de prédire si le succinate d’ODV formerait un solide, si ce solide pouvait former un composé cristallin, ou quelles seraient les propriétés de tout solide cristallin hypothétique, encore moins du succinate d’ODV de forme I, en ce qui concerne la stabilité, la solubilité, la perméabilité, la biodisponibilité et les effets néfastes; aucun de ces renseignements ne serait connu en l’absence de recherches empiriques. Comme il en sera question plus loin, à mon avis, l’étendue des recherches envisagées par la personne versée dans l’art et effectivement requises dans ce contexte ne correspondait pas à des travaux d’analyse courants, mais était plutôt de la nature d’un programme de recherche.

[29] Je tiens à préciser que l’une des questions soulevées dans la présente instance est celle de savoir si l’expérimentation en cause était courante et, si tel est le cas, quelles sont les conséquences légales de cette conclusion. Il en est ainsi parce que les travaux effectués par Wyeth comportaient le criblage du sel et que les travaux effectués par SSCI comportaient un autre type de cribable, appelé criblage des polymorphes ou des cristaux. Pfizer et Apotex s’entendent pour dire que, de façon générale, les criblages du sel et les criblages des polymorphes étaient généralement connus d’une personne versée dans l’art à ce moment-là (la personne versée dans l’art).

[30] Wyeth a non seulement créé le succinate d’ODV, mais est allée plus loin en créant une forme cristalline de ce sel qui a fini par être connue comme le succinate d’ODV de forme I cristalline. Wyeth ne savait pas, cependant, que le cristal qu’elle avait créé |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Wyeth et son sous-traitant SSCI sont allés plus loin. SSCI a découvert trois autres formes cristallines et une autre forme amorphe du succinate d’ODV, en plus du succinate d’ODV de forme I cristalline créé par Wyeth et invoqué par Pfizer dans les revendications 8 et 9 du brevet 668.

[31] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Cette découverte a permis à Wyeth de développer des formulations orales à libération continue capables de fournir des concentrations thérapeutiques d’ODV sur une période prolongée, de réduire l’incidence générale de certains effets secondaires associés à des concentrations sanguines maximales supérieures de la drogue et de donner aux patients une seule dose quotidienne de la pilule pour leur éviter de prendre plusieurs pilules tout au long de la journée.

3. Détails de l’historique de l’invention : le témoignage de M. Shah, de Pfizer

[32] M. Shah, de Pfizer, un ingénieur pharmaceutique, était l’enquêteur principal qui a participé à l’élaboration par Wyeth de l’ODV à des fins de recherche clinique et de commercialisation entre 1999 et 2004. Selon le témoignage de M. Shah, au début des travaux d’expérimentation de Wyeth, le groupe des découvertes de Wyeth considérait que l’ODV pourrait être une drogue candidate efficace pour plusieurs raisons. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Par exemple, on pensait que l’administration directe du métabolite ODV produirait un effet plus rapide et puissant.

[33] De plus, on savait que la venlafaxine n’était pas toujours métabolisée en ODV de la même façon dans le foie, ce qui aurait une incidence sur l’efficacité de la venlafaxine. En éliminant la voie métabolique (au cours de laquelle la venlafaxine est transformée par le corps en ODV), on pensait pouvoir s’attaquer à cette variabilité. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[34] Wyeth examinait aussi deux autres questions : 1) l’amélioration de la conformité chez les patients, c’est-à-dire, l’accroissement des chances que les patients prennent effectivement leurs médicaments conformément à l’ordonnance, et 2) la nécessité de développer un nouveau médicament dont les effets secondaires seraient moindres. Une façon d’y arriver serait de développer un médicament à posologie uniquotidienne, ce qui signifiait qu’une formulation à libération continue de l’ODV devait être mise au point.

[35] L’historique de l’invention de Wyeth comportait plusieurs éléments, en plus de ces connaissances de base.

[36] Au départ, Wyeth a utilisé sans succès le fumarate d’ODV, une forme de sel connue de l’ODV,

[37] Wyeth a aussi tenté de créer un promédicament d’ODV, encore une fois sans succès.

[38] De plus, et précédemment, Wyeth avait aussi utilisé un certain nombre de formes salines d’ODV, mais en vain.

[39] Wyeth a ensuite cherché à établir si elle pouvait définir une forme saline mieux indiquée, un parcours qui suscitait un certain scepticisme à l’interne et fondé sur la science, un élément auquel Apotex s’est opposée et dont je traiterai un peu plus loin. Finalement, Wyeth a trouvé la forme saline du succinate d’ODV qu’elle a, après d’autres recherches et expérimentations, transformée en une forme cristalline alors connue comme étant la Forme « A », appelée par la suite le succinate d’ODV de forme I. Ayant déterminé les propriétés positives de cette nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV pour ce qui est de la solubilité et de la stabilité, elle a eu recours à SSCI pour mettre à l’essai la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I et définir et mettre à l’essai d’autres formes cristallines; SSCI a fait précisément cela et a trouvé trois autres formes cristallines du succinate d’ODV, plus une forme amorphe du succinate d’ODV.

[40] Wyeth a mené des études in vivo (dans le corps) chez les souris et dans des cellules in vitro (à l’extérieur du corps), ainsi que des essais in vivo chez des rats, des chiens de race beagle et finalement chez des volontaires humains.

[41] Wyeth a conclu que le succinate d’ODV de forme I cristalline possédait la stabilité requise alliée à la solubilité, en plus d’une perméabilité et d’une biodisponibilité qui convenaient. Wyeth a ensuite mené des études complémentaires pour mettre au point des formulations à libération continue du succinate d’ODV de forme I.

[42] Ces étapes sont décrites plus en détail dans ce qui suit.

4. Expérimentation avec le fumarate d’ODV

[43] Les travaux précliniques relatifs à l’ODV du groupe de découvertes de Wyeth portaient sur une forme saline du fumarate, appelée fumarate d’ODV. Le fumarate d’ODV se forme par la réaction d’ODV, qui est une base, avec de l’acide fumarique pour produire un sel connu sous le nom de fumarate d’ODV. Le fumarate d’ODV est une forme saline de l’ODV. Le fumarate d’ODV était une forme saline connue de l’ODV, ce qui est l’une des raisons pour lesquelles Wyeth s’y est intéressée. Le fumarate d’ODV était connu dans l’art à ce moment-là parce qu’il avait été divulgué à titre de l’exemple 26 du brevet US 186 comme sel cristallin.

[44] Le fumarate d’ODV présentait toutefois des problèmes de biodisponibilité. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[45] Ces éléments de preuve indiquent, ce que je retiens, que la biodisponibilité orale du fumarate d’ODV était relativement faible comparativement au fumarate d’ODV |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||| Le problème en ce qui concerne la biodisponibilité du fumarate d’ODV était considéré comme [traduction] « probable en raison de la faible solubilité ou perméabilité » du fumarate d’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[46] Comme il a été indiqué précédemment, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, comme M. Shah l’a déclaré dans son affidavit, les sels qui sont raisonnablement solubles comme le fumarate d’ODV sont habituellement dissociés complètement lorsqu’ils atteignent la voie GI. Autrement dit, si la drogue ODV se dissocie en cessant d’être sous la forme saline du fumarate d’ODV, dans la voie GI, où elle n’a pas une biodisponibilité qui convient, la drogue ODV pourrait présenter la même dissociation, mais une piètre biodisponibilité, lorsqu’elle est amenée à réagir pour former d’autres sels. Autrement dit, si la drogue ODV dissociée, administrée par voie orale en tant que fumarate d’ODV, ne donnait pas un bon rendement sur le plan de la perméabilité, on se demandait en quoi une autre forme saline de l’ODV pourrait donner de meilleurs résultats :

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Affidavit de M. Shah, au paragraphe 22.

[47] Apotex soutient que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Dans la mesure où M. Shah mentionne les opinions d’autres personnes chez Wyeth, Apotex a raison. Toutefois, M. Shah a aussi déposé, fait dont il avait certainement une connaissance personnelle, que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, à savoir que puisque des sels qui sont raisonnablement solubles (comme le fumarate d’ODV) sont habituellement dissociés complètement lorsqu’ils atteignent la voie GI, on ne savait trop quelle incidence un nouveau sel aurait pour améliorer la perméabilité. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

5. Tentative de créer un promédicament d’ODV

[48] Wyeth a aussi tenté de mettre au point un promédicament d’ODV en 1999 et en 2000. Un promédicament est un composé qui est modifié chimiquement dans le corps pour devenir sa forme chimique bioactive. Les promédicaments sont aussi décrits comme étant créées par la modification chimique du composé actif de façon à produire une molécule pharmacologiquement inactive qui sera métabolisée dans le corps après son absorption par le corps. Selon les modifications effectuées, un promédicament peut avoir une meilleure solubilité, dissolution ou absorption comparativement à la molécule active.

[49] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[50] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Dans ce témoignage, M. Shah se fondait sur ce qu’on lui avait rapporté. Je suis donc d’accord avec Apotex pour dire qu’il n’a nullement participé au programme de Wyeth visant le développement d’un promédicament d’ODV, qui semble avoir mené à au moins une demande de brevet accueillie dont M. Shah n’était pas au courant.

[51] Je retiens toutefois le témoignage principal de M Shah à cet égard, c’est-à-dire que Wyeth a mené des travaux de développement d’un promédicament distincts des travaux de développement d’un sel et d’une drogue cristalline en lien avec l’ODV. Bien qu’Apoptex qualifie la tentative de Wyeth de découvrir un promédicament de [traduction] « distraction », le fait est que les deux parties s’entendent pour dire que Wyeth a mené des travaux d’exploration et de développement liés à un promédicament. Je retiens le témoignage de M. Shah selon lequel ces travaux ont eu lieu : ce fait n’est pas contesté par l’expert d’Apotex, M. Steed, qui s’en est pris au développement d’un promédicament lié à l’ODV. Le fait d’accepter l’argument d’Apotex selon lequel Wyeth a réussi à faire et même à breveter un promédicament n’établit pas que le développement d’un promédicament était irrationnel et déraisonnable; à mon avis, cela prouve le contraire et justifie les travaux de développement d’un promédicament qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas menés selon Apotex.

6. Tentative de créer un sel acceptable d’ODV

[52] La troisième possibilité explorée par Wyeth (après le fumarate et le promédicament) pour améliorer l’absorption ou la perméabilité de l’ODV était de tenter de définir une nouvelle forme saline d’ODV. L’existence de l’ODV en tant que forme saline du fumarate d’ODV était connue, comme il a déjà été mentionné, mais le fumarate d’ODV n’a pas été exploré en tant que tel. L’existence de l’ODV en tant que base libre était aussi connue, mais l’ODV de forme libre est insoluble dans l’eau, et je retiens que cette insolubilité entraîne des problèmes d’absorption; par conséquent, la base libre de l’ODV n’a pas été explorée.

[53] Je retiens aussi qu’il était connu, comme M. Shah l’a affirmé, que la formation d’un sel est un moyen de modifier les propriétés physicochimiques d’une drogue – comme la solubilité et la stabilité – sans en modifier la structure chimique. Il est aussi admis que les sels sont formés en faisant interagir un acide et une base pour former un sel.

[54] L’ODV est une base. Pour tenter de faire un sel à partir de l’ODV, il fallait donc faire interagir la base, l’ODV, avec un acide acceptable.

[55] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| En conséquence, la plupart des travaux précliniques du groupe de découverte concernant l’ODV ont été menés sur le fumarate d’ODV, mais, comme il a déjà été mentionné, le fumarate d’ODV présentait une faible biodisponibilité orale.

[56] ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, M. Shah a procédé à l’exploration d’autres formes salines de l’ODV. Ces travaux ont débuté par sa consultation de M. Hadfield du comité de sélection des sels de Wyeth pour demander son aide dans la préparation et le criblage de nouveaux sels. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[57] M. Shah et M. Hadfield ont commencé le criblage de sels en préparant le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| sel de l’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[58] Le |||||||||||||||||||||||||||||||| sel de l’ODV présentait toutefois des propriétés défavorables à la poursuite des travaux de développement de drogues. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[59] Après avoir éliminé le sel de |||||||||||||||||||||||||||||||| comme candidat, Wyeth a continué à préparer et à mettre à l’essai d’autres formes salines de l’ODV. Son objectif était de définir des formes salines de l’ODV qui présenteraient un niveau d’hygroscopicité suffisamment faible, et qui posséderaient d’autres propriétés nécessaires au développement (telles que la cristallinité, la solubilité aqueuse et la stabilité). M. Shah a affirmé qu’il fallait franchir toutes ces étapes avant que Wyeth puisse même atteindre l’étape des tests de perméabilité ou de biodisponibilité.

[60] Le carnet de laboratoire de M. Hadfield confirme que Wyeth a tenté de préparer différents sels de l’ODV pendant l’été de 2000, notamment :

  • (a) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • (b) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

  • (c) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

  • (d) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

  • (e) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

  • (f) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

  • (g) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

[61] En plus de ces contre-ions, Wyeth a mis à l’essai des sels additionnels aux mois de juin et de juillet 2001. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • (a) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • (b) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • (c) Les contre-ions monocarboxyliques (comme l’acétate), les contre-ions dicarboxyliques (comme le succinate, le maléate et le tartrate) et les contre-ions carboxyliques (comme le citrate).

[62] De plus, Wyeth a aussi procédé au criblage d’autres types de sels après le mois d’août 2000, |||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[63] Apotex mentionne que le succinate d’ODV a été l’un des premiers sels trouvés après le début des travaux de criblage de sels de Wyeth; ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, comme il a été rapporté en 60e) ci-dessus.

7. Criblage des polymorphes et des cristaux

[64] Après avoir trouvé ces sels, l’étape suivante selon le témoignage de M. Shah, qui était présent tout au long de ces essais à titre de gestionnaire de la commercialisation de l’ODV, consistait à établir si une forme solide cristalline de l’un des sels trouvés de l’ODV pouvait être produite. Les solides cristallins étaient préférables aux fins du développement parce qu’ils étaient souvent plus stables et moins hygroscopiques que les solides non cristallins (amorphes).

[65] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[66] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||

[67] Bien que la cristallinité était hautement recherchée dans un médicament candidat, le témoignage de M. Shah, que je retiens, voulait que les sels cristallins n’avaient pas tous des propriétés qui conviendraient au développement d’un médicament. Les sels éventuels devaient donc être évalués aussi pour leur solubilité, leur stabilité physique et chimique et leur biodisponibilité. Il est admis que ces propriétés ne sont pas toujours réunies en un seul sel; par exemple, un sel qui présente une bonne cristallinité et une bonne solubilité peut ne pas avoir une bonne stabilité physique (et vice versa).

[68] Je retiens donc le témoignage de M. Shah selon lequel Wyeth cherchait à développer le sel ayant la meilleure combinaison de propriétés qu’elle pouvait trouver. Étant donné qu’il n’y avait aucune façon de prédire les caractéristiques d’un sel dès le début, l’équipe de M. Shah continuait d’explorer plusieurs candidats et de cribler d’autres sels pendant que d’autres candidats franchissaient les étapes des tests de solubilité, de stabilité et de biodisponibilité. Cela donnait à l’équipe d’autres formes salines possibles dans l’éventualité où les principales formes salines présenteraient des propriétés défavorables dans le cadre d’essais supplémentaires.

8. Solubilité

[69] Après avoir défini ces sels cristallins, Wyeth a évalué la solubilité des médicaments candidats éventuels. La solubilité d’un médicament candidat était importante. Pour que la dose orale d’un médicament soit absorbée dans la voie GI, elle devait avoir une solubilité acceptable pour être en solution aux trois sites d’absorption (l’estomac, l’intestin grêle et le gros intestin), chacun d’eux ayant un taux de pH distinct. Habituellement, le taux de pH de l’estomac correspond à 1,0, celui de l’intestin grêle correspond environ à 5,5 et celui du gros intestin correspond à environ 7,0. Ainsi, la solubilité du sel devait être acceptable selon chacun de ces trois taux de pH.

[70] De plus, Wyeth recherchait un médicament candidat qui pourrait être administré une fois par jour. Je retiens donc qu’elle ne voulait pas que la solubilité soit trop élevée, puisque cela pourrait entraîner la dissolution intégrale du médicament et donc son absorption trop rapide dans l’estomac. Une absorption aussi rapide ne serait pas idéale pour une formulation uniquotidienne, puisqu’elle pourrait causer la nausée et des vomissements, effets que la venlafaxine avait présentés. M. Shah a déclaré que Wyeth recherchait un sel dont la solubilité était meilleure que celle observée dans le cas du fumarate d’ODV.

[71] Dans ce contexte, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Je conclus que le succinate était plus soluble, ce qui en faisait un candidat probable en vue d’un développement plus poussé du médicament.

9. La préparation du succinate d’ODV

[72] Compte tenu de ces faits, il n’est pas étonnant, comme en témoignent les éléments de preuve que je retiens, que la forme saline choisie par Wyeth à des fins d’évaluation plus poussée était le succinate d’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Une fois qu’il a été établi qu’il pouvait former un solide, M. Hadfield a tenté d’en provoquer une forme cristalline, à l’aide de divers solvants. |||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[76] Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens, le monohydrate du succinate d’ODV [traduction] « semblait avoir des propriétés souhaitables d’un médicament candidat. » En conséquence, il a été promu (de même que certains autres sels d’ODV qui avaient été préparés) aux tests de perméabilité et de biodisponibilité pour voir s’il donnerait de meilleurs résultats que la forme saline du fumarate.

10. Tests de perméabilité et de biodisponibilité

[77] Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens à cet égard aussi, les formes salines d’ODV les plus prometteuses ont été mises à l’essai selon plusieurs modèles de biodisponibilité, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et in vivo (dans le corps). En effectuant ces tests de biodisponibilité, son équipe visait à définir une forme d’ODV qui serait suffisamment perméable dans toute la voie GI pour mieux permettre le dosage uniquotidien.

[78] |||||||||| les tests de perméabilité, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| et le test de perfusion in vivo chez le rat, ont été initialement déterminants pour établir le sel, le cas échéant, qui permettrait le dosage uniquotidien.

11. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[79] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[82] En ce qui concerne le point 1, cependant, M. Shah a déclaré que, dans un autre cas auquel White & Case, un cabinet d’avocats américain, a participé, on lui avait dit qu’on avait tenté d’obtenir ces renseignements et qu’on n’avait pas pu trouver le |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[83] ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, l’affidavit en réponse de M. Shah rejette clairement les préoccupations d’Apotex, que je trouvais spéculatives au départ. M. Shah a déclaré :

4. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[84] L’explication de M. Shah paraît sensée, et je retiens que le fumarate d’ODV était un sel de référence naturel quant aux tests de perméabilité de nouvelles formes salines, notamment |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||| et les tests de perfusion in vivo chez le rat.

12. Test de perfusion chez le rat

[85] Un test de perfusion chez le rat est un test in vivo (dans le corps) qui mesure directement les propriétés d’absorption d’un composé dans trois régions de la voie GI : le duodénum-jéjunum, l’iléon et le colon. Je retiens que Wyeth a eu recours à ce test parce qu’il était établi dans les ouvrages que les tests de perfusion chez le rat prédisaient avec fiabilité l’absorption d’un composé dans les différentes régions de la voie GI chez l’humain.

[86] Selon le témoignage de M. Shah, même s’il était plus difficile d’atteindre la perméabilité à travers la paroi du colon, l’absorption dans le colon était souhaitée pour permettre le dosage uniquotidien.

[87] Les tests de perfusion chez le rat consistaient à injecter une solution de succinate d’ODV directement dans des sections pincées de la voie GI de rats mâles vivants (le duodénum, le jéjunum, l’iléon et le colon). De petits segments de la voie GI des rats anesthésiés étaient isolés par voie chirurgicale pour ces tests de perméabilité. La concentration du succinate d’ODV a été mesurée à chaque point temporel au moyen d’une technique analytique connue. La différence dans la concentration entre l’entrée et la sortie correspondait à la quantité de drogue absorbée par ce segment de la voie GI pendant cette période.

[88] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[89] Les résultats de ces essais de perfusion chez le rat sont déclarés sous la forme de valeurs de « Peff ». La valeur de Peff est le taux de perfusion (en cm/sec) de la drogue à travers la paroi intestinale.

[90] Selon les éléments de preuve, on peut calculer à partir de la valeur Peff, au moyen d’une équation connue, la quantité prévue de la drogue qui sera absorbée à travers la voie GI de l’humain. Le résultat de ce calcul est ce qu’on appelle une valeur « Fa » (la fraction absorbée), qui est le pourcentage de la drogue présente dont l’absorption dans la voie GI de l’humain est prévue avec fiabilité.

[91] Les résultats du |||||||||||||||||||| test de perfusion chez le rat étaient étonnants en ce qui concerne la perméabilité du succinate d’ODV. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||, le succinate d’ODV était plus perméable que le fumarate d’ODV; le fumarate d’ODV était beaucoup moins perméable que le succinate d’ODV dans tous les segments de la voie GI visés par le test. De plus, le fumarate d’ODV présentait une valeur Peff et une valeur Fa moins élevées que le succinate d’ODV dans toutes les régions.

[92] Fait important, étant donné le témoignage de M. Shah concernant l’absorption dans le colon, même si le fumarate d’ODV ne présentait aucune absorption dans le colon, le succinate d’ODV était perméable dans l’ensemble de la voie GI, y compris dans le colon. En effet, il avait une valeur Fa de 16 % dans le colon (comparativement à 0 % pour le fumarate d’ODV).

[93] Ce résultat était étonnant parce que, comme M. Shah l’avait expliqué précédemment, on ne s’attendait pas à ce que toute différence dans la solubilité entre les deux sels soit un facteur dans leur degré de perméabilité. Étant donné que les deux formes salines étaient complètement solubles à la concentration utilisée pour chaque expérience, on se serait attendu à ce que l’ion positif de l’ODV (l’ion ayant une charge positive nette en solution) soit dissocié de son anion du fumarate ou du succinate (l’ion ayant une charge négative en solution). Dans les deux expériences, le cation de l’ODV aurait dû pouvoir se libérer au travers de la paroi du segment de la voie GI sans incidence importante de l’anion (parce que les contre-ions sont maintenus séparément en solution par des molécules d’eau).

[94] À la connaissance de M. Shah, que je retiens, |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Il a aussi témoigné que, même si le succinate d’ODV présentait certainement une solubilité accrue (qui peut être l’un des facteurs contribuant à la perfusion de la voie GI), on se serait attendu à ce que le fumarate d’ODV se comporte comme le succinate d’ODV. Il a déclaré que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[95] Apotex soulève des questions relatives aux tests de perfusion chez le rat (qui visent l’argument d’inutilité d’Apotex). Apotex a soutenu que les tests de perfusion chez le rat n’étaient pas de nature démonstrative, mais seulement de nature prédictive, que les tests ne démontraient qu’une absorption comparable, et non améliorée, et qu’ils étaient eux-mêmes peu fiables, et que d’autres tests menés par Wyeth avaient démontré que la base libre, le fumarate et le succinate d’ODV étaient tous favorables, les résultats de ces tests n’étant pas accessibles. Je retiens l’interprétation des résultats de M. Shah, plutôt que celle de M. Bastin, à l’égard des deux premiers points, et je suis convaincu que M. Shah n’a pas manqué d’honnêteté dans son témoignage à l’égard du troisième point. En lien avec les rapports manquants, il y a lieu de rappeler que ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, qui étaient tous joints à l’affidavit de M. Shah.

13. Tests chez le chien beagle

[96] Ayant observé et documenté la solubilité supérieure du succinate d’ODV, alliée à sa perméabilité améliorée, comparativement au fumarate d’ODV dans les tests de perfusion chez le rat, ainsi que la biodisponibilité relativement faible du fumarate d’ODV observée précédemment chez la souris, Wyeth a procédé à établir si le succinate d’ODV pouvait avoir une biodisponibilité qui convenait dans un autre système in vivo fiable utilisé pour mettre à l’essai le développement d’un médicament, soit le chien beagle. Je retiens les déclarations suivantes de M. Shah : [traduction] « [C]ompte tenu de ses caractéristiques supérieures de solubilité et de perméabilité, nous nous attendions à ce que le succinate d’ODV présente une biodisponibilité améliorée comparativement au fumarate d’ODV et qu’il convienne à une formulation uniquotidienne à libération prolongée. Il a donc été sélectionné pour être développé davantage ».

[97] Le succinate d’ODV est donc passé à l’étape des tests in vivo chez le chien beagle. Le fumarate n’a toutefois pas été soumis aux tests chez le chien beagle parce que Wyeth avait déjà établi que la biodisponibilité du fumarate d’ODV était faible.

[98] Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens, Wyeth recherchait, en effectuant des tests chez le chien beagle, une forme pharmaceutique orale du succinate d’ODV à administrer aux chiens pour évaluer la biodisponibilité orale. Dans le cadre des travaux de développement, Wyeth avait commencé à expérimenter avec diverses formulations du succinate d’ODV (c’est-à-dire, diverses combinaisons d’ingrédients mêlées au succinate d’ODV pour produire des formes pharmaceutiques solides, telles que des comprimés). Plus précisément, conformément à son objectif d’obtenir une dose uniquotidienne, Wyeth tentait déjà de développer une formulation orale à libération continue du succinate d’ODV.

[99] Le test chez le chien beagle a été mené au moyen de plusieurs formulations distinctes du succinate d’ODV, y compris une forme intraveineuse, une solution orale et deux autres formes orales : une capsule conçue pour une libération immédiate et un comprimé conçu pour une libération continue. Les tests se sont déroulés en quatre étapes. À chaque étape, les chiens beagle ont reçu l’une des quatre formulations différentes du succinate d’ODV. Du sang était prélevé des chiens, à intervalles déterminés, à chaque étape et était séparé, gelé et expédié encore une fois à l’installation de Wyeth à Gosport, au Royaume-Uni, à des fins d’analyse. On a établi les concentrations d’ODV présentes dans le sang au moyen de méthodes acceptées et on a calculé un certain nombre de paramètres pharmacocinétiques.

[100] On trouve un résumé des résultats des tests de biodisponibilité chez le chien beagle dans |||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| un tableau résumant les données moyennes concernant les six chiens en tant que fonction de la concentration d’ODV libre dans le sang. Le tableau indique notamment les paramètres pharmacocinétiques suivants :

  • a) la SSC (« surface sous la courbe ») – qui mesure la quantité totale d’ODV présente dans le sang durant l’expérience;

  • b) la Cmax – qui mesure la concentration plasmatique maximale d’ODV;

  • c) la Tmax – qui mesure le moment auquel la concentration maximale se produit;

  • d) la biodisponibilité absolue – qui mesure la quantité d’ODV (en pourcentage de la dose administrée) qui se trouve dans le plasma.

[101] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[102] Selon la conclusion de ces tests chez le chien beagle, que je retiens, la biodisponibilité orale du succinate d’ODV chez les chiens beagle, pour toutes les formulations mises à l’essai, se trouvait dans une échelle acceptable.

14. Tests chez l’être humain

[103] Les tests |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| in vivo chez les rats et les chiens beagle ayant démontré des résultats positifs, Wyeth a procédé à des tests sur 18 volontaires humains.

[104] Les études in vivo de la biodisponibilité orale du succinate d’ODV ont été menées par Wyeth en comparant des formulations à libération immédiate et à libération continue du succinate d’ODV à la venlafaxine à libération continue EFFEXOR XR déjà commercialisée par Wyeth.

[105] Comme les études in vivo de Wyeth sur des chiens beagle, son étude sur des sujets humains comportait trois étapes. À chaque étape, chacun des 18 participants humains a reçu 75 mg d’EFFEXOR XR à titre de comparaison à la formulation à libération immédiate et à la formulation à libération continue d’ODV. On a prélevé des échantillons sanguins à des moments précis de chaque étape et mesuré les concentrations de venlafaxine et d’ODV dans le sang. On a procédé au calcul de certains des mêmes paramètres pharmacocinétiques (la SCC, la Cmax et la Tmax), ainsi que le t 1/2 (qui mesure le temps requis pour que la moitié de la drogue soit éliminée du plasma). |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[106] On trouve un résumé des études chez l’être humain dans |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Une fois de plus, Wyeth a constaté que la biodisponibilité orale était bonne pour les formulations à libération immédiate et à libération continue du succinate d’ODV. La formulation à libération continue du succinate d’ODV donnait toutefois des concentrations plasmatiques maximales inférieures, et le temps pour parvenir à la concentration maximale était plus long, que les résultats observés pour la formulation à libération immédiate.

[107] L’étude sur des humains a aussi été conçue pour observer les effets secondaires de |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| et du succinate d’ODV. M. Shah a déclaré que pendant les études sur des humains, Wyeth a noté les signalements d’incidents thérapeutiques ou d’effets secondaires éprouvés avec les diverses formulations. Wyeth voulait surveiller plusieurs incidents thérapeutiques courants (notamment la nausée et les vomissements) parce qu’ils étaient souvent signalés avec l’utilisation d’EFFEXOR. Wyeth a constaté que le nombre d’incidents thérapeutiques signalés était moins élevé avec la formulation à libération continue du succinate d’ODV qu’avec la formulation à libération immédiate – un fait que je retiens. Wyeth a supposé que c’était probablement en raison de la concentration plasmatique maximale réduite (Cmax) et du temps pour parvenir à la concentration maximale de plasma (Tmax) avec la formulation à libération continue.

[108] Selon ces données, Wyeth a conclu que la formulation à libération continue du succinate d’ODV, qui donnait des concentrations plasmatiques maximales inférieures à 225 ng/mL (l’extrémité inférieure de l’échelle observée dans le cas de la formulation à libération immédiate), réduirait ces effets secondaires. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[109] M. Shah a déclaré, ce que je retiens, qu’à partir de ces tests in vivo chez l’être humain, alors qu’on a obtenu une courbe aplatie de concentration du plasma dans le sang en fonction du temps, les incidents thérapeutiques ont été réduits ou éliminés. Ainsi, on avait réussi à obtenir une composition pharmaceutique comportant une formulation à libération continue de succinate d’ODV dont la concentration maximale du plasma sanguin était inférieure à environ 225 ng/mL et dont les effets secondaires tels que la nausée et les vomissements étaient réduits.

[110] Selon les éléments de preuve, et c’est ce que je conclus, l’extrémité inférieure de l’échelle observée dans le cas de la formulation à libération immédiate, comme M. Shah l’a déclaré, à savoir 225 ng/mL, est le résultat des tests réalisés chez des sujets humains, résultats qui ont démontré que la Cmax de la forme à libération immédiate du succinate d’ODV correspondait à 287, plus ou moins 52, de sorte que l’extrémité inférieure de l’échelle correspondait à 225 ng/mL; il s’agit du résultat divulgué à la page 53 du brevet 668. Je rejette donc l’argument d’Apotex selon lequel cette concentration est [traduction] « arbitraire ».

[111] Je conclus aussi que la version à libération continue de succinate d’ODV présentait beaucoup moins d’effets secondaires indésirables que la version à libération immédiate de succinate d’ODV. Des 18 sujets ayant reçu la dose unique de succinate d’ODV à libération immédiate, 10 et 6 ont signalé des nausées; 2, des vomissements; 1, la diarrhée; 1, des douleurs abdominales; 2, des maux de tête; 2, des malaises vaso-vagaux; et 1, le trismus. Il n’y a eu que de deux cas de nausées signalés à l’égard de la version à libération continue de succinate d’ODV et un cas de douleur abdominale; aucun des sujets humains ayant participé aux tests n’a signalé un autre effet secondaire indésirable observé avec la posologie à libération immédiate. M. Shah a mentionné à juste titre dans son affidavit que le rapport figurant à la page 54 du brevet 668 indiquait en raison d’une erreur typographique qu’il n’y avait eu aucun cas de douleur abdominale avec les versions à libération immédiate ou continue, alors qu’il y a eu en fait un cas signalé pour chaque version. Cette erreur n’est pas importante pour ce qui est de l’amélioration des effets secondaires associés à la version à libération continue comparativement à la version immédiate. M. Shah a déclaré que [traduction] « l’erreur ne change pas la conclusion générale selon laquelle l’incidence des incidents thérapeutiques était plus faible dans le cas du succinate d’ODV à libération continue que dans celui du succinate d’ODV à libération immédiate ».

15. Formes à l’état solide : cristallinité, solides amorphes et polymorphes

[112] Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens aussi, l’un des critères souhaités d’une forme viable d’un médicament était sa capacité d’exister en tant que cristal ou de [traduction] « présenter une cristallinité ». La cristallinité désigne l’organisation des molécules dans un composé médicamenteux (ou un sel) dans un espace tridimensionnel. Dans un solide cristallin, les molécules qui forment la substance sont disposées en motifs répétitifs. En revanche, les solides non cristallins (souvent appelés solides « amorphes ») sont dotés de molécules qui sont disposées de façon aléatoire. Les solides cristallins étaient préférables à des fins de développement de produits pharmaceutiques parce qu’ils étaient habituellement plus stables que les solides amorphes.

[113] De plus, M. Shah a déclaré, ce que je retiens, que certains composés peuvent exister sous plusieurs formes à l’état solide, qui peuvent comprendre des formes amorphes ou une ou plusieurs formes cristallines. Les différentes formes cristallines du même composé sont normalement appelées « polymorphes ». Le groupe de M. Shah comprenait que différents polymorphes du même composé pouvaient avoir des propriétés physiques très différentes (comme la solubilité, le point de fusion et la stabilité), et que ces propriétés pouvaient être pertinentes quant au développement d’une forme médicamenteuse.

16. Criblage des polymorphes et sous-traitance du criblage des polymorphes à SSCI, Inc.

[114] Comme il a été mentionné précédemment, M. Shah et M. Hadfield, de Wyeth, ont créé une forme monohydratée cristalline qui était stable et soluble, en menant des travaux préliminaires de criblage du succinate d’ODV pour en établir la cristallinité. Selon le témoignage de M. Shah, que je retiens, il importait toutefois, pour finir par développer le composé en tant que médicament, d’avoir une forme solide stable et reproductible qui ne serait pas susceptible de se dégrader ou de se transformer pendant l’entreposage, dans différentes conditions d’humidité, à la température de la pièce et pendant la fabrication et la distribution. Par conséquent, pour avoir une meilleure idée de l’étendue des formes possibles à l’état solide pour un sel donné et pour établir leurs propriétés individuelles, Wyeth a jugé nécessaire de procéder à un criblage complet des polymorphes du succinate d’ODV.

[115] Je retiens le témoignage de M. Shah selon lequel le criblage des polymorphes est un procédé qui consiste à découvrir d’autres formes cristallines inconnues d’une substance en l’exposant à différents solvants et à différentes conditions, et à caractériser par la suite les formes obtenues (cristallines ou amorphes). Ce procédé donne aux sociétés qui mettent au point des médicaments en vue de leur commercialisation une idée des diverses formes cristallines éventuelles d’un composé et des conditions dans lesquelles on peut s’attendre qu’elles se forment. M. Shah a jouté qu’il s’agit d’un procédé laborieux qui nécessite souvent la réalisation de nombreuses expériences individuelles, et que |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||

[116] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Étant donné qu’il était très important de trouver une forme solide stable qui pouvait être préparée uniformément pour poursuivre le développement, Wyeth a établi pour cette même raison qu’une analyse détaillée des formes solides du succinate d’ODV était nécessaire pour définir les formes cristallines possibles.

[117] En conséquence, Wyeth a retenu les services d’un groupe externe de consultants scientifiques, SSCI, pour la réalisation d’un criblage détaillé des polymorphes du succinate d’ODV. Wyeth a demandé à SCCI de faire ce qui suit :

  • (a) ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  • (b) « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

  • (c) Établir les stabilités thermodynamiques relatives des formes dans diverses conditions.

[118] En conséquence de ces travaux, SSCI a trouvé et caractérisé quatre formes cristallines du succinate d’ODV, ainsi qu’une forme amorphe; trois des formes cristallines trouvées par SSCI l’étaient pour la première fois et la quatrième était la forme cristalline conçue par Wyeth que Wyeth a donnée à SSCI pour la réalisation de ces travaux.

[119] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| M. Shah a conclu |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| qu’une forme cristalline particulière de monohydrate du succinate d’ODV ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, mais qui est maintenant connue et décrite dans le brevet 668 comme étant le succinate d’ODV de forme I) |||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| dont on pouvait s’attendre qu’elle soit stable aux conditions de fabrication et d’entreposage requises. Cette caractéristique, conjuguée aux autres propriétés favorables du succinate d’ODV, faisait du succinate d’ODV de forme I un candidat très intéressant pour le développement d’une drogue.

17. Mme Aeri Park à SSCI

[120] Mme Aeri Park était gestionnaire de l’équipe de scientifiques qui menait les travaux de SSCI concernant le succinate d’ODV. Mme Park a étudié et travaillé dans le domaine de la chimie pendant 30 ans et a travaillé dans le domaine précis du développement et de la caractérisation des médicaments pendant 20 ans. Elle a commencé à travailler à SSCI en 1998 à titre de technicienne et a été promue au rôle de scientifique la même année. Elle a été promue à titre de scientifique principale en 1999, de chercheure principale en 2000 et de directrice en 2001. En tant que directrice, elle était chargée de gérer plusieurs équipes de scientifiques qui réalisent des projets de chimie concernant des solides, d’interagir avec les clients et de définir de nouvelles approches et des pistes d’analyse possibles pour les projets de SSCI. Elle était aussi chargée de fournir une formation aux nouveaux scientifiques sur les méthodes d’utilisation d’une vaste gamme d’instruments et d’outils de laboratoire en usage au laboratoire de SSCI. Elle a commencé à participer au projet du succinate d’ODV en 2001, lorsque Wyeth a retenu les services de SSCI pour réaliser un criblage complet des polymorphes du succinate d’ODV.

[121] Je retiens le témoignage de Mme Park concernant les démarches de SSCI en raison de son expérience et de sa participation personnelle aux travaux qui portaient précisément sur ce composé, et de ses connaissances pertinentes quant aux travaux réalisés dans ce domaine. Elle a supervisé les travaux menés par des scientifiques spécialisés qui étaient principalement chargés des expériences courantes réalisées dans le cadre du projet du succinate d’ODV. Ces scientifiques relevaient directement d’elle. Mme Park compte parmi les inventeurs désignés du brevet 668, mais je ne suis pas convaincu que cela ait changé de quelque façon son témoignage.

[122] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||

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[124] Selon le témoignage de Mme Park fondé sur son expérience, la création et l’analyse de nouvelles formes à l’état solide ne sont pas des procédés de par cœur. Je retiens la preuve d’expert de Mme Park sur le criblage des cristaux et des polymorphes de façon générale, puisqu’elle a réalisé ou supervisé quelque 10 à 20 criblages de polymorphes durant chaque année qu’elle a passée à SSCI. Aux dates en cause, elle aurait préalablement réalisé ou supervisé de 10 à 20 criblages de polymorphes ou plus. Voici son témoignage :

Criblages des polymorphes

[traduction]

20. J’ai réalisé ou supervisé de 10 à 20 criblages des polymorphes environ durant chaque année que j’ai passée à SSCI. Les criblages duraient habituellement de trois à quatre mois selon le projet, l’échantillon et les objectifs du client.

[traduction]

21. Les criblages consistaient généralement à répondre aux questions posées dans l’ICH Q6A, des lignes directrices élaborées par l’International Council for Harmonisation of Technical Requirements for Registration of Pharmaceuticals for Human Use. Même si chaque criblage de polymorphes se déroulait généralement de cette façon – notamment en commençant par définir les formes à l’état solide de l’échantillon fourni et en réalisant ensuite une gamme d’expériences pour tenter de produire des échantillons solides additionnels –, chaque projet de criblage était différent. Par exemple, on pourrait découvrir une seule forme cristalline lors d’un criblage, alors qu’on pourrait en trouver plusieurs lors d’un autre criblage. Dans un autre cas encore, nous pourrions être incapables de produire quelque substance cristalline que ce soit. La durée, l’orientation, les résultats et les étapes à suivre lors de chaque projet dépendaient des caractéristiques du composé à l’étude et des objectifs de notre client.

[traduction]

22. À des intervalles réguliers tout au long du projet de criblage, je discutais avec les membres de mon équipe des résultats des expériences obtenus jusqu’alors, et nous décidions des expériences et des analyses additionnelles à mener, à la lumière des résultats obtenus jusqu’alors. Dans la plupart, mais pas dans la totalité, des cas, il s’agissait ultimement de définir la forme cristalline à l’état solide la plus stable possible de l’échantillon fourni, mais ce n’était pas toujours possible.

[Non souligné dans l’original.]

[125] Mme Park a ajouté :

La production d’échantillons solides

[traduction]

34. Notre objectif en produisant des échantillons solides était d’essayer le plus grand nombre possible de conditions différentes parce que des conditions différentes pourraient produire différents polymorphes et pseudo-polymorphes du composé. Les conditions comme le ou les solvants utilisés, la température, le taux de refroidissement, la durée de l’expérience et la présence de réactifs sont tous des exemples de matières susceptibles d’avoir une incidence sur la forme à l’état solide du composé, le cas échéant, qui est produit. Par conséquent, nous avions l’habitude de réaliser un grand nombre d’expériences dans des conditions très variées afin d’essayer de définir le plus grand nombre possible de formes distinctes à l’état solide.

35. Nous pouvions utiliser plusieurs méthodes différentes pour essayer de produire différentes formes à l’état solide à partir d’une solution. De façon générale, il s’agissait de méthodes faisant intervenir des conditions thermodynamiques et des méthodes faisant intervenir des conditions cinétiques. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||

36. La création et l’analyse de nouvelles formes à l’état solide n’étaient pas des procédés de par cœur. Nous ne pouvions pas prédire au départ le nombre de formes solides que nous pourrions définir, ni en quoi elles consisteraient, ni les formes solides qui seraient produites par le recours à une méthode ou un ensemble donnés de conditions. Par conséquent, ce procédé nécessite souvent la réalisation de nombreuses analyses et expériences et le recours à la stratégie et au jugement afin de prendre des décisions sur la façon de procéder selon les résultats obtenus.

[Non souligné dans l’original.]

[126] En créant et en définissant de nouvelles formes à l’état solide, Mme Park et SSCI menaient de nombreuses autres études et expériences, qui sont décrites ci-dessous :

Caractérisation des échantillons solides initiaux

[traduction]

42. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

43. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

44. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

45. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

46. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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50. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

51. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

Autres techniques d’analyse et de caractérisation

52. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

53. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[Non souligné dans l’original.]

[127] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||

18. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[128] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

19. Points de fusion et analyse calorimétrique différentielle (ACD)

[129] ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||, SSCI a aussi effectué des analyses calorimétriques différentielles des formes cristallines afin d’établir les températures auxquelles les transitions de phase (comme la fusion) se produisaient. L’ACD est une technique de mesure d’un événement de fusion. Selon ces analyses, le point de fusion de la forme « A » a été établi à environ 131 °C (maximum endothermique) et le point de fusion de la forme « B » a été établi à environ 127 °C (maximum endothermique). Les données de l’ACD ne révélaient aucun événement de déshydratation, mais révélaient un point de fusion unique qui démontrait que les molécules d’eau étaient très solidement liées dans les mailles cristallines de la forme « A » et de la forme « B ». Ces données étaient conformes aux données thermogravimétriques (TGA), selon lesquelles la perte d’eau ne se produisait pas à des températures supérieures à 100 °C. Les hydrates ont tendance à perdre l’eau de cristallisation assez rapidement à des températures élevées en raison de la déshydratation, et se transformeraient en formes cristallines anhydres ou en substances non cristallines.

[130] Par conséquent, les données de l’ACD |||||||||||||||||||| indiquaient que les formes « A » et « B » sont des hydrates très stables. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

20. Études additionnelles portant sur les températures et forme amorphe

[131] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| L’un des tests additionnels qui ont été réalisés au cours de cette période était la diffraction des rayons X sur poudres à température variable, qui consistait à effectuer des analyses par diffraction des rayons X sur poudres à diverses températures pour vérifier les modifications obtenues dans les diffractogrammes. À l’aide de ce test, ils pouvaient observer si la forme cristalline était stable ou non sous l’effet de changements de température ou si elle pouvait se modifier ou se transformer en une autre forme. |||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||

[132] |Pendant ces études, ils ont aussi trouvé une forme amorphe (non cristalline) du succinate d’ODV |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

21. Test d’hygroscopicité (test relatif à la stabilité de la drogue)

[133] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||

22. ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[134] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

23. « |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||| »

[135] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||) |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[136] SSCI a ainsi trouvé les formes cristallines « A », « B » et « C », et a ensuite trouvé la forme cristalline « D » au moyen de ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

24. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| (forme cristalline « D »)

[137] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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[139] SSCI a fini par trouver quatre formes polymorphes du succinate d’ODV, soit les formes « A », « B », « C » et « D ». Parmi ces formes, la forme « A » avait déjà été découverte par Wyeth; Wyeth avait fourni la forme « A » à SSCI. Par conséquent, SSCI a défini trois nouvelles formes cristallines du succinate d’ODV. SSCI a aussi trouvé une nouvelle forme amorphe. Au total, SSCI a trouvé cinq formes du succinate d’ODV, dont quatre pour la première fois.

[140] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[141] Essentiellement, même si M. Hadfield, de Wyeth, a trouvé le succinate d’ODV sous une forme saline et une forme cristalline, les spécialistes de SSCI, après une exploration approfondie du domaine, ont établi qu’il existait trois autres formes cristallines du succinate d’ODV, en plus d’une forme amorphe. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

25. Travaux concernant d’autres candidats salins et criblages

[142] Malgré le fait que Wyeth et SSCI avaient réalisé une nouvelle composition de matières, soit le succinate d’ODV de forme I sous une forme cristalline, M. Shah a déclaré, et je retiens son témoignage, que |||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

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26. Divers

[144] Bien qu’Apotex ait soulevé des questions liées à l’historique de l’invention concernant le racémate et les énantiomères du succinate d’ODV dans son AA, et selon les témoignages de MM. Bastin et Steed, d’Apotex, elle n’a pas approfondi cette question dans son mémoire ni à l’audience.

VI. Questions en litige

[145] Les questions qu’il reste à trancher dans le cadre de la présente demande sont les suivantes :

  1. Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’évidence formulée par Apotex n’est pas justifiée?

  2. Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’inutilité formulée par Apotex n’est pas justifiée?

  3. Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation de non-contrefaçon formulée par Apotex n’est pas justifiée?

  4. Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation de promesses excessives formulée par Apotex concernant le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets n’est pas justifiée?

  5. Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’antériorité formulée par Apotex n’est pas justifiée?

  6. Pfizer s’est-elle acquittée de son fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation de double brevet formulée par Apotex n’est pas justifiée?

VII. Dispositions législatives et fardeau de la preuve

[146] Conformément à l’article 2 de la Loi sur les brevets, une invention doit présenter le caractère de la « nouveauté » et de « l’utilité » pour être brevetée. De plus, une « composition de matières » qui présente le caractère de la nouveauté et de l’utilité, telle celle revendiquée par Pfizer en l’espèce, peut être brevetée :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. (invention)

invention means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter; (invention)

[Soulignements ajoutés.]

[Emphasis added.]

[147] Dans l’affaire Novartis Pharmaceuticals Canada Inc c Cobalt Pharmaceuticals Company, 2013 CF 985 [Novartis], le juge Hughes a déclaré ce qui suit au sujet du fardeau de la preuve applicable lorsque la validité d’un brevet est contestée dans une instance relative à un AC :

[23] La question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve lorsque la validité d’un brevet est contestée dans une instance relative à l’AC a été traitée à de nombreuses reprises devant la Cour. En bref, un brevet est présumé valide sauf preuve contraire (Loi sur les brevets, p. 43(2)). La partie qui allègue une invalidité (en l’espèce Cobalt) a le fardeau de produire une preuve étayant ses allégations. Une fois la preuve produite, la question est jugée par la Cour selon le fardeau de la preuve civile, c’est-à-dire selon la prépondérance des probabilités. Si la Cour juge qu’il n’y a aucune prépondérance, elle devrait se prononcer en faveur de la personne alléguant l’invalidité, car, selon le Règlement AC, paragraphe 6(2), la première personne (ici Novartis) a le fardeau de démontrer que les allégations d’invalidité ne sont pas fondées.

VIII. Analyse

1. Dates pertinentes

[148] Les dates pertinentes sont entendues et sont les suivantes :

[149] Le brevet 668 a été déposé au Canada le 11 février 2002; il revendiquait la priorité sur les demandes précédentes du 12 février 2001 et du 13 juin 2001. La demande a été publiée le 22 août 2002, et le brevet a été délivré le 26 mai 2009.

[150] Les dates servant à évaluer l’évidence concernant chacune des revendications avancées sont prévues à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets. La date de la communication de renseignements au public par le breveté est le 11 février 2001. La date concernant tout autre renseignement communiqué au public correspond à la date de la revendication.

[151] Pfizer allègue avoir le droit de se fonder sur ses demandes prioritaires et que la date de la revendication correspond à la première date prioritaire du brevet 668 (le 12 février 2001). Apotex soutient que Pfizer n’a pas établi qu’une demande prioritaire peut être formulée à l’égard de n’importe laquelle des revendications en cause et que la date de la revendication est donc le 11 février 2002. Étant donné que l’antériorité et les connaissances générales courantes alléguées par Apotex pour réfuter les revendications avancées sont antérieures à ces deux dates, il n’est toutefois pas nécessaire de régler ce différend.

[152] Les dates pertinentes pour évaluer l’antériorité sont énoncées à l’article 28.2 de la Loi sur les brevets. La date de la communication de renseignements au public par le breveté est le 11 février 2001. La date concernant tout autre renseignement communiqué au public correspond à la date de la revendication. Comme il a été mentionné précédemment, Apotex allègue que la date de la revendication est le 11 février 2002, et Pfizer allègue que cette date est le 12 février 2001. Étant donné que les antériorités alléguées par Apotex sont antérieures à ces dates, il n’est pas contesté entre les parties qu’il n’est pas nécessaire de régler ce différend.

[153] Il n’est pas contesté entre les parties qu’il y a lieu d’évaluer l’utilité (démontrée ou valablement prédite) à partir de la date du dépôt canadien, en l’occurrence, le 11 février 2002.

[154] Il n’est pas contesté qu’il faut interpréter le brevet 668 de la façon dont une personne douée d’habiletés moyennes dans l’art l’interpréterait à la date de publication : le 22 août 2002.

2. Interprétation des revendications

[155] L’interprétation des revendications est une question de droit que la Cour doit trancher. Lorsque la signification des termes ou des éléments des revendications n’est pas évidente à la lecture de la revendication elle-même ou d’une référence relative aux spécifications, les experts peuvent fournir des indications à ce sujet. Les revendications doivent être interprétées de la façon dont une personne versée dans l’art, à la date pertinente, interpréterait le brevet : Gilead Sciences, Inc c Canada (Santé), 2016 CF 856, aux paragraphes 37 et 38.

[156] À cet égard, la juge Kane, dans la décision Alcon Canada inc. c Apotex inc., 2014 CF 699, a cité le juge Hughes au sujet des principes applicables à l’interprétation des revendications :

[121] Le juge Hughes a présenté un résumé utile des principes applicables après avoir examiné la totalité de la jurisprudence dans la décision Pfizer Canada Inc c Pharmascience Inc, 2013 CF 120, [2013] ACF no 111 :

[64] Les cours de justice ont formulé de nombreuses directives sur l’interprétation d’une revendication. Pour résumer :

• il faut d’abord interpréter la revendication avant d’envisager les questions de validité et de contrefaçon;

• sur le plan du droit, seule la Cour peut se charger de l’interprétation;

• la Cour doit interpréter la revendication du point de vue de la personne versée dans l’art à qui le brevet est destiné;

• la Cour peut se faire aider par des experts pour élucider le sens de phrases ou de mots particuliers, ou s’informer de l’état de la technique à la date à laquelle la revendication a été publiée;

• la Cour doit lire la revendication dans le contexte général du brevet, ce qui inclut la description et les autres revendications;

• la Cour doit éviter de faire siennes les prétentions trop avantageuses de la description;

• la Cour ne doit pas limiter la revendication aux exemples spécifiques cités dans le brevet;

• la Cour doit s’efforcer d’interpréter la revendication d’une manière qui donne corps à l’intention de l’inventeur;

• la Cour doit s’efforcer d’appuyer une invention méritoire.

[157] Pfizer mentionne aussi qu’il faut lire un brevet [traduction] « de façon téléologique » du point de vue d’une personne douée d’habiletés moyennes dans l’art à qui le brevet se rapporte. L’interprétation téléologique exige que la Cour examine la formulation des revendications au regard du mémoire descriptif dans son ensemble. Bien que le texte du brevet l’emporte sur le reste, la Cour doit tenir compte de son contexte. Il faut interpréter les revendications « afin qu’un traitement équitable soit accordé à la fois au breveté et au public » : Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, aux paragraphes 45, 49, 52 et 53.

[158] Les parties ne s’entendent pas sur l’interprétation à donner aux revendications avancées, principalement en ce qui concerne les revendications 8 et 9. Le tableau ci-après, dressé par les parties, indique chaque revendication en cause, les revendications dont chacune dépend (en guise de contexte) et les thèses des parties quant à l’interprétation. Il est à noter que seules les revendications 8, 9, 33, 43 et 44 sont avancées par Pfizer, bien que le tableau en comporte d’autres :

No de la revendication

Dépend de

Formulation de la revendication

Thèse de Pfizer quant à l’interprétation

Thèse d’Apotex quant à l’interprétation

1.

Aucune

Un composé qui est le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou un sel mixte correspondant.

Non avancée.

Vise le succinate d’ODV ou, de façon subsidiaire, un succinate mixte d’ODV, sous toute forme.

Englobe toutes les formes cristallines et amorphes, les sels étant le monosuccinate et le bisuccinate d’ODV, ainsi que les sels mixtes du succinate d’ODV.

2.

Revendication 1

Un composé selon la revendication 1 dont le rapport entre l’O-desméthyl-venlafaxine et l’acide succinique est de 1:1.

Non avancée.

Vise le monosuccinate d’ODV sous toutes les formes.

Englobe la forme I (non moulue), la forme I (moulue), les formes II, III et IV et la forme amorphe.

3.

Revendication 1

Un composé selon la revendication 1 dont le rapport entre l’O-desmethyl-venlafaxine et l’acide succinique est de 2:1.

Non avancée.

Vise le bisuccinate d’ODV sous toutes les formes.

Vise le bisuccinate d’ODV sous toutes les formes.

Ne vise pas la forme I (non moulue), la forme I (moulue) ni les formes II, III et IV.

4.

Revendication 1

Un composé selon la revendication étant un hydrate du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine.

Non avancée.

Vise toute forme hydratée (c.-à-d., une forme dans laquelle la maille cristalline contient de l’eau) du succinate d’ODV.

Englobe la forme I (non moulue), la forme I (moulue) et les formes II et III.

La forme IV et la forme amorphe sont exclues.

5.

Revendication 1

Un composé selon la revendication 1 qui est le monohydrate du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine.

Non avancée.

Vise toute forme monohydratée du succinate d’ODV (c.-à-d., dans laquelle la maille cristalline contient une molécule d’eau par molécule de succinate d’ODV).

Englobe la forme I (non moulue), la forme I (moulue) et la forme II.

Les formes III et IV et la forme amorphe sont exclues.

6.

Les revendications 1, 2, 4 ou 5.

Un composé selon l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 4 ou 5 dans lequel le sel est cristallin.

Non avancée.

Vise toute forme cristalline du succinate d’ODV (ou un sel mixte correspondant). Dans la mesure où la revendication dépend de la revendication 5, elle vise toute forme cristalline du monohydrate du succinate d’ODV.

Dans la mesure où la revendication dépend de la revendication 5, elle englobe la forme I (non moulue), la forme I (moulue) et la forme II.

Les formes III et IV et la forme amorphe sont exclues.

8.

La revendication 6, qui dépend à son tour des revendications 1, 2, 4 ou 5.

Un composé selon la revendication 6 qui présente un diagramme de diffraction de rayons X sur poudres ayant des pics caractéristiques exprimés en degrés 2θ (+ 0,2° 2θ) à 10,20; 14,91; 20,56; 22,13; 23, 71; 24,60 et 25,79.

Vise le monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I (c.-à-d., la forme cristalline du succinate d’ODV, qui présente les pics caractéristiques lors de la diffraction des rayons X sur poudres de la figure 1).

Vise le succinate d’ODV qui répond à l’exigence de la revendication 6, laquelle dépend de l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 4 ou 5, et qui présente les pics particuliers lors de la diffraction de rayons X sur poudres indiqués dans la revendication 8.

La revendication 8 n’est pas une revendication de la forme I en soi.

La revendication englobe la forme I (moulue).

La forme I (moulue), les formes II, III et IV et la forme amorphe sont exclues.

9.

La revendication 6, qui dépend à son tour des revendications 1, 2, 4 ou 5.

Un composé selon la revendication 6 ayant un endotherme détecté à environ 131 °C.

Vise le monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I (c.-à-d., la forme cristalline du succinate d’ODV, qui présente un endotherme caractéristique établi à environ 131 °C [¬+ 2 °C]).

Vise tout succinate d’ODV qui répond aux exigences de la revendication 6, laquelle dépend de l’une ou l’autre des revendications 1, 2, 4 ou 5, et qui présente un endotherme de 131 ºC (±1 ºC).

La revendication 9 n’est pas une revendication de la forme I en soi.

Le diagramme de diffraction de rayons X sur poudres associé à la revendication 8 n’est pas une exigence de la revendication 9 parce que la revendication 9 ne dépend pas de la revendication 8.

Compte tenu d’une variance de + 1 °C (thèse d’Apotex), la revendication 9 (6, 5, 4, 3, 1) englobe la forme I (moulue).

La forme I (non moulue) et les formes II et IV sont exclues de la revendication.

Compte tenu d’une variance de + 2 °C (thèse de Pfizer), la revendication 9 (6, 5, 4, 2, 1) englobe la forme I (moulue) et la forme II.

La forme I (non moulue) et la forme IV sont exclues de la revendication.

33.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

L’utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement de la dépression.

Dans la mesure où elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement de la dépression.

Dans la mesure où la revendication dépend des revendications 8 ou 9, elle vise une quantité efficace des composés visés par les revendications 8 ou 9 pour le traitement de la dépression.

Voir l’interprétation ci-dessus des revendications 8 et 9.

Englobe l’administration par voie intraveineuse parce que la revendication ne vise aucun mode d’administration précis.

34.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

L’utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement de l’anxiété.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement de l’anxiété.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise le traitement de l’anxiété.

35.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

L’utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement du trouble panique.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement du trouble panique.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise le traitement du trouble panique.

36.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

L’utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement du trouble anxieux.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement du trouble anxieux.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise le traitement du trouble anxieux.

37.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

Utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement du trouble de stress post-traumatique.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement du trouble de stress post-traumatique.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise le traitement du trouble de stress post-traumatique.

38.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

Utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement du trouble dysphorique prémenstruel.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement du trouble dysphorique prémenstruel.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise le traitement du trouble dysphorique prémenstruel.

39.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

Utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement d’une maladie choisie parmi les maladies suivantes : fibromyalgie, agoraphobie, trouble déficitaire de l’attention, trouble obsessionnel-compulsif, anxiété sociale, autisme, schizophrénie, obésité, anorexie mentale, boulimie nerveuse, syndrome Gilles de la Tourette, bouffées vasomotrices, dépendance à la cocaïne ou à l’alcool, dysfonction sexuelle, trouble de la personnalité limite, syndrome de fatigue chronique, incontinence urinaire, douleur, syndrome de Shy et Drager, maladie de Raynaud, maladie de Parkinson et épilepsie.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement de l’une des maladies énumérées.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise le traitement de l’une des maladies énumérées.

40.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

Utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications à 20 pour une amélioration de la cognition ou pour le traitement de la déficience cognitive.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour une amélioration de la cognition ou pour le traitement de la déficience cognitive.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise une amélioration de la cognition ou le traitement de la déficience cognitive.

41.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

Utilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement de l’aménorrhée hypothalamique chez la femme déprimée ou non.

Non avancée.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement de l’aménorrhée hypothalamique chez la femme déprimée ou non.

Même interprétation que de la revendication 33, sauf que l’utilisation vise le traitement de l’aménorrhée hypothalamique chez la femme déprimée ou non.

43.

L’une ou l’autre des revendications 1 à 20.

Utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20, préparée en une dose visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence de la nausée, des vomissements, de la diarrhée, des douleurs abdominales, des maux de tête, des malaises vaso-vagaux ou du trismus provenant de l’administration par voie orale du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine.

Comme elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’ODV de forme I visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence générale des effets secondaires indiqués comparativement à l’administration par voie orale du succinate d’ODV qui n’est pas formulé à cette fin.

Dans la mesure où elle dépend des revendications 8 ou 9, vise l’utilisation d’une quantité efficace de succinate d’ODV décrite dans les revendications 8 ou 9 dans une forme pharmaceutique à libération continue visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence générale d’effets secondaires précis provenant de l’administration par voie orale du succinate d’ODV.

L’expression « quantité thérapeutiquement efficace » s’entend d’une utilisation pour le traitement de n’importe quel trouble décrit et revendiqué par le brevet (voir les revendications 33 à 42). La revendication n’est pas propre au traitement de la dépression.

Englobe l’utilisation de tout niveau de plasma supérieur à 0 ng/mL et inférieur à 225 ng/mL.

44.

Aucune.

Une formulation à libération continue qui contient le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine et un véhicule ou excipient pharmaceutiquement acceptable et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.

Une formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (sous toutes les formes, y compris le succinate d’ODV de forme I) et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.

Vise toute formulation à libération continue contenant du succinate d’ODV sous toutes les formes (y compris le monosuccinate et le bisuccinate d’ODV, la forme amorphe, la forme I (moulue) la forme I (non moulue) et les formes II, III et IV) procurant des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.

Englobe les formulations à libération continue qui présentent un niveau de plasma supérieur à 0 ng/mL et inférieur à 225 ng/mL.

La revendication englobe tous les types de formulations à libération continue (notamment transdermique et par voie orale) parce que la revendication n’est pas propre à un type donné de formulation à libération continue.

La revendication englobe l’utilisation de la formulation pour le traitement de n’importe quel trouble décrit et revendiqué par le brevet (voir les revendications 33 à 42). La revendication n’est pas propre au traitement de la dépression.

A. Interprétation des revendications 8 et 9

[159] Les parties ne s’entendent pas sur la bonne interprétation des revendications 8 et 9.

[160] Pfizer expose sa thèse dans son mémoire en ces termes :

  1. Les revendications 8 et 9 visent clairement le succinate d’ODV de forme I. Il faut lire un brevet [traduction] « de façon téléologique » du point de vue d’une personne douée d’habiletés moyennes dans l’art à qui le brevet se rapporte. L’interprétation téléologique exige que la Cour examine la formulation des revendications au regard du mémoire descriptif dans son ensemble. Bien que le texte du brevet l’emporte sur le reste, la Cour doit tenir compte de son contexte. Il faut interpréter les revendications « afin qu’un traitement équitable soit accordé à la fois au breveté et au public. »

  2. Il est clair que les revendications 8 et 9 concernent un composé cristallin précis, le succinate d’ODV de forme I. La revendication 8 vise un composé qui présente un diagramme de diffraction des rayons X ayant sept pics caractéristiques. La seule forme revendiquée dans le brevet qui répond à cette description est le succinate d’ODV (mono) de forme I (le produit de l’exemple 7). De même, la revendication 9 renvoie à la forme I par la mention de son endotherme caractéristique, observé par ACD, figurant à la page 8.

3. Les experts d’Apotex soutiennent que les revendications 8 et 9 ne se limitent pas à la forme cristalline I, mais peuvent être interprétées comme visant une catégorie éventuelle – tout composé réel ou imaginé qui présente les pics énumérés obtenus par diffraction de rayons X sur poudres. Cette perspective ouverte est incorrecte et ne reflète pas une interprétation éclairée, téléologique du brevet. Elle est aussi contraire à l’AA d’Apotex dans lequel il est dit qu’une personne versée dans l’art [traduction] « comprendrait que les revendications 8 et 9 portent sur le succinate d’ODV de forme I. » La bonne perspective, reflétée dans l’AA, est celle selon laquelle une personne versée dans l’art qui examine le brevet 668 reconnaîtrait facilement les pics indiqués dans la revendication 8 et l’endotherme indiqué dans la revendication 9 comme correspondant aux données caractéristiques fournies à l’égard du succinate d’ODV de forme I. En fait, il n’y a aucun élément de preuve concernant l’existence de toute autre forme cristalline d’un composé qui présente ces données caractéristiques.

[161] Apotex affirme ce qui suit dans son mémoire :

[traduction]
17. Revendication 8 : Cette revendication vise l’ODV-S cristallin (y compris les hydrates) qui présente les pics précis obtenus par diffraction de rayons X sur poudres exposés dans la revendication. La revendication ne contient aucune autre limite.

18. Pfizer soutient que la revendication 8 porte exclusivement sur l’ODV-S de forme I parce qu’il a les mêmes pics obtenus par diffraction de rayons X sur poudres que ceux qui sont indiqués dans les renseignements communiqués concernant la forme I (moulue). Cette approche est inadmissible. Lorsqu’un composé est caractérisé dans une revendication par un diagramme de diffraction de rayons X sur poudres, l’utilisation des renseignements communiqués pour le caractériser autrement est irrégulière.

19. De plus, la revendication 8 vise notamment plusieurs formes cristallines, soit les monohydrates et d’autres hydrates, comme en témoignent clairement les revendications dont elle dépend. D’ailleurs la « forme 1 » du brevet n’est pas caractérisée par la diffraction de rayons X sur poudres de la revendication 8 : le brevet indique que la forme I (non moulue) présente des pics distincts obtenus par diffraction de rayons X sur poudres.9

20. Revendication 9 : Cette revendication vise une forme cristalline d’ODV-S ayant un endotherme établi à « environ 131 °C ». On peut considérer un « endotherme » comme étant un point de fusion mesuré par analyse calorimétrique différentielle (ACD).

21. Pfizer soutient que la revendication 9 porte aussi exclusivement sur l’ODV-S de forme I. Encore une fois, cette affirmation est incorrecte parce que la revendication n’est pas rédigée ainsi. De plus, l’exemple 1 du brevet est décrit comme étant la forme I (non moulue) ayant des points de fusion établis à 122,3 °C et à 139,6 °C. Cette forme I est en dehors de la portée de la revendication 9.

22. Pfizer critique l’interprétation de la revendication 9 par Apotex parce qu’elle ne tient pas compte du fait que le produit d’Apotex est la forme I et qu’Apotex ne conteste pas que son produit est visé par la portée de la revendication 8. Cette critique tient compte de façon illégitime du produit d’Apotex dans son interprétation des revendications. De plus, le fait d’assimiler les revendications 8 et 9 à la forme I ne tient pas compte non plus de la présomption en faveur de prêter des sens différents à des revendications différentes. Enfin, la revendication 9 ne peut pas définir la forme I parce que la forme II du brevet a aussi un endotherme établi à environ 131 °C en appliquant la définition que Pfizer donne du mot « environ », dont il est question ci-dessous.

23. La personne versée dans l’art considérerait que le mot « environ » signifie ± 1 °C. Pfizer soutient que le mot « environ » devrait s’entendre de ± 2 °C; la revendication 9 englobe ainsi les composés ayant un endotherme allant de 129 à 133 °C. Le brevet n’étaye pas cette définition.

24. Le brevet définit le mot « environ » comme s’entendant de [traduction] « généralement à plus ou moins 10 % ou [traduction] « de façon subsidiaire […] avec un écart-type acceptable de la moyenne ». Ni l’une ni l’autre des parties ne laisse entendre que la première définition s’applique à la revendication 9. En ce qui concerne la seconde, le brevet ne précise pas l’écart-type de la moyenne dans le cas d’un endotherme mesuré par ACD, pas plus qu’il n’indique les données qui permettraient de faire ce calcul. La personne versée dans l’art ne jugerait pas qu’un écart-type de ± 2 °C est acceptable, et les experts de Pfizer n’ont mentionné aucun ouvrage scientifique qui laisse entendre le contraire.13

25. De plus, l’interprétation du mot « environ » comme s’entendant de ± 2 °C mène à la forme II, dont l’endotherme établi à 127 °C est visé par la portée de la revendication 9, ce qui est totalement contraire à l’interprétation de la revendication 9 par Pfizer selon laquelle elle ne vise que la forme I. Le dénigrement de cette constatation par Pfizer comme étant un point « technique » est en fait la reconnaissance de son exactitude.14 L’interprétation d’une revendication conformément aux intentions des inventeurs n’est pas un point « technique »; c’est que la Cour suprême enseigne.

26. Pfizer se rabat sur un argument concernant la suffisance de l’AA d’Apotex. Pfizer fait valoir que l’opinion des experts d’Apotex selon laquelle les revendications 8 et 9 englobent plusieurs composés est contraire à l’affirmation dans l’AA selon laquelle la personne versée dans l’art [traduction] « comprendrait que les revendications 8 et 9 portent sur l’(ODV)-S de forme I. »

27. L’AA n’indique pas que les revendications 8 et 9 ne visent qu’un seul composé, et il est précisément affirmé dans les allégations de portée excessive et d’insuffisance que les revendications 8 et 9 visent plus d’un seul composé. L’AA affirme la non-contrefaçon de la revendication 9 (et non de la revendication 8), ce qui indique clairement que l’AA faisait une distinction entre l’objet des deux revendications. La Cour a rejeté les arguments concernant le caractère suffisant de l’AA qui étaient fondés sur l’interprétation d’une seule phrase dans l’AA à l’exclusion du reste du document.

28. De toute façon, les experts de Pfizer, lors de leur interrogatoire principal, ont abordé la portée des revendications et indiqué que Pfizer avait été raisonnablement prévenue de cette question. Même si ce n’était pas le cas, il est permis aux experts d’être en désaccord avec les allégations avancées dans l’avis d’allégation, et il est loisible aux tribunaux d’avoir un point de vue différent de celui de l’une ou l’autre des parties sur les questions d’interprétation.

[162] À mon avis, les revendications 8 et 9 visent notamment le succinate d’ODV de forme I cristalline. Je retiens que les revendications 8 et 9 concernent un composé cristallin précis, le succinate d’ODV de forme I. La revendication 8 vise un composé qui présente un diagramme de diffraction de rayons X sur poudres ayant sept pics caractéristiques. La seule forme répondant à cette description qui est divulguée dans le brevet 668 est le succinate d’ODV (mono) de forme I cristalline (le produit de l’exemple 7). De même, la revendication 9 renvoie à la forme I en mentionnant son endotherme caractéristique, détecté par ACD, fourni à la page 8 du brevet 668.

[163] L’identifiant de diffraction de rayons X sur poudres indiqué dans la revendication 8 mentionne le succinate d’ODV de forme I; aucune autre « forme » n’aurait pu avoir ces données de diffraction de rayons X sur poudres et être visée par la revendication. Je conclus que cette interprétation donne effet à l’intention de l’inventeur, et ce, dans le contexte général du brevet concernant le succinate d’ODV de forme I cristalline.

[164] Apotex n’est pas d’accord. À la page 8 du brevet 668, les inventeurs affirment : [traduction] « [L]a forme 1 du succinate d’ODV présente un diagramme de diffraction de rayons X sur poudres qui est sensiblement identique à celui des figures 1 (forme I moulue) et 7 (forme I non moulue). » À la page 25, le brevet 668 indique : [traduction] « [S]ans être liés à quelque théorie que ce soit, les inventeurs émettent l’hypothèse que la diffraction de rayons X sur poudres n’a pas produit les mêmes résultats à l’égard des cristaux non moulus qu’à l’égard des cristaux moulus en raison de l’orientation préférée des cristaux non moulus. » Apotex affirme que les revendications 8 et 9 ne visent pas l’ODV-S (non moulu) de forme I et fonde cette affirmation en grande partie sur le témoignage de M. Steed. À mon avis, ce n’est pas la bonne interprétation des revendications 8 ou 9. D’abord, ni l’une ni l’autre des revendications 8 et 9 n’exclut la forme I. Puis, M. Steed, d’Apotex, dans son affidavit original, n’a pas nié la théorie des inventeurs concernant l’orientation des cristaux non moulus : il a déclaré que la personne versée dans l’art aurait eu des [traduction] « réserves » à son sujet. Ensuite, M. Atwood, de Pfizer, dans un affidavit qu’il a déposé en réponse, a abordé directement et très précisément le point soulevé par M. Steed, et ce, du point de vue de la personne versée dans l’art. M. Atwood a affirmé ce qui suit :

[traduction]

4. Plus précisément, aux paragraphes 158 et 159, M. Steed affirme que les différences dans les pics indiqués dans les diagrammes de diffraction de rayons X sur poudres de la figure 1 et de la figure 7 révèlent des différences dans leurs valeurs 2θ qui ne peuvent pas être le résultat d’effets d’orientation préférée observés dans l’échantillon non moulu (figure 7) et qui doivent signifier que les matières sont différentes. M. Steed se fonde toutefois sur les listes de pics « caractéristiques » fournies par le brevet pour chacun de ces échantillons figurant aux tableaux 1 et 6 pour laisser entendre que les positions des pics sont différentes. Ces listes de pics « caractéristiques » n’indiquent pas tous les pics présents dans les deux diffractogrammes et ne visent pas à être exhaustives. Il est incorrect de les comparer l’une et l’autre afin de rechercher des différences ou des similitudes dans les positions des pics. En effet, comme M. Steed le mentionne, les effets d’orientation préférée peuvent modifier la hauteur (intensité) des pics dans un diagramme de diffraction de rayons X sur poudres, ce qui signifie que des pics différents peuvent sembler « caractéristiques » dans l’échantillon moulu comparativement à l’échantillon non moulu.

5. La comparaison des figures 1 et 7 révèle que, malgré quelques différences d’intensité, la figure 7 présente les sept pics caractéristiques de la forme I (les pics paraissent à environ 10,20 2θ; 14,91 2θ; 20,56 2θ; 22,13 2θ; 23,71 2θ; 24,60 2θ et 25,79 2θ). Fait encore plus révélateur, il ne présente aucun autre pic que les pics figurant dans le diagramme de diffraction de rayons X sur poudres de la figure 1. À mon avis, ces deux diagrammes de diffraction de rayons X sur poudres représentent clairement la même forme, et je crois qu’une personne douée d’habiletés moyennes dans l’art tirerait la même conclusion.

[Non souligné dans l’original.]

[165] M. Steed a déposé un affidavit en réplique dans lequel il a étayé sa thèse selon laquelle les versions moulue et non moulue de la forme I consistent en des [traduction] « matières différentes ». Selon la prépondérance des probabilités, je retiens toutefois le témoignage de M. Atwood selon lequel les [traduction] « deux diagrammes de diffraction de rayons X sur poudres représentent clairement la même forme, et je crois qu’une personne douée d’habiletés moyennes dans l’art tirerait la même conclusion ».

[166] De plus, et cela concerne l’interprétation des revendications 8 et 9, Apotex a affirmé dans son avis d’allégation que [traduction] « [l]a personne versée dans l’art comprendrait que les revendications 8 et 9 portent sur le succinate de desvenlafaxine de forme. I » À mon avis, cette affirmation témoigne de l’intention des inventeurs; j’estime qu’il y a lieu de donner effet à leurs intentions en adoptant une interprétation selon laquelle les diagrammes de diffraction de rayons X sur poudres représentent la même forme, soit le succinate d’ODV de forme I cristalline.

[167] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[168] Dans les circonstances, l’interprétation correcte de la revendication 8 à mon avis est celle selon laquelle elle vise le monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I (c.-à-d., la forme cristalline du succinate d’ODV, qui présente les pics caractéristiques de la figure 1, détectés par diffraction de rayons X sur poudres). À mon avis, cette interprétation donne effet à l’intention de l’inventeur, et ce, dans le contexte général du brevet.

[169] La revendication 9, en plus des observations que j’ai faites concernant la revendication 8, concerne à mon avis un autre identifiant, soit l’endotherme (point de fusion). À mon avis, cette revendication concerne aussi le succinate d’ODV de forme I cristalline. La conclusion que je tire est étayée par l’avis d’allégation d’Apotex, qui semble concéder le point lorsqu’il indique, dans ses passages pertinents, que la personne versée dans l’art [traduction] « comprendrait que les revendications 8 et 9 portent sur le succinate de desvenlafaxine d’ODV de forme I » c.-à-d., le succinate d’ODV de forme I cristalline.

[170] Les parties contestent la marge d’erreur mentionnée dans la revendication 9. La revendication 9 revendique : [traduction] « [U]n composé selon la revendication 6 ayant un endotherme établi à environ 131 °C ». Le mot clé est « environ ». Pfizer soutient que le mot « environ » signifie ± 2 °C; la revendication 9 englobe donc les composés ayant un endotherme allant de 129 à 133 °C. Apotex affirme que le mot signifie ± 1 °C, ce qui réduit la marge de 130 à 132 °C.

[171] Le brevet 668 définit le mot « environ » à la rubrique [traduction] « Définitions » à la page 4 : [traduction] « Le terme ' environ ' signifie généralement à plus ou moins 10 %, préférablement à plus ou moins 5 % et plus préférablement à 1 % d’une valeur ou d’une marge donnée. » De façon subsidiaire, le terme environ « signifie avec un écart-type acceptable de la moyenne pour la personne douée d’habiletés moyennes dans l’art. »

[172] Je conclus toutefois que cette définition ne s’applique pas aux endothermes – si elle s’y appliquait, la valeur à l’une des extrémités des marges d’erreur numériques correspondrait à ± 13, c.-à-d., une variation de 26 °C, ce qui constitue un écart beaucoup trop grand pour avoir été l’intention des inventeurs. À mon avis, en ce qui concerne l’interprétation, la définition vise donc le sens subsidiaire, soit [traduction] « un écart-type acceptable de la moyenne pour la personne douée d’habiletés moyennes dans l’art. »

[173] Les experts étaient en désaccord. Les experts de Pfizer, MM. Myerson et Atwood, ont tous deux examiné cette définition et formulé l’opinion selon laquelle la marge d’erreur applicable à ces endothermes va jusqu’à ±2 °C. M. Steed, d’Apotex, bien qu’il ait qualifié d’ambiguë la définition contenue dans le brevet 668, a procédé à l’examen du brevet 668 sous l’angle de la différenciation des revendications et a conclu que le mot « environ » signifiait ±1 °C. L’approche d’Apotex présente un sérieux problème du fait que la question ne porte pas sur la différenciation des revendications, mais bien sur la marge d’erreur en ce qui concerne ce type de mesure pour la personne versée dans l’art. À cet égard, je préfère les témoignages de MM. Myerson et Atwood, qui traitent directement de la question selon la compréhension qu’en a la personne versée dans l’art. M. Steed a fourni une réponse bien moins satisfaisante qui, en fait, ne tenait pas compte de l’appréciation qu’avait la personne versée dans l’art de la marge d’erreur applicable aux mesures obtenues par ACD en ce qui concerne l’état de la technique relativement à ce type de mesure, mais a fourni de façon très différente une analyse propre à un cas donné selon laquelle la réponse dépend de la façon dont les revendications avancées dans ce brevet – ou par extension, un autre brevet – peuvent être différenciées. À mon avis, M. Steed n’a pas répondu à la question en ce qui concerne l’état de la technique aussi bien que l’ont fait MM. Myerson et Atwood. Il y a lieu de mentionner que j’ai tiré cette conclusion sans tenir compte de l’argument de Pfizer fondé sur le fait que la propre présentation de drogue nouvelle proposée par Apotex mentionne aussi une marge d’erreur de ±2 °C.

[174] Je suis d’accord avec Apotex pour dire que si la marge d’erreur correspond à ±2 °C, la revendication 12 sera aussi incluse dans la revendication 9, et vice versa. À mon avis, les inventeurs n’avaient toutefois pas l’intention que les revendications 9 et 12 englobent à la fois les formes I et II. À mon avis, la présomption selon laquelle il faut prêter des sens différents à des revendications différentes est réfutée; l’intention des inventeurs était de décrire le même composé au moyen des mêmes identifiants indiqués à la fois dans les revendications 8 et 9. À mon avis, il faut interpréter les revendications 8 et 9 pour définir la même forme cristalline, soit le succinate d’ODV de forme I cristalline.

[175] Par conséquent, j’interprète la revendication 9 comme visant le monhydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I (c.-à-d., la forme cristalline du succinate d’ODV, qui présente un endotherme caractéristique établi à environ 131 °C (+ 2 °C)).

[176] Une fois de plus, cette interprétation donne effet à l’intention de l’inventeur, et ce, dans le contexte général du brevet en ce qui concerne le succinate d’ODV de forme I mentionné à la page 8 du brevet 668.

B. Interprétation de la revendication 33

[177] Apotex affirme que le seul désaccord entre les parties concerne la portée des revendications 8 et 9 dont la revendication 33 dépend. J’interprète donc la revendication 33 comme elle dépend des revendications 8 ou 9, utilisation du succinate d’ODV de forme I pour le traitement de la dépression.

C. Interprétation des revendications 43 et 44

[178] Apotex affirme que la revendication, en précisant que l’utilisation [traduction] « réduira » les effets secondaires, établit une comparaison avec une forme pharmaceutique qui ne limite pas le niveau de plasma sanguin à 225 ng/mL ou moins, et que la revendication n’est pas propre à la forme cristalline, ni à un niveau ou un autre de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL. Apotex mentionne aussi, en ce qui concerne le comparateur, que les experts de Pfizer ont proposé une formulation à libération immédiate.

[179] Rappelons qu’il s’agit de la revendication d’une [traduction] « forme pharmaceutique orale à libération continue ». Je suis d’accord pour dire que la revendication, telle qu’elle est formulée, ne mentionne aucune forme cristalline précise, mais, conformément à mes conclusions sur l’intention des inventeurs et sur l’objet du brevet 668 concernant les revendications 8 et 9, il y a lieu d’interpréter la revendication en ce qui concerne le succinate d’ODV de forme I. Les autres points soulevés par Apotex ne devraient pas entrer dans l’interprétation de cette revendication.

[180] À mon avis, il y a lieu d’interpréter la revendication 43 de la façon suivante : telle qu’elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’ODV de forme I et visant à produire un niveau de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence générale des effets secondaires indiqués comparativement à l’administration par voie orale du succinate d’ODV qui n’est pas formulé à cette fin.

[181] En ce qui concerne la revendication 44, Apotex affirme, dans le cadre de son argumentation sur l’interprétation des revendications, que cette revendication vise une formulation à libération continue contenant de l’ODV-S et qui vise des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL (c.-à-d., de 0 à 225 ng/mL), et que cette revendication ne se limite pas aux formulations orales ni à une forme particulière d’ODV-S. Je suis d’accord pour dire que cette revendication ne se limite pas aux formulations orales ni à une forme donnée d’ODV-S, mais je ne vois aucune nécessité d’ajouter cet élément à l’interprétation de la revendication en droit.

[182] Par conséquent, il y a lieu d’interpréter la revendication 44 de la façon suivante : une formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (de quelque forme que ce soit, y compris le succinate d’ODV de forme I) et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.

3. Non-contrefaçon

[183] Je traiterai de cette question pour chaque revendication.

[184] Revendication 8 : Pfizer soutient que les produits de 50 mg et de 100 mg d’Apotex contrefont tous deux la revendication 8. Apotex n’a avancé aucune allégation de non-contrefaçon concernant la revendication 8, sauf pour alléguer que la revendication 8 n’est pas valide et qu’elle ne peut donc pas être contrefaite.

[185] Étant donné que j’ai conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’Apotex portant sur l’invalidité de la revendication 8 sont non fondées, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex de non-contrefaçon de la revendication est non fondée.

[186] Revendication 9 : Pfizer soutient que les produits de 50 mg et de 100 mg d’Apotex contrefont tous deux la revendication 9. Apotex invoque en sa défense les moyens suivants : 1) les produits d’Apotex sans égard à la posologie ne sont pas visés par cette revendication et 2) la revendication 9 n’est pas valide et ne peut pas être contrefaite.

[187] L’allégation de non-contrefaçon d’Apotex portant sur la revendication 9, dans la mesure où elle ne dépend pas d’une conclusion d’invalidité à l’égard de la revendication 9, est fondée sur le sens du mot « environ », dont j’ai traité à la rubrique « Interprétation des revendications » ci-dessus. Apotex affirme que si la Cour retient l’interprétation par Apotex des mots « environ 131 °C » (soit de 130 °C à 132 °C), le produit proposé par Apotex selon sa proposition de drogue nouvelle, qui a un point de fusion inférieur à 130 °C, ne contrefait pas la revendication 9; l’allégation d’Apotex serait donc fondée à cet égard. Le contraire est aussi vrai, à savoir que, si la Cour retient l’interprétation par Pfizer des mots « environ 131 °C », le produit proposé par Apotex contrefait le brevet.

[188] J’ai conclu que l’interprétation correcte de la revendication 9 suppose une marge d’erreur de ±2 °C, ce qui donne des endothermes dans une plage allant de 129 °C à 133 °C.

[189] Selon M. Steed d’Apotex, les endothermes de l’IPA dans la drogue nouvelle proposée par Apotex [traduction] « présentait des endothermes établis à 129,33 °C, 129,18 °C, 129,34 °C et 128,96 °C. »

[190] Je conclus donc, selon la prépondérance des probabilités, que les produits d’Apotex sans égard à la posologie sont visés par la revendication 9. J’ai aussi conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’Apotex portant sur l’invalidité de la revendication 8 sont non fondées. Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex de non-contrefaçon de la revendication 9 est non fondée.

[191] Revendication 33 : Pfizer soutient que les produits de 50 mg et de 100 mg d’Apotex contrefont tous deux la revendication 33. Apotex n’a avancé aucune allégation de contrefaçon concernant la revendication 33, sauf pour alléguer que la revendication 33 n’est pas valide et qu’elle ne peut donc pas être contrefaite.

[192] Étant donné que j’ai conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’Apotex portant sur l’invalidité de la revendication 33 sont non fondées, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex de non-contrefaçon de la revendication 33 est non fondée.

[193] Les revendications 43 et 44 : Pfizer fait valoir que seulement le produit de 50 mg d’Apotex contreferait les revendications 43 et 44. Pfizer ne conteste pas que le produit de 100 mg d’Apotex ne contrefera pas les revendications 43 et 44. Apotex invoque en sa défense que les revendications 43 et 44 ne sont pas valides et qu’elles ne peuvent donc pas être contrefaites pas son produit de 50 mg.

[194] Étant donné que j’ai conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’Apotex portant sur l’invalidité des revendications 43 et 44 sont non fondées, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex de non-contrefaçon par son produit de 50 mg des revendications 43 et 44 est non fondée.

[195] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex de non-contrefaçon par son produit de 100 mg des revendications 43 et 44 est fondée.

[196] Un breveté l’emportera si seulement une des revendications d’un brevet est jugée avoir été contrefaite : Hughes & Woodey on Patents, LexisNexis, feuille mobile 2017, vol. 1, au paragraphe 38, citant l’affaire Arctic Cat Inc c Bombardier Produits Récréatifs Inc, 2016 CF 1047, au paragraphe 211. En l’espèce, j’ai conclu que le produit proposé par Apotex contrefera plusieurs des revendications dans le brevet 668.

[197] Je conclus donc, selon la prépondérance des probabilités, que Pfizer a établi que l’allégation de non-contrefaçon d’Apotex est non fondée.

4. L’évidence

A. Observations préliminaires et sommaire

[198] Conformément à l’article 28.3 de la Loi sur les brevets, une invention ne doit pas être évidente pour une personne versée dans l’art :

Objet non évident

Invention must not be obvious

28.3 L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas, à la date de la revendication, être évident pour une personne versée dans l’art ou la science dont relève l’objet, eu égard à toute communication :

28.3 The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada must be subject-matter that would not have been obvious on the claim date to a person skilled in the art or science to which it pertains, having regard to

a) qui a été faite, plus d’un an avant la date de dépôt de la demande, par le demandeur ou un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs;

(a) information disclosed more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere; and

b) qui a été faite par toute autre personne avant la date de la revendication de manière telle qu’elle est devenue accessible au public au Canada ou ailleurs.

(b) information disclosed before the claim date by a person not mentioned in paragraph (a) in such a manner that the information became available to the public in Canada or elsewhere.

[Soulignement ajouté.]

[Emphasis added.]

[199] L’une des questions au cœur de la présente affaire est l’évidence et le principe accessoire de l’essai allant de soi. Une fois résolue la question des critères juridiques applicables, pour statuer sur l’évidence et sur l’essai allant de soi, il faut tirer des conclusions factuelles en fonction des éléments de preuve et du brevet 668. J’ai conclu que l’invention revendiquée dans le brevet 668 et, plus précisément, les concepts inventifs des revendications 8, 9, 33, 43 et 44 n’étaient pas évidents et n’allaient pas de soi aux yeux de la personne versée dans l’art.

[200] À mon avis, la nouvelle composition de matières que constitue le succinate d’ODV de forme I cristalline « valait d’être tenté ». De plus, il y a avait des ‘possibilités’ que la personne versée dans l’art découvre l’invention revendiquée dans le brevet 668 en effectuant des expériences difficiles, surtout en ce qui concerne le criblage des cristaux et des polymorphes. De simples possibilités ne sont toutefois pas suffisantes, et il est établi que le critère « valant d’être tenté » n’est pas le critère à appliquer à l’essai allant de soi.

[201] Sur la foi des éléments de preuve, j’ai conclu que Pfizer a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’évidence, y compris de l’essai allant de soi, d’Apotex est non fondée.

B. Règles de droit applicables à l’examen relatif à l’évidence et la décision Sanofi

[202] Le jugement clé dans la règle de l’évidence est celui de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61 (Sanofi ou Plavix).

[203] Cela dit, après l’audience de la présente affaire, la Cour suprême a rendu son jugement dans AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36 (AstraZeneca), arrêt portant sur la doctrine de la promesse. Dans des observations présentées après l’audience sur l’incidence de l’arrêt AstraZeneca (dont je traiterai en détail à la rubrique de l’inutilité), Apotex a soutenu que l’arrêt AstraZeneca a changé la règle de l’évidence. Je n’en suis pas convaincu; si la Cour suprême avait voulu reformuler le droit relatif l’évidence dans l’arrêt AstraZeneca, elle l’aurait fait et l’aurait dit, ce qu’elle n’a pas fait. Il ne me semble pas que la Cour suprême ait voulu se prononcer sur l’évidence en examinant les observations sur l’utilité dans l’arrêt AstraZeneca. Bien que l’examen de l’évidence débute par les revendications, il est bien établi qu’il faut examiner les revendications dans le contexte général du brevet. Selon l’examen effectué suivant l’arrêt Sanofi, à sa deuxième étape, la Cour doit « définir le concept inventif de la revendication » en cause, au besoin par voie d’interprétation, comme il en sera question un peu plus loin. Rien dans l’arrêt AstraZeneca n’indique qu’à chaque revendication peut correspondre un concept inventif distinct. En effet, la Cour suprême a affirmé qu’il se peut que chacune des revendications d’un brevet divulgue une invention distincte : Teva Canada Ltée c Pfizer Canada inc, 2012 CSC 60, au paragraphe 64. L’interprétation des revendications permet à la Cour d’examiner la revendication dans le contexte général du brevet, y compris la description et les autres revendications, et la divulgation peut être prise en considération pour aider à la compréhension des revendications ou pour dissiper une ambiguïté.

[204] Par conséquent, comme je l’ai indiqué, je préfère me fonder sur l’arrêt Sanofi pour ce qui est de la règle de l’évidence.

[205] Pour faciliter la référence et parce qu’il est central à cette question, j’expose intégralement les passages pertinents de l’arrêt Sanofi, en ce qui concerne tant le critère juridique que son application aux faits, le juge Rothstein exprimant l’opinion unanime de la Cour :

d) La notion d’évidence au Canada

[…]

[64] À mon avis, les facteurs énoncés par le juge Kitchin, puis repris par lord Hoffmann dans l’arrêt Lundbeck (par. 59), ne sont pas exhaustifs, mais offrent des repères pour déterminer si une étape donnée « allait de soi ». Cependant, la notion d’« essai allant de soi » commande la prudence. Ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. Elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie.

[65] Dans l’arrêt Saint-Gobain PAM SA c Fusion Provida Ltd., [2005] EWCA Civ 177 (BAILII), le lord juge Jacob a dit ce qui suit au par. 35 :

[traduction] La seule inclusion possible de quelque chose dans un programme de recherche dans l’optique d’en apprendre davantage et de faire une découverte ne suffit pas. S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux.

Dans l’arrêt General Tire, le lord juge Sachs dit à la p. 497 :

Après tout, la locution « aller de soi » est très usitée et il ne nous paraît pas nécessaire d’étoffer la principale définition du dictionnaire, à savoir quelque chose de « très clair ».

Dans Intellectual Property Law, le professeur Vaver convient de ce sens (p. 136). J’estime que la notion d’« essai allant de soi » n’est applicable que lorsqu’il est très clair ou, pour reprendre les termes employés par le lord juge Jacob, qu’il est plus ou moins évident, que l’essai sera fructueux.

[66] Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.

[67] Lors de l’examen relatif à l’évidence, il y a lieu de suivre la démarche à quatre volets d’abord énoncée par le lord juge Oliver dans l’arrêt Windsurfing International Inc. c Tabur Marine (Great Britain) Ltd., [1985] R.P.C. 59 (C.A.). La démarche devrait assurer davantage de rationalité, d’objectivité et de clarté. Le lord juge Jacob l’a récemment reformulée dans l’arrêt Pozzoli SPA c BDMO SA, [2007] F.S.R. 37 (p. 872), [2007] EWCA Civ 588, par. 23 :

[traduction] Par conséquent, je reformulerais comme suit la démarche préconisée dans l’arrêt Windsurfing :

(1) a) Identifier la « personne théorique versée dans l’art »

b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

(2) Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation;

(3) Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation

4) Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles une quelconque inventivité? [Je souligne.]

La question de l’« essai allant de soi » se pose à la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli pour statuer sur l’évidence.

i. Dans quels cas la notion d’« essai allant de soi » est‑elle pertinente?

[68] Dans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion d’« essai allant de soi » pourrait être indiqué. Dans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation. Par exemple, certaines inventions du secteur pharmaceutique pourraient justifier son application étant donné l’existence possible de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables.

ii. « Essai allant de soi » : éléments à considérer

[69] Lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, les éléments énumérés ci-après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence. Tout comme ceux pertinents pour l’antériorité, ils ne sont pas exhaustifs et s’appliquent selon la preuve offerte dans le cas considéré. Les facteurs s’appliqueront conformément à la preuve dans chaque cas.

1. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3. L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[70] Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme de métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.

[71] Par exemple, le fait pour l’inventeur et les membres de son équipe de parvenir à l’invention rapidement, facilement, directement et à relativement peu de frais, compte tenu de l’art antérieur et des connaissances générales courantes, pourrait étayer une conclusion d’évidence, sauf lorsque leurs efforts et leurs connaissances se sont révélés plus grands que ceux attribués à la personne versée dans l’art. Leur démarche tendrait à indiquer qu’une personne versée dans l’art, grâce à ses connaissances générales courantes et à l’art antérieur, aurait agi de même et serait arrivée au même résultat. Par contre, lorsque temps, fonds et efforts ont été consacrés à la recherche ayant finalement mené à l’invention, et ce, avant que l’inventeur ne se mette à la recherche de l’invention ou qu’on ne lui enjoigne de le faire, y compris les démarches qui se sont révélées vaines et inutiles, une conclusion de non-évidence pourrait être fondée. On pourrait en déduire que la personne versée dans l’art n’aurait pas fait mieux en s’appuyant sur ses connaissances générales courantes et sur l’art antérieur. En fait, lorsque les intéressés, y compris l’inventeur et les membres de son équipe, avaient de grandes compétences dans le domaine technique en cause, la preuve pourrait indiquer que la personne versée dans l’art aurait obtenu des résultats bien pires et ne serait vraisemblablement pas parvenue à l’invention. Il ne lui aurait pas paru évident d’emprunter le parcours ayant mené à l’invention.

e) Application aux faits de l’espèce

[72] Au vu des quatre étapes établies dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli, je fais miennes les conclusions factuelles du juge de première instance dans la mesure où elles ne sont pas touchées par son rejet du critère de l’essai allant de soi. Lorsque l’application de ce critère commande un examen plus poussé de la preuve, notre Cour doit tirer certaines conclusions de fait. En l’espèce, j’estime cela préférable au renvoi du dossier au juge de première instance pour qu’il rende une nouvelle décision qui pourrait à nouveau donner lieu à des appels.

[73] Apotex a déposé son avis d’allégation en 2002. Six ans se sont écoulés depuis. Si le brevet 777 est invalide et que toutes les autres conditions sont remplies, le ministre devrait lui délivrer un avis de conformité sans délai. La procédure que prévoit le Règlement AC se veut en effet sommaire, et je crois qu’il est temps que l’affaire connaisse enfin un dénouement. Je passe maintenant à l’analyse :

i. Identifier la personne versée dans l’art

[74] Les deux parties conviennent que la personne versée dans l’art est le chimiste pharmaceutique de formation.

ii. Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de cette personne

[75] Apotex présente les mêmes observations que pour l’antériorité en insistant sur le fait que, les méthodes de séparation étant bien connues, l’invention revendiquée et ses avantages auraient été évidents pour la personne versée dans l’art. Au vu du dossier, le juge Shore a conclu que cinq méthodes bien connues permettaient d’isoler les isomères du racémate. Il n’a toutefois pas estimé que la personne versée dans l’art aurait connu l’avantage relatif de l’isomère dextrogyre.

iii. Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[76] L’interprétation des revendications du brevet 777 n’est pas en cause. Il est entendu que celles‑ci visent l’isomère dextrogyre du racémate, ses sels pharmaceutiquement acceptables et leurs procédés d’obtention.

[77] Il n’est pas facile de saisir le concept inventif à partir ses seules revendications. La seule présence d’une formule chimique ne permet pas de déterminer l’inventivité de la revendication. J’estime donc que l’on doit pouvoir se fonder sur le mémoire descriptif pour définir le concept inventif qui sous‑tend les revendications. On ne saurait cependant s’appuyer sur le mémoire descriptif pour interpréter le texte des revendications de façon plus restrictive ou plus extensive.

[78] En l’espèce, il est clair que le concept inventif à la base des revendications du brevet 777 est un antiplaquettaire à l’effet thérapeutique supérieur et à la toxicité moindre comparativement aux autres composés couverts par le brevet 875, et les méthodes permettant de l’obtenir.

iv. Recenser les différences, s’il en est, entre les brevets 875 et 777

[79] Le brevet 875 divulgue plus de 250 000 composés possibles dont il prédit l’effet antiplaquettaire. Vingt et un ont été synthétisés et analysés. Rien ne distingue le racémate visé en l’espèce des autres composés divulgués ou analysés quant à leur effet thérapeutique ou à leur toxicité. Je rappelle que le brevet 875 ne divulgue aucun avantage particulier associé à l’isomère dextrogyre de ce racémate, une fois isolé, ni aucun avantage découlant de l’utilisation du bisulfate de l’isomère dextrogyre. Il n’établit aucune différence entre les propriétés du racémate, celles de l’isomère dextrogyre et celles de l’isomère lévogyre, non plus qu’entre les avantages des autres composés synthétisés, analysés ou dont il prédit l’efficacité.

[80] En revanche, le brevet 777 revendique l’invention de l’isomère dextrogyre du racémate, le clopidogrel et de son bisulfate, divulgue leurs avantages par rapport à l’isomère lévogyre et au racémate, et énonce expressément le procédé de séparation des isomères du racémate.

v. Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée dans le brevet 777, ces différences constituent-elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent-elles une quelconque inventivité?

[81] La question est maintenant de savoir si la nature de l’invention en cause justifie l’application du critère de l’« essai allant de soi ». La découverte de l’isomère dextrogyre et de son bisulfate est issue de l’expérimentation. Il y avait des variables interdépendantes avec lesquelles M. Badorc devait faire des expériences. L’application du critère de l’« essai allant de soi » en l’espèce rendrait recevable le témoignage des témoins experts sur la découverte des avantages de l’isomère dextrogyre et de son bisulfate ainsi que sur leurs procédés d’obtention.

[82] On ne peut reprocher quoi que ce soit à l’analyse que le juge de première instance a cru bon d’effectuer. Cependant, il aurait dû en outre permettre l’application — justifiée en l’espèce — du critère de l’« essai allant de soi ».

[83] Les considérations suivantes sont donc pertinentes à cette quatrième étape de l’examen portant sur l’évidence.

(1) Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux?

[84] Comme je le fais remarquer précédemment, le juge Shore conclut que la personne versée dans l’art n’aurait pu savoir que l’isomère dextrogyre présentait des avantages différents de ceux du racémate et de l’isomère lévogyre avant d’isoler les isomères du racémate et d’analyser chacun d’eux (par. 81). Il ajoute que la personne versée dans l’art n’aurait pu connaître les avantages du bisulfate avant de combiner les différents sels avec l’isomère dextrogyre (par. 82).

[85] La seule existence de procédés connus permettant d’isoler les isomères d’un racémate ne signifie pas qu’une personne versée dans l’art y recourerait nécessairement. Il n’est d’ailleurs pas tenu compte de l’existence de tels procédés lorsqu’aucun élément n’établit qu’il allait plus ou moins de soi d’y recourir. Il est vrai que, selon la preuve, à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su que les avantages d’un racémate pouvaient différer de ceux de ses isomères. Toutefois, la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur et des connaissances générales courantes, ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.

(2) Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention?

[86] Je le rappelle, le juge de première instance a conclu que cinq techniques connues permettaient d’isoler les isomères du racémate. Il a aussi estimé que rien n’établissait qu’à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su laquelle aurait fonctionné pour le racémate en cause. Suivant la preuve, une personne versée dans l’art aurait fini par trouver la bonne.

[87] Comme je l’ai déjà signalé, le juge Shore a par ailleurs conclu qu’aucun élément n’établissait qu’à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait connu les avantages des isomères avant de les séparer du racémate et de les analyser, même si ces avantages pouvaient être découverts. Suivant la preuve, en recourant à des techniques connues, il était possible de découvrir les avantages de différents sels pharmaceutiquement acceptables combinés avec l’isomère dextrogyre.

[88] Cependant, pour ce qui est de savoir s’il « allait de soi » de tenter de découvrir l’invention, une fois prise la décision d’isoler l’isomère dextrogyre, les méthodes pour y parvenir étaient connues, celles permettant d’analyser les avantages des isomères étaient également connues et le procédé pour déterminer les avantages des sels combinés avec l’isomère l’était lui aussi.

[89] Selon l’affidavit du Dr Badorc, les travaux entrepris en novembre 1985 pour découvrir l’invention visée par le brevet 777 se sont poursuivis jusqu’en avril 1986, et le témoin connaissait déjà l’invention protégée par le brevet 875. Il aurait pu être nécessaire de recourir à cinq méthodes de séparation du racémate avant de déterminer les avantages de l’isomère dextrogyre. Comme pour l’antériorité, on pourrait déduire que s’il avait été appelé à trancher cette question, le juge aurait conclu qu’il ne s’agissait pas d’essais courants, mais bien d’une expérimentation longue et ardue. Quoi qu’il en soit, dans la présente affaire, il s’agit d’un élément négligeable étant donné la conclusion que je tire concernant l’ensemble de la démarche analysée ci-après au par. 91.

(3) L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet 777?

[90] Le secteur pharmaceutique est sans conteste extrêmement concurrentiel. Les entreprises sont toujours à l’affût de médicaments nouveaux et améliorés qu’elles veulent commercialiser dès que possible. La demande d’un antiplaquettaire efficace et non toxique peut donc être présumée. Toutefois, ni le brevet 875 ni ses connaissances générales courantes ne donnaient à la personne versée dans l’art un motif de rechercher l’objet du brevet 777. Le brevet antérieur était un brevet de genre, de sorte qu’une sélection était prévisible. Il n’établissait cependant pas de distinction entre les composés quant à leur efficacité et à leur toxicité, ce qui donne à penser que ce qu’il y avait lieu de retenir ou d’omettre n’était alors pas évident pour la personne versée dans l’art.

(4) Quelle démarche a mené à l’invention?

[91] L’affidavit du Dr Badorc révèle que plusieurs années avant novembre 1985, Sanofi était à mettre au point la forme salifiée du racémate. En novembre 1985, le racémate a fait l’objet d’essais cliniques préliminaires chez l’humain. C’est alors qu’on a demandé au Dr Badorc d’isoler les isomères du racémate. Après la découverte de l’activité et de la non-toxicité de l’isomère dextrogyre et de la non-activité et de la toxicité de l’isomère lévogyre, les travaux de Sanofi ont porté non plus sur le racémate, mais sur l’isomère dextrogyre. Cette décision a toutefois été prise après que Sanofi eut « consacré des millions de dollars et des années de travaux à la mise au point [du racémate] et à la tenue d’essais cliniques préliminaires chez l’humain » sans au moins tenter de déterminer si l’isomère dextrogyre avait des avantages par rapport au racémate (affidavit du Dr Badorc, par. 25). Ce témoignage n’a pas été contredit.

(5) L’invention visée par le brevet 777 « allait-elle de soi »?

[92] Les moyens de parvenir à l’objet du brevet 777 faisaient partie des connaissances générales courantes. On peut supposer qu’il existait un motif de chercher un produit efficace et non toxique inhibant l’agrégation des plaquettes dans le sang. Cependant, ni le brevet 875 ni les connaissances générales courantes ne rendaient évidents les propriétés de l’isomère dextrogyre du racémate ou les avantages du bisulfate, de sorte qu’il n’était pas évident que l’essai serait fructueux. Les efforts et le temps consacrés démontrent qu’il n’était pas possible de prédire rapidement ou aisément l’avantage que présentait l’isomère dextrogyre. S’il était allé de soi d’isoler l’isomère dextrogyre, il est difficile de croire que Sanofi ne l’aurait pas fait au lieu de consacrer en vain temps et argent au racémate. Je conclus que l’art antérieur et les connaissances générales courantes des personnes versées dans l’art à l’époque considérée n’étaient pas suffisantes pour qu’il aille plus ou moins de soi de tenter d’isoler l’isomère dextrogyre.

f) Conclusion sur le caractère évident

[93] Je le répète, le brevet de genre 875 se distinguait sensiblement du brevet de sélection 777. La différence n’était pas évidente. Eu égard à l’analyse qui précède, je conclus que l’allégation d’évidence n’est pas fondée.

[Soulignement ajouté, sauf pour les mots soulignés dans l’original.]

[206] Dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême a établi de nouveaux principes juridiques en matière de droit des brevets pour le Canada. La Cour suprême a conclu qu’il peut y avoir des circonstances dans lesquelles une analyse de l’essai allant de soi pourrait être effectuée – l’essai allant de soi n’était pas un élément accepté du critère de l’évidence auparavant.

[207] J’observe que la Cour suprême a fourni une orientation quant à l’essai allant de soi dans l’arrêt Sanofi au début de son analyse :

[64] Cependant, la notion d’« essai allant de soi » commande la prudence. Ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. Elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie.

[65] La seule inclusion possible de quelque chose dans un programme de recherche dans l’optique d’en apprendre davantage et de faire une découverte ne suffit pas. S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux.

[…]

J’estime que la notion d’« essai allant de soi » n’est applicable que lorsqu’il est très clair ou, pour reprendre les termes employés par le lord juge Jacob, qu’il est plus ou moins évident, que l’essai sera fructueux.

[66] Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas.

[208] Selon l’orientation fournie dans l’arrêt Sanofi, la notion d’essai allant de soi « commande la prudence. » La notion d’essai allant de soi « […] n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. » La Cour suprême a ajouté que la notion d’essai allant de soi « […] ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. » Elle a fourni aussi un contexte pertinent quant à ces principes, au paragraphe 64 : « Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie. »

[209] Au paragraphe suivant, le paragraphe 65, la Cour suprême a confirmé ce qui suit : [traduction] « La seule inclusion possible de quelque chose dans un programme de recherche dans l’optique d’en apprendre davantage et de faire une découverte ne suffit pas. S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux. »

[210] Elle a résumé ces paramètres en ces termes au paragraphe 66 : « Pour conclure qu’une invention résulte d’un « essai allant de soi », le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas. »

C. Décisions de la Cour d’appel fédérale, dont Atazanavir et Beloit

[211] La Cour d’appel fédérale a traité de l’analyse de l’essai allant de soi dans plusieurs jugements postérieurs à l’arrêt Sanofi.

[212] Dans l’affaire Pfizer c Apotex, 2009 CAF 8, le juge Noël pour la Cour d’appel fédérale a rejeté la thèse, avancée sur le fondement du droit anglais, selon laquelle le critère est rempli si l’état de la technique indique que « quelque chose peut fonctionner » et s’il existe une motivation telle qu’elle puisse faire que cette voie « valait la peine » d’être explorée :

[45] Au contraire, le critère qu’applique le juge Laddie apparaît rempli si l’état de la technique indique que quelque chose peut fonctionner et s’il existe une motivation telle qu’elle puisse faire que cette voie « valait la peine » d’être explorée (décision Pfizer Ltd., au paragraphe 107, citée au paragraphe 42 ci-dessus). À cet égard, on peut dire d’une solution qu’elle « valait la peine » d’être explorée même si elle n’est pas un « essai allant de soi » ou, pour reprendre les mots du juge Rothstein, même si elle n’« allait [pas] plus ou moins de soi » (Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 66). À mon avis, cette approche fondée sur la chance que quelque chose puisse fonctionner a été expressément rejetée par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo, au paragraphe 66.

[Non souligné dans l’original.]

[213] Dans l’affaire Novartis, ayant cité l’arrêt Sanofi, le juge Hughes a commenté la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Sanofi-Aventis c Apotex Inc, 2013 CAF 186 (Plavix 2) :

[64] La Cour d’appel fédérale a récemment appliqué ces principes dans l’arrêt Sanofi-Aventis c Apotex Inc, 2013 CAF 186, dans lequel elle conclut que le juge de première instance a erré en concluant que, si les techniques nécessaires pour en arriver à la prétendue invention existaient, l’invention elle-même était évidente. Le juge Pelletier (avec qui le juge Noël était d’accord) a écrit aux paragraphes 73 et 74 :

73 La Cour suprême a expliqué, en tenant compte de ces faits, en quoi la séparation du racémate ne constituait pas un essai allant de soi. Estimant que le fait que les méthodes de séparation soient connues ne signifiait pas nécessairement qu’une personne versée dans l’art les appliquerait. La Cour suprême a donné les explications suivantes :

Il est vrai que, selon la preuve, à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su que les avantages d’un racémate pouvaient différer de ceux de ses isomères. Toutefois, la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur et des connaissances générales courantes, ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.

Plavix, précité, au paragraphe 85

Il n’établissait cependant pas de distinction entre les composés quant à leur efficacité et à leur toxicité, ce qui donne à penser que ce qu’il y avait lieu de retenir ou d’omettre n’était alors pas évident pour la personne versée dans l’art.

Plavix, précité, au paragraphe 90

74 Il appert de cet examen de l’arrêt Plavix, précité, de la Cour suprême que l’élément essentiel de l’analyse relative à l’« essai allant de soi » est l’ignorance des propriétés associées aux énantiomères des composés du brevet 875, y compris le racémate dont le clopidogrel est issu. À défaut de les connaître, il n’allait pas de soi de tenter de résoudre le racémate, ou tout autre composé, afin d’obtenir l’énantiomère possédant ces attributs avantageux.

[Non souligné dans l’original.]

[214] Dans l’affaire Eli Lilly c Mylan, 2015 CAF 286, la Cour d’appel fédérale, au paragraphe 4 des motifs du juge Dawson, a refusé d’accepter que le critère de l’évidence consiste « à savoir si la personne versée dans l’art avait de bonnes raisons de chercher des solutions prévisibles ou des solutions offrant des [traduction] “chances raisonnables de succès” ». La Cour d’appel fédérale a plutôt affirmé, au paragraphe 4, que « […] le critère approprié, et le critère qui devrait être appliqué par la Cour fédérale, est celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc. . Sanof-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, [2008] 3 R.C.S. 265, au paragraphe 66 : « Pour conclure qu’une invention résulte d’un ‘essai allant de soi’, le tribunal doit être convaincu selon la prépondérance des probabilités qu’il allait plus ou moins de soi de tenter d’arriver à l’invention. La seule possibilité d’obtenir quelque chose ne suffit pas. »

[215] Peu avant l’audience tenue en l’espèce, la Cour d’appel fédérale a rendu le jugement Bristol-Myers Squibb Canada Co c Teva Canada Ltée, 2017 CAF 76 [Atazanavir]. Les parties ont renvoyé à l’affaire Atazanavir dans leurs observations.

[216] Dans l’affaire Atazanavir, le juge Pelletier, pour la Cour d’appel fédérale, s’est penché sur l’examen de l’évidence et sur la doctrine de l’essai allant de soi. La Cour d’appel a confirmé que la caractéristique novatrice de la décision rendue par la Cour suprême dans Sanofi en ce qui concerne l’évidence réside dans son adoption du critère de l’« essai allant de soi » [au paragraphe 34].

[217] Au paragraphe 38, la Cour a affirmé que « […] la Cour suprême s’est empressée d’ajouter que “la notion d’essai allant de soi commande la prudence” parce que ce “n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence” : Plavix 1, au paragraphe 64. »

[218] La Cour d’appel fédérale a confirmé ce qui suit :

[60] Il est raisonnable de conclure, à la lumière de ces mises en garde, que le critère de l’« essai allant de soi » n’a pas supplanté tout autre examen de l’évidence. En fait, c’est ce que notre Cour a conclu dans l’arrêt Wenzel Downhole Tools Ltd. c National-Oilwell Canada Ltd., [2014] 2 R.C.F. 459, 2012 CAF 333, au paragraphe 105.

[219] Dans ce contexte, la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Atanazavir a aussi mentionné l’examen relatif à l’évidence, antérieur à l’arrêt Plavix, qu’elle a formulé dans l’affaire Beloit Canada Ltée. c Valmet-Dominion Inc. (1986), 64 N.R. 287, 8 C.P.R. (3 d) 289, à la page 294, (CAF) [Beloit] :

61. Même si la Cour suprême a accepté le critère de l’« essai allant de soi » à titre d’approche à l’égard de l’examen de l’évidence, il demeure possible d’appliquer d’autres critères, y compris le critère de l’arrêt Beloit, sous réserve des mises en garde de la Cour suprême contre une application « sans égard au contexte » de ce critère, ou d’ailleurs de tout autre critère.

[220] Le critère Beloit, mentionné dans l’affaire Atanazavir, exposait l’examen de l’évidence établi précédemment :

La pierre de touche classique de l’évidence de l’invention est le technicien versé dans son art, mais qui ne possède aucune étincelle d’esprit inventif ou d’imagination; un parangon de déduction et de dextérité complètement dépourvu d’intuition; un triomphe de l’hémisphère gauche sur le droit. Il s’agit de se demander si, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, cette créature mythique (monsieur Tout-le-monde du domaine des brevets) serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet.

[221] La Cour d’appel fédérale a conclu que l’arrêt Sanofi n’avait pas modifié la définition de l’évidence :

[65] Il pourrait être utile de garder à l’esprit que l’analyse de l’évidence vise à vérifier si la personne versée dans l’art peut rapprocher deux points dans le perfectionnement de la technique en se fondant uniquement sur ses connaissances générales courantes. Si tel est le cas, il y a évidence. Le premier de ces points concerne l’état de la technique à la date pertinente. Dans la jurisprudence, les mentions du « concept inventif », de la « solution enseignée par le brevet », de « ce qui est revendiqué » ou simplement de « l’invention » tentent de définir le second point.

Avant l’arrêt Plavix no 1, la jurisprudence suivait l’arrêt Beloit et appelait le second point la « solution enseignée par le brevet », ce qui était souvent considéré comme le synonyme de « ce qui est revendiqué dans le brevet » ou « l’invention » : Cie pharmaceutique Proctor & Gamble Canada Inc. c Canada (Ministre de la Santé), [2005] R.C.F. 269, 2004 CAF 393, au paragraphe 47; Pfizer Canada Inc. c Ministre de la Santé, 2007 CAF 209, au paragraphe 133; Novopharm Limited c Janssen‑Ortho Inc., 2007 CAF 217, au paragraphe 25. La question est celle de savoir si le « concept inventif » visait à redéfinir le second point tel qu’il était interprété avant l’arrêt Plavix no 1. je souligne que, dans le passage de l’arrêt Pozzoli précité, la Cour d’appel d’Angleterre n’a pas estimé que le « concept inventif » avait changé quelque chose d’essentiel. Si les parties ne peuvent pas s’entendre, on peut l’oublier. Elle s’est ensuite exprimée ainsi, au paragraphe 19 de ses motifs : [traduction] « En fin de compte, ce sont les différences entre ce qui est revendiqué et l’art antérieur qui comptent. » Il s’agit essentiellement de l’état du droit canadien avant l’arrêt Plavix no 1.

[67] Est‑il vrai que la modification de l’un des deux points auxquels j’ai fait référence plus tôt équivaut à modifier la définition de l’évidence? Étant donné que l’évidence porte sur la question de savoir si le passage de l’art antérieur au second point exige l’inventivité, la modification du second point aura une incidence sur la difficulté du passage, ce qui rend l’inventivité plus ou moins probable. Dans ce cas, peut‑on raisonnablement conclure que la Cour suprême entendait modifier la définition de l’analyse de l’évidence lorsqu’elle a adopté, sans aucun commentaire, le cadre Windsurfing/Pozzoli? Est‑il probable que la Cour suprême, après avoir pris grand soin lors de la modification du critère de l’évidence, modifierait la définition de l’évidence sans le dire?

[68] Je suis porté à croire que la Cour suprême ne modifie pas implicitement le droit de fond, surtout qu’elle a adopté une approche prudente à l’égard du changement dans le même contexte : voir Apotex Inc. c Eli Lilly Canada Inc., 2016 CAF 267, 142 C.P.R., (4th) 171, au paragraphe 37.

[Non souligné dans l’original.]

[222] Dans l’affaire Atanazavi, la Cour d’appel fédérale a précisé la définition de « concept inventif » [et voir, à cet égard, le paragraphe 65 qui vient d’être cité plus haut] :

[75] Pour les motifs exposés ci‑dessus, je conclus que le « concept inventif » ne diffère pas sensiblement de « la solution enseignée par le brevet ». Si la Cour fédérale avait appliqué cette définition aux faits, elle aurait conclu que le concept inventif dans la présente affaire est le bisulfate d’atazanavir, un sel pharmaceutiquement acceptable de l’atazanavir, parce que sa biodisponibilité est égale ou supérieure à celle de la base libre d’atazanavir. La biodisponibilité limitée de l’atazanavir était la source de la motivation pour trouver la solution. Le fait que la revendication no 2 du brevet 736 revendique une forme posologique pharmaceutique du bisulfate d’atazanavir de type I confirme qu’il convient à des fins pharmaceutiques.

D. Analyse de l’évidence

[223] Ayant ces principes à l’esprit, je procède à l’analyse de l’évidence établie par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi.

1. a) Identifier la « personne théorique versée dans l’art »

[224] Un brevet est destiné à « la personne moyennement versée dans l’art » [la personne versée dans l’art], que j’ai déjà définie en ces termes :

[38] Un brevet est traité selon cette notion de la personne versée dans l’art, qui est « censée être dépourvue d’imagination et d’esprit inventif, posséder néanmoins un degré moyen de compétence et de connaissances accessoires au domaine dont relève le brevet […] et faire preuve d’une diligence raisonnable pour se tenir au courant des progrès dans ce domaine » AstraZeneca Canada Inc. c Apotex inc., 2014 CF 638, au paragraphe 51 (citant Merck & Co., Inc. c Pharmascience Inc., 2010 CF 510, aux paragraphes 34 à 40), confirmé par 2015 CAF 158. Le libellé « dépourvue d’imagination et d’esprit inventif » est tiré de Beloit Canada Ltée c Valmet OY (1986), 8 C.P.R. (3d) 289 (CAF) [Beloit], où la Cour d’appel fédérale fait référence au « technicien qualifié mais peu imaginatif », et dans l’arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, au paragraphe 81, où la Cour suprême fait référence à l’inventivité comme étant étrangère à la personne versée dans l’art dans l’analyse portant sur l’évidence. À mon avis, la Cour fédérale a retenu ces notions lors de son interprétation du technicien qualifié en droit des brevets : AstraZeneca Canada Inc. c Apotex inc., 2014 CF 638 au paragraphe 51 (le juge Rennie, tel était alors son titre) (citant Merck & Co., Inc. c Pharmascience Inc., 2010 CF 510, aux paragraphes 34 à 40 (le juge Hughes)), conf. par 2015 CAF 158 (la juge Dawson).

Gilead Sciences, Inc c Canada (Santé), 2016 CF 856.

[225] En l’espèce, les parties avancent les thèses ci-après concernant les qualités que possède la personne versée dans l’art, qui, en l’occurrence, serait une personne ou une équipe de personnes :

Thèse de Pfizer : Le brevet 668 est destiné aux personnes versées dans les arts de la chimie des solides, de la formulation et du développement pharmaceutiques, de la pharmacologie et de la pharmacocinétique.

Thèse d’Apotex : Le brevet 668 porte sur la chimie des solides, la formulation et le développement pharmaceutiques, la pharmacologie, la pharmacocinétique et le traitement des maladies. Par définition, le destinataire versé dans l’art serait versé dans ces domaines.

[226] Je tiens pour acquis qu’une personne versée dans l’art est versée dans ses domaines respectifs. Par conséquent, le désaccord des parties se limite à la question de savoir si la personne versée dans l’art serait versée dans le traitement des maladies, selon la prétention d’Apotex, avec laquelle Pfizer est en désaccord. M. Parr, d’Apotex, était toutefois d’accord pour dire que [traduction] « le brevet 668 n’est pas nécessairement destiné à un médecin en titre », et a ajouté que les scientifiques du domaine pharmaceutique comprennent qu’ils visent à formuler un ingrédient actif de façon à lui permettre d’être à la fois efficace d’un point de vue thérapeutique et sûr lors de son usage dans des conditions cliniques. M. Parr a affirmé lors de son contre-interrogatoire qu’il était possible qu’aucun médecin en titre ne fasse partie d’une équipe de personnes versées dans l’art. En fait, le seul expert possédant un diplôme en médecine (le Dr Blier, de Pfizer) a déclaré qu’il n’est pas nécessaire que la personne versée dans l’art possède une expertise médicale. Le Dr Blier a ajouté que [traduction] « de façon générale, les docteurs en médecine s’intéressent au traitement des patients en milieu clinique et non pas à la formulation de médicaments – il s’agit là du travail d’une personne versée dans l’art de la pharmacie. » Je suis du même avis.

1. b) Déterminer les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art

[227] Les parties ne s’entendent pas sur ce que sont les connaissances générales courantes pertinentes de la personne versée dans l’art.

[228] À mon avis, à compter de février 2001, les méthodes et les techniques générales de production de sels et de cristaux, et de préparation de formes pharmaceutiques à libération continue, étaient connues et publiées. La personne versée dans l’art saurait que l’ODV avait été divulgué comme étant un métabolite actif de la venlafaxine et appartenant à la catégorie des composés dans plusieurs brevets, y compris le brevet US 186, le brevet international 551 et le brevet CA 540. Elle saurait aussi que l’ODV était utile dans le traitement de la dépression. L’antériorité a divulgué l’ODV tant de forme libre que sous la forme saline d’un fumarate, et une personne versée dans l’art saurait que d’autres sels pharmaceutiquement acceptables (y compris le succinate, parmi au moins onze (11) autres sels indiqués dans le brevet US 186, à la colonne 2, ll. 35 et suivantes; les onze mêmes sels ont été indiqués dans le brevet CA 540; le brevet international 851 énumérait vingt-six autres sels non toxiques pharmaceutiquement acceptables susceptibles d’être amenés à réagir pour former des sels d’ODV.

[229] Pfizer a toutefois raison de dire que, bien que l’antériorité ait divulgué explicitement l’ODV sous forme libre et sous la forme saline d’un fumarate, et le succinate d’ODV en tant que sel éventuel, aucune forme cristalline de ce sel, et encore moins le succinate d’ODV de forme I cristalline, n’avait été divulguée, produite ou caractérisée explicitement. De plus, aucune antériorité n’a démontré la préparation fructueuse d’un sel sous la forme du succinate d’ODV, ni, ce qui est plus important en l’espèce, la préparation fructueuse du succinate d’ODV de forme I, et aucune antériorité n’a divulgué l’une des propriétés ni le succinate d’ODV ou le succinate d’ODV de forme I.

[230] À mon avis, les expériences requises pour passer de sels pharmaceutiquement acceptables au succinate d’ODV de forme I étaient très nombreuses, comme l’a indiqué M. Myerson au paragraphe 102 de son affidavit, et de la nature d’un programme de recherche plutôt que de travaux d’expérimentation courants. Même si une personne versée dans l’art peut avoir eu certaines attentes générales concernant les sels qui peuvent se former, ces attentes étaient théoriques et les éléments de preuve démontrent que des essais empiriques étaient requis pour établir si un sel pouvait être produit, et que ce n’est qu’alors que ses propriétés pouvaient être évaluées. Il était impossible de prédire lesquels de nombreux sels possibles, le cas échéant, auraient les propriétés les mieux indiquées pour être formulés en tant que drogue en ce qui concerne la stabilité, la solubilité, la perméabilité et la biodisponibilité. La connaissance de l’antériorité des cristaux était sensiblement la même : la personne versée dans l’art ne saurait pas et ne pourrait pas prédire quel sel se cristalliserait ni les propriétés que la forme cristalline éventuelle présenterait. On n’aurait pas su à l’avance que le succinate, ou que le succinate d’ODV de forme I cristalline, selon la formulation du critère Sanofi, « fonctionnerait. »

[231] La personne versée dans l’art savait aussi que même le fait de réussir à produire un sel n’était qu’une partie de l’énigme; elle savait qu’on tentait normalement d’obtenir un solide cristallin stable pour la préparation de sels pharmaceutiques afin de les formuler en médicaments pharmaceutiques. Il n’était toutefois ni su ni prévisible si une tentative de formation de sels en particulier produirait ou non des cristaux. Les personnes versées dans l’art ne sauraient pas à l’avance la façon dont un solide cristallin (éventuel) d’un composé donné pourrait être produit, le nombre de formes cristallines de ce composé qui pourrait exister (y compris les formes hydratées et solvatées), ce que seraient ces formes ou les propriétés qu’elles posséderaient. Elles sauraient que certains sels pourraient se cristalliser et que certains pourraient donner des formes amorphes, mais elles sauraient aussi que d’autres sels ne formeraient pas de cristaux.

[232] La personne versée dans l’art connaîtrait de façon générale l’existence du criblage de formes cristallines et polymorphes et, comme l’expert d’Apotex l’a dit, que le criblage cristallin et polymorphe était un travail [traduction] « spécialisé » qui devait être réalisé. Comme Mme Park l’a déclaré, le criblage des polymorphes ne constituait pas un travail courant, était difficile et, selon son expérience, exigeait de la compétence et du jugement. On ne pouvait pas prédire au début d’un criblage de formes polymorphes le nombre de formes solides qui seraient détectées, ce qu’elles seraient, ni quelles formes solides résulteraient d’une méthode ou de conditions données. Par conséquent, comme Mme Park l’a déclaré sur la foi de son expérience, et comme M. Myerson l’a déclaré en tant que témoin expert en la matière, ce procédé nécessite souvent la réalisation de nombreuses expériences et analyses, et le recours à la stratégie et au jugement pour prendre des décisions sur la façon de procéder en fonction des résultats obtenus de sorte que le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.

[233] Je retiens le témoignage rendu de M. Myerson à l’égard des criblages de sels et du criblage de formes cristallines et polymorphes. M. Myerson était professeur en pharmacie industrielle et en pharmaceutiques au MIT. À mon avis, son témoignage était complet et crédible. Il possède ce que j’estime être une très vaste expérience de l’enseignement universitaire et de la recherche en cristallisation industrielle et en cristallisation des solides pharmaceutiques – les questions en cause à l’égard du succinate d’ODV de forme I. Son témoignage à l’égard du procédé de criblage des cristaux et des polymorphes est corroboré par le témoignage rendu par Mme Park de son expérience, que j’ai retenu et qui est exposé aux paragraphes 126 et suivants des présents motifs. Je suis conscient que Mme Park compte parmi les inventeurs désignés du brevet 668, mais cela n’enlève rien à son témoignage.

[234] M. Myerson a déclaré ce qui suit :

[traduction] Choix d’un sel indiqué

72. Afin d’établir si un composé peut former des sels et, le cas échéant, de détecter les sels les mieux indiqués d’un composé actif donné pour le développement, les scientifiques tenteront de produire et de mettre à l’essai un certain nombre de sels différents et en examineront les propriétés dans le cadre d’un procédé appelé « criblage des sels ». Si le composé actif est une base, un criblage des sels visera à découvrir un acide qui pourrait former un sel avec cette base libre. En revanche, si le composé actif est acide, le criblage des sels consiste à découvrir une base qui peut former un sel avec l’acide libre.

73. Au cours d’une expérience de criblage des sels pour une base libre, les scientifiques dissoudront la base libre et un catalyseur de sel acide éventuel et tenteront de précipiter un sel à partir du mélange en modifiant les conditions du système. Ces expériences nécessitent le recours à différentes conditions de concentration et de température et à différents solvants et mélanges de solvants. Les expériences étaient répétées pour chaque contre-ion possible (c.-à-d., l’acide).

74. Le criblage des sels a pour objet principal d’établir si les sels du composé peuvent être préparés avec les différents contre-ions à l’étude, si le sel formé est cristallin et si la forme est stable. Le choix d’acides (ou de bases) possible pour la formation de sels pharmaceutiques peut être vaste. Il ne se limite aux contre-ions déjà utilisés dans des produits pharmaceutiques approuvés, mais comprendrait tout acide présent dans la nourriture ou les boissons qui sont généralement considérées comme sans danger.

75. Le choix des sels et le procédé de formation sont hautement imprévisibles. En effet, on ne peut pas prédire avant de tenter effectivement de former un sel si un composé médicamenteux actif donné produira un sel en réagissant avec un acide donné ou une base donnée ni ce que seront les propriétés de ce sel.

76. Une fois un sel détecté avec un contre-ion donné, ce sel est alors habituellement soumis au criblage d’une forme solide (polymorphe), qui consiste en une autre gamme d’expériences menées dans un éventail de conditions pour établir les formes cristallines qui existent, le cas échéant, pour ce sel donné.

77. La forme solide d’une forme saline donnée peut avoir une incidence importante sur un certain nombre de propriétés physiques et chimiques de l’IPA, y compris la solubilité, le taux de dissolution, la stabilité chimique, l’hygroscopicité, la forme des cristaux et les caractéristiques de fabrication et de traitement. Les scientifiques ne peuvent pas prédire l’incidence que la formation d’une forme solide donnée d’un sel aura sur ces propriétés avant la formation réussie et l’analyse du sel et de ses formes solides. Il n’est donc pas possible de prédire avant de produire effectivement le sel si sa formation donnera une forme solide (cristalline ou amorphe), encore moins une forme solide dont les propriétés sont plus souhaitables que celles de la forme libre ou d’autres formes salines de la drogue.

Solides cristallins ou amorphes

78. Les cristaux sont des solides ayant une structure régulière et périodique composée d’atomes ou de molécules formant un motif répété qui s’étend dans trois dimensions. Lorsque les cristaux sont formés lentement et soigneusement, ils ont normalement des faces planes (surfaces plates qui s’étendent dans différentes directions) qui se voient à l’œil nu. Ces faces planes peuvent être observées en examinant à la loupe une matière courante comme le sel blanc. Elles peuvent être observées aussi dans les beaux échantillons de minéraux qui sont souvent exposés dans les musées.

79. Les matières cristallines ne présentent pas toutes ces faces planes évidentes. Les matières telles que l’acier, le béton, les os et les dents sont composées de petits cristaux qui sont perceptibles à la lumière ou sous un microscope électronique. D’autres matières encore, telles que le bois, la soie, les cheveux et de nombreux polymères solides (les plastiques), ne sont que partiellement cristallines ou ont des régions cristallines.

80. Les solides qui ne sont pas cristallins et qui ne respectent aucun ordre à grande distance – par exemple, le verre – sont dits amorphes. Les solides amorphes sont souvent (mais pas toujours) moins stables d’un point de vue chimique que les solides cristallins (une propriété qui n’est pas souhaitable dans un produit pharmaceutique). Ils sont habituellement plus solubles que les matières cristallines (une propriété souhaitable dans un produit pharmaceutique). Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un composé pourrait former un solide amorphe, plutôt qu’un solide cristallin. Une raison courante est la présence d’impuretés qui bloquent la formation du réseau cristallin (voir l’explication ci-dessous). Les matières peuvent aussi être des mélanges de solides cristallins et amorphes. Par exemple, un échantillon peut être en grande partie amorphe et contenir certains cristaux, et vice versa.

81. Les cristaux sont constitués de molécules qui interagissent entre elles pour former différents types de liaisons chimiques. Elles sont habituellement classées comme liaisons ioniques, covalentes, métalliques, de Van der Waals ou hydrogènes, les trois premières liaisons étant plus solides que les deux dernières. Les molécules organiques (des molécules contenant du carbone) forment des cristaux communément appelés cristaux moléculaires, dans lesquels les molécules sont tenues ensemble sous forme cristalline par des forces d’attraction de van der Waals faibles.

82. La structure interne d’un cristal moléculaire, appelée structure cristalline ou réseau cristallin, dépend de la position des molécules par rapport aux autres dans un espace tridimensionnel. Différents sels du même composé d’origine présenteront différentes structures cristallines, parce qu’ils seront constitués de différentes molécules.

83. Le procédé de formation des cristaux est appelé cristallisation. La cristallisation à partir d’une solution est la méthode de cristallisation la plus courante. Selon cette méthode, la cristallisation est provoquée en modifiant l’état du système pour réduire la solubilité de la substance d’intérêt. L’état peut être modifié par le refroidissement, l’évaporation du solvant, la modification de la composition du solvant, une réaction chimique ou la modification du pH. La modification de l’état donne lieu à la formation d’un solide cristallin au moyen de procédés appelés communément nucléation (la naissance de nouveaux cristaux) et croissance cristalline (l’obtention de noyaux de dimensions accrues).

84. La nucléation du cristal initial est imprévisible, et il est souvent difficile de cristalliser un nouveau composé synthétisé pour la première fois. Après l’obtention du cristal initial, il peut servir à faire « germer » des solutions visant à faciliter une plus ample cristallisation du composé. Dans certaines circonstances, l’étape de la nucléation peut être retardée presque indéfiniment. Par exemple, une solution de salicylate de phényle peut être conservée à l’état liquide pendant plusieurs années sans qu’aucune forme solide n’émerge de cette solution.

Polymorphisme

85. Certaines espèces chimiques peuvent se cristalliser en plus d’une seule structure cristalline tridimensionnelle. Ce phénomène s’appelle polymorphisme (ou allotropisme dans le cas d’une espèce qui est un élément, tel le carbone). Bien que le polymorphisme soit relativement courant parmi les molécules organiques, le fait qu’un composé particulier soit capable ou non de polymorphisme – et, s’il l’est, le nombre de polymorphes qui peuvent exister – ne peut pas être prédit et doit être établi de façon empirique (dans la mesure du possible).

86. Différents polymorphes de la même matière peuvent posséder des propriétés très différentes. Un exemple flagrant est celui du carbone, qui peut se cristalliser comme graphite ou comme diamant. Les propriétés de ces deux solides telles que la dureté, la densité, la conductivité électrique et la forme sont très différentes, même s’ils sont tous deux cristallins. Ces différences importantes dans les propriétés, entraînées par des différences dans la structure cristalline, ne sont pas propres au carbone; elles peuvent se produire dans toutes les matières qui présentent le polymorphisme. On compte parmi les propriétés qui varient normalement parmi les polymorphes la solubilité, le taux de dissolution et la pression de vapeur.

87. À une température donnée, un polymorphe sera la forme stable sur le plan thermodynamique (des polymorphes qui sont actuellement connus d’un composé donné). Cela ne signifie pas qu’aucun autre polymorphe ne peut exister dans ces conditions; cela signifie qu’un polymorphe est stable et que tout autre polymorphe qui est présent peut prendre la forme polymorphique stable avec le temps. Le rythme de cette transition, ou même si elle se produit, dépend de diverses conditions, telles que la température, la pression, la présence d’un solvant, la stabilité relative des formes cristallines et la solubilité des polymorphes.

[…]

Pseudo-polymorphisme

89. Les observations ci-dessus concernant la stabilité thermodynamique des polymorphes ne s’appliquent qu’aux formes solides à composant unique (polymorphes véritables). Les formes solides d’une autre catégorie associée sont appelées couramment pseudo-polymorphes.

90. Le pseudo-polymorphisme désigne la capacité de certains composés de se cristalliser pour former une structure dont le réseau cristallin contient un solvant. Ces cristaux sont appelés couramment solvates. Un solvate dans lequel le solvant est l’eau est habituellement appelé hydrate. Pour un pseudo-polymorphe donné, le rapport entre le nombre de molécules de solvant et le nombre de molécules de l’espèce chimique elle-même est habituellement fixe. On appelle ce rapport la stœchiométrie. Ces formes sont appelées pseudo-polymorphes parce que, bien qu’elles concernent les mêmes composés, leur structure contient aussi des molécules de solvant.

91. Chaque pseudo-polymorphe d’une stœchiométrie donnée peut lui-même comporter des polymorphes, de sorte qu’un composé peut comporter des polymorphes du composé lui-même (composant unique). De plus, si le composé présente, par exemple, une forme monohydratée et une forme dihydratée, chacune de ces formes peut aussi comporter des polymorphes.

92. Différentes formes cristallines d’un IPA possèderont différentes propriétés et se distingueront aussi de la forme amorphe. De plus, les solvates et les hydrates possèderont aussi des propriétés qui se distinguent de celles des autres formes cristallines et qui se distinguent entre elles. Ces différences dans les propriétés des formes solides peuvent avoir une incidence importante sur la fabricabilité et sur le rendement du médicament.

93. La stabilité thermodynamique d’un composé se complique donc dans le cas de systèmes qui comportent plusieurs polymorphes et pseudo-polymorphes (et des polymorphes de pseudo-polymorphes). Les énoncés de stabilité doivent inclure à la fois la température et la présence d’un solvant. Par exemple, il faut préciser à la fois la température et la présence d’eau en parlant de la stabilité relative d’hydrates par rapport à une forme non hydratée (ou d’hydrates entre eux).

94. Comme dans le cas des différents polymorphes d’un composé donné, on ne saurait non plus prédire si un composé peut présenter ou non un ou plusieurs pseudo-polymorphes et, le cas échéant, en quoi ces pseudo-polymorphes peuvent consister. Le fait de connaître l’existence de polymorphes ou pseudo-polymorphes dans un composé ne renseigne pas utilement sur l’existence de polymorphes ou de pseudo-polymorphes dans un autre composé (même si les composés ont une structure semblable ou sont des sels différents de la même molécule).

[…]

Importance des polymorphes dans l’industrie pharmaceutique

98. Les modifications de l’état solide d’un composé peuvent se traduire par d’importantes différences dans ses caractéristiques chimiques et physiques. Ces différences peuvent avoir une incidence sur la fabricabilité, sur le rendement ou sur la qualité du médicament. Étant donné que de nombreux composés pharmaceutiques importants présentent le polymorphisme et le pseudo-polymorphisme (et peuvent donc exister sous différentes formes), l’étude de la forme cristalline d’un composé revêt une grande importance dans l’industrie pharmaceutique.

99. L’une des illustrations les mieux connues de l’importance du polymorphisme dans les produits pharmaceutiques concerne le médicament antirétroviral ritonavir (Norvir). En 1998, après l’approbation et la mise sur le marché du médicament, une forme plus stable et moins soluble est apparue dans la formulation qui a entraîné des défauts de dissolution des capsules à enveloppe molle. Le nouveau polymorphe étant moins soluble, une quantité inférieure du médicament était absorbée dans le sang, et la forme pharmaceutique contenue dans les capsules à enveloppe molle ne fonctionnait plus. Le produit a été retiré du marché parce que le procédé de fabrication ne parvenait plus à produire la fiabilité polymorphe souhaitée. Le fabricant a appris par la suite que la présence d’une faible impureté dans le procédé avait entravé la production d’une forme plus stable. Une fois cette impureté disparue, la forme plus stable – et moins soluble – a émergé. Le produit a fini par être reformulé au moyen du polymorphe plus stable et a été relancé de nouveau. Cet exemple démontre que, lors de l’évaluation de la stabilité d’un polymorphe, on ne peut indiquer qu’une forme donnée est la plus stable des formes découvertes à ce jour, puisque la découverte d’une nouvelle forme plus stable demeure possible.

100. De plus, la forme la plus stable d’un composé connu n’est pas nécessairement la forme qui possède les propriétés souhaitées. L’historique du paracétamol (connu aussi sous le nom d’acétaminophène) illustre les problèmes observés dans la définition du polymorphe qui convient aux formulations pharmaceutiques. Dans le milieu des années 1990, Wyeth a tenté pour la première fois d’utiliser la forme I, une forme stable sur le plan thermodynamique, dans les formulations pharmaceutiques. Sa structure cristalline présentait toutefois certaines propriétés qui rendaient sa formulation orale très dispendieuse et problématique à produire. D’autres polymorphes étaient difficiles à isoler et à produire sous une forme stable. Un polymorphe a été observé seulement lors d’expériences de fusion et a été déclaré instable à un point tel qu’aucun cristal n’avait pu être isolé à ce jour. Le troisième polymorphe, la forme II, avait été presque impossible à reproduire de façon stable pendant plus de 20 ans. Wyeth a consacré d’énormes ressources à cristalliser de façon fiable la forme II avant de constater que la forme II se transformait en la forme I s’il était permis qu’elle demeure en solution ou si elle était conservée sans être séchée, mais ne se transformait pas en la forme I si elle était moulue ou comprimée. Il s’agit d’un autre exemple de la façon dont les variations dans les conditions d’expérimentation ou de fabrication peuvent dissimuler l’existence d’autres polymorphes, y compris de ceux peuvent convenir mieux aux formulations pharmaceutiques que le polymorphe le plus stable du composé qui est connu.

101. De nos jours, la recherche de formes cristallines, dont les polymorphes, les solvates et les hydrates, est devenue un élément important du développement de nouveaux produits pharmaceutiques. Le criblage des polymorphes est un long processus qui ne permet pas de prédire la détection réussie d’une forme à l’état solide propre au développement. Le criblage de formes solides pour un composé donné peut nécessiter la réalisation de milliers d’expériences échelonnées sur de nombreux mois ou même sur une plus longue période. Il n’y a pas de méthode « normale » pour effectuer le criblage d’une forme solide et le nombre d’expériences, et les conditions essayées dépendent des choix de l’enquêteur et du temps prévu pour le criblage.

102. Bien que les méthodes générales de cristallisation sous différentes conditions et avec différents solvants étaient connues dans l’art à partir du début des années 2000, il existe un large éventail de combinaisons de variables, telles que les solvants, les mélanges de solvants, les températures, les taux de refroidissement, les taux d’évaporation, qui pouvaient servir à tenter de produire de nouvelles formes à l’état solide. Ainsi, le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.

103. Dans l’ensemble, à l’égard d’un composé donné, une personne versée dans l’art au début des années 2000 n’aurait pas pu prédire ce qui suit :

a) si elle pouvait produire une forme cristalline de ce composé;

b) dans l’affirmative, les efforts requis pour la réaliser;

c) en quoi consisteraient les propriétés du composé, y compris l’existence d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates de cette forme cristalline;

d) en cas d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates, dans quelles conditions ces polymorphes, solvates et hydrates pouvaient être préparés;

e) en quoi consisteraient les propriétés de n’importe lequel des polymorphes, solvates et hydrates.

104. Par conséquent, même si d’éventuelles formes solides sont découvertes, ces formes pourraient ne pas convenir à la formulation ou à la fabrication d’un médicament, et donc au développement d’un médicament. Les propriétés telles que l’hygroscopicité, la solubilité, la stabilité à l’état solide, la stabilité chimique et la forme des cristaux (entre autres) peuvent avoir une incidence sur la pertinence d’une forme solide.

105. Selon le résumé fourni dans une publication contemporaine à la date du brevet 668, [traduction] « la pertinence du polymorphisme est évidente, mais demeure un sujet qui n’est pas complètement ou largement compris à un niveau fondamental ». L’imprévisibilité inhérente de la forme solide cristalline a été reconnue dans une publication scientifique :

[traduction] Il n’est pas possible de prédire avec suffisamment de confiance la structure cristalline d’une matière organique […] L’éventail et la combinaison des conditions de croissance des cristaux sont presque infinis, et il n’y a aucune façon de garantir que des polymorphes additionnels seront préparés, et encore moins qu’ils seront « tous » produits.

Cette déclaration faite en 1993 est encore vraie, même de nos jours. D’autres sources contemporaines au brevet 668 soulignent de façon semblable le caractère imprévisible du développement de polymorphes.

[Non souligné dans l’original. Renvois omis.]

[235] Étant donné que ni le succinate d’ODV ni aucune autre de ses formes ou de ses propriétés, y compris le succinate d’ODV de forme I, n’étaient connus à partir de 2001, j’estime en toute déférence qu’une personne versée dans l’art n’aurait pas pu savoir, anticipé ni prédire les propriétés du succinate d’ODV de façon générale, ou du succinate d’ODV de forme I, ou, plus précisément, si ces propriétés étaient propices à la formulation d’une forme pharmaceutique à libération continue, et encore moins d’une forme présentant un profil pharmacocinétique précis.

[236] Cela reflète non seulement les éléments de preuve de Pfizer, mais aussi ceux d’Apotex.

[237] Le témoignage rendu par M. Bastin, d’Apotex, a confirmé que la personne versée dans l’art, même si elle procédait à un criblage des sels, ne connaîtrait pas à l’avance les sels qui résulteraient du criblage en examinant le brevet 186 et le brevet CA 540. De plus, ni l’un ni l’autre des brevets ne donnait à la personne versée dans l’art plus de renseignements que l’antériorité sur les sels d’ODV qui pouvaient être produits. De même, M. Bastin était d’accord pour dire que le brevet 851 ne contient aucune précision sur les sels qui sont nécessairement mentionnés.

[238] Les éléments de preuve ont confirmé encore une fois que le choix du bon sel peut être une tâche très difficile, qui, en toute déférence, nécessitait que l’on fasse preuve de jugement. On a demandé à M. Steed de se reporter à un article qui contenait l’observation suivante : [traduction] « [L]e choix du bon sel, cependant, peut être une tâche très difficile, puisque chaque sel procure des propriétés uniques au composant d’origine. » On a demandé à M. Steed s’il s’agissait de [traduction] « quelque chose que le lecteur versé dans l’art aurait constaté comme faisant partie de l’antériorité en 2001. » Est-ce exact? R. Oui, les mots clés étant ici « le choix », c’est-à-dire que faire un choix peut être une tâche difficile parce qu’il arrive souvent que différents facteurs de commercialisation dépendent d’une façon particulière dont un médicament est vendu. »

[239] Un autre article (Bighley) présenté à M. Steed était au même effet et contenait l’affirmation suivante : [traduction] « [B]ien que des tentatives aient été faites d’appliquer les principes de l’ ”analyse décisionnelle” et de l’ ”analyse du problème potentiel” pour choisir les sels et aider à prédire le rendement des sels [1], le choix du sel à employer reste une décision difficile. » M. Steed a rendu le témoignage suivant :

[traduction]
Q. C’est certainement quelque chose que le lecteur versé dans l’art aurait observé et noté à la lecture de ce document en 2001. Est-ce-exact?

R. Encore une fois, vous faites référence au choix comme étant la difficulté ici, et cet article propose en fait, comme il dit, un arbre décisionnel pour aider à faire ce choix.

[240] Il me semble que Pfizer a raison d’affirmer qu’il n’existait aucune méthode généralement reconnue de sélection d’une forme saline parce que chaque méthode dépend de la structure de chaque forme particulière d’un médicament.

[241] C’est ce qu’a confirmé M. Steed, d’Apotex, qui était d’accord pour dire que les enseignements d’un manuel paru en 1994 faisaient partie de l’antériorité en 2001. Le manuel contenait l’affirmation suivante : [traduction] « [B]ien que l’importance d’utiliser la forme saline optimale d’un composé d’une forme pharmaceutique est bien reconnue, il n’existe aucune méthode généralement reconnue pour le choix d’une telle forme au cours du développement d’un médicament. » M. Steed a expliqué le sens de ce passage :

[traduction]
Q. Ma lecture de ce passage est-elle correcte?

R. Oui, parce que chaque méthode dépend de la substance pharmaceutique particulière en question.

Q. Je demandais seulement si ma lecture de ce passage était correcte?

R. Votre lecture est correcte.

Q. Merci. Et il s’agit de quelque chose qu’une personne versée dans l’art aurait lu et remarqué en 2001. Est-ce-exact?

R. Oui, cela fait partie de l’antériorité en 2001.

[242] Le passage d’un manuel sur lequel M. Steed s’est fondé est rédigé ainsi : [traduction] « [C]et examen vise à dégager une approche stratégique pour éliminer une bonne part de cette incertitude en présentant des notions et des idées sous la forme de diagrammes de processus plutôt qu’en exposant des lignes directrices ou des règlements. C’est particulièrement important du fait que chaque composé a ses propres particularités nécessitant une approche souple ». M. Steed a fourni les réponses ci-après concernant ce passage :

[traduction]

Q. Je m’arrête ici, et un lecteur versé dans l’art noterait cette observation et cette affirmation en 2001. Est-ce-exact?

R. Oui, c’est un article publié en 1995, qui fait partie de l’antériorité, dans lequel Byrn fournit une approche systématique en réponse à des préoccupations d’ordre réglementaire concernant la forme solide.

Q. En effet, et il dit qu’un enquêteur doit faire preuve de souplesse en recourant à l’approche parce que chaque composé a ses propres particularités. Est-ce-exact?

R. C’est bien ce qu’il dit, oui, et ce qu’il veut dire par là est qu’il faut tenir compte de la structure réelle de la substance pharmaceutique elle-même dans la conception du criblage.

[243] L’extrait ci-dessus porte sur les sels. La situation concernant les cristaux est encore plus complexe et, à mon humble avis, loin des capacités de la personne versée dans l’art qui est dépourvu d’imagination et d’esprit inventif, selon l’expérience de Mme Park, que j’ai retenue, et celle de M. Myerson mentionnée au paragraphe 234 ci-dessus. Les témoins d’Apotex confirment un certain nombre de points, dont un point central est le fait que la définition de cristaux n’était pas prévisible. M. Steed a reconnu que la personne versée dans l’art en 2001 [traduction] « ne peut pas prédire le nombre de structures cristallines d’un composé qui pourraient être stables dans des conditions données. » Bien qu’il ait ensuite déclaré [traduction] qu’« il est possible de faire des prévisions concernant le nombre de formes cristallines qui pourraient exister en faisant des calculs », il n’a pas fourni de tels calculs dans son affidavit et a reconnu par la suite que les structures cristallines étaient en fait imprévisibles. En 2009, il a publié un livre dans lequel il a affirmé que les formes cristallines sont généralement imprévisibles : [traduction] « [M]algré le fait que, de façon générale, les structures cristallines sont imprévisibles, un certain nombre de tentatives, dont certaines connaissent un succès croissant, ont été faites pour remédier au problème du point de vue des calculs. » M. Steed, d’Apotex, a déclaré : [traduction] « [L]e truc est de savoir lesquelles parmi celles-ci se formeront réellement en pratique. Autrement dit, il s’agit de trouver les conditions pour les produire ». Il a confirmé que si les structures cristallines étaient généralement imprévisibles en 2009, elles étaient aussi généralement imprévisibles pour la personne versée d’art en 2001. Il a confirmé par la suite que l’approche axée sur les calculs n’a pas fonctionné en 2001 : [traduction] « […] le domaine en 2001 n’a pas vraiment progressé par le calcul d’une structure cristalline à l’avance; il est beaucoup plus simple de simplement cristalliser le composé et d’analyser sa structure par expérimentation. »

[244] De plus, le criblage des polymorphes était non seulement difficile, mais aussi long et dispendieux de l’avis de M. Steed, qui a écrit ce qui suit en 2012 concernant les formes cristallines de la théophylline, des polymorphes et de l’hydrate : [traduction] « [L]a découverte de la gamme complète des formes cristallines d’un composé donné est habituellement un processus long et coûteux et, même après un criblage intensif, on peut difficilement être certain que le processus est complet et que toutes les formes possibles ont été détectées. » M. Steed a écrit aussi : [traduction] « [I]l est de plus en plus évident qu’il peut exister de nombreux composés dans plus d’une forme cristalline, et la définition et l’analyse de chaque forme (plus précisément de la forme stable sur le plan thermodynamique dans des conditions définies) sont essentielles pour des raisons de fabrication, d’entreposage et de propriété intellectuelle. »

[245] Apotex fait un grand nombre d’autres affirmations concernant les connaissances générales courantes que posséderait une personne versée dans l’art. Pour éviter les répétitions, je les aborderai sous la première question de l’analyse de « l’essai allant de soi » suivant l’arrêt Sanofi plus loin au paragraphe 300 des présents motifs.

2. Définir le concept inventif de la revendication en cause, au besoin par voie d’interprétation

[246] La prochaine étape de l’analyse de l’évidence suivant l’arrêt Sanofi consiste à définir le concept inventif. Dans l’affaire Atanazavir, la Cour d’appel fédérale a établi que l’« étape inventive » correspond à « la solution enseignée par le brevet ». Dans ce contexte, compte tenu des observations de la Cour d’appel fédérale concernant l’affaire Beloit, et de la décision de la Cour suprême dans Sanofi, « ce qui est revendiqué dans le brevet » et « l’invention » sont synonymes de l’« étape inventive » et de « la solution enseignée par le brevet ». La solution enseignée par le brevet, appelée aussi le concept inventif, doit être évaluée au regard de chaque revendication en cause (une revendication à la fois), ce qui fait ressortir qu’à chaque revendication peut correspondre un concept inventif distinct.

[247] Ce deuxième élément, la solution enseignée par le brevet, appelée aussi le concept inventif, doit être évalué au regard de chaque revendication en cause (une revendication à la fois) : arrêt Sanofi, au paragraphe 67. Je retiens qu’à chaque revendication peut correspondre un concept inventif distinct : Pozzoli SpA c BDMO, [2007] FSR 37 (2007), au paragraphe 17 :

[traduction]

Ce qui est maintenant devenu la deuxième étape, soit la définition du concept inventif, a aussi besoin d’être précisé. Qu’on me permette de reproduire ici les observations que j’ai formulées à ce sujet dans Unilever Pie c Chefaro Proprietaries Ltd [1994] RPC 567, à la page 580 :

« C’est le concept inventif de la revendication en question qu’il faut prendre en considération, et non une généralisation opérée à partir de l’ensemble du mémoire descriptif. À chaque revendication peut correspondre, et correspond en général, un concept inventif distinct. »

M. Steed d’Apotex a reçu la même directive; il a affirmé lors de son contre-interrogatoire : [traduction] « [O]n m’a dit qu’il faut dégager le concept inventif distinct du libellé des revendications, étant entendu qu’à chaque revendication peut correspondre un concept inventif distinct. En effet, on évalue une revendication à la fois. » M. Bastin, d’Apotex, a déclaré que [traduction] « les formes cristallines nouvelles constituent des inventions qui vont au-delà de la définition d’un sel. »

[248] Revendications 8 et 9. Les revendications 8 et 9 visent le monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I, c’est-à-dire le succinate d’ODV de forme I cristalline. Les revendications 8 et 9 revendiquent une composition de matière nouvelle et distincte. La revendication 8 affirme que la forme cristalline présente une empreinte, à savoir les résultats caractéristiques obtenus par diffraction de rayons X sur poudres indiqués à la figure 1, alors que la revendication 9 définit une autre empreinte, soit le fait que le cristal polymorphe présente un endotherme caractéristique (point de fusion) correspondant à environ 131 °C. À mon avis, ces données de définition ou de caractérisation, qui sont des caractéristiques inhérentes de la forme du nouveau cristal en cause, ne constituent pas l’invention. Ces propriétés identificatoires ne sont pas le concept inventif, pas plus qu’elles ne sont la solution enseignée par le brevet 668.

[249] En toute déférence, la solution enseignée par ces deux revendications, leur concept inventif, est la forme cristalline nouvelle du succinate d’ODV appelée « forme I ». En bref, le concept inventif ou la solution enseignée par ces deux revendications dans le brevet 668 est la nouvelle forme cristalline, dite forme I, du succinate d’ODV.

[250] Apotex est en désaccord et affirme que le brevet 668 enseigne que la solution à ce problème correspond au succinate d’ODV sous n’importe quelle forme et aussi que le succinate d’ODV est le seul concept inventif correspondant aux revendications. Avec respect, je ne peux pas souscrire à cette thèse. Il est bien établi qu’il faut interpréter le brevet dans son ensemble en interprétant les revendications, ce que M. Steed a concédé. M. Steed, qui a avancé qu’un seul concept inventif correspond à toutes les revendications invoquées, n’a pas commenté l’affirmation ci-après faite dans le brevet 668 lui-même, à la page 5 : [traduction] « [C]haque polymorphe forme un autre élément de l’invention. » M. Steed a toutefois reconnu que, en faisant cette affirmation dans le brevet 668, les [traduction] « inventeurs indiquent clairement au lecteur que les formes polymorphes constitueraient des éléments différents de l’invention ». M. Parr, d’Apotex, contre-interrogé au sujet de la même affirmation contenue dans le brevet 668, était d’accord concernant la proposition suivante :

[traduction]

Q. [D]ans « un autre élément de l’invention », « un autre » désigne un autre élément qui s’ajoute à l’invention du nouveau sel?

R. Oui, madame.

[251] Ces éléments de preuve et l’affirmation claire faite dans le brevet 668 selon laquelle [traduction] « [C]haque polymorphe forme un autre élément de l’invention » renforcent mon opinion voulant que le concept inventif ou la solution enseignée par ces deux revendications invoquées dans le brevet 668 soit la nouvelle forme cristalline, dite forme I, du succinate d’ODV. Je rejette aussi la thèse avancée par Apotex du concept inventif unique.

[252] Revendication 33. La revendication 33 dépend des revendications 8 et 9. La revendication 33 affirme ce qui suit : [traduction] « [U]tilisation d’une quantité efficace de succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou d’un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20 pour le traitement de la dépression. » Il s’agit d’une revendication relative à l’utilisation et, dans le contexte du présent litige, de la revendication de l’utilisation d’une quantité efficace de monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I, c’est-à-dire de l’utilisation d’une quantité efficace de succinate d’ODV de forme I cristalline pour le traitement de la dépression.

[253] Par conséquent, le concept inventif ou la solution enseignée par la revendication 33 est l’utilisation d’une quantité efficace de monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I cristalline pour le traitement de la dépression.

[254] J’ai refusé de souscrire à la thèse du concept inventif unique.

[255] Revendication 43 La revendication 43 est rédigée ainsi : [traduction] « Utilisation d’une quantité thérapeutiquement efficace d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine ou un sel mixte correspondant revendiquée dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 20, préparée en une dose visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence de la nausée, des vomissements, de la diarrhée, des douleurs abdominales, des maux de tête, des malaises vaso-vagaux ou du trismus provenant de l’administration par voie orale du succinate d’O-desméthyl-venlafaxine. » L’interprétation correcte de cette revendication est la suivante : étant donné qu’elle dépend des revendications 8 ou 9, l’utilisation d’une forme pharmaceutique orale à libération continue contenant le succinate d’ODV de forme I et visant à produire un niveau de concentration de plasma sanguin d’au plus 225 ng/mL pour réduire l’incidence générale des effets secondaires indiqués comparativement à l’administration par voie orale du succinate d’ODV qui n’est pas formulé à cette fin.

[256] Le concept inventif des revendications 43 et 44 est une forme pharmaceutique à libération continue contenant le nouveau succinate d’ODV de forme I cristalline qui présente des caractéristiques pharmacocinétiques précises, soit un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL et qui réduit ainsi l’incidence de certains effets secondaires qui proviendraient par ailleurs de l’administration par voie orale du succinate d’ODV.

[257] J’ai refusé de souscrire à la thèse du concept inventif unique.

[258] Revendication 44. La revendication est invoquée ainsi : [traduction] « [U]ne formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine et un véhicule ou excipient pharmaceutiquement acceptable et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL. » Je l’ai interprétée comme visant une formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (sous toute forme, y compris le succinate d’ODV de forme I) et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.

[259] En toute déférence, le concept inventif et la solution enseignée par l’invention visée à la revendication 44 sont une formulation à libération continue contenant le succinate d’O-desméthyl-venlafaxine (sous n’importe quelle forme, y compris le succinate d’ODV de forme I) et qui présente des niveaux maximaux de sérum allant jusqu’à 225 ng/mL.

[260] Le concept inventif des revendications 43 et 44, interprétées ensemble, est une forme pharmaceutique continue contenant le nouveau sel, le succinate d’ODV (ou le succinate d’ODV de forme I, étant donné que ces revendications dépendent des revendications 8 ou 9) qui présente des caractéristiques pharmacocinétiques précises (un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL) et qui réduit ainsi l’incidence de certains effets secondaires qui proviendraient par ailleurs de l’administration par voie orale du succinate d’ODV. Ce qui distingue les deux revendications est que la revendication 43 mentionne la réduction de l’incidence d’effets secondaires indésirables, alors que la revendication 44 n’en fait pas mention. Les deux mentionnent un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL.

[261] J’ai déjà refusé de souscrire à la thèse du concept inventif unique.

3. Recenser les différences, s’il en est, entre ce qui ferait partie de « l’état de la technique » et le concept inventif qui sous-tend la revendication ou son interprétation.

[262] Je procéderai à cette étape de l’analyse une revendication à la fois.

i. Revendications 8 et 9

[263] À mon humble avis, la personne versée dans l’art ne saurait pas, pas plus qu’elle ne pourrait prédire, que le succinate d’ODV se formerait sous forme solide, que ce solide prendrait la forme d’un cristal, ni en quoi consisteraient les propriétés d’un solide cristallin hypothétique. Il en est ainsi peu importe le fait que les criblages des sels étaient généralement connus, comme l’étaient, de façon générale, la cristallisation et les criblages de polymorphes. En fait, ni le succinate d’ODV ni aucune de ses formes cristallines, encore moins la forme I, avaient déjà fait l’objet d’une divulgation précise dans l’antériorité.

[264] Les solutions enseignées par les revendications 8 et 9, leur concept inventif, sont la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV appelée forme I. En bref, le concept inventif ou la solution enseignée par le brevet 668 est le nouveau succinate d’ODV de forme I cristallin.

[265] À mon avis, l’état entre la technique et le concept inventif des revendications 8 et 9 du brevet 668 est donc l’invention d’une nouvelle composition de matières, soit le succinate d’ODV de forme I.

ii. Revendication 33.

[266] Rappelons que le concept inventif ou la solution enseignée par la revendication 33 est l’utilisation d’une quantité efficace de la forme de monohydrate du succinate d’ODV (mono) de forme I cristalline pour le traitement de la dépression. La revendication 33 dépend des revendications 8 et 9.

[267] Pfizer affirme que, parce que l’antériorité ne divulguait pas le succinate d’ODV de forme I ni, d’ailleurs, aucune de ses propriétés, l’écart entre l’antériorité et l’invention de la revendication 33, l’utilisation de cette nouvelle forme cristalline pour le traitement de la dépression, n’était pas évident. Je suis du même avis.

[268] Pour les mêmes raisons que le succinate d’ODV de forme I n’allait pas plus ou moins de soi, tel était le cas à mon avis de son utilisation pour le traitement de la dépression.

[269] L’écart entre l’état de la technique et le concept inventif de la revendication 33 du brevet 668 est donc l’invention d’une nouvelle composition de matières, soit le succinate d’ODV de forme I, pour le traitement de la dépression.

iii. Revendications 43 et 44

[270] Les revendications 43 et 44 dépendent toutes deux des revendications 8 et 9, c.‑à‑d. le nouveau succinate d’ODV de forme I cristalline. Rappelons que le concept inventif des revendications 43 et 44 est une forme pharmaceutique continue contenant le succinate d’ODV de forme I, dans la mesure où ces revendications dépendent des revendications 8 ou 9, qui possèdent des caractéristiques pharmacocinétiques précises, soit un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL.

[271] En plus de ce qui précède, la revendication 43 vise une réduction des effets secondaires comparativement à l’administration par voie orale du succinate d’ODV de forme I dans une formulation à libération immédiate. Les revendications mentionnent toutes deux un niveau maximal de plasma sanguin inférieur à 225 ng/mL. La revendication 44 ne mentionne pas les effets secondaires.

[272] Pfizer affirme que l’écart entre l’antériorité et les revendications 43 et 44 est l’invention d’une nouvelle forme pharmaceutique à libération continue du nouveau sel ou de la nouvelle forme cristalline qui réduit les niveaux de plasma sanguin de l’ODV et qui réduit l’incidence des incidents thérapeutiques provenant de l’administration d’une formulation à libération non continue. Avec respect, je suis d’accord.

[273] J’ai conclu que ni le succinate d’ODV ni aucune de ses formes ou propriétés n’étaient connus, prévus ou prévisibles. La personne versée dans l’art ne pouvait pas prévoir les propriétés que le succinate d’ODV ou le succinate d’ODV de forme I posséderait, de sorte que la personne versée dans l’art ne pouvait pas prévoir si ces propriétés permettraient la formulation d’un dosage à libération continue. Comme dans le cas de la revendication 33, l’antériorité a aussi enseigné et la personne versée dans l’art savait que tout nouveau solide possédait ses propres propriétés inconnues, imprévues et imprévisibles.

[274] De plus, pour les mêmes raisons pour lesquelles la forme I n’était pas plus ou moins évidente, tel était le cas aussi de son utilisation dans une formulation à libération continue. De même, on ne peut pas dire que l’utilisation du succinate d’ODV de forme I dans une formulation à libération continue était plus ou moins évidente pour réduire les effets indésirables.

[275] L’antériorité, même si elle divulguait le fait que les formulations à libération continue d’autres médicaments, dont EFFEXOR XR, avaient été produites et utilisées pour améliorer les concentrations de plasma sanguin produites par l’administration à libération immédiate, ne contenait aucune application de ce principe général à l’ODV, au succinate d’ODV et au succinate d’ODV de forme I. Les éléments de preuve établissent qu’il n’aurait pas été évident pour la personne versée dans l’art que le succinate d’ODV n’avait aucune forme cristalline solide qui soit stable, et encore moins qui puisse être formulée en une formulation à libération continue. Il n’était pas plus évident, prévu ou prévisible que le succinate d’ODV de forme I posséderait les caractéristiques de stabilité, de solubilité, de perméabilité et de biodisponibilité nécessaires au développement d’une formulation orale qui ont été établies par l’expérimentation ayant conduit à son développement. Il n’était pas connu, prévu, ou prévisible qu’une formulation quelconque à libération continue du succinate d’ODV dénote des niveaux de plasma sanguin inférieurs à 225 ng/mL, tout en maintenant des concentrations thérapeutiques selon les revendications 43 et 44.

4. Abstraction faite de toute connaissance de l’invention revendiquée, ces différences constituent‑elles des étapes évidentes pour la personne versée dans l’art ou dénotent‑elles une quelconque inventivité?

5. Appliquer la définition de l’évidence antérieure à l’arrêt Sanofi

[276] À ce stade-ci de l’analyse, compte tenu de la décision Atanzavir et au lieu de procéder ensuite à une analyse de l’essai allant de soi, j’appliquerai le critère de l’évidence établi par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Beloit.

[277] Ainsi, la question devient la suivante : la personne versée dans l’art, sur la foi de l’état de la technique et des connaissances générales courantes, serait-elle directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet ou, plus précisément, serait-elle directement et facilement arrivée à la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV appelée forme I? À mon humble avis, les éléments de preuve ne justifient pas une telle conclusion.

[278] Je comprends l’argumentation d’Apotex selon laquelle ses témoins ont fait l’objet d’un aveuglement, mais il s’agit là d’une question de pertinence, de fiabilité et de poids : voir Gilead Sciences, Inc c Canada (Santé), 2016 CF 857, au paragraphe 59, et les affaires qui y sont analysées. J’ai déjà retenu et je préfère le témoignage de M. Myerson sur les connaissances générales courantes concernant les criblages de sels et les criblages cristallins et polymorphes comme l’indiquent les paragraphes 234 et 278 des présents motifs. J’ai aussi retenu le témoignage à cet égard que Mme Park a rendu en se fiant à son expérience, dont il est question aux paragraphes 124 et suivants et qui corrobore celui de M. Myerson. M. Myerson a tiré la conclusion suivante :

[traduction]

102. Bien que les méthodes générales de cristallisation sous différentes conditions et avec différents solvants étaient connues dans l’art à partir du début des années 2000, il existe un large éventail de combinaisons de variables, telles que les solvants, les mélanges de solvants, les températures, les taux de refroidissement, les taux d’évaporation, qui pouvaient servir à tenter de produire de nouvelles formes à l’état solide. Ainsi, le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.

103. Dans l’ensemble, à l’égard d’un composé donné, une personne versée dans l’art au début des années 2000 n’aurait pas pu prédire ce qui suit :

a) si elle pouvait produire une forme cristalline de ce composé;

b) dans l’affirmative, les efforts requis pour la réaliser;

c) en quoi consisteraient les propriétés du composé, y compris l’existence d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates de cette forme cristalline;

d) en cas d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates, dans quelles conditions ces polymorphes, solvates et hydrates pouvaient être préparés;

e) en quoi consisteraient les propriétés de n’importe lequel des polymorphes, solvates et hydrates.

104. Par conséquent, même si d’éventuelles formes solides sont découvertes, ces formes pourraient ne pas convenir à la formulation ou à la fabrication d’un médicament, et donc au développement d’un médicament. Les propriétés telles que l’hygroscopicité, la solubilité, la stabilité à l’état solide, la stabilité chimique et la forme des cristaux (entre autres) peuvent avoir une incidence sur la pertinence d’une forme solide.

105. Selon le résumé fourni dans une publication contemporaine à la date du brevet 668, « la pertinence du polymorphisme est évidente, mais demeure un sujet qui n’est pas complètement ou largement compris à un niveau fondamental ». L’imprévisibilité inhérente de la forme solide cristalline a été reconnue dans une publication scientifique :

Il n’est pas possible de prédire avec suffisamment de confiance la structure cristalline d’une matière organique […] L’éventail et la combinaison des conditions de croissance des cristaux sont presque infinis, et il n’y a aucune façon de garantir que des polymorphes additionnels seront préparés, et encore moins qu’ils seront « tous » produits.

Cette déclaration faite en 1993 est encore vraie, même de nos jours. D’autres sources contemporaines au brevet 668 soulignent de façon semblable le caractère imprévisible du développement de polymorphes.

[Non souligné dans l’original. Renvois omis.]

[279] Dans ces circonstances, et en toute déférence, la personne versée dans l’art, compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales techniques qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, ne serait pas directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet 668, soit la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV appelée Forme I.

[280] Le critère dans Beloit est de se demander si la personne versée dans l’art, « compte tenu de l’état de la technique et des connaissances générales courantes qui existaient au moment où l’invention aurait été faite, serait directement et facilement arrivée à la solution que préconise le brevet ». Les faits de l’espèce ne permettent pas de satisfaire aux exigences du critère. De plus, le chemin parcouru par la personne versée dans l’art en se fiant à l’antériorité serait difficile et ne serait pas direct. La personne versée dans l’art prévoirait de très nombres tests et études sans résultat prévisible.

[281] La personne versée dans l’art verrait essentiellement un programme de recherche. Cette conclusion s’applique aux revendications 8 et 9. Étant donné qu’elles dépendent des revendications 8 et 9, cette conclusion s’applique aussi aux revendications 33, 43 et 44.

[282] L’examen relatif à l’évidence ne s’arrête pas ici. À ce stade-ci, ayant analysé l’évidence en appliquant le critère de l’affaire Beloit, la Cour doit suivre les autres étapes proposées dans l’arrêt Sanofi. La Cour doit maintenant examiner la pertinence du critère de l’« essai allant de soi » et l’appliquer au besoin.

6. Examiner la notion de l’essai allant de soi

[283] Comme l’a affirmé la Cour suprême au paragraphe 67 de l’arrêt Sanofi, « [I]a question de l’ ”essai allant de soi” se pose à la quatrième étape de la démarche établie dans les arrêts Windsurfing et Pozzoli pour statuer sur l’évidence. » La Cour suprême a ensuite posé la question suivante au paragraphe 68 : « Dans quels cas la notion d’ ”essai allant de soi” est-elle pertinente? » Elle a répondu au même paragraphe : « [d]ans les domaines d’activité où les progrès sont souvent le fruit de l’expérimentation, le recours à la notion d’ ”essai allant de soi” pourrait être indiqué. Dans ces domaines, de nombreuses variables interdépendantes peuvent se prêter à l’expérimentation. Par exemple, certaines inventions du secteur pharmaceutique pourraient justifier son application étant donné l’existence possible de nombreuses compositions chimiques semblables pouvant donner lieu à des réponses biologiques différentes et être porteuses de progrès thérapeutiques notables ».

[284] La présente affaire appartient à la catégorie de l’« industrie pharmaceutique »; par conséquent, la prochaine étape consiste à examiner les facteurs analysés par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi, en tenant compte de leur caractère non exhaustif.

[285] Ce faisant, j’observe les remarques introductives fournies en guise d’orientation dans l’arrêt Sanofi au paragraphe 64 : « Cependant, la notion d’ ”essai allant de soi” commande la prudence. Ce n’est qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence. Elle ne saurait permettre de réfuter toute allégation de contrefaçon. Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement, ce qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie. » La Cour d’appel fédérale a qualifié ces remarques d’« orientation utile » au paragraphe 26 de l’affaire Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2009 CAF 8.

[286] Dans les présents motifs, j’aborde la notion de l’essai allant de soi d’abord sans égard à cette orientation, pour y revenir ensuite afin d’établir en quoi elle peut modifier l’analyse. En procédant de la façon proposée, l’incidence de cette orientation sur les conclusions de la Cour sera plus facile à établir.

[287] Après avoir fourni cette orientation dans l’arrêt Sanofi, la Cour suprême a énoncé les facteurs à prendre en considération :

[69] Lorsque l’application du critère de l’« essai allant de soi » est justifiée, les éléments énumérés ci-après doivent être pris en compte à la quatrième étape de l’examen de l’évidence. Tout comme ceux pertinents pour l’antériorité, ils ne sont pas exhaustifs et s’appliquent selon la preuve offerte dans le cas considéré. Les facteurs s’appliqueront conformément à la preuve dans chaque cas.

1. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

2. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

3. L’art antérieur fournit-il un motif de rechercher la solution au problème qui sous-tend le brevet?

[70] Les mesures concrètes ayant mené à l’invention peuvent constituer un autre facteur important. Il est vrai que l’évidence tient en grande partie à la manière dont l’homme de métier aurait agi à la lumière de l’art antérieur. Mais on ne saurait pour autant écarter l’historique de l’invention, spécialement lorsque les connaissances des personnes qui sont à l’origine de la découverte sont au moins égales à celles de la personne versée dans l’art.

[288] Je traite chacune de ces considérations.

7. Est-il plus ou moins évident que l’essai sera fructueux? Existe-t-il un nombre déterminé de solutions prévisibles connues des personnes versées dans l’art?

[289] Les parties sont en désaccord. Les deux parties ont mentionné des décisions dans lesquelles, sur la foi des éléments de preuve admis dans une affaire donnée, divers tribunaux ont tiré des conclusions sur la notion d’essai allant de soi. Bien que ces décisions soient pertinentes, chacune d’elles est fondée sur des faits particuliers qui s’y appliquaient, compte tenu des observations des experts et des avocats. Même si Apotex s’est montrée très insistante, il reste qu’aucune de ces décisions n’affirme que les essais de criblage de sels vont de soi ou qu’ils ne nécessitent qu’une expérimentation courante. Aucune de ces décisions n’affirme non plus que toute recherche portant sur le criblage des polymorphes ou des cristaux va de soi ou qu’elle ne nécessite qu’une expérimentation courante. Aucune ne l’affirme et, bien entendu, aucune ne pourrait le faire. Pour caractériser correctement chaque cas, il s’agit ultimement d’appliquer le droit relatif à l’essai allant de soi énoncé dans l’arrêt Sanofi aux éléments de preuve dont la Cour est saisie.

[290] Pfizer affirme que les experts s’entendent tous pour dire que l’existence de formes cristallines et leurs propriétés ne peuvent pas être prédites avant d’être produites avec succès et mises à l’essai. Une personne versée dans l’art ne saurait pas ni ne pourrait prédire que le succinate d’ODV de forme I existe, pas plus qu’elle ne pourrait définir ou prédire les propriétés qu’il posséderait ni, le cas échéant, son mode de préparation. À mon humble avis, il s’agit d’un résumé fidèle.

[291] Je fais mien ce résumé parce qu’il est tiré de l’affidavit de M. Myerson, reproduit dans ses parties pertinentes aux paragraphes 234 et 278 des présents motifs, dont le témoignage a été corroboré par l’expérience de Mme Park, telle qu’elle figure aux paragraphes 124 et suivants des présents motifs. M. Myerson a conclu concernant le criblage cristallin et polymorphe, avec mes excuses pour la répétition :

[traduction]

103. Dans l’ensemble, à l’égard d’un composé donné, une personne versée dans l’art au début des années 2000 n’aurait pas pu prédire ce qui suit :

a) si elle pouvait produire une forme cristalline de ce composé;

b) dans l’affirmative, les efforts requis pour la réaliser;

c) en quoi consisteraient les propriétés du composé, y compris l’existence d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates de cette forme cristalline;

d) en cas d’éventuels polymorphes, solvates et hydrates, dans quelles conditions ces polymorphes, solvates et hydrates pouvaient être préparés;

e) en quoi consisteraient les propriétés de tout polymorphe, solvate et hydrate.

104. Par conséquent, même si d’éventuelles formes solides sont découvertes, ces formes pourraient ne pas convenir à la formulation ou à la fabrication d’un médicament, et donc au développement d’un médicament. Les propriétés telles que l’hygroscopicité, la solubilité, la stabilité à l’état solide, la stabilité chimique et la forme des cristaux (entre autres) peuvent avoir une incidence sur le caractère convenable d’une forme solide.

105. Selon le résumé fourni dans une publication contemporaine à la date du brevet 668, [traduction] « la pertinence du polymorphisme est évidente, mais demeure un sujet qui n’est pas complètement ou largement compris à un niveau fondamental ». L’imprévisibilité inhérente de la forme solide cristalline a été reconnue dans une publication scientifique :

Il n’est pas possible de prédire avec suffisamment de confiance la structure cristalline d’une matière organique […] L’éventail et la combinaison des conditions de croissance des cristaux sont presque infinis, et il n’y a aucune façon de garantir que des polymorphes additionnels seront préparés, et encore moins qu’ils seront « tous » produits.

[292] Le second volet de cette question consiste à rechercher s’il existe un nombre déterminé de « solutions prévisibles » connues des personnes versées dans l’art. À mon avis, un tel nombre n’existait pas parce que les expériences possibles étaient en fait très nombreuses. C’est ce que M. Myerson a affirmé, et je retiens ce témoignage : [traduction] « le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé » :

[traduction]
80. De nos jours, la recherche de formes cristallines, dont les polymorphes, les solvates et les hydrates, est devenue un élément important du développement de nouveaux produits pharmaceutiques. Le criblage des polymorphes est un long processus qui ne permet pas de prédire la détection réussie d’une forme à l’état solide propre au développement. Le criblage de formes solides pour un composé donné peut nécessiter la réalisation de milliers d’expériences échelonnées sur de nombreux mois ou même sur une plus longue période. Il n’y a pas de méthode « normale » pour effectuer le criblage d’une forme solide et le nombre d’expériences, et les conditions essayées dépendent des choix de l’enquêteur et du temps prévu pour le criblage.

81. Bien que les méthodes générales de cristallisation sous différentes conditions et avec différents solvants étaient connues dans l’art à partir du début des années 2000, il existe un large éventail de combinaisons de variables, telles que les solvants, les mélanges de solvants, les températures, les taux de refroidissement, les taux d’évaporation, qui pouvaient servir à tenter de produire de nouvelles formes à l’état solide. Ainsi, le nombre d’expériences qui peuvent être menées est extrêmement élevé.

[Non souligné dans l’original.]

[293] Ce fait a été vérifié par l’expérience de Mme Park, qui a déclaré au paragraphe 34 de son affidavit que SSCI avait l’habitude de mener [traduction] « un grand nombre d’expériences différentes dans un grand éventail de conditions afin de tenter de définir le plus grand nombre possible de formes à l’état solide. »

[294] J’observe aussi que la Cour suprême, dans l’arrêt Sanofi, a formulé une question qui vise les « solutions prévisibles ». Malgré l’existence de possibilités de recherche, et la possibilité de réaliser des études et d’entreprendre un programme de recherche, aucune solution prévisible n’avait été définie selon les faits de l’espèce.

[295] Apotex soutient que les criblages de sels et le criblage des cristaux et des polymorphes constituaient des travaux d’expérimentation courants connus de la personne versée dans l’art et que les connaissances conjuguées à de nombreux autres facteurs qui étaient prétendument connus de la personne versée dans l’art faisaient en sorte qu’il était plus ou moins évident que le succinate d’ODV de forme I, c.-à-d., l’essai, serait fructueux.

[296] L’expérimentation courante est admise dans le cadre de l’analyse de l’essai allant de soi. La pertinence de l’expérimentation courante a été reconnue par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 81 de l’affaire Plavix 2 et est mentionnée dans l’arrêt Sanofi lui-même à l’égard de la deuxième question de l’analyse de l’essai allant de soi. Je ne souscris pas à la thèse d’Apotex parce que, à mon avis, la personne versée dans l’art aurait envisagé bien plus que l’expérimentation courante en l’espèce. Une connaissance générale des criblages de sels et des aspects connus des criblages cristallins et polymorphes n’aurait fourni à la personne versée dans l’art que de simples possibilités de recherche, d’études et d’expériences plus poussées qui, en l’espèce, étaient considérables et de la nature d’un programme de recherche, surtout en ce qui concerne le criblage des cristaux et des polymorphes. Ce n’est pas suffisant : tous les tribunaux qui ont examiné la question ont été d’accord pour dire que de simples possibilités ne satisfont pas au critère de l’essai allant de soi énoncé dans l’arrêt Sanofi.

[297] À mon avis, le fait que certains tests et procédures étaient connus en l’espèce est très semblable aux faits que la Cour suprême a eu à examiner dans l’arrêt Sanofi, où la seconde personne a avancé des arguments semblables qui ont été rejetés. En rejetant ces arguments, la Cour a déclaré :

[85] La seule existence de procédés connus permettant d’isoler les isomères d’un racémate ne signifie pas qu’une personne versée dans l’art y recourerait nécessairement. Il n’est d’ailleurs pas tenu compte de l’existence de tels procédés lorsqu’aucun élément n’établit qu’il allait plus ou moins de soi d’y recourir. Il est vrai que, selon la preuve, à l’époque considérée, une personne versée dans l’art aurait su que les avantages d’un racémate pouvaient différer de ceux de ses isomères. Toutefois, la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur et des connaissances générales courantes, ce que la preuve n’établit pas en l’espèce.

[Non souligné dans l’original.]

[298] À mon humble avis, ce n’est pas le cas en l’espèce : les criblages de sels et la possibilité de réaliser des criblages cristallins et polymorphes étaient généralement connus en tant que méthodes susceptibles de permettre le criblage de sels, qui se solidifieraient ou non, tout sel en résultant ayant des propriétés inconnues et imprévisibles. La personne versée dans l’art savait aussi que des cristaux et des polymorphes pourraient être définis dans le cadre de programmes de recherche portant sur le criblage cristallin et polymorphe. Toutefois, la personne versée dans l’art saurait aussi qu’aucune forme cristalline ou polymorphe de la sorte n’était possible et que tout cristal ou polymorphe défini aurait des propriétés inconnues et imprévisibles. À mon avis, cela ne fait pas en sorte que le concept inventif des revendications 8 et 9, soit le succinate d’ODV de forme I, va de soi. Les éléments de preuve en l’espèce ont établi ce qui n’était que de simples possibilités de définir le succinate d’ODV, ou peut-être de ne définir aucun sel, au cours d’un criblage de sels en premier lieu, et la possibilité de trouver la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I, ou peut-être de ne trouver aucune forme cristalline, au cours d’un criblage cristallin et polymorphe en second lieu. Mais de simples possibilités ne suffisent pas.

[299] Comme il a été dit dans l’arrêt Sanofi, il n’est d’ailleurs pas tenu compte du fait que l’existence de tels procédés était connue parce que leur essai était plus ou moins évident : « la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur et des connaissances générales courantes. Ce que la preuve n’établit pas en l’espèce ». [Paragraphe 85] Les éléments de preuve ne l’établissent pas non plus en l’espèce : l’invention n’était pas évidente selon l’antériorité et les connaissances générales courantes et sur la foi des éléments de preuve en l’espèce.

[300] Apotex a soutenu que la personne versée dans l’art connaîtrait de nombreuses autres questions qui, considérées ensemble, l’auraient amenée à la solution enseignée par le brevet 668, c.‑à‑d. le succinate d’ODV de forme I. Je vais tenter de les énumérer, chacune suivie de mes observations :

  1. La personne versée dans l’art savait que les propriétés de composés médicaux étaient habituellement améliorées par la formation de sels. Observation de la Cour : Il était connu que certains composés pourraient former des sels et d’autres, non, et que si des sels se formaient, ils pourraient améliorer les propriétés. C’était un résultat escompté.

  2. De plus, l’ODV avait fait l’objet de brevets antérieurs, qui préconisaient et revendiquaient des sels (et des solvates) d’ODV de façon générale. Observation de la Cour : Je suis d’accord.

  3. Il était connu que de tels sels se cristallisent habituellement en une ou plusieurs formes solides distinctes, chacune ayant des propriétés pharmaceutiques distinctes. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord : la cristallisation n’était pas une certitude; certains pourraient se cristalliser, certains pourraient prendre une forme amorphe et d’autres pourraient ne se comporter de ni l’une de ces façons. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  4. Par exemple, l’ODV-S, en tant que sel, devrait être plus soluble qu’une base libre d’ODV et, de façon générale, une solubilité accrue était associée à une biodisponibilité orale accrue. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord parce que ce résultat n’était ni connu ni prévu et nécessitait des essais et des expériences.

  5. La personne versée dans l’art savait que la modification de la forme (c.-à-d., sel/polymorphe) était une façon de modifier les propriétés d’un médicament qui étaient pertinentes quant à sa formulation et à son utilisation. Observation de la Cour : Cet énoncé est juste parce qu’il était tout aussi connu qu’aucun cristal ne pouvait se former et, de toute façon, nul ne connaissait ni ne pouvait prédire quelque propriété qui pouvait en résulter.

  6. Les personnes versées dans l’art avaient l’habitude de préparer un certain nombre de sels distincts dans diverses conditions distinctes et de vérifier les propriétés de ces sels en parallèle, soit de réaliser un « criblage ». Il s’agit de la tâche la plus courante dans l’industrie. On s’attend toujours que la sélection de sels mènera à des formes cristallines. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord; je refuse de conclure que les criblages de sels comptaient parmi les [traduction] « tâches les plus courantes ». De plus, le critère des « chances raisonnables de succès » n’a pas été approuvé dans l’affaire Eli Lilly Canada Inc c Mylan, 2015 CAF 286, au paragraphe 4.

  7. Les experts des parties s’entendent pour dire que presque tous les sels pourront être isolés en tant que cristaux. La solubilité, la perméabilité, la biodisponibilité, la cristallinité et l’hygroscopicité étaient des propriétés qui auraient été évaluées dans le cadre du criblage. La personne versée dans l’art s’attendrait à ce qu’une ou plusieurs formes salines ayant des propriétés qui conviennent au développement soient définies. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord. La personne versée dans l’art saurait que certains sels ne se cristalliseraient pas; |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||| Ce que la personne versée dans l’art verrait est une série d’expériences sous la forme d’un programme de recherche.

  8. La personne versée dans l’art caractériserait la forme solide par diffraction de rayons X sur poudres et par ACD dans le cadre ordinaire des travaux de développement pharmaceutique. Observation de la Cour : Je suis d’accord. J’observerais que la définition de la diffraction de rayons X sur poudres n’est que l’une des méthodes de caractérisation d’une substance.

  9. La personne versée dans l’art s’attendrait toujours à ce que l’ODV soit utile au traitement de la dépression, peu importe sa forme saline ou polymorphe. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord. On peut dire qu’il était connu que l’ODV était utile au traitement de la dépression; pour servir à un traitement comme médicament qui n’a pas à être métabolisé dans le corps, l’ODV devrait être formulé en un médicament de forme solide stable, et un médicament était soluble, perméable et biodisponible; aucune personne versée dans l’art ne pouvait définir le sel, s’il en est un, répondrait aux critères et encore moins le cristal, s’il en est un, qui posséderait la bonne combinaison de propriétés pour le développement en tant que médicament et encore moins ses doses thérapeutiques efficaces.

  10. L’ODV était perçu comme un composé fondamental. Ainsi, il était connu que l’ODV formerait un cristal s’il était amené à réagir avec un acide. La personne versée dans l’art criblerait un groupe d’acides pour leur usage dans la création de sels pharmaceutiquement acceptables. Observation de la Cour : Je suis d’accord, quoique rien dans l’antériorité ne précise l’ODV plutôt que d’autres sels acceptables.

  11. La personne versée dans l’art saurait que les acides dont la valeur de pKa était inférieure de 2 ou 3 unités à celle de l’ODV formeraient un sel. La personne versée dans l’art inclurait l’acide succinique dans son criblage. Observation de la Cour : Je suis d’accord.

  12. L’acide succinique était un acide courant utilisé pour former des sels de produits pharmaceutiques, a une valeur de pKA à 2 ou 3 unités de celle de l’ODV et avait figuré à maintes reprises dans les listes de sels possibles pour l’ODV dans l’antériorité. De plus, il était connu que le fumarate d’ODV avait été préparé et qu’il était cristallin. La structure de l’acide succinique était semblable à celle de l’acide fumarique. Observation de la Cour : Je suis d’accord.

  13. Étant donné la similitude entre les structures, on s’attendait à ce que l’acide succinique forme aussi un solide cristallin. De plus, l’acide succinique est plus soluble que l’acide fumarique, et on s’attendait donc à ce que l’ODV-S soit plus soluble que le fumarate d’ODV. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord. La personne versée dans l’art savait que ces éléments nécessiteraient une expérimentation détaillée et précise dans le cadre d’un programme de recherche.

  14. Les solvants et les conditions qui produiraient le succinate d’ODV, y compris la forme I, seraient ceux d’usage courant. Observation de la Cour : la personne versée dans l’art ne pourrait ni définir ni prédire le succinate d’ODV de forme I.

  15. La forme cristalline la plus stable était habituellement la plus susceptible de se former durant le criblage et la moins susceptible de subir une modification de forme cristalline au cours la formulation. Observation de la Cour : la forme cristalline la plus stable par définition serait la moins susceptible de modification.

  16. La pratique généralement acceptée consistait à préparer et à utiliser la forme cristalline (polymorphe) [traduction] « la plus stable » d’un sel cristallin. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

  17. Aucune étape spéciale n’était requise pour parvenir à la forme I. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord. Bien que la forme ultimement connue en tant que succinate d’ODV de forme I ait été conçue par Wyeth dans ses installations nationales et internationales, cette réalisation était précédée d’essais de promédicaments et de travaux sur d’autres sels, dont le fumarate. Il reste que le criblage de sels n’avait pas un résultat défini et prévisible. Le succinate d’ODV n’avait jamais été produit. J’estime que le criblage spécialisé des polymorphes de SSCI ne faisait pas partie des travaux courants, pas plus que ne l’était l’ensemble du programme de développement de médicament qui comportait des travaux relatifs à un promédicament et à d’autres expériences courantes infructueuses relatives à des sels du genre que la personne versée dans l’art dépourvue d’imagination et d’esprit inventif pouvait réaliser. Les travaux à cet égard étaient sous la forme d’un programme de recherche, surtout lorsque les essais in vitro, in vivo et sur des êtres humains sont pris en compte comme il se doit.

  18. Une fois un sel utile défini, la personne versée dans l’art choisirait une formulation pour l’administration du médicament de la façon convenant au traitement. Si un médicament à libération instantanée était nécessaire, des compositions à libération immédiate seraient préparées. Si une libération moindre, mais continue, était souhaitée, une composition à libération continue suivrait. Toutes ces étapes étaient courantes dans le développement d’un nouveau médicament. Les sels d’ODV ont été jugés particulièrement bien adaptés pour faire partie d’une formulation à libération continue en raison de la demi-vie relativement longue de l’ODV. L’antériorité (p. ex., les brevets internationaux 955 et 851, le brevet européen 374 et le brevet US 186) a divulgué la préparation et l’utilisation de formes pharmaceutiques orales contenant l’ODV et ses sels (y compris l’ODV-S) pour l’utilisation dans le traitement des troubles du SNC. On considérait que les formes pharmaceutiques orales à libération continue, y compris celles déjà décrites pour être utilisées avec la venlafaxine ou en tant que formulations orales à libération continue classique, étaient des formulations avantageuses parce qu’elles aideraient à contrôler les niveaux sanguins du médicament et réduiraient ainsi l’occurrence des effets secondaires associés à l’utilisation de la venlafaxine, notamment la nausée et les maux de tête. La préparation et la modification de ces formulations pour varier les paramètres pharmacocinétiques du médicament constituaient des travaux courants pour un formulateur. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord. L’antériorité ne divulguait ni le succinate d’ODV ni le succinate d’ODV de forme I et encore moins la version à libération continue possédant les propriétés pharmacocinétiques mentionnées dans les revendications 43 et 44. Cette déclaration est en grande partie argumentative et contraire aux éléments de preuve fournis par M. Myerson et d’autres témoins et à l’expérience de Mme Park, que j’ai retenus.

  19. La personne versée dans l’art voudrait préparer l’ODV-S en s’attendant à ce qu’il forme un sel cristallin qui serait utile en tant que médicament. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord. L’antériorité ne témoignait d’aucune volonté de préparer le succinate et encore moins le succinate d’ODV de forme I cristalline.

  20. Une fois la forme obtenue, la personne versée dans l’art en déterminerait la solubilité, la perméabilité, la biodisponibilité, la cristallinité, l’hygroscopicité et la stabilité et caractériserait ses formes solides par ACD et par diffraction de rayons X sur poudres. Observation de la Cour : Je suis d’accord, les mots clés étant [traduction] « une fois la forme obtenue », qui n’était ni prédite ni prévisible et à l’égard de laquelle la personne versée dans l’art envisageait un programme de recherche.

  21. Ce faisant, elle obtiendrait l’ODV-S, y compris l’ODV-S de forme I, et en mesurerait la diffraction de rayons X sur poudres et l’endotherme, le tout sans effort inventif. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord parce que cette affirmation repose sur plusieurs prémisses qui ont déjà été rejetées.

  22. La revendication 33 est aussi évidente. En plus de ce qui précède, la personne versée dans l’art savait que l’ODV-S serait utile au traitement de la dépression. Ni le sel ni la forme polymorphe ne comportent les propriétés thérapeutiques de l’ODV. La personne versée dans l’art saurait que le sel, lorsqu’il est administré, se dissoudrait et se dissocierait de l’ODV, perdrait sa forme solide et deviendrait disponible dans le corps pour traiter la dépression. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord. La revendication 33 dépend des revendications 8 et 9 et, dans la mesure où elles ne sont pas évidentes, la revendication 33 n’est pas évidente. Les revendications 8 et 9 n’étaient pas évidentes et n’allaient pas de soi; c’est donc le cas aussi de la revendication 33.

  23. Les revendications 43 et 44 sont aussi évidentes pour les mêmes raisons. La personne versée dans l’art savait aussi que plus la Cmax était élevée, plus l’incidence des effets secondaires serait élevée. Il allait de soi que la formulation qui entraîne une Cmax inférieure à 225 ng/mL (p. ex., 50 ng/mL) aurait moins d’effets secondaires que les formulations qui ne le faisaient pas. La personne versée dans l’art savait aussi que la Cmax diminuerait si l’ODV-S était administré sous une forme pharmaceutique à libération continue, comme il a été analysé ci-dessus. Bien que l’antériorité n’ait pas divulgué que la Cmax d’une forme pharmaceutique d’ODV devrait être inférieure à 225 ng/mL, ce renseignement pouvait facilement être déterminé en utilisant un logiciel commercial et en consultant les données pharmacocinétiques accessibles provenant de l’analyse de l’Effexor XR ou de l’application de techniques de modélisation pharmacocinétique. Observation de la Cour : Je ne suis pas d’accord avec cette argumentation parce que les revendications 43 et 44 dépendent des revendications 8 et 9. Dans la mesure où les revendications 8 et 9 n’étaient ni mentionnées ni prévues dans l’antériorité et ne pouvaient pas être connues de la personne versée dans l’art, il en est aussi de même dans le cas des revendications 43 et 44.

  24. De toute façon, la valeur C. de 225 ng/mL n’a aucune signification particulière pour le fonctionnement des formulations visées par les revendications 43 et 44 parce que cette valeur a été obtenue de façon arbitraire et inexplicable. Observation de la Cour : Cette observation est sans fondement, comme il est analysé au paragraphe 110.

[301] Bien que j’aie traité sommairement de chacun des arguments d’Apotex concernant l’antériorité, le problème plus fondamental que présentent ces arguments est leur contradiction des témoignages d’experts que j’ai retenus. Cela mis à part, même si tous ces arguments sont retenus comme faisant partie de l’antériorité, contrairement à ma conclusion, ils visent en grande partie le même cas que celui qui a été rejeté par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi :

[85] La seule existence de procédés connus permettant d’isoler les isomères d’un racémate ne signifie pas qu’une personne versée dans l’art y recourerait nécessairement. Il n’est d’ailleurs pas tenu compte de l’existence de tels procédés lorsqu’aucun élément n’établit qu’il allait plus ou moins de soi d’y recourir.

[302] Comme il a été dit dans l’arrêt Sanofi, il n’est d’ailleurs pas tenu compte du fait que l’existence de tels procédés était connue parce que leur essai était plus ou moins évident : « la possibilité de découvrir l’invention ne suffit pas. Pour satisfaire au critère de l’« essai allant de soi », l’invention doit être évidente au regard de l’art antérieur et des connaissances générales courantes. Ce que la preuve n’établit pas en l’espèce. » [Paragraphe 85] Selon ma compréhension, la connaissance d’une multitude de faits et de procédures ne mène pas nécessairement à la conclusion selon laquelle il allait de soi de tenter de découvrir tout ce qui pouvait être produit selon ces faits et ces procédures. Il en est ainsi parce que, comme l’arrêt Sanofi le confirme au paragraphe 65 : « S’il en allait autrement, peu d’inventions seraient brevetables. L’éventualité d’une protection ne justifierait la recherche que dans des domaines n’offrant aucune chance de découverte. La notion d’« essai allant de soi » ne s’applique vraiment que lorsqu’il est plus ou moins évident que l’essai sera fructueux. »

[303] Les éléments de preuve ne l’établissent pas non plus en l’espèce : l’invention n’était pas évidente selon l’antériorité et les connaissances générales courantes et sur la foi des éléments de preuve en l’espèce. Je ne peux pas conclure que la personne versée dans l’art dépourvue d’imagination et d’esprit inventif considérerait que la découverte du succinate d’ODV de forme I allait de soi selon l’antériorité et les connaissances générales courantes.

[304] À mon avis, ces considérations sous la présente rubrique laissent entendre qu’il ne convient pas de tirer une conclusion d’essai allant de soi en l’espèce.

8. Quels efforts – leur nature et leur ampleur – sont requis pour réaliser l’invention? Les essais sont-ils courants ou l’expérimentation est-elle longue et ardue de telle sorte que les essais ne peuvent être qualifiés de courants?

[305] J’ai retenu le témoignage de M. Myerson concernant l’ampleur et la nature des efforts requis pour réaliser l’invention tels qu’ils étaient connus de la personne versée dans l’art : aux paragraphes 234 et 278. J’ai aussi retenu le témoignage de Mme Park fondé sur son expérience concernant le criblage des cristaux et des polymorphes : aux paragraphes 124 et suivants. À mon humble avis, l’ampleur et la nature des efforts requis pour réaliser l’invention, à savoir pour obtenir le succinate d’ODV de forme I, étaient considérables; la personne versée dans l’art aurait perçu les efforts requis comme constituant un programme de recherche.

[306] Toujours par analogie avec l’arrêt Sanofi, au paragraphe 86, rien ne démontre que la personne versée saurait au moment pertinent lequel des sels permettrait de réaliser l’invention, c.‑à‑d., le succinate d’ODV de forme I cristalline. En fait, les éléments de preuve contre l’essai allant de soi en l’espèce semblent plus probants que ceux de l’arrêt Sanofi, parce qu’il y a en l’espèce des éléments de preuve que je retiens, selon la prépondérance des probabilités, selon lesquels le succinate d’ODV ne fonctionnerait pas. Ces éléments de preuve reposaient sur le fait que le fumarate d’ODV, un autre sel d’ODV, n’avait pas fonctionné. Étant donné que l’ODV en son état dissocié, c.-à-d., lorsqu’il est séparé du fumarate d’ODV après sa dissolution, n’avait pas fonctionné une fois introduit dans le corps, on pouvait logiquement s’attendre à ce qu’un autre sel, soit le succinate d’ODV, ne fonctionnerait pas non plus, parce que l’ODV qui est dissocié du succinate serait le même que l’ODV qui est dissocié du fumarate. Si l’un ne fonctionnait pas, il était logique que l’autre ne fonctionne pas. Je retiens le témoignage de M. Shah concernant |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Les travaux, considérés dans ce contexte, seraient ardus.

[307] Toujours par analogie avec l’arrêt Sanofi, au paragraphe 87, rien ne démontrait que la personne versée dans l’art aurait connu au moment pertinent les propriétés du succinate d’ODV, pas plus que la personne versée dans l’art n’aurait connu ni prédit les propriétés de la nouvelle forme cristalline revendiquée dans le brevet 668.

[308] Bien que je sois d’accord pour dire que la personne versée dans l’art n’aurait peut-être pas considéré l’expérimentation de criblage de sels « longue et ardue », tel n’est pas le cas des criblages cristallins et polymorphes réalisés par SSCI qui, selon ma conclusion, n’auraient pas été perçus comme étant difficiles et longs. De plus, la personne versée dans l’art jugerait long et ardu le programme de recherche dans son ensemble qui a été mené en l’espèce, ce qui à mon avis était justifié et raisonnable dans le contexte de développement de médicament, qui comportait une expérimentation concernant un promédicament, le criblage de sels et de polymorphes ainsi que des essais in vitro et in vivo, y compris chez les ||||||||||||||||||||||||, les rats, les chiens et les êtres humains.

[309] Ce facteur ne cadre pas avec une conclusion d’essai allant de soi.

9. L’antériorité fournit‑elle un motif de rechercher la solution au problème qui sous‑tend le brevet?

[310] Pour établir une motivation, il faut déterminer s’il existe un motif dans l’antériorité pour rechercher « la solution au problème qui sous-tend le brevet ». La solution au problème qui sous-tend le brevet 668, tel qu’il a été conclu, est la nouvelle composition de matières, soit la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I.

[311] Il n’y a aucun élément de preuve d’un motif fourni par l’antériorité qui pointe dans la direction du succinate d’ODV, ni de quelque forme à l’état solide du succinate d’ODV, encore moins du monohydrate de forme I. On pouvait s’y attendre, étant donné que la personne versée dans l’art n’aurait eu aucune connaissance ni aucune façon de prévoir les formes en existence ni la façon de les former.

[312] Selon la thèse de Pfizer, au-delà d’un énoncé général concernant les possibilités d’autres sels d’ODV pharmaceutiquement acceptables, il n’y avait aucun motif préexistant fourni par l’antériorité de rechercher la solution au problème qui sous-tendait le brevet 668. Elle affirme, et je suis d’accord, que bien qu’une personne versée dans l’art aurait peut-être eu un motif général de rechercher une forme d’ODV qui pourrait être formulée, rien n’indiquait quels sels pourraient avoir une forme cristalline. À mon avis, de plus, il n’y avait aucun élément de preuve quant à une motivation dans la direction du succinate en tant que solution et manifestement aucun élément de preuve quant à une motivation pour préparer une forme donnée à l’état solide du succinate d’ODV, et encore moins du succinate d’ODV de forme I, soit la solution au problème qui sous-tendait le brevet 668.

[313] Je renvoie encore une fois à l’arrêt Sanofi, au paragraphe 90 cette fois, et j’observe que la Cour suprême a examiné les faits pour des éléments de preuve qui « donnaient à la personne versée dans l’art un motif de rechercher l’objet » de l’invention revendiquée. C’est la même situation en l’espèce. Il n’y a pas de motif précis, et je mets l’accent sur les mots « motif précis » fourni par l’antériorité pour rechercher la nouvelle forme cristalline d’ODV de forme I revendiquée par le brevet 668.

[314] J’observe aussi que l’arrêt Sanofi concernait un brevet de genre, à l’égard duquel la Cour suprême a affirmé au paragraphe 90 qu’une « sélection était prévisible », sans pour autant conclure à l’existence d’un motif fourni dans l’antériorité : j’estime aussi qu’il n’y en a pas. Apotex reconnaît qu’il ne s’agit pas d’un brevet de sélection.

[315] À mon avis, cet aspect du critère relatif à l’essai allant de soi favorise Pfizer.

10. Quelle démarche a mené à l’invention?

[316] La démarche menée dans le cas présent, c’est-à-dire l’historique de l’invention relative au brevet 668 exposée ci-dessus, comme M. Shah et Mme Park l’ont décrite dans leurs témoignages. Selon les conclusions que j’ai tirées à cet égard, la démarche qui a mené à la découverte de la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I était courante.

[317] Je suis d’accord avec Apotex pour dire que la forme saline du succinate d’ODV a été produite en tant que nouvelle composition de matières |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Toutefois, et sans douter de la pertinence de ce facteur, le temps requis pour réaliser une nouvelle invention n’est qu’un des facteurs à prendre en compte. Cela est d’autant plus vrai étant donné l’existence d’éléments de preuve selon lesquels cette forme saline et cristalline particulière n’était ni prévue ni prévisible. J’ai pris acte des éléments de preuve, et j’ai déjà conclu que les formes salines étaient jugées contre-intuitives |||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||| du fait que la forme saline du fumarate d’ODV n’avait pas été fructueuse.

[318] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||

[319] De plus, l’historique de l’invention n’a pas commencé par le criblage de sels ni par la mention du succinate comme candidat éventuel pour des essais plus poussés et des travaux de développement de médicament. Pour débuter l’analyse, c’est ne pas tenir compte des travaux réalisés avant le début de l’expérimentation la plus récente avec des sels, y compris les travaux réalisés sur d’autres sels, dont le fumarate, et les travaux visant le développement d’un promédicament – l’existence desquels étant entendue par les parties. C’est aussi de ne pas tenir compte des travaux d’envergure en ce qui concerne les essais in vitro et in vivo et sur des êtres humains que Wyeth a menés après le criblage détaillé et le criblage des sels ainsi que le criblage spécialisé des polymorphes cristallins. On ne peut perdre de vue les travaux d’envergure en ce qui concerne les essais in vitro, in vivo et chez l’être humain menés par Wyeth après le criblage détaillé et le criblage des sels ainsi que le criblage spécialisé des polymorphes cristallins.

[320] |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| Mais ce n’était ni prévisible ni prévu. Encore une fois, il ne s’agit que d’un facteur. Il importe de souligner que la raison principale de la participation de SSCI était que nombreux essais additionnels étaient requis pour établir s’il existait d’autres formes du succinate d’ODV et, le cas échéant, la forme la plus stable du succinate d’ODV, c.-à-d., le meilleur candidat à des fins de développement plus poussé de médicament. Le fait que la nouvelle composition cristalline de matières a été produite avant que Wyeth ne retienne les services de SSCI ne change pas les faits suivants : a) les expériences requises pour atteindre ce stade en l’espèce allaient au-delà des expériences courantes et b) des expériences plus poussées étaient requises des spécialistes de SSCI.

[321] Dans l’ensemble, et à mon humble avis, la véritable démarche entreprise en l’espèce faisait intervenir plus que des expériences courantes; à mon avis, c’était un programme de recherche. Cela confirme la conclusion que j’ai tirée précédemment selon laquelle la personne versée dans l’art, en considérant l’antériorité et les connaissances générales courantes, percevrait un programme de recherche en ce qui concerne la recherche d’un composé qui convient au développement d’un médicament possédant les propriétés requises, y compris la stabilité à l’état solide aux températures ambiantes et dans des conditions d’humidité relative, la solubilité, la perméabilité et la biodisponibilité.

[322] Cela dit, bien que je sois d’accord pour dire qu’une partie des travaux réalisés par Wyeth et SSCI n’était pas ardue, ces travaux considérés dans leur ensemble, étaient néanmoins difficiles. À mon avis, dans ce contexte, les observations du juge Gauthier dans l’affaire Plavix 2 sont pertinentes :

137 Cependant, le juge Rothstein a bien indiqué dans l’arrêt Plavix que la question de savoir si la séparation ou la résolution des énantiomères était un exercice de routine ou un travail difficile n’aurait que peu de poids en l’occurrence si l’on considère tout l’arrière-plan de la décision de séparer ces énantiomères (voir l’arrêt Plavix, au par. 89).

[323] Ces circonstances sont favorables à Pfizer dans l’analyse relative à l’essai allant de soi.

11. Conclusion sur l’essai allant de soi concernant les revendications 8 et 9

[324] En somme, me fondant sur ce qui précède, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’était pas plus ou moins évident pour la personne versée dans l’art que l’essai, c.-à-d., le concept inventif ou la solution enseignée par le brevet 668, soit la forme cristalline du succinate d’ODV de forme I mentionnée dans les revendications 8 et 9, serait fructueux.

12. Conclusion sur l’essai allant de soi concernant les revendications 33, 43 et 44

[325] Étant donné que les revendications 33, 43 et 44 dépendent des revendications 8 et 9, je conclus que leurs concepts inventifs respectifs, les solutions qu’elles enseignent, n’allaient pas non plus de soi.

13. Considération de l’orientation fournie dans l’arrêt Sanofi concernant l’analyse relative à l’essai allant de soi

[326] J’ai tiré ces conclusions sans mentionner précisément l’orientation fournie au début de la démarche relative à l’essai allant de soi décrite dans l’arrêt Plavix 1. Au paragraphe 64 de cet arrêt, la Cour a affirmé que la notion d’essai allant de soi « commande la prudence » et n’est « qu’un des éléments à considérer pour statuer sur l’évidence » qui « ne saurait permettre de réfuter toute allégation ».

[327] Ce besoin de faire preuve de prudence me mène à tirer la même conclusion que je viens de tirer, et l’application de la mise en garde claire voulant que l’essai allait de soi ne permet de réfuter aucune allégation.

[328] J’examine maintenant les considérations exprimées par la Cour suprême dans l’arrêt Sanofi concernant l’objet de la Loi sur les brevets, à savoir que « Le régime des brevets vise à favoriser le financement de la recherche et du développement. » « [c]e qui est assurément d’une importance capitale dans le domaine pharmaceutique et celui de la biotechnologie. » [au paragraphe 64]. Cette orientation confirme la conclusion que j’ai tirée, selon la prépondérance des probabilités, selon laquelle l’allégation d’Apotex portant sur l’essai allant de soi n’est pas établie.

[329] En somme, l’orientation donnée par la Cour suprême concernant l’essai allant de soi était la conclusion selon laquelle l’essai du succinate d’ODV de forme I n’allait pas de soi.

14. Conclusion concernant l’évidence

[330] À mon humble avis, la demanderesse a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex portant sur l’évidence est non fondée.

5. Inutilité

[331] Le fondement législatif de la notion selon laquelle un brevet est invalide pour cause d’inutilité ou, autrement dit, qu’il manque d’utilité, est fourni à l’article 2 de la Loi sur les brevets, qui dispose qu’une invention doit présenter le caractère de l’« utilité » :

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. (invention)

invention means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter; (invention)

[Soulignement ajouté.]

[Emphasis added.]

[332] L’analyse de l’utilité aurait précédemment débuté par la reconnaissance que l’utilité doit être démontrée ou valablement prédite, avant que la doctrine de la promesse ne soit analysée. Après l’audience tenue en l’espèce, la Cour suprême a toutefois conclu que « l’application de la doctrine de la promesse n’est pas la bonne approche pour établir si un brevet a ou non une utilité suffisante ». Voir l’arrêt AstraZeneca Canada Inc c Apotex Inc, 2017 CSC 36 [AstroZeneca], au paragraphe 2. J’ai invité les parties à présenter des observations concernant l’arrêt AstraZeneca, en demandant initialement des observations révisées sur l’utilité. Apotex a demandé la permission de présenter des observations sur l’antériorité et l’évidence, en plus de sur l’utilité, et j’ai donc demandé aux parties de présenter des observations « concernant » la décision AstraZeneca et la présente affaire. Les parties ont déposé des observations principales et en réponse.

[333] Pfizer a résumé son argumentation sur l’utilité de la façon suivante :

1. Dans l’arrêt AstraZeneca Canada Inc. c Apotex Inc.AstraZeneca »), la Cour suprême a modifié considérablement le droit applicable à l’utilité en renversant explicitement la « doctrine de la promesse », qu’elle a conclu être « sans fondement » et « excessivement exigeante et « contrecarre[r] le régime de la [Loi sur les brevets] ». La Cour a plutôt proposé une approche en deux étapes de l’utilité. Les tribunaux doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile. Une « parcelle d’utilité suffit », et une seule utilisation liée à la nature de l’objet suffit pour satisfaire au critère de l’utilité prévu à l’article 2 de la Loi sur les brevets [la « Loi »], même si des utilisations multiples sont décrites ou divulguées.

2. Même en application de l’approche rejetée de la « promesse », les revendications invoquées du brevet 668 présentaient un degré suffisant d’utilité. Par conséquent, selon ce cadre, dont le seuil est nettement inférieur, les allégations d’Apotex portant sur l’inutilité ne peuvent être justifiées. Bien que le brevet 668 puisse divulguer plusieurs utilisations se rapportant à divers éléments de son objet, l’objet des revendications 8 et 9 est la nouvelle forme cristalline – le succinate d’ODV de forme I. En appliquant l’orientation fournie par la Cour suprême, l’utilité associée à cette nouvelle forme cristalline est la stabilité à l’état solide, que les inventeurs ont démontrée avant la date pertinente. Cela répond entièrement à l’allégation d’Apotex selon laquelle l’objet des revendications 8 et 9 manque d’utilité au sens de l’article 2 de la Loi.

3. Apotex ne peut raisonnablement soutenir sa thèse selon laquelle ces revendications manquent d’utilité à la lumière de la décision rendue dans AstraZeneca. Elle n’a pas attaqué le fait que la stabilité du succinate d’ODV de forme I a été démontrée. L’argument d’Apotex selon lequel les revendications 8 et 9 manquent d’utilité reposait plutôt sur son allégation voulant que ces revendications étaient associées à un certain nombre de promesses, y compris les promesses liées aux propriétés comparatives du sel, et à la réduction des effets secondaires. Maintenant qu’il est clair que n’importe quelle utilité suffit pour étayer une revendication, l’allégation d’Apotex ne peut être retenue.

4. Dans l’arrêt AstraZeneca, la Cour a rappelé aux parties que les brevets visent à apporter des solutions ingénieuses à des problèmes concrets. C’est précisément ce que fait le brevet 668. Les inventeurs avaient un problème : les formes antérieures de l’ODV présentaient des propriétés défavorables au développement d’un médicament. Ils ont réalisé des expériences pour tenter de résoudre ce problème, qu’ils ont fini par résoudre. Au moyen de ces expériences, ils ont découvert un nouveau sel [le succinate d’ODV] possédant des propriétés améliorées et une nouvelle forme cristalline [le succinate d’ODV de forme I] qui était suffisamment stable pour le développement. Selon l’arrêt AstraZeneca, la stabilité de la forme I, et donc son adaptation au développement pharmaceutique, présente une utilité suffisante pour étayer les revendications 8 et 9, peu importe les autres utilités qui peuvent être divulguées dans le mémoire descriptif du brevet.

5. Enfin, la seule question dont la Cour suprême était saisie dans AstraZeneca portait sur l’utilité requise en vertu de l’article 2 de la Loi. La Cour ne s’est pas penchée sur le droit applicable à l’évidence ou à l’antériorité, et rien dans la décision rendue dans AstraZeneca ne modifie les critères relatifs à l’évidence ou à l’antériorité établis précédemment dans l’arrêt Sanofi-Synthelabo.

[334] Apotex a résumé son argumentation portant sur l’utilité (elle a aussi soulevé l’évidence et les promesses excessives, mais n’est pas revenue sur l’antériorité) de la façon suivante :

15. Dans l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême a conclu que la doctrine de la « promesse du brevet » décrite par la Cour n’est pas la bonne approche pour établir si une revendication de brevet présente l’utilité requise. En parallèle, la Cour suprême a confirmé l’exigence de l’utilité dans des termes non équivoques et a demandé que l’utilité soit établie de la façon suivante :

a) le tribunal doit d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet;

b) puis, il doit se demander si cet objet est utile. À cet égard, ce qui constitue une « utilité » ne signifie pas que « n’importe quelle utilisation suffira » – cela signifie que l’objet est une « solution […] à un problème concret », qui « doit avoir une utilisation pertinente réelle […] liée à la nature de l’objet », qui [traduction] « a un objectif utile et n’est pas simplement une curiosité de laboratoire dont la seule utilité possible serait de servir de point de départ à des recherches plus poussées ».

16. La Cour suprême a aussi confirmé que l’utilité telle qu’elle est interprétée doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt du brevet.

[335] Dans ce contexte, la Cour suprême dans AstraZeneca énonce elle-même la bonne approche relative à l’utilité :

(2) La bonne approche relative à l’utilité

[52] Le libellé de l’art. 2 de la Loi donne le fondement au type d’utilité qui est pertinent en exigeant que ce soit l’objet de l’invention ou de son amélioration qui soit utile. Pour que l’objet fonctionne en tant que solution ingénieuse à un problème concret, l’invention doit avoir une utilisation pertinente réelle et qui ne soit pas dénuée d’utilité. Comme l’a conclu le juge Binnie dans AZT, un brevet « est un moyen d’encourager les gens à rendre publiques les solutions ingénieuses apportées à des problèmes concrets, en promettant de leur accorder un monopole limité d’une durée limitée » : par. 37, je souligne.

[53] Ce qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications. Ainsi, la portée des utilisations potentielles acceptables pour qu’il soit satisfait à la condition énoncée à l’art. 2 est limitée — ce n’est pas n’importe quelle utilisation qui suffira. Puisqu’il est exigé que l’utilité de l’invention proposée soit liée à la nature de l’objet, une invention proposée ne peut être sauvée par une utilité qui n’a aucun lien avec lui. Il ne suffit pas que la personne voulant faire breveter une machine fasse valoir qu’elle est utile en tant que presse-papier.

[54] Pour déterminer si un brevet divulgue une invention dont l’utilité est suffisante au sens de l’art. 2, les tribunaux doivent procéder à l’analyse suivante. Ils doivent d’abord cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. Puis, ils doivent se demander si cet objet est utile — c’est-à-dire, se demander s’il peut donner un résultat concret?

[55] La Loi ne prescrit pas le degré d’utilité requis. Elle ne prévoit pas non plus que chaque utilisation potentielle doit être réalisée — une parcelle d’utilité suffit. Une seule utilisation liée à la nature de l’objet est suffisante, et l’utilité doit être établie au moyen d’une démonstration ou d’une prédiction valable à la date de dépôt : AZT, par. 56.

[336] La première question consiste à cerner l’objet de l’invention suivant le libellé du brevet. La seconde question consiste à se demander si cet objet est utile — c’est-à-dire, se demander s’il peut donner un résultat concret. L’utilité doit être démontrée ou valablement prédite.

[337] Il est écrit au paragraphe 53 de l’arrêt AstraZeneca que « [c]e qui constitue une utilité acceptable variera en fonction de l’objet de l’invention cerné à la suite de l’interprétation des revendications. » Après l’arrêt AstraZeneca, l’utilité est évaluée une revendication à la fois, tout comme elle l’était avant cet arrêt : Astrazeneca Canada Inc. c Apotex Inc., 2015 CAF 158, aux paragraphes 4 et 5, et Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2014 CAF 250, conformément à l’article 58 de la Loi sur les brevets et au paragraphe 46 de l’arrêt AstraZeneca lui-même.

[338] Par conséquent, la Cour procédera à son analyse de l’utilité une revendication à la fois, eu égard à l’interprétation donnée à chacune des revendications invoquées dans le brevet 668, à savoir les revendications 8, 9, 33, 43 et 44.

[339] Revendications 8 et 9 – J’ai conclu que l’objet des revendications 8 et 9 est la nouvelle forme cristalline du succinate d’ODV de forme I caractérisé par sa diffraction de rayons X sur poudres et son endotherme. Ces revendications de la forme cristalline de la forme I concernent à mon avis un objet distinct de celui des revendications du brevet 668 qui visent de façon plus générale le nouveau sel, le succinate d’ODV, comme le confirme le brevet 668 : [traduction] « [C]haque polymorphe forme un autre élément de l’invention. » À cet égard, Mme Parr, d’Apotex, était d’accord pour dire que cet énoncé contenu dans le brevet 668 signifie [TRADUCTION] « un élément de l’invention en plus de l’invention du nouveau sel. »

[340] Pfizer affirme que l’utilité des revendications 8 et 9 consiste en son utilité en tant que forme à l’état solide stable du succinate d’ODV. Je suis du même avis. Je suis aussi d’accord pour dire que cette utilisation est directement liée à l’objet des revendications 8 et 9. La stabilité (c.-à-d., la tendance à ne pas prendre d’autres formes) est une propriété importante pour une nouvelle forme cristalline, et il y a amplement d’éléments de preuve pour indiquer que la stabilité était nécessaire à ce développement pharmaceutique.

[341] Apotex n’est pas d’accord pour dire que la stabilité est l’une des propriétés physiques du médicament (notamment, la masse, la couleur, le point de fusion et la stabilité) et que l’utilité vise ce que peut faire le médicament d’un point de vue pratique (c.-à-d., traiter une maladie) et non pas ses propriétés. Je ne suis pas d’accord. À mon humble avis, un médicament qui n’est pas stable au cours de la fabrication, de la distribution et de l’entreposage ne peut pas facilement être considéré comme utile. J’estime que c’est plutôt le contraire. Je ne suis convaincu par l’argumentation d’Apotex à cet égard, en particulier parce que c’est la stabilité à l’état solide de la forme I qui permet l’utilisation du succinate d’ODV de forme I dans une formulation, c.-à-d., en tant que médicament. M. Bastin et Mme Parr, d’Apotex, ont reconnu que la stabilité serait importante et qu’il s’agirait d’un facteur à prendre en compte. De plus, Apotex a affirmé dans son AA que des études seraient requises [traduction] « pour vérifier que la forme solide du médicament était suffisamment stable pour être utilisée dans un produit médicamenteux. » La recherche d’une forme stable du succinate d’ODV était un motif très important qui sous-tendait les travaux réalisés concernant les criblages de sels de Wyeth, et la recherche sur les polymorphes et les cristaux effectuée par les spécialistes de SSCI. Bien qu’Apotex soutienne que la stabilité alléguée par Pfizer n’est que la stabilité de l’ODV-S de forme I (moulu), Pfizer a raison de mentionner que cet argument importe peu aux fins de l’analyse relative à l’utilité préconisée dans l’arrêt AstraZeneca parce que, même si la revendication ne visait que la forme I « moulue », ce qui n’est pas le cas tel que je l’ai conclu, l’utilité a tout de même été démontrée.

[342] Je suis convaincu que la stabilité à l’état solide du succinate d’ODV de forme I, l’objet des revendications 8 et 9, est l’objet qui est utile – qui peut donner un résultat concret : elle permet l’utilisation du succinate d’ODV de forme I dans une formulation (c.-à-d., en tant que médicament).

[343] À mon humble avis, la stabilité de la forme I a été démontrée. La forme I s’est montrée stable à la température de la pièce et jusqu’à 105 ºC, et stable d’un point de vue physique à une humidité relative de 5 à 95 %. |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||| |||||||||||||| Tel était le témoignage de Mme Park fondé sur le travail à SSCI, que j’ai retenu aux paragraphes 131, 133 et 140 ci-dessus. L’expert d’Apotex, M. Parr, a reconnu que la stabilité physique « a été démontrée dans le cas du succinate d’ODV de forme I (moulu). » En effet, M. Parr a fait la déclaration suivante : [traduction] « Si la propriété de la stabilité physique (c.-à-d., d’être stable d’un point de vue physique jusqu’à 105 ºC et à une humidité relative de 5 à 95 %) fait partie de l’utilité promise associée aux revendications 8 et 9, je suis d’accord avec M. Myerson (à ses paragraphes 306 à 308) et M. Atwood (à ses paragraphes 269 à 271) pour dire que cette propriété a été démontrée dans le cas du succinate d’ODV de forme I (moulu). » Compte tenu de ma conclusion concernant la stabilité, les parties s’entendent pour dire que la démonstration a été faite à cet égard.

[344] Pfizer a aussi soutenu que l’utilité pratique du médicament en tant que forme solide stable constitue à elle seule une utilité suffisante suivant l’arrêt AstraZeneca dans ce contexte. Je suis d’accord.

[345] Par conséquent, l’utilité a été démontrée à l’égard des revendications 8 et 9.

[346] Revendications 33, 43 et 44 – Les autres revendications invoquées se rapportent à un objet additionnel divulgué par le brevet 668. Plus précisément, tel que je l’ai conclu en ce qui concerne l’interprétation des revendications, et comme elle dépend des revendications 8 ou 9, la revendication 33 se rapporte à l’utilisation du succinate d’ODV de forme I dans le traitement de la dépression.

[347] La revendication 43, comme elle dépend des revendications 8 ou 9, tel que je l’ai conclu en ce qui concerne l’interprétation des revendications, se rapporte à l’utilisation d’une formulation à libération continue du succinate d’ODV de forme I pour arriver à un taux précis de concentration dans le plasma sanguin et réduire l’incidence des effets secondaires qui se produisent avec une formule à libération immédiate. La revendication 44 se rapporte à la même formulation à libération continue contenant le succinate d’ODV sous quelque forme que ce soit.

[348] Ces revendications visent d’autres utilisations de l’objet des revendications 8 et 9, ce qui soulève la question suivante selon l’analyse préconisée dans l’arrêt AstraZeneca : si cet objet est utile – c.-à-d., se demander s’il peut donner un résultat concret?

A. Les objets des revendications 33, 43 et 44 sont-ils utiles – c.-à-d., se demander s’ils peuvent donner un résultat concret?

[349] Revendication 33 – À mon humble avis, les inventeurs avaient démontré et valablement prédit que le succinate d’ODV de forme pouvait donner un résultat concret, à savoir qu’on pouvait l’utiliser dans le traitement de la dépression. Il était déjà connu dans l’art que l’ODV lui-même était au traitement de la dépression dans la mesure où on pouvait l’administrer de façon efficace. La personne versée dans l’art saurait que si une forme quelconque du succinate d’ODV pouvait être administrée de façon efficace dans la circulation sanguine d’un patient, il serait de même utile à cette fin parce l’ODV se serait dissocié. Les inventeurs du brevet 668 avaient démontré à la date du dépôt que le succinate d’ODV de forme I pouvait être administré de manière à entraîner des concentrations sanguines efficaces de l’ODV chez les patients humains. Ainsi, l’utilité associée à la revendication 33 a été démontrée.

[350] À mon avis, l’utilité du succinate d’ODV de forme I pour traiter la dépression a aussi été valablement prédite en fonction de la pharmacologie connue de l’ODV et il avait été démontré que le succinate d’ODV de forme I pouvait pénétrer dans la circulation sanguine. Il était connu que l’ODV était actif d’un point de vue pharmacologique en tant qu’IRSN et il était connu que l’ODV était le métabolite actif de la venlafaxine, qui était approuvée et utilisée pour le traitement de la dépression en tant qu’EFFEXOR et EFFEXOR XR. Autrement dit, l’activité pharmacologique contre la dépression de l’ODV était connue. De plus, comme je viens de le mentionner, il avait été démontré que le succinate d’ODV de forme I pouvait pénétrer dans la circulation sanguine à des concentrations efficaces d’un point de vue thérapeutique.

[351] À mon avis, la conclusion selon laquelle le succinate d’ODV de forme I pouvait pénétrer dans la circulation sanguine, où il devait servir à tous les usages cliniques pour lesquels l’utilité de l’ODV était déjà connue, y compris le traitement de la dépression, reposait donc sur un raisonnement valable.

[352] Revendications 43 et 44 – À mon avis, les inventeurs ont démontré au moment pertinent que les formulations à libération continue du succinate d’ODV (plus précisément, le succinate de forme I) qui entraînaient le niveau de concentration de plasma sanguin requis ont mené à la réduction générale des effets secondaires comparativement aux formulations à libération immédiate.

[353] À mon avis, cette utilisation est un résultat pratique liée à l’objet des revendications 43 et 44, qui visent les formulations à libération continue. Ces formulations visent une libération plus lente d’un médicament afin de réduire les niveaux de concentration dans le sang et ainsi les effets secondaires.

B. Conclusion sur l’inutilité

[354] Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’Apotex concernant l’inutilité sont non fondées.

6. Promesses excessives relativement au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets

[355] Comme pouvait s’y attendre, Apotex a fait des observations sur l’utilité dans le cadre des observations qu’elle a présentées après l’audience pour traiter de la décision de la Cour suprême dans AstraZeneca. Je dis qu’on pouvait s’y attendre parce que l’arrêt AstraZeneca a modifié le droit applicable au Canada à la doctrine de la promesse dans le cadre de l’analyse relative à l’utilité. Comme il a été mentionné précédemment, Apotex a aussi présenté des observations voulant que l’arrêt AstraZeneca ait modifié le droit applicable à l’évidence, une thèse que je n’ai pas retenue. De plus, Apotex a fait valoir que le brevet 668 fait des « promesses excessives » contrairement aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets, de sorte que le brevet n’est pas valide.

[356] À cette fin, Apotex a fait valoir ce qui suit :

31. Éléments de preuve allégués et fournis par Apotex pour établir que le brevet 668 faisait des promesses excessives. Plus précisément, Apotex a allégué que le brevet 668 faisait les promesses suivantes : (1) solubilité, perméabilité et biodisponibilité élevées et améliorées comparativement à l’ODV de forme libre et au fumarate d’ODV; (2) l’administration par voie orale de l’ODV-S réduit l’incidence des effets secondaires comparativement à l’administration de la venlafaxine, de l’ODV de forme libre et des sels d’ODV autres que l’ODV-S; et (3) l’ODV-S qui est administré dans une forme pharmaceutique à libération continue réduit l’incidence des effets secondaires relativement à l’administration par voie orale de la venlafaxine, de l’ODV de forme libre et des sels d’ODV autres que les formulations à libération continue de l’ODV-S. Apotex a établi que ces promesses n’étaient pas démontrées ni valablement prédites à la date du dépôt du brevet 668.

32. Pfizer n’a pas prétendu que ces promesses n’avaient pas été faites, mais a plutôt affirmé que ces promesses ne devraient pas toutes constituer l’utilité de chacune des revendications. Par exemple, Pfizer a fait valoir que les promesses d’amélioration des effets secondaires ((2) et (3) ci-dessus) devraient être interprétées de façon à éclairer l’utilité des revendications, à l’exception des revendications 8, 9 et 33.

33. Comme il a été mentionné ci-dessus, la Cour suprême a conclu dans l’arrêt AstraZeneca que les promesses excessives contreviennent aux exigences du paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Une invention a un objet dont l’utilité est démontrée à la date du dépôt ou un objet qui constitue une prédiction valable à la date du dépôt. Les déclarations faites dans le brevet 668 selon lesquelles les composés du brevet ont les utilités (1) à (3) ci-dessus n’étaient donc pas des descriptions ‘justes et entières’ de l’invention, mais plutôt des promesses excessives. Ainsi, elles devraient invalider le brevet 668 dans son ensemble.

[357] Je reconnais que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt AstraZeneca, a déclaré que la formulation de promesses excessives constitue « un méfait ». Toutefois, plutôt que de traiter des promesses excessives dans le cadre du droit applicable à l’utilité, comme dans le cas de la doctrine de la promesse, la Cour suprême a fait observer au paragraphe 46 que « [l]e régime de la Loi [sur les brevets] s’attaque au méfait des promesses excessives de plusieurs façons », tout en renvoyant au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets. Le paragraphe 27(3) dispose :

Mémoire descriptive

Specification

Le mémoire descriptif doit :

(3) The specification of an invention must

a) décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

c) s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

d) s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.

[358] Apotex soulève un argument complètement nouveau dans ce contexte. Son mémoire des faits et du droit ne contient aucune mention de la formulation de promesses excessives. Aucun des résumés de son argumentation déposés à l’audience ne contient de telle mention. Les promesses excessives n’ont fait l’objet d’aucune discussion de la part d’Apotex à l’audience. Et bien qu’Apotex ait mentionné le paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets dans son mémoire, elle ne l’a mentionné qu’une seule fois, et ce, relativement à l’insuffisance et à la portée excessive; Apotex a retiré ces arguments par la suite.

[359] Bien que je ne puisse reprocher à Apotex d’avoir soulevé son argument relatif à la doctrine des « promesses excessives » vu l’invitation adressée aux parties de présenter des commentaires additionnels sur l’arrêt AstraZeneca, j’observe qu’Apotex n’a pas demandé la permission de soulever la question des « promesses excessives » dans sa lettre du 4 juillet 2017, dans laquelle elle a demandé que la portée des observations présentées après l’audience soit élargie : sa demande ne visait que l’antériorité et l’évidence. Ainsi, bien qu’Apotex ait soulevé l’évidence dans les observations qu’elle a déposées après l’audience, elle n’a rien dit au sujet de l’antériorité et a plutôt soulevé la nouvelle question des « promesses excessives ».

[360] J’observe aussi que l’argument fondé sur l’allégation de promesses excessives ressemble aux arguments relatifs à la promesse avancés par Apotex, qui ne sont plus valables eu égard à l’arrêt AstraZeneca. Si la Cour suprême avait voulu dire, en fait, que la doctrine de la promesse n’était pas fondée en droit en ce qui concerne l’utilité au sens de l’article 2, mais l’était en ce qui concerne le mémoire descriptif d’un brevet prévu au paragraphe 27(3), elle l’aurait fait, or elle ne l’a pas fait.

[361] Pfizer s’oppose aux observations formulées par Apotex concernant les promesses excessives. Elle formule son argumentation ainsi :

4. Selon la thèse continue par Apotex en l’espèce et dans l’affaire AstraZeneca, un breveté doit démontrer ou prédire chaque avantage plausible mentionné dans le mémoire descriptif du brevet conformément à l’article 2 de la Loi. La Cour suprême a qualifié cette thèse et la doctrine de la promesse de « sans fondement », d’« excessivement exigeante[s] » et d’« incompatible[s] […] avec l’esprit de la Loi sur les brevets » et les a décrites comme n’étant « pas une règle de droit valide ». Apotex n’étant pas dissuadée par ces paroles fermes, elle avance maintenant que cette exigence a toujours été exacte et qu’il faut continuer de l’appliquer, et que la correction apportée par la Cour suprême visait la disposition applicable de la Loi (le paragraphe 27(3) plutôt que l’article 2). La Cour fédérale ne devrait pas accepter l’invitation opportuniste d’Apotex à réécrire les principes de longue date relatifs à la divulgation – et la Loi elle-même – sur la foi d’une remarque incidente de la Cour suprême.

5. La Cour suprême n’a pas conclu que [traduction] « la formulation de promesses excessives contrevient aux exigences du paragraphe 27(3) ». Selon une interprétation téléologique, la Cour faisait référence aux circonstances exceptionnelles dans lesquelles les déclarations faites dans un brevet empêchent un lecteur versé dans l’art de comprendre « la nature de l’invention » ou « la façon de la mettre en opération ». Ces deux éléments ont toujours été (et demeurent) les exigences fondamentales du paragraphe 27(3), comme la Cour suprême l’a récemment affirmé de nouveau dans l’arrêt Teva c Pfizer.

6. Le paragraphe 27(3) représente la négociation du brevet. Il existe pour veiller à ce que [traduction] « une fois la période de monopole terminée, le public puisse […] utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande ». La doctrine de la promesse a été éliminée, entre autres raisons, parce qu’elle décourage la divulgation plutôt que de l’encourager. Comme la Cour suprême l’a déclaré, « [l]e fait d’invalider un brevet uniquement en raison de l’exagération non intentionnelle même d’une seule utilisation découragera le breveté de faire une divulgation complète, alors qu’une telle divulgation est à l’avantage du public ».

[362] Dans l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

[45] Les tenants de la doctrine de la promesse soutiennent que les conséquences de cette dernière jouent un rôle clé pour garantir que les brevetés ne fassent pas de « promesses excessives » dans leur demande de brevet. Les brevetés seraient ainsi dissuadés d’affirmer que l’invention peut être utilisée à des fins qui ne sont pas suffisamment établies au moment du dépôt si cela risquait d’invalider le brevet dans son ensemble. La condition d’utilité ne devrait toutefois pas être interprétée, comme les cours fédérales l’ont fait, pour répondre à de telles préoccupations. Il n’en demeure pas moins que la formulation de promesses excessives constitue un méfait.

[46] Le régime de la Loi s’attaque au méfait des promesses excessives de plusieurs façons. Le fait de ne pas divulguer adéquatement l’invention en exagérant, par exemple, la teneur de l’invention entraîne des conséquences. La divulgation qui n’est pas juste et entière, ou qui énonce un fonctionnement ou une utilisation non fondée de l’invention, pourrait ne pas satisfaire aux exigences du par. 27(3). Une revendication excessive peut être déclarée invalide; cependant, sous l’effet de l’art. 58 de la Loi sur les brevets, il peut être donné effet aux revendications valides restantes. De plus, suivant l’art. 53 de la Loi, ce méfait peut entraîner la nullité du brevet, lorsque les promesses excessives contenues dans un mémoire descriptif équivalent à une omission ou à une addition « volontairement faite pour induire en erreur ».

[363] Il me semble que Pfizer a raison. Je ne peux déceler de justification à l’argument selon lequel la Cour suprême du Canada a retiré la doctrine de la promesse de l’analyse relative à l’utilité, mais qu’elle exigerait dans un même temps qu’elle soit prise en considération, de la façon proposée par Apotex, dans le cadre de l’analyse relative au mémoire descriptif. Si tel était le cas, il resterait un important problème sous-jacent décrit par la Cour suprême elle-même, à savoir que « [l]es brevetés seraient ainsi dissuadés d’affirmer que l’invention peut être utilisée à des fins qui ne sont pas suffisamment établies au moment du dépôt si cela risquait d’invalider le brevet dans son ensemble. » Voir l’arrêt AstraZeneca, au paragraphe 45.

[364] Non seulement ce problème sous-jacent persisterait-il, mais je ne vois rien dans l’arrêt AstraZeneca qui laisse entendre que la Cour suprême entendait se contredire au sujet des exigences de divulgation prévues au paragraphe 27(3), que la Cour suprême avait elle-même récemment exposé dans l’arrêt Teva Canada Ltée c Pfizer Canada Inc, [2012] 3 RCS 625 [Teva] :

[49] Dans l’arrêt Consolboard, notre Cour examine les exigences légales de divulgation qui, au moment des faits considérés, figuraient à l’art. 36. Malgré des différences de formulation entre cette disposition et l’actuel par. 27(3), l’obligation de divulgation demeure substantiellement la même.

[50] Le juge Dickson se penche sur le contenu du mémoire descriptif qui satisfait aux exigences de divulgation. Il affirme clairement que la nature de l’invention doit y être exposée et qu’il faut examiner le mémoire en entier, revendications comprises, pour établir la nature de l’invention et déterminer si la divulgation est suffisante :

Essentiellement, ce qui doit figurer dans le mémoire descriptif (qui comprend à la fois la divulgation, c.-à-d., la partie descriptive de la demande de brevet, et les revendications) c’est une description de l’invention et de la façon de la produire ou de la construire, à laquelle s’ajoutent une ou plusieurs revendications qui exposent les aspects nouveaux pour lesquels le demandeur demande un droit exclusif. Le mémoire descriptif doit définir la portée exacte et précise de la propriété et du privilège exclusifs revendiqués.

Le paragraphe 36(1) cherche à répondre aux questions suivantes : «En quoi consiste votre invention? Comment fonctionne‑t‑elle? Quant à chacune de ces questions, la description doit être juste et entière de sorte que, comme l’exprime le président Thorson dans Minerals Separation North American Corporation c Noranda Mines, Limited [[1947] R.C. de l’É. 306] :

[traduction] […] une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande. [à la p. 316]

Il faut considérer l’ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement [...], sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public. Ce n’est pas le moment d’être trop rusé ou formaliste en matière d’oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif puisque, comme le dit le juge en chef Duff, au nom de la Cour, dans l’arrêt Western Electric Company, Incorporated, et Northern Electric Company c Baldwin International Radio of Canada, [1934] RCS 570, à la p. 574 : [traduction] « quand le texte du mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable, peut se lire de façon à accorder à l’inventeur l’exclusivité de ce qu’il a inventé de bonne foi, la Cour, en règle générale, cherche à mettre cette interprétation à effet ». Sir George Jessel a dit à peu près la même chose il y a beaucoup plus longtemps dans l’arrêt Hinks & Son c Safety Lighting Company [(1876), 4 Ch. D. 607]. Il a dit que l’on devait aborder le brevet « avec le souci judiciaire de confirmer une invention vraiment utile ».

[…]

À mon avis, c’est un principe fermement établi que le mémoire descriptif d’un brevet ne s’adresse pas au public, mais à une personne versée dans l’art en cause. De plus je suis convaincu que le par. 36(1) n’impose pas au breveté l’obligation de prouver l’utilité de son invention. [Je souligne; référence omise; pages 520 et 521.]

Depuis cet arrêt, notre Cour continue d’appliquer les principes énoncés par le juge Dickson, ce qui témoigne de la justesse de son analyse : voir, p. ex., Monsanto Canada Inc. c Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 RCS 902, par. 18; Whirlpool Corp. c Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 RCS 1067, par. 52; Pioneer Hi Bred Ltd. c Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 RCS 1623 (« Pioneer Hi Bred »), p. 1636.

[51] Dans Pioneer Hi-Bred, notre Cour renvoie à Consolboard à l’occasion d’un nouvel examen des exigences de la Loi en matière de divulgation. Le juge Lamer (plus tard Juge en chef) les définit comme suit au nom de la Cour :

En résumé, la Loi sur les brevets exige du demandeur qu’il présente un mémoire descriptif comprenant la divulgation et les revendications (arrêt Consolboard Inc. précité, à la p. 520). Les tribunaux canadiens ont eu l’occasion d’énoncer au cours des années le test qu’il faut appliquer pour savoir si la divulgation est complète. Le demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention. Afin d’être complète, celle-ci doit remplir deux conditions : l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie… Le demandeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en opération. Un manquement à la première condition invalide la demande parce qu’ambiguë alors qu’un manquement à la seconde l’invalide parce que non suffisamment décrite. Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l’art ou le domaine de l’invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation..., et d’utiliser l’invention, une fois la période de monopole terminée, avec le même succès que l’inventeur, au moment de sa demande (Minerals Separation, précité, à la p. 316). [Je souligne; références omises; pages 1637 et 1638.]

[traduction]

[52] Dans les arrêts Consolboard et Pioneer Hi-Bred, la Cour analyse correctement les exigences de divulgation énoncées au par. 27(3) de la Loi. Il convient de confirmer le raisonnement qu’elle tient dans ces arrêts et de l’appliquer en l’espèce.

[Souligné dans l’original.]

[365] Je ne vois rien dans l’arrêt AstraZeneca qui modifie ce que je retiens de ce qui précède, à savoir que l’analyse relative au mémoire descriptif prévue au paragraphe 27(3) exige que le breveté définisse l’étendue précise et exacte de la propriété et du privilège revendiqués. De plus, rien dans l’arrêt AstraZeneca ne diffère de la proposition voulant que, en application du paragraphe 27(3), « [l]e demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention. Afin d’être complète, celle-ci doit remplir deux conditions : l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie… Le demandeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en opération. Un manquement à la première condition invalide la demande parce qu’ambiguë alors qu’un manquement à la seconde l’invalide parce que non suffisamment décrite ». Voir l’arrêt Teva, au paragraphe 51, citant l’arrêt Pioneer Hi-Bred Ltd c Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 RCS 1623, aux pages 1637 et 1638. »

[366] Dans les circonstances, je ne souscris pas aux allégations d’Apotex concernant les promesses excessives et je conclus donc, selon la prépondérance des probabilités, qu’elles sont non fondées.

7. Antériorité

[367] Apotex renvoie au résumé ci-après du droit applicable à l’antériorité tiré de l’affaire Gilead Sciences, Inc c Canada (Santé), 2016 CF 857 :

[71] La définition d’« invention » à l’article 2 de la Loi sur les brevets exige que l’invention présente le caractère de la « nouveauté », ce qui fait intervenir le critère de l’antériorité auquel il est fait référence à l’article 28.2 de la Loi sur les brevets, dont chacun est énoncé ci-dessous :

2 Sauf disposition contraire, les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 In this Act, except as otherwise provided,

(…)

(…)

invention Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité. (invention)

invention means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter; (invention)

28.2 (1) L’objet que définit la revendication d’une demande de brevet ne doit pas :

28.2 (1) The subject-matter defined by a claim in an application for a patent in Canada (the “pending application”) must not have been disclosed

a) plus d’un an avant la date de dépôt de celle-ci, avoir fait, de la part du demandeur ou d’un tiers ayant obtenu de lui l’information à cet égard de façon directe ou autrement, l’objet d’une communication qui l’a rendu accessible au public au Canada ou ailleurs; (…)

(a) more than one year before the filing date by the applicant, or by a person who obtained knowledge, directly or indirectly, from the applicant, in such a manner that the subject-matter became available to the public in Canada or elsewhere; (…)

[Soulignement ajouté.]

[Emphasis added.]

[72] La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Apotex Inc. c Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 CSC 61, aux paragraphes 18 à 37 [Sanofi], a confirmé que l’antériorité consiste en un document disponible publiquement divulguant le contenu du brevet en question, de telle sorte que le brevet porterait atteinte à une divulgation antérieure lorsqu’elle est faite, et deuxièmement que la divulgation antérieure doive permettre à la personne versée dans l’art de fabriquer l’invention comme elle est revendiquée :

[20] Après renvoi au par. 27(1) de la Loi, le juge de première instance opine qu’il y a antériorité « [lorsque] l’invention exacte a déjà été faite et a été divulguée au public » (par. 55). Il cite un extrait de l’arrêt Free World Trust c Électro Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, 2000 CSC 66, par. 26, où notre Cour approuve le critère de l’antériorité énoncé dans l’arrêt Beloit Canada Ltée c Valmet OY, [1986], 8 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), p. 297 :

Il faut en effet pouvoir s’en remettre à une seule publication antérieure et y trouver tous les renseignements nécessaires, en pratique, à la production de l’invention revendiquée sans l’exercice de quelque génie inventif. Les instructions contenues dans la publication antérieure doivent être d’une clarté telle qu’une personne au fait de l’art qui en prend connaissance et s’y conforme arrivera infailliblement à l’invention revendiquée. [Souligné par le juge de première instance.]

[21] Le juge signale que dans l’arrêt General Tire & Rubber Co. c Firestone Tyre & Rubber Co., [1972] R.P.C. 457, la Cour d’appel d’Angleterre a dit ce qui suit à la p. 486 :

[traduction] Si, par contre, la publication antérieure renferme des instructions qui sont susceptibles d’être exécutées de façon à contrevenir à la revendication du breveté, mais qui seraient à tout le moins aussi susceptibles d’être exécutées de façon à ne pas y contrevenir, la revendication du breveté ne se heurterait pas à une antériorité, bien qu’elle puisse être jugée non valide pour cause d’évidence. Pour constituer une antériorité opposable à la revendication du breveté, la publication antérieure doit contenir des instructions claires et non équivoques permettant d’obtenir ce que le breveté prétend avoir inventé... [Souligné par le juge de première instance.]

Il précise ensuite qu’au par. 26 de l’arrêt Free World, notre Cour a approuvé l’extrait suivant de l’arrêt General Tire :

[traduction]

Aussi clair qu’il soit, un poteau indicateur placé sur la voie menant à l’invention du breveté ne suffit pas. Il faut prouver clairement que l’inventeur préalable a pris possession de la destination précise en y laissant sa marque avant le breveté. [p. 486]

[22] Les tribunaux canadiens ont adhéré sans réserve au critère de l’antériorité défini dans les arrêts Beloit et General Tire : voir Free World, au paragraphe 26. Lorsqu’il affirme ce qui suit au par. 57, il est clair que le juge Shore s’appuie sur le critère énoncé dans l’arrêt Beloit pour appliquer le droit aux faits de l’espèce :

La Cour doit, en se fondant sur le droit applicable, décider si une personne versée dans l’art a reçu des instructions d’une clarté telle que, lorsqu’elle prend connaissance du brevet ’875 (ou de ses équivalents américains ou français) et s’y conforme, elle arrivera infailliblement à un composé ou à une composition pharmaceutique visé par les revendications du brevet ’777 (c.-à-d., le bisulfate de clopidogrel).

Jurisprudence britannique récente

[23] Pour les motifs qui suivent et au vu de la jurisprudence récente, j’estime respectueusement que le juge de première instance a exagéré la rigueur du critère de l’antériorité en considérant que l’« invention exacte » devait déjà avoir été faite et avoir été rendue publique.

[24] En 2005, dans l’arrêt Synthon de la Chambre des lords, lord Hoffmann a apporté quelques précisions supplémentaires sur le critère de l’antériorité et sur son interprétation depuis l’arrêt General Tire. Sa référence au paragraphe 20 à [traduction] « l’autorité indiscutable » de lord Westbury dans l’arrêt Hills c Evans (1862), 31 L.J. Ch. (N.S.) 457, à la p. 463, montre clairement que son analyse ne dépend d’aucun changement dans le droit britannique découlant de la promulgation de la Patents Act 1977 (U.K.), 1977, c 37, ou de l’adoption par le R.-U. de la Convention on the Grant of European Patents, 1065 U.N.T.S. 199 (entrée en vigueur le 7 octobre 1977). Il établit une distinction entre deux exigences en la matière qui, jusqu’alors, ne faisaient pas expressément l’objet d’un examen distinct, à savoir la divulgation antérieure et le caractère réalisable.

[25] [En 2005, dans l’arrêt Synthon de la Chambre des lords, lord Hoffmann] explique que suivant l’exigence de la divulgation antérieure, le brevet antérieur doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet (par. 22) :

[traduction] Si je puis me permettre de résumer ce qui découle de ces deux énoncés fort connus [tirés de General Tire et de Hills c Evans], l’objet de l’antériorité alléguée doit divulguer ce qui, une fois réalisé, contreferait le brevet. [...] Il s’ensuit que, peu importe que cela aurait sauté ou non aux yeux de quiconque au moment considéré, lorsque ce qui est décrit dans la divulgation antérieure est réalisable et une fois réalisé, contreferait nécessairement le brevet, la condition de la divulgation antérieure est remplie.

En ce qui concerne la divulgation, la personne versée dans l’art [traduction] « est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire » (par. 32). À cette étape, les essais successifs sont exclus. La personne versée dans l’art se contente de lire le brevet antérieur pour en comprendre la teneur.

[26] Lorsque l’exigence de la divulgation est remplie, le second élément établissant l’antériorité est le « caractère réalisable », à savoir la possibilité qu’une personne versée dans l’art ait pu réaliser l’invention (par. 26).

[…]

(1) Divulgation

[74] Comme il est indiqué dans l’arrêt Sanofi, pour qu’il y ait divulgation du brevet 619, la demande EP 214 doit avoir divulgué tous les renseignements nécessaires à la personne versée dans l’art sans génie inventif pour réaliser l’invention revendiquée, lorsque l’invention revendiquée contrefait nécessairement la divulgation antérieure. Et, comme il est indiqué au paragraphe 25 de l’arrêt Sanofi, « En ce qui concerne la divulgation, la personne versée dans l’art [traduction] “est censée tenter de comprendre ce que l’auteur de la description [dans le brevet antérieur] a voulu dire” […]. À cette étape, les essais successifs sont exclus. La personne versée dans l’art se contente de lire le brevet antérieur pour en comprendre la teneur. »

[368] Apotex a renvoyé la Cour aux observations du juge Hughes, que je fais miennes, concernant les obligations légales et en matière de preuve qui incombent aux première et seconde personnes dans l’affaire Allergan inc c Canada (Santé), 2012 CF 767 [Allergan] :

QUESTION NO 1 : Sur qui pèse la charge de la preuve?

[42] Pour ce qui concerne les allégations d’invalidité, le paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P 4, pose une présomption de validité; toutefois, lorsque la seconde personne – qui est en l’occurrence Apotex – produit des éléments de preuve tendant à établir l’invalidité, la Cour doit trancher la question suivant la norme de preuve habituellement appliquée au civil, c’est-à-dire celle de la prépondérance des probabilités. Qu’on me permette de répéter ici ce que j’écrivais sur ce point aux paragraphes 43 et 44 de GlaxoSmithKline Inc c Pharmascience Inc, 2011 CF 239 :

43 Dans Pfizer Canada Inc. c Apotex Inc., 2007 CF 26, 59 CPR (4 th) 183 (confirmé par 2007 CAF 195, autorisation de pourvoi refusée : [2007] C.S.C.R. no 371), le juge O’Reilly de notre Cour a résumé aux paragraphes 9 et 12 en quoi consiste le fardeau de preuve lorsque la question en litige est l’invalidité :

9 À mon avis, la charge qui repose sur un défendeur d’après le Règlement est une « obligation de présentation de preuve » – une obligation de produire simplement une preuve d’invalidité. Après que le défendeur s’est acquitté de cette obligation, la présomption de validité du brevet devient caduque et la Cour doit alors dire si le demandeur a apporté la preuve qu’il devait apporter. Je crois que c’est de cela qu’il s’agit dans les précédents où la Cour a dit que le défendeur doit faire jouer ses prétentions. Le défendeur doit produire une preuve propre à donner un semblant de réalité à ses allégations d’invalidité.

[...]

12 Pour résumer, Pfizer a l’obligation légale d’établir, suivant la prépondérance de la preuve, que les allégations d’invalidité faites par Apotex sont injustifiées. Apotex assume simplement l’obligation de faire jouer ses prétentions et de produire une preuve qui suffise à donner un semblant de réalité à ses allégations d’invalidité. Si Apotex s’acquitte de cette obligation, alors la présomption de validité du brevet de Pfizer sera réfutée. Je devrai alors dire si Pfizer a prouvé que les allégations d’invalidité faites par Apotex sont injustifiées. Si Apotex ne s’acquitte pas de son obligation de présentation de preuve, alors Pfizer pourra simplement invoquer la présomption de validité pour obtenir l’ordonnance d’interdiction qu’elle sollicite.

44 Dans la décision Pfizer Canada Inc. c Canada (Santé), 2008 CF 11, 69 C.P.R. (4th) 191, voici ce que j’ai déclaré, au paragraphe 32, concernant la même chose :

32 À mon avis, la décision de chacune des deux formations de la Cour d’appel fédérale n’est pas substantiellement divergente. Le juge Mosley de la Cour a concilié ces deux décisions dans les motifs qu’il a énoncés dans Pfizer Canada Inc. c Apotex Inc., 2007 CF 971 (aux paragraphes 44 à 51). Certains éléments, formulés comme suit, sont requis lorsque sont soulevées des questions de validité d’un brevet :

1. La seconde personne peut, dans son avis d’allégation, soulever un ou plusieurs motifs pour faire valoir l’invalidité.

2. La première personne peut, dans son avis de demande déposé auprès de la Cour, lier contestation à l’égard d’un ou de plusieurs de ces motifs.

3. La seconde personne peut produire une preuve pendant l’instance devant la Cour pour étayer les motifs à l’égard desquels a été liée contestation.

4. La première personne peut, à ses risques, se fier simplement sur la présomption de validité prévue par la Loi sur les brevets ou, si elle est plus prudente, présenter sa propre preuve quant aux motifs d’invalidité mis en cause.

5. La Cour apprécie la preuve. Si la première personne se fie uniquement sur la présomption, la Cour va malgré cela apprécier la solidité de la preuve produite par la seconde personne. Si cette preuve n’est pas concluante ni pertinente, la présomption prévaudra. Si les deux parties produisent une preuve, la Cour appréciera la preuve et tranchera la question selon la norme habituelle de la prépondérance des probabilités.

6. Si la preuve de l’une et l’autre partie s’équivaut à l’étape 5 (ce qui est rare), le requérant (la première personne) n’aura pas réussi à démontrer l’absence de fondement de l’allégation d’invalidité et n’aura pas droit à la délivrance de l’ordonnance d’interdiction sollicitée.

[Non souligné dans l’original.]

[369] Notre Cour a été saisie de la question de l’antériorité de façon inhabituelle.

[370] Apotex a soulevé l’antériorité dans son AA. Pfizer, à titre de demanderesse en l’espèce, a fourni à la Cour des témoignages d’experts qui avaient reçu des directives quant à l’antériorité (MM. Atwood et Myerson). Pfizer n’a toutefois pas traité de l’antériorité dans son mémoire des faits et du droit. Pfizer a plutôt soutenu (dans une note de bas de page de son mémoire) que la Cour n’était pas saisie de la question de l’antériorité parce qu’Apotex n’avait déposé aucun élément de preuve concernant l’antériorité dans quelque revendication que ce soit dans la documentation qu’elle a déposée en réponse à la présente demande. Pfizer ajoutait dans la note de bas de page qu’elle se réservait le droit de faire des observations en réponse dans l’éventualité où Apotex [traduction] « soulève des questions additionnelles à l’audience. »

[371] À l’audience, Pfizer a soutenu que la question de l’antériorité n’est pas soumise à l’examen de la Cour parce qu’Apotex n’avait pas abordé la question dans les éléments de preuve qu’elle a déposés à l’audience. Pfizer a aussi fait valoir que les éléments de preuve sur lesquels s’appuie Apotex sont sans valeur parce que les experts d’Apotex n’avaient pas reçu de directives sur le droit applicable à l’antériorité, ou en ce qui concerne la divulgation ou le caractère réalisable, des notions fondamentales liées à l’antériorité.

[372] Le règlement de cette question dépend des éléments de preuve : Abbott Laboratories c Canada (Santé), 2007 CAF 153, aux paragraphes 9 et 10. En ce qui concerne les éléments de preuve dont notre Cour est saisie, Apotex s’est fondée sur l’affidavit de MM. Steed et Bastin pour donner à son allégation d’antériorité un air de réalité suffisant pour réfuter la présomption législative de validité prévue au paragraphe 43(2) de la Loi sur les brevets.

[373] Toutefois, je ne peux pas accepter ces éléments de preuve pour plusieurs raisons. Premièrement, comme Pfizer l’a mentionné à juste titre, ni M. Bastin ni M. Steed n’ont reçu de directives sur le droit de l’antériorité, en plus de n’avoir reçu aucune directive tant sur la divulgation que sur le caractère réalisable. Je ne vois pas comment la Cour peut accepter avec confiance ce qu’affirme un scientifique agissant comme témoin expert lorsqu’il n’a aucune compréhension du sens juridique des mots ou des notions en cause.

[374] Deuxièmement, les éléments de preuve fournis par MM. Steed et Bastin n’ont en fait pas été présentés relativement à l’antériorité; ils ont été présentés relativement aux questions de l’évidence et de l’essai allant de soi.

[375] Les éléments de preuve de M. Steed sur lesquels Apotex demande à la Cour de se fonder ont été présentés sous le titre X. [traduction] « Sixième mandat – Distinctions entre les idées originales des revendications du brevet 668 et l’état de la technique et les connaissances générales courantes », sous-titre b) [traduction] « L’état de la technique et les connaissances générales courantes le 12 février 2001 », sous-sous-titre 2(ii) [traduction] « Brevets divulguant différentes formes d’ODV et formulations d’ODV » et sous-titre d. [traduction] « Faut-il faire preuve d’ingéniosité pour surmonter ces distinctions? »

[376] Le témoignage de M. Bastin sur lequel Apotex demande à la Cour de se fonder concernant l’antériorité n’a probablement pas été rendu concernant l’antériorité (comme M. Steed, il n’utilise le mot nulle part), mais a plutôt été présenté sous le titre VI. [traduction] « La personne versée dans l’art aurait-elle dû faire preuve d’ingéniosité pour arriver au concept inventif des revendications 1, 2, 4 à 9, 20, 21, 23 à 28 et 31 à 33 du brevet 668? », sous-titre 2. [traduction] « Les connaissances générales courantes de la personne versée dans l’art et l’état de la technique », sous-sous-titre I. [traduction] « L’ODV, ses sels, ses formes pharmaceutiques et ses usages », et titre X. [traduction] « Les affidavits de MM. Myerson, Atwood et Polli et du Dr Blier », sous-titre 4. [traduction] « L’opinion selon laquelle les compositions du succinate d’ODV et leur préparation ne seraient pas évidentes », et sous-titre 5. [traduction] « L’opinion selon laquelle l’utilisation du succinate d’ODV n’était pas évidente ».

[377] Ainsi, leurs éléments de preuve n’ont pas été présentés relativement à l’antériorité, mais en lien avec les questions de l’essai allant de soi et de l’évidence. Ce fait est d’autant plus évident que ni M. Bastin ni M. Steed n’emploient le mot « antériorité » dans leurs témoignages.

[378] Dans ce contexte, j’observe que M. Bastin emploie les mots [traduction] « divulgue » et [traduction] « permet la réalisation » dans son affidavit; de même, M. Steed emploie aussi le mot [traduction] « divulgué ». On ne m’a toutefois fourni aucun motif de considérer leurs éléments de preuve comme utiles à la Cour étant donné que ni l’un ni l’autre des auteurs des affidavits n’a reçu de directives concernant l’antériorité, la divulgation ou le caractère réalisable. Sur ce seul fondement, leurs déclarations sont inacceptables pour aider la Cour dans son examen de l’antériorité.

[379] L’emploi de tels mots dans les parties des affidavits qui visent l’évidence ne suffisait pas non plus pour donner avis à Pfizer qu’Apotex utiliserait ces éléments de preuve pour étayer son allégation d’antériorité. Le défaut d’Apotex de déposer des éléments de preuve adéquats concernant l’antériorité a mené Pfizer à tirer la conclusion raisonnable, au moment où elle a déposé son mémoire, qu’elle n’avait pas besoin de traiter de l’antériorité. Par conséquent, Pfizer n’a pas contrevenu à l’alinéa 70(1)c) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 au moment de déposer son mémoire.

[380] Apotex affirme qu’elle peut se fonder sur ces prétendus éléments de preuve relatifs à l’antériorité malgré ces faits. Je suis en désaccord pour deux raisons. D’une part, je ne suis pas disposé à accepter pour aider la Cour les éléments de preuve relatifs à la question de l’antériorité offerts par un témoin qui n’avait reçu aucune directive sur le droit applicable à l’antériorité, ce que j’ai déjà fait valoir. D’autre part, à mon humble avis, il ne devrait être permis à ni l’une ni l’autre des parties d’intégrer des éléments de preuve importants relatifs à une question dans la documentation déposée concernant une autre question distincte pour se fonder ensuite, après la conclusion de tous les éléments de preuve, y compris des affidavits et des contre-interrogatoires, sur les éléments de preuve intégrés pour attaquer le brevet.

[381] Conclure autrement non seulement admettrait des éléments de preuve relatifs à des questions sur lesquelles « l’expert » n’a aucune raison valable de fournir une opinion. Cela récompenserait les parties pour des contentieux par surprise. Cela encouragerait aussi les jeux de cache-cache et de devinettes. Ce n’est pas une question de titres, comme l’a fait valoir Apotex, mais bien une question d’équité fondamentale. Toutes les parties à un AC, sans oublier la Cour, ont droit à des actes de procédure, dont les affidavits, adéquats pour éliminer une telle conduite de façon à mieux assurer une détermination efficace des questions.

[382] Cela dit, je suis d’accord avec Apotex pour dire que Pfizer ne peut pas scinder son affaire en déclinant de traiter d’une question sur le fond dans son mémoire pour en traiter ensuite dans sa réponse orale à la fin de l’audience. En l’espèce, Pfizer a fait valoir dans son mémoire l’absence d’éléments de preuve d’experts ayant reçu des directives adéquates. Dans sa plaidoirie principale, Pfizer a une fois de plus renvoyé à ses propres éléments de preuve d’experts concernant la question de l’antériorité. En réponse, Apotex a présenté à la Cour ses éléments de preuve allégués concernant l’antériorité, estimant qu’elle avait par conséquent soulevé l’antériorité et avait le droit d’obtenir gain de cause compte tenu de la thèse de Pfizer. En réponse, l’avocat de Pfizer a traité des observations d’Apotex et a ensuite, selon ma compréhension, tenté d’amener la Cour à examiner le bien-fondé d’un argument d’antériorité, ce à quoi Apotex s’est opposée. J’ai conclu que j’entendrais l’argument de Pfizer, mais que j’attendrais avant de décider ce que j’en ferais. Dans les circonstances, je ne me fonderai pas sur l’argument avancé par Pfizer en réponse sur le bien-fondé de l’antériorité parce que le faire permettrait de scinder la cause.

[383] À mon avis, une fois qu’Apotex a déposé son mémoire dans lequel elle traitait de l’antériorité, ce qui a clairement indiqué que l’antériorité demeurait en cause, Pfizer ne pouvait présumer que l’antériorité n’était pas en cause. Le fait que l’antériorité demeurait en cause a de plus été confirmé dans une lettre conjointe des avocats à la Cour en date du 9 juin 2017, le vendredi avant la tenue de l’audience qui a débuté le 12. Pfizer aurait pu demander l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire après avoir reçu la note en réponse d’Apotex ou prendre des mesures, mais elle ne l’a pas fait. Je ne dis pas qu’une telle autorisation aurait été accordée ou rejetée parce que la question n’a pas été débattue.

[384] En définitive, Apotex me demande de me fonder sur la décision du juge Montigny [tel était alors son titre] dans l’affaire Eli Lilly Canada Inc c Mylan Pharmaceuticals, 2015 CF 125, au paragraphe 79, et d’accepter les éléments de preuve de MM. Steed et Bastin, en guise de substitut à des éléments de preuve acceptables d’experts ayant reçu des directives adéquates concernant l’antériorité malgré les autres circonstances de l’espèce.

[385] Dans les circonstances particulières de l’espèce, et pour les motifs déjà fournis, je ne suis pas disposé à le faire.

[386] Apotex s’est aussi fondée sur les allégations d’antériorité qu’elle a faites dans son AA en tant qu’éléments de preuve pour supplanter la présomption légale. Toutefois, et en toute déférence, bien que les allégations de non-contrefaçons contenues dans un AA sont présumées véridiques (Merck Frosst Canada Inc c Canada [Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [1994] ACF no 662, aux paragraphes 23 et 24 (CAF) [QL], autorisation de pourvoi devant la CSC refusée : [1994] CSCR no 330 (CSC) [QL]), je ne dispose d’aucune jurisprudence voulant que les allégations d’antériorité contenues dans un AA bénéficient de la même présomption ou qu’elles constituent des « éléments de preuve » aux fins de l’application des facteurs de la décision Allergan énoncés ci-dessus.

[387] Apotex s’est aussi fondée sur le brevet international 851 pour étayer son allégation d’antériorité. J’ai déjà examiné le brevet international 851 et conclu qu’il ne divulguait pas, en tant qu’antériorité, le succinate d’ODV de forme I en cause dans les revendications 8 et 9. Étant donné que les revendications 33, 43 et 44 dépendent des revendications 8 et 9, le brevet 851 n’est d’aucun secours pour Apotex concernant la question de l’antériorité.

[388] Par conséquent, et en toute déférence, la situation, telle que je la perçois, soulève le cinquième élément formulé dans le passage ci-après des motifs rédigés par le juge Hughes dans l’affaire Pfizer Canada Inc c Canada (Santé), 2008 CF 11, au paragraphe 32, cité dans l’affaire Allergan, précitée : « La Cour apprécie la preuve. Si la première personne se fie uniquement à la présomption, la Cour va malgré cela apprécier la solidité de la preuve produite par la seconde personne. Si cette preuve n’est pas concluante ni pertinente, la présomption prévaudra ».

[389] Pfizer se fonde sur la présomption. Étant donné que je n’ai pas accepté les éléments de preuve fournis par la seconde personne (Apotex), ils doivent être considérés comme non concluants à l’égard de ce cinquième élément. Par conséquent, la présomption de la validité prévaudra et prévaut effectivement.

[390] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation d’Apotex concernant l’antériorité n’est pas fondée.

8. Double brevet

[391] Il est bien établi que l’inventeur n’a droit qu’à un seul brevet pour chaque invention aux termes de la Loi sur les brevets. Ainsi, il sera conclu à l’invalidité d’un second brevet pour cause d’invalidité si ses revendications sont i) « identiques » aux revendications visées par un brevet antérieur, ce qui est parfois appelé double brevet pour la « même invention », ou, ii) si ses revendications manquent d’ingéniosité comparativement à un brevet antérieur (c.-à-d., que les revendications ne sont pas « suffisamment différentes »), ce qui est parfois appelé double brevet relatif à « l’évidence ».

[392] La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67 :

63 L’interdiction du double brevet est rattachée au problème du « renouvellement à perpétuité » mentionné au départ. L’inventeur n’a droit qu’à « un » brevet pour chaque invention : Loi sur les brevets, par. 36(1). Si un brevet comportant des revendications identiques est délivré ultérieurement, il y a prolongement irrégulier du monopole. Il est clair que l’interdiction du double brevet implique une comparaison des revendications plutôt que des divulgations, car ce sont les revendications qui définissent le monopole. La question est de savoir à quel point les revendications du brevet ultérieur doivent être « identiques » pour justifier l’invalidation.

[64] La Cour d’appel fédérale a adopté le critère selon lequel il doit y avoir « identité » des revendications : Beecham Canada Ltd. c Procter & Gamble Co. (1982), 61 CPR (2D) 1, à la page 22). Cette formulation découle d’une observation de l’éditeur faite par H. G. Fox, c.r., au sujet de Lovell Manufacturing Co. c Beatty Bros. Ltd., publiée à (1962), 23 Fox Pat. C. 112, aux pages 116 et 117 :

[traduction] Les lettres patentes sont délivrées non pas pour une période indéterminée, mais pour un certain nombre d’années, et la délivrance d’un second brevet relativement au même objet serait nulle en vertu de la présente loi [6 Henry VIII, ch. 15, 1514] et de la Statute of Monopolies, de même qu’en common law et en vertu de l’alinéa 28(1)b) de la Loi canadienne sur les brevets. Mais, à cette fin, l’objet des deux brevets accordés doit être identique. Une revendication ne saurait être invalidée en raison de l’existence d’une revendication antérieure, sauf si les deux revendications coïncident exactement.

65 Ce volet de l’interdiction du double brevet est parfois appelé le double brevet relatif à la « même invention ». Étant donné l’interprétation que le juge de première instance a donnée des revendications, on ne peut pas dire que l’objet du brevet 734 est le même que celui du brevet 803 ni qu’il y a « identité » des revendications des deux brevets.

66 L’interdiction comporte toutefois un deuxième volet qui est parfois appelé le double brevet relatif à une « évidence ». Il s’agit d’un critère plus souple et moins littéral qui interdit la délivrance d’un deuxième brevet dont les revendications ne visent pas un « élément brevetable distinct » de celui visé par les revendications du brevet antérieur. Dans Commissioner of Patents c Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning, [1964] RCS 49, la question était de savoir si Farbwerke Hoechst pouvait obtenir un brevet pour un médicament qui constituait une version diluée d’un autre médicament qu’elle avait déjà fait breveter. Il n’y avait pas d’identité des revendications. Le juge Judson a néanmoins conclu à l’invalidité du brevet ultérieur en expliquant, à la p. 53 :

[traduction] Une personne a droit à un brevet pour une substance médicinale nouvelle, utile et inventive; toutefois, le fait de diluer cette nouvelle substance une fois que ses usages médicaux sont déterminés ne crée pas une nouvelle invention. La substance diluée et la substance non diluée ne sont que deux aspects de la même invention. En l’espèce, l’addition d’un véhicule inerte, qui constitue un moyen courant d’augmenter le volume et de faciliter ainsi les mesures et l’administration, n’est rien d’autre que de la dilution et ne crée pas une nouvelle invention. [Non souligné dans l’original.]

67 Dans l’arrêt Consolboard, précité, le juge Dickson a qualifié l’arrêt Farbwerke Hoechst d’« arrêt qui fait autorité en matière de double brevet » (p. 536) et qui appuie la proposition selon laquelle un second brevet ne saurait être justifié que si les revendications font preuve « de nouveauté ou d’ingéniosité » par rapport au premier brevet :

Le juge Judson a dit, au nom de la Cour, que le second procédé ne comportait pas de nouveauté ou d’ingéniosité et qu’en conséquence le second brevet n’était pas justifié.

68 C’est ce deuxième volet de l’interdiction, à savoir le double brevet relatif à une « évidence », que les appelantes invoquent pour contester toutes les revendications du brevet 734, à l’exception de celles relatives à l’« entraînement continu », dont elles reconnaissent la validité même si elles nient qu’il y a eu contrefaçon.

[393] La Cour d’appel fédérale dans l’affaire Aventis Pharma Inc c Pharmascience Inc, 2006 CAF 229 [Pharmascience] a aussi analysé les deux notions de double brevet :

68 Jusqu’à présent, la jurisprudence a défini deux catégories de double brevet. Dans la première catégorie, celle du « brevet pour la même invention », deux brevets sont identiques ou il y a « identité » des revendications des deux brevets. La seconde catégorie, celle du « double brevet relatif à une évidence », a une portée un peu plus large. Dans ce type de double brevet, il n’y a pas « identité » des revendications des deux brevets; cependant le dernier brevet comporte des revendications qui ne sont pas distinctes, au plan de la brevetabilité, de celles de l’autre brevet, ou ne comporte aucune nouveauté ou ingéniosité.

[394] Le juge Manson de notre Cour a récemment exposé le droit applicable aux doubles brevets dans l’affaire Bristol-Myers Squibb Canada c Apotex Inc, 2017 CF 296 :

B. Double brevet

(1) Droit applicable

[203] Il est précisé au paragraphe 36(1) de la Loi sur les brevets que « [un] brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention ». Le marché conclu à l’égard d’un brevet est dans l’intérêt du titulaire du brevet et du public « seulement si le titulaire du brevet acquiert une protection réelle en échange de la divulgation de son invention et que, de son côté, le public ne lui accorde pas un monopole excédant la période légale de [20] ans à partir de la date de délivrance du brevet » (Whirlpool Corp c Camco Inc, 2000 CSC 67, au paragraphe 37 [Whirlpool]).

[204] Il y a un double brevet lorsque deux brevets sont délivrés au même inventeur, et que le brevet ultérieur contient des revendications identiques à celles du premier (Whirlpool, précité, au paragraphe 63). Pour établir si une situation de double brevet s’est produite, la Cour doit comparer les revendications, plutôt que les divulgations, des deux brevets et établir si les brevets sont 1) « identiques ou s’ils coïncident »; ou 2) évidents, de sorte que les revendications du deuxième brevet ne visent pas un « élément brevetable distinct » de celui du brevet délivré précédemment. (Whirlpool, aux paragraphes 63 à 66).

[205] Un second brevet ne saurait être justifié que si les revendications font preuve « de nouveauté ou d’ingéniosité » par rapport au premier brevet (arrêt Whirlpool, précité, au paragraphe 67).

[395] Apotex défend sa cause ainsi dans son mémoire :

[traduction]

66. Aux termes de la Loi sur les brevets, un inventeur n’a droit qu’à un seul brevet pour chaque invention. Un second brevet sera invalide pour cause de double brevet si ses revendications sont identiques aux revendications visées par un brevet antérieur ou si ses revendications manquent d’ingéniosité comparativement à un brevet antérieur. Dans le cas du double brevet relatif à l’évidence, il s’agit de savoir si la personne versée dans l’art qui lit le premier brevet, tout en se fiant à ses connaissances générales courantes, parviendra aux revendications visées par le second brevet sans faire preuve d’ingéniosité inventive.

67. Le brevet 540 délivré le 10 janvier 2010 est l’équivalent canadien du brevet américain 186 dont il est question ci-dessus. Comme l’autre brevet, le brevet 540 appartient à Wyeth.

68. La revendication 21 du brevet 540 vise explicitement « l’ODV ou un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant ». La personne versée dans l’art aurait compris cette revendication englobe l’ODV-S. De plus, la divulgation du brevet 540 précise que les succinates font partie des « sels pharmaceutiquement acceptables » de ses composés. L’exercice de ces revendications donnera lieu à l’ODV-S de forme I. Ainsi, à toutes les époques pertinentes, les revendications 8 et 9 constituent un double brevet comparativement à la revendication 21 du brevet 540.

[396] Pfizer a affirmé ce qui suit dans son mémoire :

[traduction]
54. Absence de double brevet comparativement au brevet CA 540. Apotex soutient que les revendications 8, 9, 33, 43 et 44 du brevet 668 sont invalides pour cause de double brevet comparativement à la revendication 21 du brevet 540. Le brevet 540 divulgue une catégorie de composés chimiques qui comporte l’ODV. La revendication 21 vise l’ODV ou un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant. La revendication ne précise pas les sels possibles de l’ODV qui seraient envisagés, le cas échéant, ni les formes à l’état solide de ces sels qui seraient incluses. La revendication 21 n’est pas une revendication de la « même invention » que celle visée par l’une ou l’autre des revendications 8, 9, 33, 43 ou 44, qui sont des revendications de nouvelles formes à l’état solide, d’utilisations et de formulations d’une forme saline particulière d’ODV.

55. Pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment concernant l’évidence, il n’y pas de double brevet relatif à l’évidence comparativement à la revendication 21 du brevet 540. La revendication 21 ne permettait pas à une personne versée dans l’art de connaître les propriétés possibles de toute forme saline particulière de l’ODV. La personne versée dans l’art ne saurait pas s’il pourrait être transformé en un solide cristallin (ni comment), ne connaîtrait pas les solides cristallins susceptibles d’exister, ni ne saurait si toute forme saline ou solide particulière possède des propriétés propices à la formulation et au développement (y compris en tant que formulation SR). La seule forme saline d’ODV enseignée par le brevet 540 est le fumarate. Aucune propriété (à l’exception d’un point de fusion) de ce sel n’est fournie. Le brevet divulgue la possibilité que d’autres sels pharmaceutiquement acceptables des « composés de l’invention » existent, mais il n’est nullement précisé que le succinate d’ODV pourrait être formé, qu’il serait cristallin ou qu’il posséderait l’une ou l’autre des propriétés divulguées dans le brevet 668.

[397] Il est admis que la revendication 21 dans le brevet antérieur CA 540, qui appartenait à une société de Pfizer, vise l’ODV ou un sel pharmaceutiquement acceptable correspondant. La revendication ne précise pas les sels possibles d’ODV qui seraient envisagés, le cas échéant, et ne précise pas les formes à l’état solide de ces sels qui seraient incluses. À mon avis, les revendications 8 et 9 du brevet 668, telles que je les interprète, ne sont pas « identiques » à la revendication 21 du brevet CA 540 de sorte qu’elles constitueraient un double brevet du type appelé parfois « même invention ».

[398] Par conséquent, il s’agit d’établir si le brevet 668 manque d’ingéniosité ou, autrement dit, s’il constitue un double brevet relatif à l’évidence. La question est donc de savoir – ce que les parties reconnaissent – si la personne versée dans l’art qui lit la revendication pertinente du brevet CA 540 (tout en se fiant à ses connaissances générales courantes) parviendra aux revendications du brevet 668 sans faire preuve d’ingéniosité inventive. À mon avis, la personne versée dans l’art n’y parviendrait pas.

[399] Le seul témoin d’Apotex à rendre un témoignage concernant le double brevet était M. Bastin. Pfizer observe que, bien qu’Apotex soutienne que toutes les formes à l’état solide de tous les sels étaient monopolisées par le brevet CA 540, M. Bastin n’a pas rendu ce témoignage. M. Bastin a plutôt témoigné que rien dans l’antériorité ne renseigne précisément sur le mode de préparation du succinate d’ODV de forme I.

[400] M. Bastin a rendu le témoignage ci-après, aux parages 157 et 158, lors de son contre-interrogatoire :

[traduction]
Q. En effet, mais il n’y a rien dans l’antériorité qui vous dit précisément comment préparer le succinate d’ODV de forme I?

R. Pas précisément, c’est cela.

[401] Pour ce qui est de l’affidavit de M. Bastin, bien qu’il exprime l’opinion selon laquelle [traduction] « la revendication 21 du brevet 540 englobe le composé du succinate d’ODV », son témoignage sur le brevet CA 540 et sa revendication 21 ne mentionne pas le succinate d’ODV de forme I, que j’ai conclu être le concept inventif visé par les revendications 8 et 9. Le témoignage de M. Bastin, à savoir que rien dans l’antériorité, ce qui comprend le brevet CA 540, ne renseigne précisément sur le mode de préparation du succinate d’ODV de forme I. À mon avis, cela étaye la proposition selon laquelle les revendications 8 et 9 démontrent de la nouveauté ou de l’ingéniosité.

[402] Dans ce contexte, je reconnais que la revendication 21 ne permettait pas à une personne versée dans l’art de connaître les propriétés possibles d’une forme saline particulière de l’ODV. La personne versée dans l’art ne saurait pas s’il pourrait être transformé en un solide cristallin (ni comment), ne connaîtrait pas les solides cristallins susceptibles d’exister, ni ne saurait si toute forme saline ou solide particulière posséderait des propriétés propices à la formulation et au développement (y compris en tant que formulation R). Rien dans la revendication 21 ne renvoie explicitement au succinate d’ODV de forme I, pas plus d’ailleurs qu’au succinate d’ODV sous la forme d’un sel. La seule forme saline enseignée par le brevet 540 est le fumarate, et aucune propriété (à l’exception d’un point de fusion) de ce sel n’est fournie. Le brevet CA 540 divulgue la possibilité que d’autres sels pharmaceutiquement acceptables des « composés de l’invention » existent, mais il n’est nullement précisé que le succinate d’ODV pourrait être formé, qu’il serait cristallin ou qu’il posséderait l’une ou l’autre des propriétés divulguées dans le brevet 668.

[403] Après avoir examiné plus amplement les éléments de preuve en l’espèce, y compris l’historique de l’invention et les connaissances de la personne versée dans l’art tels que je les ai constatées dans le cadre de mon analyse de l’évidence, je suis convaincu que la personne versée dans l’art qui lit la revendication 21 du brevet CA 540 (tout en se fiant à ses connaissances générales courantes) ne parviendra pas aux revendications 8 et 9 du brevet 668, c.-à-d., le succinate d’ODV de forme I, sans faire preuve d’ingéniosité inventive. Autrement dit, sur le fondement du paragraphe 68 de l’affaire Pharmascience, les revendications 8 et 9 ne comprennent pas d’éléments brevetables distincts de la revendication 21 du brevet CA 540, parce qu’on ne saurait dire que les revendications 8 et 9 ne comportent pas de nouveauté ou d’ingéniosité.

[404] Aux fins du dossier, j’observe que Pfizer et Apotex reconnaissent toutes deux que le brevet 668 n’est pas un brevet de sélection.

[405] Par conséquent, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation de double brevet soulevée par Apotex est sans fondement.

IX. Conclusions

[406] J’ai conclu, selon la prépondérance des probabilités, que les allégations d’invalidité pour cause d’évidence, d’inutilité, d’antériorité, de promesses excessives et de double brevet soulevées par Apotex, de même que son allégation de non-contrefaçon, sont sans fondement. Par conséquent, Pfizer se voit accorder l’ordonnance d’interdiction qu’elle demande.

X. Dépens

[407] Les dépens suivent l’issue de la cause; ils sont donc payables par Apotex à Pfizer. Les parties se sont entendues sur des directives relatives aux dépens, entente je trouve acceptable, de sorte que ces directives sont fournies conformément l’annexe « A » – Entente relative aux dépens, qui figure en annexe des présents motifs et jugement.

XI. Motifs confidentiels

[408] Les présents motifs contiennent des renseignements assujettis à une ordonnance de non-divulgation et sont par conséquent désignés comme étant confidentiels. Les parties disposeront de 20 jours pour se consulter et pour informer la Cour des portions, s’il y a lieu, qu’elles souhaitent caviarder, à défaut de quoi les présents motifs seront rendus publics et versés au dossier public.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE QUE :

  1. La demande est accueillie.

  2. Il est interdit au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité relativement à l’avis d’allégation envoyé par Apotex Inc. à Pfizer Canada Inc., anciennement Wyeth LLC, daté du 21 janvier 2016, jusqu’à l’expiration du brevet canadien no 2 436 668.

  3. Apotex Inc. paiera à Pfizer Canada Inc. ses dépens pour la présente demande conformément à l’annexe « A » – Entente relative aux dépens, qui figure en annexe.

  4. Les parties disposeront de 20 jours pour se consulter et pour informer la Cour, s’il y a lieu, des portions des présents jugement et motifs qu’elles souhaitent caviarder, à défaut de quoi les présents motifs seront rendus publics et versés au dossier public.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 14e jour de septembre 2020

Lionbridge


Annexe « A » – Entente relative aux dépens

Pfizer se voit adjuger les dépens conformément aux directives suivantes, à condition que les directives suivantes ne modifient ou ne remplacent aucunement toutes ordonnances ou directives existantes relatives aux dépens pour des requêtes ou des mesures particulières avant l’audition de la présente demande.

  • a) les dépens devront être taxés selon le milieu de la colonne IV du tarif B;

  • b) aucuns dépens ne sont recouvrables dans le cas des avocats internes, des assistants judiciaires, des étudiants et du personnel de soutien;

  • c) Seuls les frais des experts ayant souscrit des affidavits ou des rapports produits dans le cadre de l’instance sont recouvrables (les experts admissibles);

  • d) le taux horaire des experts admissibles ne doit pas dépasser celui des avocats principaux;

  • e) les honoraires versés aux experts admissibles pour les heures n’ayant pas été consacrées à la préparation de leur propre affidavit/rapport ou de leur contre-interrogatoire ne sont recouvrables que s’il est établi qu’il était raisonnable et nécessaire d’offrir une assistance technique à l’avocat;

  • f) les honoraires d’avocat seront évalués de la manière suivante :

  • g) les frais de déplacement et de logement seront évalués sur la base des tarifs aériens en classe économique et du coût de chambres individuelles;

  • h) les coûts de photocopie seront évalués à raison de 0,25 $ par page, et le nombre de copies recouvrables sera limité à la quantité raisonnable et nécessaire.

i. un avocat principal et un avocat adjoint à l’audience;

ii. un avocat principal et un avocat adjoint menant les contre-interrogatoires;

iii. un avocat principal défendant les témoins lors des contre‑interrogatoires;


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-402-16

 

INTITULÉ :

PFIZER CANADA INC. et WYETH LLC c APOTEX INC et LE MINISTRE DE LA SANTÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 JUIN 2017

JUGEMENT ET MOTIFS CONFIDENTIELS ORIGINAUX ET CORRIGÉS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 AOÛT 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS PUBLICS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 22 SEPTEMBRE 2017

COMPARUTIONS :

Andrew Shaughnessy

Andrew Bernstein

Rachael Saab

Aria Laskin
Nicole Mantini

Pour les demanderesses

 

Andrew Brodkin

Richard Naiberg

Pour les défendeurs

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Torys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

Pour les demanderesses

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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