Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20170919


Dossier : T-233-17

Référence : 2017 CF 840

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 septembre 2017

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

HUGH VINCENT LUNN, CAPORAL DES FORCES ARMÉES CANADIENNES À LA RETRAITE

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, JODY WILSON-RAYBOULD

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Hugh Vincent Lunn est un ancien membre des Forces armées canadiennes. Il a servi son pays pendant près de 20 ans avant d’être libéré des Forces armées canadiennes pour des raisons médicales après avoir reçu un diagnostic de trouble de la personnalité paranoïaque.

[2]  M. Lunn a présenté en 1994 une demande de pension de service militaire, laquelle a été rejetée au motif qu’il n’avait pu démontrer un lien de causalité entre sa condition psychiatrique et son service militaire. Cette décision a ensuite été confirmée en appel à deux reprises, la plus récente décision en appel ayant été rendue en mars 1997.

[3]  M. Lunn a repris en 2012 ses efforts en vue d’obtenir une pension de service militaire. La présente demande de contrôle judiciaire est liée à la décision d’un comité d’appel de l’admissibilité du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (TACRA), qui a refusé de réexaminer la décision rendue en 1997 par un comité d’appel de l’admissibilité. La décision du comité était fondée sur la conclusion selon laquelle les nouveaux éléments de preuve médicale produits par M. Lunn ne permettaient pas d’établir que son service militaire constituait une [traduction] « cause importante » de sa schizophrénie paranoïde. Le comité a également refusé de renvoyer l’affaire au ministre pour un nouvel examen, au motif qu’un tel recours outrepassait ses pouvoirs.

[4]  Bien que je comprenne que M. Lunn ait la ferme conviction que la maltraitance qu’il affirme avoir subie durant son service militaire est la cause de ses troubles psychiatriques, il ne m’a pas convaincue que la décision du comité était déraisonnable. Par conséquent, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

I.  Résumé des faits

[5]  M. Lunn a été libéré de l’armée en 1994 au motif que son trouble psychiatrique le rendait incapable d’assumer entièrement ses fonctions de membre des Forces armées canadiennes. Il a ensuite présenté une demande de pension de service militaire. Conformément aux dispositions du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, LRC 1985, c P-6, les membres des Forces armées canadiennes qui ont servi en temps de paix ont droit à une pension en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie « consécutive ou rattachée directement » au service militaire.

[6]  La demande de M. Lunn a été rejetée, au motif qu’il n’avait pas été en mesure de démontrer de lien de causalité entre sa condition psychiatrique et son service militaire. Cette décision a ensuite été confirmée par deux paliers d’appel. En 1996, un comité d’appel de l’admissibilité a conclu que, même si l’état de M. Lunn s’était détérioré au cours de son service militaire, aucun élément de preuve n’indiquait que les Forces armées canadiennes étaient, d’une quelconque façon, responsables de la détérioration de la condition psychiatrique de M. Lunn. De plus, ce trouble ne semblait pas trouver son origine dans le service militaire même. Un comité d’appel a maintenu la décision du comité d’appel de l’admissibilité en mars 1997, concluant également que le service militaire de M. Lunn n’a joué aucun rôle dans l’apparition ou l’aggravation de son trouble de la personnalité paranoïaque.

[7]  En 2012, M. Lunn a présenté une nouvelle demande, cette fois pour obtenir une indemnité d’invalidité, affirmant souffrir d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). L’année suivante, il a présenté une demande d’indemnité d’invalidité, au motif qu’il souffrait maintenant de schizophrénie paranoïde. M. Lunn a déposé en preuve une lettre de son psychiatre, le Dr Duncan A. Scott, à l’appui de ses demandes.

[8]  Le Dr Scott a affirmé que, bien que M. Lunn ne satisfaisait pas aux critères de diagnostic d’un trouble de stress post-traumatique, il souffrait bel et bien de schizophrénie paranoïde. Au surplus, le Dr Scott a indiqué que M. Lunn avait une vulnérabilité génétique le prédisposant à un trouble de santé mentale majeur et que [traduction] « [i]l semblerait que le stress lié au fait de faire partie des Forces armées canadiennes ait précipité sa schizophrénie et que ses problèmes de sensibilité se soient transformés en problèmes de vigilance, puis en problèmes d’hypervigilance qui ont fini par le mener à un état psychotique caractérisé. Il se trouve maintenant dans une phase chronique débilitante de sa maladie et nécessite une surveillance quotidienne [...] ».

[9]  En janvier 2014, le ministre a rejeté la demande de pension de M. Lunn, concluant que sa demande d’indemnité d’invalidité fondée sur sa schizophrénie paranoïde était indissociable de sa demande de pension de 1996 pour un trouble de la personnalité paranoïaque. Le paragraphe 85(1) de la Loi sur les pensions dispose que le ministre ne peut pas étudier une demande d’indemnité qui a déjà été jugée par le TACRA. Cette décision a par la suite été confirmée par le vice-président du TACRA.

[10]  M. Lunn a demandé le contrôle judiciaire de cette décision. Le 16 juin 2016, la demande de M. Lunn a été rejetée au motif qu’elle était prématurée, puisqu’il n’avait pas épuisé tous les recours administratifs qui s’offraient à lui : Lunn c Canada, 2016 CF 675, [2016] ACF no 659. Le juge Forthergill a conclu que M. Lunn pouvait encore demander un réexamen de la décision de mars 1997 sur la base de nouveaux éléments de preuve ou, subsidiairement, une allocation de commisération.

[11]  M. Lunn a alors demandé un réexamen de la décision de mars 1997, car il avait de nouveaux éléments de preuve à produire. Il a produit une autre lettre du Dr Scott, celle-ci datée du 24 février 2014, ainsi qu’une brève déclaration de Pierre Leichner. Le Dr Leichner est un psychiatre à la retraite et, de toute évidence, un ami d’enfance de M. Lunn.

[12]  Dans sa déclaration, le Dr Leichner souligne simplement que le trouble de la personnalité paranoïaque et la schizophrénie paranoïde sont deux conditions distinctes. Il a également soumis deux articles décrivant les deux affections.

[13]  Dans sa lettre du 24 février 2014, le Dr Scott a affirmé que M. Lunn souffrait de toute évidence de schizophrénie paranoïde et que le diagnostic de trouble de la personnalité paranoïaque, formulé plusieurs années auparavant, n’était plus [traduction] « acceptable ». En outre, une personne atteinte de schizophrénie paranoïde recevrait probablement un diagnostic de trouble de la personnalité paranoïaque dans la phase prémorbide de la maladie, poursuit le Dr Scott dans sa lettre. Par conséquent, le Dr Scott a déduit qu’au moment du premier diagnostic de trouble de la personnalité paranoïaque, M. Lunn était en train de développer une schizophrénie paranoïde, qui n’en était qu’à sa phase prémorbide.

[14]  Le Dr Scott a également indiqué que la schizophrénie paranoïde peut prendre un certain temps à se développer; elle survient habituellement entre l’âge de 18 ans et l’âge de 30 ans et est [traduction] « généralement reliée à la vulnérabilité de la personne à la maladie ». La partie principale de la lettre du Dr Scott indiquait que [traduction] « M. Lunn était vulnérable et les demandes croissantes ont précipité sa pensée paranoïde et éventuellement délirante [sic] ». Le Dr Scott a affirmé qu’à son avis, M. Lunn [traduction] « souffrait de schizophrénie paranoïde et qu’il était fort probable qu’il ait reçu un diagnostic de trouble de la personnalité paranoïaque alors que sa maladie était en phase prémorbide. Ainsi, cette maladie s’est manifestée durant son service dans les Forces armées canadiennes ».

II.  Décision rendue par le comité d’appel de l’admissibilité

[15]  Dans son examen des nouveaux éléments de preuve présentés par M. Lunn, le comité d’appel de l’admissibilité a appliqué le critère en quatre volets énoncé dans les décisions Mackay c Canada (Procureur général) (1997), 129 FTR 296, [1997] ACF no 495, et Canada (Bureau de services juridiques des pensions) c Canada (Procureur général), 2006 CF 1317, confirmée par 2007 CAF 298. Ce critère comporte les exigences suivantes :

  1. On ne devrait généralement pas admettre une déposition qui, avec diligence raisonnable, aurait pu être produite au procès.

  2. La déposition doit être pertinente, en ce sens qu’elle doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive quant au procès.

  3. La déposition doit être plausible, en ce sens qu’on puisse raisonnablement y ajouter foi.

  4. Elle doit être telle que si l’on y ajoute foi, on puisse raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat.

[16]  Après examen des nouveaux éléments de preuve présentés par M. Lunn, le comité a conclu qu’ils ne répondaient pas aux deux derniers éléments du critère énoncé dans Mackay.

[17]  En autant que le dernier élément du critère était concerné, le comité a examiné les nouveaux éléments de preuve présentés par M. Lunn à la lumière des renseignements sur ses antécédents médicaux figurant déjà au dossier, et a conclu qu’ils ne donnaient pas raisonnablement à penser qu’ils auraient influé sur le résultat de son appel relatif à une pension. Le comité a mentionné que le Dr Scott avait estimé que la schizophrénie paranoïde de M. Lunn s’était manifestée au cours de son service militaire, mais que cela ne démontrait que l’existence d’un lien temporel entre son service militaire et sa maladie. Il n’a pas, cependant, démontré qu’il existait un lien de causalité entre ces deux éléments.

[18]  Par conséquent, le comité n’a pas été en mesure de conclure que les nouveaux éléments de preuve présentés par M. Lunn établissaient que son service militaire était une cause importante de sa schizophrénie. Le comité a estimé qu’il était plus probable que la maladie de M. Lunn se soit développée pendant sa période de service, que sa perception de ses expériences ait été altérée par sa maladie et que des événements non dommageables aient été perçus par M. Lunn comme des événements causals. Le comité a également jugé que les facteurs de stress dans la vie de M. Lunn durant son service militaire étaient la conséquence de ses propres actions et de son comportement atypique résultant de sa maladie.

[19]  Par conséquent, le comité a conclu que la maladie de M. Lunn ne pouvait être le résultat de son service militaire. Au contraire, le service militaire était [traduction] « seulement le contexte dans lequel les événements sont survenus et durant lequel une maladie non indemnisable s’est développée, laquelle, malheureusement, est devenue entièrement symptomatique après le départ de [M. Lunn] des Forces armées canadiennes ».

[20]  Bien que cette conclusion ait été suffisante pour rejeter l’appel de M. Lunn, le comité a renchéri en disant que, même s’il avait commis une erreur dans son interprétation de la lettre du 24 février 2014 du Dr Scott, il n’y accordait que peu de poids étant donné que rien dans cette lettre n’indiquait que le Dr Scott avait examiné le dossier médical de service de M. Lunn. La lettre n’indiquait pas non plus qu’il avait examiné les antécédents médicaux de M. Lunn. Il n’y avait aucun moyen de déterminer sur quels renseignements s’était appuyé le Dr Scott pour parvenir à ses conclusions. De plus, sa lettre ne contenait pas une « anamnèse » valide et complète (antécédents médicaux ou psychiatriques du patient), « composante essentielle pour la validité d’un avis médical » aux fins d’une pension (je cite notre Cour dans la décision Woo (Succession de) c Canada (Procureur général), 2002 CFPI 1233, au paragraphe 62, 229 F.T.R. 217.

[21]  En conséquence, le comité a rejeté la demande de réexamen de M. Lunn.

[22]  Le comité a également rejeté la requête de M. Lunn visant le renvoi du dossier au ministre pour un réexamen aux termes de l’article 85 de la Loi sur les pensions. Cette disposition confère un pouvoir discrétionnaire au Tribunal et permet qu’une demande déjà jugée par le Tribunal soit réexaminée par le ministre. Le comité a jugé que ce pouvoir était réservé au TACRA et ne s’appliquait pas à un comité de révision ou à un comité d’appel, dont les pouvoirs sont restreints par l’article 29 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18.

III.  Les questions en litige

[23]  Selon ma compréhension de l’avis de demande de M. Lunn, la décision contestée en l’espèce est celle de janvier 2017, rendue par le comité d’appel de l’admissibilité, qui a refusé de réexaminer la décision du 18 mars 1997 de ce même comité d’appel, par laquelle il avait rejeté sa demande de pension de service militaire.

[24]  La norme de contrôle qui s’applique aux décisions du TACRA concernant l’appréciation de la preuve, et l’interprétation de son régime législatif, est celle de la décision raisonnable : Werring c Canada (Procureur général), 2013 CF 240, au paragraphe 11, [2013] ACF no 300; Ouellet c Canada (Procureur général), 2016 CF 608, aux paragraphes 23 et 24, [2016] ACF no 575.

[25]  En examinant une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit prendre en considération la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, (2008) 1 CSC 190, et arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59, (2009) 1 CSC 339).

[26]  La majorité des observations écrites et orales de M. Lunn portaient sur plusieurs événements survenus avant son départ des Forces armées canadiennes en 1994. J’ai bien soupesé le témoignage de M. Lunn, néanmoins, je suis convaincue que la principale question à trancher en l’espèce est de savoir si la décision du comité d’appel de l’admissibilité concernant la demande de réexamen de M. Lunn était raisonnable, à la lumière des nouveaux éléments de preuve médicale dont disposait le comité.

IV.  Discussion

[27]  Avant de me pencher sur le bien-fondé de la demande de M. Lunn, je dois mentionner que M. Lunn demande des mesures de redressement qui ne peuvent lui être octroyées dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Comme je l’ai expliqué à M. Lunn durant l’audience, la Cour n’a pas le pouvoir de lui attribuer des honneurs militaires comme la Croix de Victoria. Je lui ai également expliqué que la Cour n’a pas le pouvoir de lui accorder les dommages-intérêts qu’il demande dans le cadre d’une procédure de contrôle judiciaire, et qu’il convient plutôt de déposer une action pour obtenir des dommages-intérêts.

[28]  Le comité d’appel de l’admissibilité devait décider si la décision rendue le 18 mars 1997 par ce même comité, par laquelle la demande de pension de service militaire de M. Lunn a été rejetée, devrait être réexaminée à la lumière des nouveaux éléments de preuve produits par ce dernier.

[29]  Conformément aux dispositions de l’alinéa 21(2)a) de la Loi sur les pensions, il revient à la personne qui demande une pension militaire d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffre d’une invalidité et que cette invalidité est consécutive ou rattachée directement à son service militaire : Boisvert c Canada (Procureur général), 2009 CF 735, au paragraphe 28, [2009] ACF no 1377.

[30]  Un comité d’appel du TACRA a conclu en 1997 que M. Lunn n’était pas parvenu à établir le lien de causalité nécessaire entre son service militaire et son trouble de la personnalité paranoïaque. Cependant, le paragraphe 32(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), LC 1995, c 18, précise qu’un comité d’appel peut réexaminer une décision, de son propre chef ou à la suite d’une demande, si de nouveaux éléments de preuve sont présentés.

[31]  M. Lunn croit que ses expériences dans les Forces armées canadiennes ont causé sa schizophrénie paranoïde, et que la lettre du Dr Scott datée du 24 février 2014 établit qu’il est admissible à une pension militaire. Or, bien que M. Lunn, de toute évidence, soit en désaccord avec les conclusions du comité d’appel de l’admissibilité, il n’a pas cerné d’erreur susceptible de révision dans le traitement des nouveaux éléments de preuve présentés.

[32]  Le TACRA est en droit, lorsqu’il est en présence d’éléments de preuve d’ordre médical contradictoires, de rejeter ceux qu’il n’estime pas crédibles, mais il doit fournir les motifs de son rejet : Woo (Succession de), précité, au paragraphe 62, citant Kripps c Canada (Procureur général), 219 FTR 146, [2002] ACF no 742.

[33]  En l’espèce, le comité d’appel de l’admissibilité a donné des raisons lucides pour conclure que la lettre du Dr Scott datée du 24 février 2014 n’établissait pas de lien de causalité entre le service militaire du demandeur et l’apparition de sa schizophrénie paranoïde. Il s’agit d’une conclusion que le comité pouvait raisonnablement tirer en fonction du dossier dont il disposait.

[34]  Au surplus, le comité n’a pas négligé l’obligation qui lui incombe, aux termes de l’article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), de résoudre tout doute lié à l’appréciation des éléments de preuve en faveur de M. Lunn. Le comité a reconnu que la lettre du Dr Scott laissait place à plus d’une interprétation, et qu’elle pourrait, potentiellement, être interprétée comme laissant croire qu’il existait un lien de causalité entre le service militaire de M. Lunn et sa maladie mentale. Accordant le bénéfice du doute à M. Lunn sur ce point, le comité a poursuivi, subsidiairement, en se demandant, si tel était ce que voulait dire le Dr Scott, s’il fallait accorder du poids à son opinion.

[35]  Or, une fois encore, le comité a fourni des raisons lucides de conclure qu’il fallait accorder peu de poids à la lettre du Dr Scott, et il n’y a aucune raison de modifier cette évaluation.

[36]  Le deuxième nouvel élément de preuve produit par M. Lunn était la déclaration non datée du Dr Leichner. Dans ce document, le Dr Leichner indique que le trouble de la personnalité paranoïaque et la schizophrénie paranoïde sont deux conditions distinctes. Par contre, il n’aborde pas la question du lien de causalité et, ainsi, il n’aide pas M. Lunn à établir son admissibilité à une pension militaire.

[37]  À l’audition de sa demande, M. Lunn a produit une lettre du Dr Rob Brison datée du 28 août 2017. Le Dr Brison est professeur à la Faculté de médecine d’urgence de l’Université Queen’s. Il est également un ami de M. Lunn, et leur amitié remonte aux journées passées au camp de vacances au début des années 1970. Cette lettre n’aide pas M. Lunn pour deux raisons.

[38]  La première est que le comité d’appel de l’admissibilité ne disposait pas de ce document lorsqu’il a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle. Le contrôle judiciaire est généralement effectué sur la foi du dossier qui était à la disposition du décideur d’origine. Un élément de preuve supplémentaire peut être admis dans certaines circonstances quand, par exemple une question d’équité procédurale ou de compétence est soulevée : voir Ordre des architectes de l’Ontario c Assn. of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, au paragraphe 30, [2003] 1 CF 331. M. Lunn n’a pas fait valoir qu’il y avait eu inéquité procédurale dans la procédure devant le comité d’appel de l’admissibilité, et n’a pas soulevé de question de compétence en l’espèce qui permettrait de considérer la lettre du Dr Brison.

[39]  La deuxième raison pour laquelle la lettre du Dr Brison n’aide pas M. Lunn, c’est qu’elle n’aborde pas la question du lien de causalité. Le Dr Brison affirme simplement que M. Lunn ne montrait aucun signe de trouble de la pensée ou de psychose quand il a fait sa connaissance au début des années 1970, et qu’il n’a eu que peu d’échanges avec lui depuis cette époque.

[40]  Par conséquent, j’estime que le comité d’appel de l’admissibilité a conclu de façon raisonnable que les nouveaux éléments de preuve présentés par M. Lunn ne permettaient pas d’établir un lien de causalité entre sa condition médicale et son service militaire.

[41]  M. Lunn n’a également pas soulevé d’erreur dans la décision du comité selon laquelle il ne pouvait renvoyer la demande au ministre pour un nouvel examen.

[42]  Par conséquent, je conclus que la décision du comité de rejeter la demande de réexamen de M. Lunn était raisonnable et, à ce titre, sa demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le procureur général du Canada n’a pas demandé d’ordonnance pour les dépens, et aucuns dépens ne sont accordés.

[43]  Avant de terminer, je voudrais mentionner que ma conclusion quant au bien-fondé de la présente demande de contrôle judiciaire ne signifie pas que M. Lunn ne dispose d’aucun autre recours. Comme l’a souligné l’avocat du ministre à l’audience, il reste loisible à M. Lunn de présenter une nouvelle demande de réexamen s’il obtient des éléments de preuve médicale qui établissent l’existence d’un lien de causalité entre son service militaire et sa maladie mentale. M. Lunn peut également demander au TACRA une allocation de commisération aux termes du paragraphe 34(1) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel).

 


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-233-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 30e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-233-17

 

INTITULÉ :

HUGH VINCENT LUNN, CAPORAL DES FORCES ARMÉES CANADIENNES À LA RETRAITE c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, JODY WILSON-RAYBOULD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 septembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 19 septembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Hugh Vincent Lunn

 

Pour le demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Kevin Palframan

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.