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Date : 20170428


Dossier : T-626-17

Référence : 2017 CF 520

Ottawa (Ontario), le 28 avril 2017

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

TECHNOLOGIES H2CI INC.

demanderesse

et

MINISTÈRE DE L'ENVIRONNEMENT ET CHANGEMENT CLIMATIQUE CANADA

défendeur

ORDONNANCE

VU la requête de la demanderesse Technologies H2CI Inc. aux termes de laquelle elle sollicite, par voie de demande ex parte, une injonction interlocutoire provisoire ordonnant au défendeur, le Ministère de l’Environnement et Changement climatique du Canada, de ne pas procéder au démantèlement de la Maison du futur installée au 4e étage de la Biosphère à Montréal ;

LECTURE FAITE du dossier de requête de la demanderesse et ayant considéré les représentations écrites et orales de l’avocate de la demanderesse;

CONSIDÉRANT que l’émission par la Cour d’une injonction interlocutoire provisoire ex parte est régie par l'article 374 des Règles des cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles], et par la jurisprudence ;

CONSIDÉRANT qu’une injonction interlocutoire provisoire constitue un remède extraordinaire et discrétionnaire en « equity » qui exige des circonstances spéciales et convaincantes, et oblige la demanderesse à démontrer les éléments suivants :

  1. Elle doit satisfaire le test tripartite établi par la Cour suprême du Canada dans RJR-Macdonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [MacDonald]. Ce test tripartite exige que la demanderesse démontre à la Cour : 1) qu’il existe une question sérieuse à trancher; 2) qu’elle risque de subir un préjudice irréparable si l’injonction n’est pas émise; et 3) que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur.

  2. Le test est conjonctif et chacune de ses trois composantes doit être satisfaite (Janssen Inc c Abbvie Corporation, 2014 CAF 112 au para 19). Ainsi, si la demanderesse échoue sur l’un des éléments du test tripartite, sa demande d’injonction doit être rejetée.

CONSIDÉRANT qu’une demande d’injonction interlocutoire provisoire faite ex parte exige qu’en plus de satisfaire aux trois exigences du test de l’arrêt MacDonald, la demanderesse doive également démontrer, soit qu’il y a urgence à agir et qu’aucun avis n’a pu être donné au défendeur, soit que le fait de donner un avis porterait irrémédiablement préjudice au but poursuivi par la demande;

CONSIDÉRANT qu’il n’est pas de situation plus chargée de possible injustice et de possible abus des pouvoirs de la Cour qu’une demande d’injonction faite ex parte sans avis à la partie défenderesse, et que la demanderesse a le fardeau de démontrer l’existence d’une situation justifiant de procéder sans avis;

CONSIDÉRANT que, si la demanderesse n’arrive pas à faire la preuve de ce besoin d’urgence, la Cour ne considérera la demande d’injonction provisoire que dans la mesure où la partie adverse en a été préalablement avisée;

CONSIDÉRANT qu’il appartient à la demanderesse de démontrer, à l’aide d’une preuve claire et convaincante qui soit suffisante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités, que l’urgence est telle qu’aucun avis n’a pu être donné au défendeur ou que le fait de lui donner un avis porterait irrémédiablement préjudice au but poursuivi par sa demande;

CONSIDÉRANT les circonstances factuelles particulières suivantes :

  1. En juillet 2015, la demanderesse a conclu un partenariat avec le défendeur accordant à la demanderesse la permission d’occuper et d’utiliser l’intégralité de l’espace situé au 4e étage de la Biosphère pour y concevoir et construire une maison déployant des technologies environnementales ainsi qu’une serre attenante. Le projet était connu sous le nom de Maison du futur.

  2. Ayant obtenu le financement requis pour le projet, la demanderesse a procédé à la conception et à l’amorce de la construction de la Maison du futur.

  3. Par le biais d’une lettre en date du 17 janvier 2017, le défendeur a informé la demanderesse de sa décision de mettre fin au partenariat vu le défaut de la demanderesse de livrer le projet clé en main à la date convenue, et a exigé de la demanderesse le démantèlement et le déménagement de la Maison du futur. Le défendeur a alors donné à la demanderesse jusqu’au 15 avril 2017 pour ce faire.

  4. En date du 7 avril 2017, la demanderesse aurait informé le défendeur par courriel qu’elle ne pourrait se conformer à l’échéance du 15 avril 2017 pour démanteler et déménager la Maison du futur, et a donc demandé une extension de délai au défendeur. L’affidavit déposé par la demanderesse à l’appui de sa demande ne contient cependant pas cette correspondance et n’explique d’ailleurs pas ce qui s’est passé entre la demande initiale du défendeur de janvier 2017 et la réponse du 7 avril 2017 de la demanderesse.

  5. Par lettre en date du 12 avril 2017, le défendeur a informé la demanderesse qu’il acceptait de proroger le délai initialement fixé pour le démantèlement et le déménagement de la Maison du futur sous réserve d’obtenir une réponse de la demanderesse avant le 19 avril 2017 à 14h00 quant à son plan pour y procéder et d’un engagement à ce que les travaux de démantèlement et de déménagement soient complétés avant le 28 avril 2017 à 17h00.

  6. Dans sa lettre du 12 avril 2017, le défendeur informait aussi la demanderesse que son retard à procéder au démantèlement et au déménagement de la Maison du futur lui causait préjudice et que la situation était devenue critique. Le défendeur indiquait aussi à la défenderesse qu’à défaut de recevoir une proposition avant la date butoir du 19 avril à 14h00, le défendeur conclurait que la demanderesse abandonnait sans compensation ni recours la Maison du futur et que son abandon aurait pour effet d’en transmettre la possession juridique pleine et entière au défendeur.

  7. Le 19 avril 2017, la demanderesse a envoyé sa réponse, mais seulement à 16h48, et celle-ci prévoyait qu’elle aurait besoin d’un délai jusqu’au 5 mai 2017 pour compléter les travaux de déménagement. Aussi, tant le moment que la teneur de la réponse de la demanderesse ne répondaient pas aux exigences formulées par le défendeur dans sa lettre du 12 avril.

  8. Par lettre du 24 avril 2017 envoyée par l’entremise de son avocate, le défendeur a informé la demanderesse qu’il avait conclu de sa réponse tardive du 19 avril que la demanderesse avait fait le choix d’abandonner ses droits, titres et autres intérêts dans la Maison du futur en faveur de la Couronne fédérale et que le défendeur entendait procéder au démantèlement de la Maison du futur afin de libérer les lieux « le plus rapidement possible ».

  9. Aucun autre détail n’a été fourni par la demanderesse quant à la date du démantèlement anticipé de la Maison du futur par le défendeur et aucune indication n’a été fournie par la demanderesse au sujet de démarches qui auraient pu être effectivement entreprises par le défendeur pour y procéder depuis la réponse du 24 avril 2017.

  10. Depuis la réponse du défendeur du 24 avril 2017, la demanderesse a envoyé un courriel le 25 avril 2017 au défendeur et à son avocate, indiquant notamment n’avoir aucune intention d’abandonner la Maison du futur à la Couronne fédérale.

  11. Aucune autre information ou réponse n’a émané du défendeur ou de son avocate depuis le 25 avril 2017.

CONSIDÉRANT que la demanderesse n’a pas convaincu la Cour qu’elle remplissait les conditions prévues à l'article 374 des Règles pour pouvoir obtenir l'injonction qu'elle réclame sans préavis au défendeur et qu’elle n’a pas fourni la preuve nécessaire pour démontrer, soit qu’il y a une telle urgence à agir qu’aucun avis n’a pu être donné au défendeur, soit que le fait de donner un avis porterait irrémédiablement préjudice au but poursuivi par la demande;

CONSIDÉRANT que, vu les échanges qui ont eu lieu avec le défendeur et son avocate jusqu’au 25 avril et l’absence de preuve suffisante qu’il y ait péril en la demeure ou que le démantèlement de la Maison du futur par le défendeur soit imminent, la Cour n’est pas satisfaite que la demanderesse se soit déchargée de son fardeau au niveau de l’urgence et de la nécessité de procéder ex parte pour sa demande d’injonction interlocutoire provisoire ;

CONSIDÉRANT que rien dans la décision de la Cour n'empêche la demanderesse, après avis au défendeur, de solliciter une injonction, provisoire ou interlocutoire, selon les modalités précisées dans son avis de requête ;

CONSIDÉRANT que, vu ses conclusions sur l’absence de preuve suffisante au niveau de la nécessité de procéder ex parte, il n’est pas opportun pour la Cour de se prononcer sur les trois critères du test de l’arrêt MacDonald que devra rencontrer la demanderesse pour obtenir l’injonction interlocutoire provisoire recherchée, d’autant plus que la signification au défendeur pourrait amener ce dernier à déposer un dossier en réponse à la demande de la demanderesse ;

LA COUR ORDONNE que :

  1. La requête en injonction interlocutoire provisoire ex parte présentée par la demanderesse est rejetée, sous réserve du droit de la demanderesse de renouveler sa demande après en avoir dûment avisé le défendeur en lui signifiant son dossier de requête.

  2. La demanderesse est autorisée à signifier son dossier de requête au défendeur, accompagné d’une copie de la présente ordonnance, en transmettant le tout par tout mode de signification, y compris la signification électronique, à l’avocate agissant pour le défendeur.

  3. Les dépens suivront l'issue de la cause.

« Denis Gascon »

Juge

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