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Date : 20170814


Dossier : IMM-4808-16

Référence : 2017 CF 768

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 14 août 2017

En présence de monsieur le juge en chef Crampton

ENTRE :

JOE MICHAEL PADIDA RAMOS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Ramos, soutient que l’agent des visas (l’agent) qui a rejeté sa demande de permis de travail temporaire a commis deux erreurs dans sa décision. En premier lieu, il fait valoir que l’agent a omis de tenir compte des exigences en matière de fonctions principales et de conditions d’accès à la profession établies par la Classification nationale des professions (CNP). En deuxième lieu, il soutient que l’agent n’a pas tenu compte du paragraphe 22(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR).

[2]  La demande sera rejetée pour les motifs suivants.

[3]  Les deux questions soulevées par M. Ramos sont susceptibles de révision selon la norme de la décision raisonnable (Sharma c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 786, au paragraphe 10; Palogan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 889, au paragraphe 9).

[4]  Il est acquis de part et d’autre que les notes de l’agent dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC) font partie de la décision faisant l’objet du contrôle dans la présente demande (la décision).

[5]  En ce qui concerne la présumée omission de l’agent de tenir compte des exigences en matière de fonctions principales et de conditions d’accès à la profession établies dans la Classification nationale des professions, l’agent a reconnu expressément dans les notes du SMGC que M. Ramos avait suivi une formation pertinente pour le poste d’auxiliaire familial que sa tante lui avait offert au Canada. L’agent a indiqué plus précisément que M. Ramos a obtenu un certificat en prestation de soins et qu’aucune expérience n’était nécessaire pour le poste d’auxiliaire familial.

[6]  M. Ramos reconnaît ce fait. Toutefois, il soutient qu’aucun élément de preuve au dossier n’indique que l’agent a soupesé de manière appropriée ses qualifications, qui consistaient en grande partie du certificat susmentionné, pour parvenir à la décision.

[7]  Dans une demande de contrôle judiciaire, le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau la preuve qui a été présentée au décideur (décisions Hakimi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 657, au paragraphe 20; Pan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 838, au paragraphe 46).

[8]  Le fait que M. Ramos répondait aux exigences en matière d’études du poste d’auxiliaire familial constituait uniquement un des facteurs qui étaient pertinents aux conclusions que l’agent devait tirer. En d’autres termes, il ne s’agissait pas d’un facteur déterminant.

[9]  Les divers facteurs qu’un agent des visas peut prendre en considération dans l’évaluation d’une demande de permis de travail temporaire ont été signalés à M. Ramos dans la lettre de l’agent datée du 19 septembre 2016. Plusieurs de ces facteurs et certains autres sont présents dans les notes que l’agent a consignées dans le SMGC. J’en cite quelques-uns :

i.  le lien de parenté de M. Ramos avec son employeuse éventuelle (sa tante) et avec la personne à qui il fournirait les soins (sa grand-mère);

ii.  le certificat de M. Ramos en prestation de soins et le baccalauréat obtenu après deux années d’études en science respiratoire;

iii.  le fait qu’il n’a travaillé que dix mois environ depuis 2006 et que son expérience de travail était celle de chauffeur;

iv.  son manque d’expérience à titre d’auxiliaire familial. L’agent a reconnu que, même si une telle expérience n’était pas requise, il s’agissait d’un atout;

v.  le fait qu’il est âgé de 40 ans, vit en concubinage et a un enfant à charge;

vi.  la faiblesse des liens économiques le liant à son pays d’origine.

[10]  Après avoir examiné les facteurs susmentionnés, l’agent pouvait raisonnablement rejeter la demande de M. Ramos au motif que le demandeur n’a pas établi qu’il avait des possibilités d’emploi et des liens économiques suffisants dans son pays d’origine pour l’inciter à y retourner à la fin de la période de son séjour autorisée au Canada.

[11]  En ce qui concerne la deuxième question soulevée par M. Ramos, l’agent indique que le paragraphe 22(2) envisage la possibilité qu’un demandeur de permis de travail temporaire ait l’intention de devenir résident temporaire tout en espérant demeurer au Canada à titre de résident permanent. À ce sujet, M. Ramos fait valoir qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de mettre l’accent sur la question de savoir s’il quitterait le Canada à la fin de la période de son séjour autorisée. Il explique que les demandeurs qui présentent une demande dans le cadre du programme d’auxiliaire familial présenteront certainement ou assez souvent une demande de ce genre dans le but éventuel de devenir un résident permanent du Canada. Il suggère qu’il serait donc incongru d’exiger que ces demandeurs démontrent qu’ils ont l’intention de retourner dans leur pays d’origine à l’expiration de leur permis de travail temporaire. Il ajoute que c’est précisément parce qu’il n’existe pas de liens économiques suffisants que bon nombre de citoyens des Philippines viennent au Canada dans le cadre du programme d’auxiliaire familial et du programme antérieur.

[12]  C’est fort possible. Toutefois, le paragraphe 22(2) de la LIPR dispose comme suit :

Double intention

22(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Dual intent

22(2) An intention by a foreign national to become a permanent resident does not preclude them from becoming a temporary resident if the officer is satisfied that they will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

[13]  Je suis d’avis que la formulation claire du paragraphe 22(2) indique manifestement que, même si l’intention de devenir un résident permanent n’empêche pas un demandeur de devenir un résident temporaire, l’agent qui examine une demande de permis de travail temporaire doit néanmoins être convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de sa période autorisée de séjour.

[14]  Cette exigence est renforcée par celle de l’alinéa 200(1)b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), qui dispose comme suit :

Permis de travail — demande préalable à l’entrée au Canada

 

Work permits

 

200 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), et de l’article 87.3 de la Loi dans le cas de l’étranger qui fait la demande préalablement à son entrée au Canada, l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments ci-après sont établis :

 

200 (1) Subject to subsections (2) and (3) — and, in respect of a foreign national who makes an application for a work permit before entering Canada, subject to section 87.3 of the Act — an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

 

(b) the foreign national will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

 

[15]  Tel qu’il en ressort, cette disposition exige effectivement qu’un étranger qui présente une demande de permis de travail préalablement à son entrée au Canada établisse qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de son séjour autorisée. Il s’agit d’une condition particulière qui doit être remplie, peu importe que le demandeur ait l’intention de rester au Canada pendant une période plus longue, et elle peut constituer un facteur déterminant dans l’évaluation d’une demande de permis de travail effectuée par un agent des visas.

[16]  À mon avis, la décision de l’agent a rendu parce qu’il n’était pas convaincu que M. Ramos quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée appartient tout à fait aux « issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Il incombait à M. Ramos de convaincre l’agent du contraire (décisions Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690, au paragraphe 30; Mata c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 200, au paragraphe 13). Malheureusement pour lui, il ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve.

[17]  Je reconnais que, si les dispositions de la LIPR et du Règlement susmentionnées sont appliquées de façon rigoureuse, ceux qui demandent un permis de travail temporaire pour travailler à titre d’auxiliaire familial au Canada pourraient avoir plus de difficulté à obtenir ce permis. Toutefois, la LIPR et le Règlement disposent très clairement qu’un agent des visas doit être convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Si l’application rigoureuse de cette exigence fait qu’il est plus difficile d’attirer un nombre suffisant de demandeurs à des postes temporaires d’auxiliaires familiaux pour répondre aux besoins du Canada, ce sera au législateur qu’il incombera d’apporter les modifications qu’il juge indiquées à la LIPR et au Règlement.

[18]  Je m’arrête pour ajouter qu’il est bien évident à partir de la dernière écriture de l’agent dans les notes du SMGC que l’agent n’était pas convaincu que M. Ramos aurait une raison suffisante de retourner aux Philippines, peu importe que ce soit à l’expiration de son permis de travail temporaire ou à un moment donné ultérieur. À cet égard, la dernière affirmation de l’agent figurant dans les notes du SMGC indique ce qui suit : [traduction] « Je ne suis pas convaincu que le sujet a montré son employabilité dans son pays d’origine et que les liens économiques avec son pays suffisent pour qu’il ait une raison d’y retourner ».

[19]  M. Ramos soutient que les Instructions ministérielles établissant la catégorie « Garde d’enfants », (2014) Gazette du Canada, I, 2906-2908 (les instructions) qui ont été adoptées le 29 novembre 2014 conformément à l’article 87.3 de la LIPR, dérogent aux dispositions susmentionnées, soit le paragraphe 22(2) de la LIPR et l’alinéa 200(1)b) du Règlement . Je ne suis pas d’accord.

[20]  Il ne ressort pas immédiatement du libellé du paragraphe 87.3(3), que j’ai reproduit à l’annexe 1 des présents motifs de jugement, que les instructions ministérielles adoptées en application de l’article 87.3 peuvent déroger à la formulation claire du paragraphe 22(2) de la LIPR et de l’alinéa 200(1)b) du Règlement.

[21]  Étant donné que ce point n’a pas été plaidé par les parties, je ne formulerai aucun autre commentaire à ce sujet. Il suffit, aux fins de la présente décision, de noter que les instructions visent à établir la « Catégorie des soins aux personnes ayant des besoins médicaux élevés » en tant que catégorie économique prévue au Règlement. En plus de définir cette catégorie, les instructions décrivent les exigences que doivent respecter les personnes qui demandent un visa de résident permanent à titre de membre de cette catégorie. Étant donné que M. Ramos n’a pas demandé un visa à titre de membre de cette catégorie, je ne vois pas comment les instructions lui seraient utiles pour établir que la décision de l’agent était déraisonnable.

[22]  Je reconnais qu’il existe certaines distinctions à faire entre la situation de M. Ramos et les situations qui étaient visées par les décisions de la Cour dans la jurisprudence citée au paragraphe 16 ci-dessus. Toutefois, vu la formulation claire du paragraphe 22(2) de la LIPR et de l’alinéa 200(1)b) du Règlement, je suis convaincu que ces décisions constituent un fondement solide du principe que j’ai décrit au paragraphe 16.

[23]  Les parties n’ont suggéré aucune question à certifier aux fins d’un appel. Je suis d’avis que les faits de l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale.


JUGEMENT

(IMM-4808-16)

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La présente demande est rejetée.

  2. Les faits de l’espèce ne soulèvent aucune question grave de portée générale.

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’octobre 2019

Lionbridge


ANNEXE 1 – Lois applicables

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

Visa et documents

 

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

Application before entering Canada

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

Résident temporaire

22 (1) Devient résident temporaire l’étranger dont l’agent constate qu’il a demandé ce statut, s’est déchargé des obligations prévues à l’alinéa 20(1)b), n’est pas interdit de territoire et ne fait pas l’objet d’une déclaration visée au paragraphe 22.1(1).

Temporary resident

22 (1) A foreign national becomes a temporary resident if an officer is satisfied that the foreign national has applied for that status, has met the obligations set out in paragraph 20(1)(b), is not inadmissible and is not the subject of a declaration made under subsection 22.1(1).

Double intention

(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

Dual intent

(2) An intention by a foreign national to become a permanent resident does not preclude them from becoming a temporary resident if the officer is satisfied that they will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

Instructions

87.3 (3) Pour l’application du paragraphe (2), le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment des instructions :

Instructions

87.3 (3) For the purposes of subsection (2), the Minister may give instructions with respect to the processing of applications and requests, including instructions

a) prévoyant les groupes de demandes à l’égard desquels s’appliquent les instructions;

(a) establishing categories of applications or requests to which the instructions apply;

a.1) prévoyant des conditions, notamment par groupe, à remplir en vue du traitement des demandes ou lors de celui-ci;

(a.1) establishing conditions, by category or otherwise, that must be met before or during the processing of an application or request;

b) prévoyant l’ordre de traitement des demandes, notamment par groupe;

(b) establishing an order, by category or otherwise, for the processing of applications or requests;

c) précisant le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe;

(c) setting the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year; and

d) régissant la disposition des demandes dont celles faites de nouveau.

(d) providing for the disposition of applications and requests, including those made subsequent to the first application or request.

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227

Résident temporaire

7 (1) L’étranger ne peut entrer au Canada pour y séjourner temporairement que s’il a préalablement obtenu un visa de résident temporaire.

Temporary resident

7 (1) A foreign national may not enter Canada to remain on a temporary basis without first obtaining a temporary resident visa.

Permis de travail — demande préalable à l’entrée au Canada

Work permits

200 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), et de l’article 87.3 de la Loi dans le cas de l’étranger qui fait la demande préalablement à son entrée au Canada, l’agent délivre un permis de travail à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments ci-après sont établis :

200 (1) Subject to subsections (2) and (3) — and, in respect of a foreign national who makes an application for a work permit before entering Canada, subject to section 87.3 of the Act — an officer shall issue a work permit to a foreign national if, following an examination, it is established that

….

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

….

(b) the foreign national will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

….

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4808-16

 

INTITULÉ :

JOE MICHAEL PADIDA RAMOS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 AOÛT 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 AOÛT 2017

 

COMPARUTIONS :

Émile Jean Barakat

POUR LE DEMANDEUR

 

Andrea Shahin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Émile Jean Barakat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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