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Date : 20170731


Dossier : IMM-4595-16

Référence : 2017 CF 740

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 31 juillet 2017

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

DAN LI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Le demandeur est un ressortissant de la Chine qui demande l’asile au Canada au motif que le bureau de la sécurité publique chinois [le BSP] s’est présenté à son domicile pour l’arrêter, du fait qu’il pratiquait le Falun Gong, après une descente à la maison-église qu’il fréquentait, ce qui l’avait amené à s’enfuir. Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SPR a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR]. La SPR a également conclu à l’absence de minimum de fondement à l’égard des allégations du demandeur, proscrivant un appel à la Section d’appel des réfugiés.

[2]               Les responsables de la SPR ont posé des questions au demandeur au sujet de ses connaissances sur les pratiques du Falun Gong. Ils l’ont aussi interrogé à propos de son départ de la Chine au moyen de son propre passeport biométrique que quelqu’un d’autre aurait obtenu à sa place après que le BSP eut commencé à le rechercher. La SPR l’a de plus interrogé au sujet de son voyage en train vers la maison de son ami après la descente du BSP dans la maison-église. Toutes les réponses fournies par le demandeur n’ont pas été jugées crédibles en raison d’incohérences avec les documents sur les conditions existant dans le pays.

[3]               Le demandeur soutient que les motifs de la SPR ne renvoient pas au passeur de clandestins dont il s’est servi pour obtenir son passeport et que, si une plus grande attention avait été accordée à la présence de ce passeur, alors la SPR aurait pu croire que sa demande était fondée. Il affirme que la SPR a reconnu que des documents frauduleux peuvent être obtenus en Chine et que des fonctionnaires chinois peuvent être corrompus, de sorte que le raisonnement tenu par la SPR selon lequel elle ne croit pas qu’il se soit enfui au moyen de son propre passeport est contradictoire. Le demandeur renvoie aussi à d’autres conclusions tirées par la SPR, qui exigent toutes que la Cour soupèse de nouveau les éléments de preuve.

[4]               Le principal argument du demandeur est que l’absence de minimum de fondement ne peut être retenue parce qu’une seule véritable conclusion quant à la crédibilité a été rendue contre le demandeur, concernant la question de savoir si le demandeur ou son épouse avait remis des documents en vue de l’obtention de son nouveau passeport. L’avocat a fait valoir que toutes les conclusions défavorables à l’égard du demandeur étaient fondées sur un examen de la preuve qui avait mené la SPR à retenir les documents sur les conditions existant dans le pays plutôt que le témoignage du demandeur. L’avocat soutient que, sans conclusion défavorable quant à la crédibilité, rien ne permet de conclure à l’absence de minimum de fondement.

[5]               Le défendeur allègue que retenir les documents sur les conditions existant dans le pays plutôt que le témoignage du demandeur constitue une conclusion quant à la crédibilité. Étant donné que le témoignage du demandeur est la seule preuve qui a été présentée à l’audience de la SPR — aucune lettre, aucun témoin ou autre élément de preuve n’a été produit — la conclusion défavorable quant à la crédibilité rendue à l’égard du demandeur fait en sorte qu’il ne reste aucune preuve crédible sur laquelle s’appuyer. Pour annuler une conclusion d’absence de minimum de fondement, il faut des éléments de preuve qui, si on y ajoute foi, sont en mesure d’appuyer la demande.

[6]               Dans Rahaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89 [Rahaman], la Cour d’appel devait répondre à la question certifiée suivante :

Une simple conclusion qu’un revendicateur du statut de réfugié n’est pas un témoin crédible suffit-elle à entraîner l’application du paragraphe 69.1(9.1) [de la Loi sur l’immigration, LRC 1985, c I-2 maintenant abrogée]?

[7]               Le critère qui était prévu par le paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l’immigration est essentiellement le même que l’on trouve actuellement au paragraphe 107(2) de la LIPR : s’il n’y a aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel la SPR aurait pu se fonder pour reconnaître le statut de réfugié au demandeur d’asile, elle doit alors faire état dans sa décision de l’absence de minimum de fondement de la demande.

[8]               La Cour d’appel a répondu affirmativement à la question certifiée en déclarant, au paragraphe 52 :

La question de savoir si une conclusion qu’un revendicateur du statut de réfugié n’est pas un témoin crédible entraîne l’application du paragraphe 69.1(9.1) dépend d’une évaluation de tous les témoignages et documents produits en preuve. S’il n’y a aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel chacun des membres de la Commission aurait pu se fonder pour reconnaître le statut de réfugié au revendicateur, une conclusion que ce dernier n’était pas un témoin crédible justifiera la conclusion d’absence de minimum de fondement.

[9]               Avant de répondre à la question certifiée, la Cour d’appel a fait plusieurs déclarations concernant l’interprétation qu’il convient de donner à l’expression « absence minimum de fondement » :

(1)               la Commission doit prendre en considération tous les éléments de preuve qui lui sont présentés : les observations présentées de vive voix par le revendicateur, les documents produits en preuve et les autres témoignages;

(2)               la Commission ne peut conclure à l’« absence de minimum de fondement » que s’il n’a été présenté à l’audience aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel le commissaire aurait pu (soulignement dans l’original) se fonder pour reconnaître le statut de réfugié au revendicateur;

(3)               le témoignage du revendicateur sera souvent le seul élément de preuve reliant ce dernier à la persécution qu'il allègue. Dans de tels cas, si la Commission ne considère pas que le revendicateur est crédible, il n’y aura aucun élément de preuve crédible ou digne de foi pour étayer la revendication;

(4)               les rapports sur les pays seuls ne constituent généralement pas un fondement suffisant sur lequel la Commission peut s’appuyer pour reconnaître le statut de réfugié;

(5)               l’existence de certains (soulignement dans l’original) éléments de preuve crédibles ou dignes de foi n’empêchera pas une conclusion d’« absence de minimum de fondement » si ces éléments de preuve sont insuffisants en droit pour que le statut de réfugié soit reconnu au revendicateur.

Rahaman aux paragraphes 27-30

[10]           Depuis Rahaman, ces déclarations ou principes ont été appliqués à maintes reprises par la Cour au fil des ans. Bien que des améliorations aient été apportées à ceux-ci, l’essentiel demeure qu’il faille alors, si le témoignage du demandeur n’est pas crédible, la présence de certains éléments de preuve crédibles ou dignes de foi suffisants pour que le statut de réfugié soit reconnu au revendicateur et ainsi éviter une conclusion d’absence de minimum de fondement. Il est toujours vrai que les documents sur les conditions existant dans le pays, à eux seuls, ne satisfont pas à ce critère.

[11]           Avant de pouvoir juger si la conclusion d’absence de minimum de fondement était raisonnable, je dois d’abord établir si la SPR a eu raison de conclure que le témoignage du demandeur n’était pas crédible. Il y avait des contradictions claires entre le témoignage du demandeur et les documents sur les conditions existant dans le pays sur lesquelles s’est appuyée la SPR. Même si plus d’une conclusion pouvait être tirée à partir de ces contradictions, je suis d’avis que les conclusions tirées par la SPR — selon lesquelles le demandeur n’a jamais été recherché par le BSP et n’a jamais été un véritable adepte du Falun Gong — étaient défendables au regard de la preuve devant elle et ont été suffisamment expliquées de manière à satisfaire aux exigences de la norme de contrôle de la décision raisonnable. Étant donné que la SPR a estimé que le demandeur ne serait exposé à aucune menace s’il retournait en Chine, il était raisonnable de conclure que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger.

[12]           La prochaine question est celle de savoir si la SPR a eu raison de conclure qu’il n’y avait aucun élément de preuve crédible pour étayer la revendication du demandeur. Sur ce point, le demandeur n’a pas réussi à me convaincre que des éléments de preuve crédibles ou dignes de foi n’ont pas été pris en considération par la SPR. Son témoignage n’a pas été cru. Mis à part les documents sur les conditions existant dans le pays mentionnés par la SPR, que cette dernière a préférés au témoignage du demandeur, aucune preuve pour étayer la revendication n’a été présentée à la SPR sauf le certificat de mariage du demandeur. Ce document n’étaye évidemment pas sa revendication du statut de réfugié d’aucune façon. Sans toute autre preuve pour appuyer la revendication du demandeur, la conclusion d’absence de minimum de fondement de la SPR concordait manifestement avec les indications de la Cour d’appel dans Rahaman et la décision dans son ensemble est raisonnable.

[13]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée. Il n’y a aucune question à certifier au vu de ces faits.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4595-16

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Susan Elliott »

juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DoSSIER :

IMM-4595-16

 

 

INTITULÉ :

DAN LI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 JUILLET 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 31 JUILLET 2017

 

COMPARUTIONS :

Peter Lulic

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Lulic

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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