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Date : 20170726


Dossier : IMM-5278-16

Référence : 2017 CF 727

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 26 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Russell

ENTRE :

ABDULRAZZAG SALEH S ALOMARI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  INTRODUCTION

[1]  La Cour est saisie d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] visant le contrôle judiciaire de la décision du 19 décembre 2016 [la décision] par laquelle l’agent de l’ambassade du Canada à Riyad [l’agent] a rejeté la demande du demandeur en vue d’obtenir un visa de résident temporaire [VRT].

II.  CONTEXTE

[2]  Le demandeur, âgé de 30 ans, est citoyen de l’Arabie saoudite. Il a précédemment résidé au Canada au titre d’un visa étudiant qui était valide jusqu’au 30 novembre 2015; toutefois, il a prolongé son séjour après l’expiration de son visa et n’a pas quitté le Canada avant le 10 juillet 2016.

[3]  Le 10 décembre 2016, le demandeur a demandé un VRT afin d’accompagner sa femme et ses trois sœurs pour le reste de leurs études universitaires au Canada. Selon le demandeur, sa femme et ses trois sœurs avaient reçu une bourse d’études du gouvernement saoudien pour étudier à l’étranger, bourses assorties d’une condition selon laquelle elles doivent être accompagnées d’un membre de la famille de sexe masculin.

[4]  Dans sa demande, le demandeur a expliqué avoir dépassé la période de séjour autorisée en omettant de renouveler son permis d’études parce qu’il n’avait pas terminé la formation nécessaire à son programme d’études. Toutefois, puisque sa femme et ses sœurs étudiaient toujours au Canada à cette époque, il a choisi de rester au Canada afin qu’elles puissent continuer d’être accompagnées par un membre de la famille de sexe masculin et conserver leur bourse d’études.

 

III.  DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[5]  L’agent a rejeté la demande de VRT du demandeur dans une décision qui lui a été envoyée le 19 décembre 2016.

[6]  Dans sa décision, l’agent a affirmé que le demandeur n’avait pas réussi à le convaincre qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. Les facteurs examinés dans la décision étaient notamment les suivants : la durée du séjour proposé au Canada, l’objet de la visite et son historique de violation des conditions d’admission lors d’un séjour précédent au Canada. Par conséquent, la demande a été rejetée.

[7]  Dans les notes du Système mondial de gestion des cas [SMGC], l’agent a inscrit que le demandeur avait antérieurement dépassé la durée de son séjour autorisé au Canada en 2016 et que l’explication justifiant ce séjour antérieur non autorisé était au dossier. L’agent a également inscrit que le demandeur était sans emploi et n’avait pas respecté les conditions de son séjour antérieur au Canada. Par conséquent, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur respecterait les conditions de séjours ultérieurs au Canada.

IV.  QUESTIONS EN LITIGE

[8]  Le demandeur soutient que la présente instance soulève les questions suivantes :

  1. L’agent a‑t‑il rendu une décision déraisonnable en ignorant ou en omettant de tenir compte des éléments de preuve substantiels et en se fondant sur un raisonnement insuffisant et déficient?

  2. L’agent a‑t‑il contrevenu au droit à l’équité procédurale du demandeur en attaquant sa crédibilité sans lui fournir l’occasion de répondre?

V.  NORME DE CONTRÔLE

[9]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de mener une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à une question en particulier soumise à la Cour est établie de manière satisfaisante par la jurisprudence antérieure, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse, ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire, que la cour de révision doit entreprendre un examen des quatre facteurs formant l’analyse de la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

[10]  La norme de contrôle applicable à l’évaluation par un agent des visas d’une demande dans le contexte d’une décision concernant la délivrance d’un VRT est celle de la raisonnabilité : Rahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 793, au paragraphe 6.

[11]  La deuxième question est une question d’équité procédurale puisqu’elle concerne le défaut de donner l’occasion de répondre et doit être examinée selon la norme de la décision correcte : Khosa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CSC 12, au paragraphe 43 [Khosa].

[12]  Lorsque l’on examine une décision selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Khosa, précité, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour devrait intervenir uniquement si la décision est déraisonnable en ce qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

VI.  DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[13]  Les dispositions suivantes de la LIPR s’appliquent en l’espèce :

Visa et documents

Application before entering Canada

11 (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11 (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[…]

Obligation à l’entrée au Canada

Obligation on entry

20 (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

20 (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

[…]

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

[14]  Les dispositions suivantes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement] s’appliquent en l’espèce :

Délivrance

Issuance

179 L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis:

179 An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

[…]

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

VII.  ARGUMENTS

A.  Demandeur

(1)  Caractère raisonnable

[15]  Le demandeur soutient que la décision est déraisonnable, parce que l’agent a ignoré des éléments de preuve substantiels démontrant qu’il était un résident temporaire sincère qui aurait respecté les conditions de son visa.

[16]  Premièrement, le demandeur fait valoir que l’analyse est insuffisante en ce qu’elle tient en seulement trois phrases : le demandeur est sans emploi, le demandeur n’a pas respecté les conditions d’un séjour antérieur au Canada et l’agent n’était pas convaincu que le demandeur respecterait les conditions de séjours futurs au Canada. La Cour a conclu que dans le contexte d’un VRT, le simple fait d’énumérer une série de facteurs et d’énoncer une conclusion est insuffisant : Groohi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 837, au paragraphe 14.

[17]  Deuxièmement, le demandeur affirme que les motifs ne traitent pas de la preuve. Bien que l’agent ait reconnu que la lettre d’explication du demandeur était au dossier, il n’en a pas examiné le contenu. De même, les lettres de sa femme et de ses sœurs n’ont pas été mentionnées ni examinées dans la décision. Le défaut d’examiner des éléments de preuve pertinents est une erreur susceptible de contrôle : De Seram c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1123, aux paragraphes 29-30. De plus, les lettres expliquaient pourquoi il était important pour le demandeur d’obtenir un VRT, soit, pour s’assurer que sa femme et ses sœurs puissent continuer leurs études. De plus, sa femme et ses sœurs s’étaient engagées dans les lettres à ce que le demandeur ne dépasse pas la période de séjour autorisée encore une fois.

[18]  Le demandeur soutient que le rejet de sa demande sur le seul fondement qu’il avait antérieurement dépassé la période de séjour autorisée est déraisonnable. Les personnes qui ont contrevenu à la LIPR ne sont pas interdites de retourner au Canada : voir, par exemple, l’article 221 du Règlement. Par conséquent, le demandeur fait valoir que l’agent n’a pas examiné la demande de manière complète et minutieuse.

(2)  Équité procédurale

[19]  Le demandeur soutient également qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale dans la décision, parce qu’elle attaquait sa crédibilité et qu’il n’avait pas eu l’occasion de répondre.

[20]  Le demandeur allègue que l’absence de raisonnement et d’analyse dans la décision indique que le refus était influencé par des préoccupations concernant sa crédibilité et la véracité de ses déclarations personnelles. De plus, dans la décision, il est indiqué que l’objet de sa visite a été un facteur décisif dans le rejet de la demande, ce qui indique que la crédibilité et les intentions du demandeur étaient en doute. La Cour a conclu qu’un agent doit fournir au demandeur l’occasion de répondre lorsque sa crédibilité ou la documentation présentée au soutien de sa demande est attaquée : Hassani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24.

[21]  Par conséquent, le demandeur affirme qu’il aurait dû avoir l’occasion de répondre aux préoccupations de l’agent quant aux circonstances l’ayant mené à dépasser sa période de séjour autorisée antérieure au Canada et à la question de savoir s’il contreviendrait aux conditions d’un séjour ultérieur.

B.  Défendeur

(1)  Caractère raisonnable

[22]  Le défendeur soutient que la décision est raisonnable.

[23]  Le cadre législatif exige que les demandeurs qui cherchent à devenir résidents temporaires démontrent qu’ils quitteront le pays à la fin de la période de séjour autorisée : alinéa 20(1)b) de la LIPR, alinéa 179b) du Règlement. La preuve dont disposait l’agent démontrait que, à la suite d’un changement de circonstances, le demandeur avait choisi de dépasser sa période de séjour autorisée afin que sa femme et ses sœurs puissent continuer leurs études; l’objet de la visite pour le nouveau VRT était le même. De plus, la preuve démontrait que le demandeur n’avait aucun emploi établi ni enfant en Arabie saoudite, ce qui ne pouvait pas être considéré comme un facteur positif en sa faveur. Malgré les garanties du demandeur, il était raisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de prouver qu’il ne dépasserait pas sa période de séjour autorisée encore une fois.

[24]  Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, l’agent n’était pas tenu de faire référence aux lettres individuelles présentées par sa femme et ses sœurs, puisqu’elles ne portaient pas sur sa décision antérieure de dépasser la période de séjour autorisée. De plus, l’agent est présumé avoir soupesé et examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, à moins que l’on démontre le contraire; autrement dit, l’agent n’était pas tenu de faire mention de tous les éléments de preuve qui étaient contraires à la conclusion qu’il a tirée : Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 201, au paragraphe 19.

(2)  Équité procédurale

[25]  Le défendeur fait valoir que la décision est équitable sur le plan procédural.

[26]  La notion d’équité procédurale est plus souple dans le cadre de demandes visant à obtenir un VRT parce que : la décision est hautement administrative et n’a rien à voir avec le processus judiciaire; la décision est de faible importance, puisque les demandeurs n’ont pas le droit d’entrer au Canada et sont libres de présenter une autre demande, et la Cour doit se garder d’imposer un niveau d’équité procédurale qui risque de nuire à une bonne administration : Bahr c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 527, aux paragraphes 32-33.

[27]  Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, l’agent n’a pas rendu une décision relative à la crédibilité. Lorsque les préoccupations de l’agent découlent directement des exigences législatives, il n’a pas l’obligation de soulever ces préoccupations auprès du demandeur : Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 526, aux paragraphes 52-55. En l’espèce, les préoccupations de l’agent découlaient de l’alinéa 179b) du Règlement. Il incombait au demandeur de fournir une demande complète, pertinente, convaincante et sans équivoque, et ce dernier n’a pas démontré qu’il quitterait le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Dans ces circonstances, l’agent n’était pas tenu de faire part de ses préoccupations au demandeur.

VIII.  ANALYSE

[28]  À l’audition de la présente demande à Vancouver, le demandeur s’est fondé en grande partie sur ses observations écrites. Le fondement de la demande du demandeur est résumé ainsi dans son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

20.  Les motifs de l’agent sont succincts, superficiels et dénués de toute analyse réfléchie. L’ensemble du raisonnement et de la conclusion de l’agent tient en trois courtes phrases. L’agent a simplement remarqué que M. AlOmari est « sans emploi » et qu’il « n’a pas respecté les conditions d’un séjour antérieur au Canada », et il a conclu dans la phrase suivante qu’il « n’est pas convaincu que [M. AlOmari] respectera les conditions de séjours futurs au Canada ».

Dossier du demandeur, décision et motifs, à la p. 11

21.  Comme l’a fait remarquer le juge Zinn dans la décision Groohi, où il est question du rejet de demandes de visa de visiteur, « [i]l est bien établi en droit que le simple fait d’énumérer une série de facteurs et d’énoncer une conclusion ne suffit généralement pas à satisfaire le critère de la raisonnabilité, la raison étant qu’il est impossible pour la cour de révision d’examiner et d’évaluer le fil des idées ou la logique du décideur ».

Groohi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 837

Jalota c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1176

Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 111

22.  Bien que le juge Zinn ait accepté « la proposition selon laquelle la décision d’un agent des visas sur la question de savoir si un demandeur l’a convaincu qu’il ne prolongerait pas indûment son séjour au Canada ne nécessite pas une analyse longue et détaillée », la Cour a fait la mise en garde suivante :

Cependant, lorsque l’agent conclut, comme en l’espèce, que le demandeur ne l’a pas convaincu de ce fait essentiel, le demandeur a le droit de connaître les faits que l’agent a pris en considération, le poids qu’il a accordé à ces faits ainsi que le raisonnement ayant permis à l’agent de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté du fardeau de la preuve.

Groohi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 837

23. Bien que l’agent ait reconnu que « la lettre d’explication [de M. AlOmari] est au dossier », il n’a pas du tout examiné son contenu. De même, les motifs de l’agent ne font aucunement référence aux quatre lettres écrites par la femme et les sœurs de M. AlOmari. L’agent semble avoir traité ces lettres avec indifférence soit en les ignorant complètement, soit en omettant de les prendre en considération.

Dossier du demandeur, décision et motifs, à la p. 11

[29]  Je ne vois rien dans les lettres de la femme et des sœurs du demandeur qui soit essentiel à la question de savoir si le demandeur quitterait le Canada à la fin de la période de séjour ou qui mérite une attention particulière. Le fondement de la demande du demandeur en vue d’obtenir un VRT figure dans la lettre d’explication qu’il a fournie à l’agent, dans laquelle il explique les raisons pour lesquelles il avait prolongé indûment son séjour par le passé.

[30]  Les motifs de l’agent sont effectivement succincts, mais je ne crois pas qu’ils soient [traduction] « dénués de toute analyse réfléchie ». Le demandeur, qui a prolongé indûment son séjour par le passé au moment où cela lui était pratique, n’a pas établi à la satisfaction de l’agent qu’il ne dépasserait pas encore une fois la période de séjour autorisée si ses besoins personnels ou familiaux l’obligeaient à le faire.

[31]  Dans sa lettre du 10 décembre 2016, le demandeur a fourni à l’agent une explication approfondie pour justifier sa conduite antérieure :

[traduction]

En novembre 2015, j’ai fait l’erreur de ne pas renouveler mon permis d’études parce que je n’ai pas été en mesure de terminer ma formation au pilotage dans les conditions météorologiques instables des saisons d’automne et d’hiver. Cette mauvaise décision est ce qui m’a mené à dépasser ma période de séjour autorisée.

Je n’ai pas pu quitter le Canada avant le 11 juillet 2016, parce que je devais rester auprès de ma femme et de mes sœurs qui étudiaient activement. Comme il est énoncé dans les règles traduites du gouvernement saoudien en matière de bourses d’études, les étudiantes sont tenues de voyager et de vivre avec un membre de la famille de sexe masculin, comme un père, un mari ou un frère. Quitter ma femme et mes sœurs leur aurait fait perdre leur bourse d’études et leur capacité à étudier.

J’aurais dû demander l’aide d’un avocat pour discuter de la façon dont j’aurais pu prolonger mon séjour à Vancouver, même si je ne pouvais pas terminer ma formation au pilotage durant les saisons d’automne et d’hiver. Mon avocat actuel m’a informé que j’aurais pu prolonger mon séjour au Canada à titre de visiteur jusqu’à ce que je sois prêt à terminer mes études. J’aurais aimé le savoir, car cela nous aurait épargné, à moi et à ma famille, beaucoup de temps, de stress et de peine au cours des quatre derniers mois.

Ma femme et mes sœurs s’attendaient à retourner aux études en septembre 2016. Toutefois, le rejet de ma demande de permis d’études et de visa a mis en péril leurs plans et leurs rêves de terminer leurs études au Canada. Elles n’ont pas été en mesure de contacter leurs écoles à Vancouver et ont repoussé leurs cours jusqu’à janvier 2017.

Comme vous le savez peut‑être, je vis et j’étudie au Canada depuis avril 2008, et il s’agissait de la première fois où je ne renouvelais pas mon statut. Cette expérience m’a appris une leçon que je n’oublierai pas, car mon erreur a eu une incidence sur la capacité de ma femme et de mes sœurs déterminées, ambitieuses et travailleuses de terminer leurs études en anglais et d’obtenir un diplôme universitaire de premier cycle du Canada.

Je comprends désormais clairement les règles applicables aux visiteurs au Canada, ainsi que les conséquences de ne pas suivre ces règles. Je comprends que je dois renouveler mon statut avant qu’il n’expire, et qu’un dépassement pourrait mener au rejet de futures demandes et pourrait mener à mon expulsion du Canada et à une interdiction d’entrée pendant une année. Je n’ai plus jamais l’intention de dépasser la période de séjour autorisée, et je m’engage à retourner en Arabie saoudite avec ma famille à la fin de notre séjour au Canada.

Je comprends également que je ne peux pas étudier ou travailler au Canada sans les autorisations et les permis nécessaires. Je ne recommencerai pas ma formation au pilotage avant d’avoir demandé et reçu un permis d’études pour ce faire. Mon plan est de prendre soin de mes enfants pendant que ma femme étudie et de demander un permis d’études vers le printemps. Je demande un visa de visiteur en ce moment parce que cela prend moins de temps à traiter qu’un permis d’études, et ma femme et mes sœurs sont impatientes de recommencer leurs études en janvier 2017.

Je m’excuse sincèrement pour mon erreur, et j’espère que vous me pardonnez. Ma femme, mes sœurs et moi prions pour retourner à Vancouver ensemble à la fin du mois. Nous avons hâte d’avoir une réponse de votre part dès que possible, et je suis disponible pour répondre à vos questions.

[32]  Cette déclaration n’est pas assermentée, et le demandeur n’a pas déposé d’affidavit à l’appui de sa demande de contrôle judiciaire. Quoi qu’il en soit, l’agent ne remet pas en question la sincérité du demandeur. L’agent est d’avis que le demandeur peut bien promettre de ne plus refaire la même erreur, mais les mêmes facteurs qui l’ont amené à dépasser sa période de séjour autorisée dans le passé pourraient également survenir à l’avenir. Le demandeur a démontré qu’il est le genre de personne qui pourrait dépasser sa période de séjour autorisée si cela est nécessaire pour protéger les intérêts de sa femme ou de ses sœurs. C’est du moins de cette façon que j’interprète la décision.

[33]  Ce raisonnement fait toutefois abstraction du fait que le demandeur indique clairement dans sa lettre d’explication qu’il sait maintenant que, à l’avenir, il n’aurait pas à enfreindre les conditions d’un VRT parce qu’il sait désormais, alors que ce n’était pas le cas par le passé, qu’il y a des moyens juridiques de régler le genre de problèmes qui l’a amené à prolonger indûment son séjour par le passé.

[34]  En l’espèce, le défendeur affirme avec force qu’aucune question de crédibilité n’est soulevée dans la décision et que la seule question à trancher est celle de savoir si le demandeur s’est acquitté du fardeau de la preuve d’établir qu’il quitterait le Canada à la fin de son séjour autorisé. Le raisonnement de l’agent est que le demandeur pourrait bien succomber aux mêmes pressions qui l’ont amené à dépasser sa période de séjour autorisée par le passé. Ce raisonnement n’aborde pas l’argument principal des observations du demandeur selon lequel il ne risque pas de commettre cette erreur de nouveau, parce qu’il sait désormais que les problèmes qui pourraient survenir si son visa doit être renouvelé pour accommoder sa femme et ses sœurs peuvent se régler par des moyens juridiques. Le raisonnement de l’agent selon lequel le demandeur risque de dépasser sa période de séjour autorisée de nouveau, puisqu’il l’a déjà fait, ne tient pas compte de la différence essentielle entre le passé et l’avenir. Pour ce motif, la décision n’est pas intelligible et ne tient pas compte d’un fait crucial et essentiel qui rend la décision déraisonnable.

[35]  Par conséquent, je suis disposé à accepter que la décision soit déraisonnable pour ce motif. Toutefois, au vu de la preuve dont je dispose, il semblerait n’y avoir aucun avantage à renvoyer l’affaire pour nouvel examen. La demande de visa indique très clairement que le VRT était requis pour janvier 2017 parce que c’était à ce moment‑là qu’il devait accompagner sa femme et ses sœurs. Nous sommes maintenant en juillet 2017.

[36]  Le demandeur n’a fourni aucun affidavit personnel pour expliquer où en sont sa femme et ses sœurs relativement à leur inscription et s’il y a lieu de renvoyer l’affaire pour nouvel examen. Si un visa est requis pour accommoder ses sœurs pour une nouvelle période, il s’agit donc clairement d’une demande de visa différente qu’un agent devra examiner sur le fond. Le demandeur a le loisir de présenter cette demande en tout temps. À mon sens, au vu de la preuve dont je dispose, il n’y a donc pas lieu de renvoyer l’affaire pour nouvel examen.

[37]  Contrairement à la situation que le juge Mosley a traitée dans l’affaire Grapendaal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1221, le demandeur n’a pas démontré à la Cour au moyen d’un affidavit personnel qu’il a toujours besoin d’un VRT. En effet, le demandeur n’a pas répondu aux demandes de son avocat pour obtenir des instructions concernant l’audition du contrôle judiciaire, pour cette raison, l’avocat a tenté de se retirer du dossier (ce que je n’ai pas autorisé). Il n’en demeure pas moins que je ne dispose d’aucune preuve qui me donne à penser que le demandeur ait un quelconque réel intérêt dans la présente demande ou à ce que la Cour renvoie l’affaire pour nouvel examen. Et il a le loisir de présenter une demande de VRT pour répondre à ses besoins ou à ceux de sa famille, quels qu’ils soient.

[38]  En ce qui concerne l’équité procédurale, la situation en l’espèce est commune : le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour convaincre l’agent qu’il quittera le Canada à la fin de son séjour autorisé. Le fait que le demandeur puisse succomber à l’avenir aux pressions qui l’ont amené à dépasser la période de séjour autorisée par le passé ne signifie pas que l’agent remet en question la sincérité du demandeur. Le défendeur confirme que la demande de VRT n’a soulevé aucune question de crédibilité, et c’est pourquoi la décision est déraisonnable; l’agent n’a pas reconnu ni tenu compte du fait que les facteurs ayant donné lieu au dépassement par le passé (le demandeur ignorait le droit et ne savait pas qu’il y avait une solution juridique aux problèmes auxquels sa famille et lui étaient confrontés) n’existent plus. Il n’y a eu aucune iniquité procédurale en l’espèce; l’agent n’a simplement pas tenu compte d’un fait hautement important.

[39]  J’arrive à la conclusion que la décision est déraisonnable, mais que le demandeur n’a pas expliqué ni démontré en quoi il serait utile de renvoyer l’affaire pour nouvel examen.

[40]  L’avocat convient que l’espèce ne soulève aucune question à certifier, et la Cour est du même avis.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-5278-16

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est accueillie et la décision est annulée. Toutefois, pour les motifs qui précèdent, il n’est pas nécessaire de renvoyer l’affaire pour nouvel examen.

  2. Aucune question à certifier n’est soulevée.

« James Russell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5278-16

 

INTITULÉ :

ABDULRAZZAG SALEH S ALOMARI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 JUIN 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 JUILLET 2017

 

COMPARUTIONS :

Darryl Larson

POUR Le demandeur

 

Ashley Caron

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Embarkation Law Corporation

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR Le demandeur

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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