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Date : 20170705


Dossier : T-2051-10

Référence : 2017 CF 637

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

THE DOW CHEMICAL COMPANY,

DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. et DOW CHEMICAL CANADA ULC

demanderesses/défenderesses reconventionnelles

et

NOVA CHEMICALS CORPORATION

défenderesse/demanderesse reconventionnelle

JUGEMENT ET MOTIFS COMPLÉMENTAIRES PUBLICS

(Jugement et motifs complémentaires confidentiels rendus le 29 juin 2017)

[1]  Le 7 avril 2017, la Cour fédérale a rendu son jugement et ses motifs confidentiels dans l’affaire Dow Chemical Company c Nova Chemicals Corporation, 2017 CF 350 [Dow c Nova]. Le jugement et les motifs publics ont été rendus le 19 avril 2017. Au paragraphe 8 du jugement, la Cour a enjoint aux parties de s’échanger les calculs des dommages-intérêts et des bénéfices que devra verser la défenderesse Nova Chemicals Corporation [Nova] aux demanderesses Dow Chemical Company, Dow Global Technologies Inc et Dow Chemical Canada ULC [collectivement Dow], et de préciser les questions que la Cour devra trancher.

[2]  Les parties ont subséquemment informé la Cour qu’elles s’étaient pour l’essentiel entendues sur les sommes que Nova devra verser à Dow, mais qu’elles étaient incapables de trancher les trois questions suivantes :

  • a) la question de savoir si Nova peut déduire les dépenses en immobilisations et certains coûts fixes se rapportant à l’éthylène utilisé pour la production des produits SURPASS contrefaits;

  • b) la méthode de répartition des coûts fixes de l’usine PE2 de Nova entre les produits contrefaits et non contrefaits fabriqués à cet établissement;

  • c) la question de savoir si les dépenses en immobilisations déclarées en dollars canadiens à l’égard de la construction de l’usine PE2 devraient être converties en dollars américains pour le calcul de l’amortissement annuel.

[3]  Dans le présent jugement et motifs complémentaires, la Cour répond à ces trois questions et précise les sommes que Nova devra verser à Dow à titre de dommages-intérêts et de profits par suite du présent renvoi.

A.  Éthylène

[4]  Selon l’alinéa 5a) du jugement rendu dans l’affaire Dow c Nova, Nova peut retrancher des revenus découlant des ventes des produits contrefaits pour la période allant du 22 août 2006 au 31 décembre 2015 les coûts qu’elle a effectivement engagés pour obtenir l’éthylène ayant servi à la fabrication des produits contrefaits en question, après avoir déduit ses frais de production de l’éthylène.

[5]  Nova veut déduire des frais d’amortissement pour sa division Western Olefins, ainsi que les coûts fixes liés aux activités de distribution, de marketing, de recherche et de développement se rapportant à l’éthylène utilisé pour la fabrication des produits contrefaits. Nova soutient que cette approche est conforme à la conclusion de la Cour selon laquelle elle peut déduire les coûts engagés pour fabriquer l’éthylène « à l’aide de la méthode du coût de revient complet ».

[6]  Dow répond que le jugement rendu dans l’affaire Dow c Nova permet à Nova de déduire uniquement les coûts que celle-ci a effectivement engagés pour fabriquer les produits contrefaits. Le paragraphe 140 du jugement et des motifs renvoie uniquement aux coûts variables et fixes et ne traite pas de la déduction des dépenses en immobilisations, lesquelles sont examinées aux paragraphes 144 et 145 à titre de catégorie de coûts distincte.

[7]  Dow ajoute que les coûts liés aux activités de distribution, marketing et vente ainsi que de recherche et de développement ne sont pas des coûts que Nova a engagés pour obtenir l’éthylène utilisé pour la fabrication des produits contrefaits. En termes simples, Dow affirme que Nova n’est pas tenue de distribuer, commercialiser et vendre l’éthylène à elle-même.

[8]  Je souscris à l’avis de Dow. L’amortissement des dépenses en immobilisations est explicitement mentionné à l’alinéa 5b) du jugement. L’alinéa 5a) du jugement ne traite pas de la déduction de l’amortissement des dépenses en immobilisations pour la division Western Olefins de Nova et le jugement ne permet pas à celle-ci de déduire les coûts fixes liés aux activités de distribution, marketing et vente ainsi que de recherche et de développement se rapportant à l’éthylène utilisé pour la fabrication des produits contrefaits.

B.  Répartition des coûts fixes de l’usine PE2

[9]  À l’alinéa 5b) du jugement rendu dans l’affaire Dow c Nova, il est mentionné que Nova peut retrancher un montant proportionnel de certains coûts fixes et dépenses en immobilisations, y compris les coûts classés dans les catégories [traduction] « Usine, Distribution, Ventes et Marketing, Dépenses techniques, administratives », aux revenus découlant de la vente des produits contrefaits pour la période allant du 22 août 2006 au 31 décembre 2015. Les parties ne s’entendent pas sur la façon dont ces coûts devraient être répartis entre les produits contrefaits et les produits non contrefaits.

[10]  Les comptables des parties ont adopté des méthodes différentes pour attribuer les coûts fixes de l’usine PE2 aux produits contrefaits. Le comptable de Dow, Ross Hamilton, a conclu que ces coûts devraient être imputés en fonction des volumes de production relatifs, tandis que celui de Nova, Errol Soriano, a utilisé des approches différentes, en se fondant sur les directives des avocats et sur l’opinion de l’économiste de Nova, Randall Heeb.

[11]  Dow soutient que l’approche de Nova donne lieu à l’attribution de coûts fixes plus élevés aux produits contrefaits comparativement aux produits non contrefaits. Elle souligne que, pendant la communication préalable, Nova a mentionné que [traduction] « les coûts fixes associés à la production des produits contrefaits ne sont pas vraiment différents de ceux qui se rapportent à la production des produits non contrefaits ».

[12]  Dans son rapport d’expert, M. Hamilton s’est fondé sur la preuve présentée par Nova pendant la communication préalable, selon laquelle les coûts fixes par livre étaient à peu près les mêmes pour les produits contrefaits et les produits non contrefaits. En contre-interrogatoire, l’avocat de Nova a laissé entendre à M. Hamilton que cette affirmation appuyait l’allégation de Nova selon laquelle la production de produits non contrefaits aurait permis d’absorber les coûts fixes associés à la fabrication des produits contrefaits, sans ajouter que cette hypothèse était erronée.

[13]  Les experts de Nova ont proposé l’utilisation de trois formules d’attribution différentes : a) les [traduction] « livres produites » ou « volumes facturés » pour ses coûts liés à la distribution; b) [traduction] le « revenu net » pour les coûts classés dans les catégories [traduction] « Dépenses administratives, Vente et Marketing » et (3) [traduction] « les heures de fonctionnement du réacteur » pour les coûts des catégories [traduction] « Usine et Dépenses techniques ». Même si cette approche repose sur des distinctions qui pourraient être valables entre différentes catégories de coûts, je conviens avec Dow que Nova n’a présenté aucun élément de preuve pour l’étayer.

[14]  Compte tenu de la preuve que Nova a présentée pendant la communication préalable, du fait que M. Hamilton s’est fondé raisonnablement sur cette preuve pour formuler son opinion et du fait que Nova a renforcé l’hypothèse de celui-ci en contre-interrogatoire, je conclus que la méthode à utiliser pour répartir les coûts fixes en ce qui concerne l’usine PE2 est celle du [traduction] « volume facturé » décrite par M. Hamilton.

C.  Moment de la conversion

[15]  Selon l’alinéa 5b) du jugement rendu dans l’affaire Dow c Nova, Nova peut retrancher un montant proportionnel de certaines dépenses, notamment les dépenses d’amortissement annuelles relatives à l’usine PE2, ainsi que les dépenses en immobilisations continues se rapportant à cette usine, aux revenus découlant de la vente des produits contrefaits pour la période allant du 22 août 2006 au 31 décembre 2015. Les parties ne s’entendent pas sur la date à laquelle les dépenses en immobilisations initiales relatives à la construction de l’usine PE2 devraient être converties en dollars américains pour le calcul de l’amortissement annuel.

[16]  Dow soutient que la date de conversion à utiliser pour les coûts de construction initiaux de l’usine PE2 est l’année 2001, au cours de laquelle la dépense a été engagée. Dow souligne que, de façon générale, M. Soriano a converti les dépenses déclarées en dollars canadiens en dollars américains au moment où elles ont été engagées, sauf en ce qui concerne les coûts de construction initiaux de l’usine PE2. Dans son calcul de ceux-ci, M. Soriano a conservé les dépenses en immobilisations en dollars canadiens, calculé l’amortissement annuel en dollars canadiens, puis converti le montant d’amortissement annuel en dollars canadiens en utilisant le taux de change moyen en vigueur pendant l’année de la déduction.

[17]  Dow fait valoir qu’en raison de l’utilisation de cette méthode, le montant déduit pour l’amortissement en dollars américains est supérieur aux coûts que Nova a effectivement engagés en dollars américains. Étant donné que la Cour a conclu que « la prépondérance de la preuve montre que Nova a dégagé des bénéfices des ventes de qualités contrefaites, surtout en monnaie américaine », Dow affirme que la conversion des dépenses en immobilisations en dollars américains à la date à laquelle elles ont été engagées traduit plus fidèlement la réalité économique de Nova.

[18]  Nova répond que Dow n’a pas contesté en contre-interrogatoire la méthodologie utilisée par M. Soriano. M. Hamilton ne s’est pas opposé à cette approche ni n’a donné un avis opposé. Selon Nova, les principes comptables habituels reconnaissent les dépenses en immobilisations à titre de dépenses pluriannuelles. Ces dépenses représentent le coût économique de la consommation de capital découlant de l’utilisation d’un bien.

[19]  Lorsque l’usine PE2 a été construite, la monnaie fonctionnelle de Nova n’était pas encore le dollar américain. La conclusion de la Cour selon laquelle Nova a généralement conservé ses profits découlant des produits contrefaits en dollars américains concerne la période de la contrefaçon et ne s’applique pas nécessairement aux frais de construction initiaux de l’usine PE2.

[20]  La construction de l’usine PE2 s’est étalée sur plusieurs années. Nova souligne que le taux de conversion en vigueur en 2001 était très bas, soit 1,55, alors qu’il s’élevait à 1,38 en 1997, à 1,48 en 1998 et à 1,49 en 1999 et 2000. Nova affirme qu’il serait injuste d’appliquer uniquement le taux de conversion le plus bas depuis la période pertinente.

[21]  L’utilisation de l’année 2001 seulement comme année de conversion pourrait avoir des effets punitifs, ce qui va à l’encontre de l’objet de la comptabilisation des profits. L’approche de M. Soriano est raisonnable et appuyée par la preuve et elle n’a pas été contestée par les autres experts qui ont témoigné dans le cadre du présent renvoi. En conséquence, je conviens avec Nova qu’il s’agit de la méthode à privilégier.


JUGEMENT COMPLÉMENTAIRE

LA COUR :

1.  CONDAMNE Nova à verser à Dow une somme de 644 623 550 $, y compris les intérêts avant jugement jusqu’au 7 avril 2017, ainsi que les intérêts avant jugement calculés conformément au jugement que la Cour fédérale a rendu dans l’affaire Dow c Nova pour la période allant du 7 avril 2017 jusqu’à la date du présent jugement;

2.  CONDAMNE Nova à payer à Dow des intérêts après jugement de 5 %, non composés, à compter de la date du présent jugement;

3.  ORDONNE aux parties de déposer leurs observations écrites sur la confidentialité du dossier de la Cour n° T-2051-10 d’ici le 14 juillet 2017, ainsi que leurs observations en réponse, le cas échéant, d’ici le 19 juillet 2017;

4.  ORDONNE aux parties de déposer leurs observations écrites d’au plus dix pages sur les dépens d’ici le 14 juillet 2017, et leurs observations en réponse d’au plus trois pages, le cas échéant, d’ici le 19 juillet 2017.

« Simon Fothergill »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2051-10

 

INTITULÉ :

THE DOW CHEMICAL COMPANY, DOW GLOBAL TECHNOLOGIES INC. ET DOW CHEMICAL CANADA ULC c NOVA CHEMICAL CORPORATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :

les 5, 6, 7, 8, 9, 12, 13, 14, 15, 16, 19, 20, 21 et 22 décembre 2016 et les 11, 12 et 13 janvier 2017

 

jugement et motifs COMPlémentaires :

le juge FOTHERGILL

 

DATE DU jugement et motifs COMPlémentaires 
confidentiels :

le 29 JUIN 2017

DATE DU jugement et motifs COMPlémentaires publics :

le 5 JUILLET 2017

COMPARUTIONS :

Steve B. Garland

Jeremy E. Want

Colin B. Ingram

Daniel S. Davies

Kevin K. Graham

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

 

Ryan T. Evans

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

Robert H. C. MacFarlane

Michael E. Charles

Andrew I. McIntosh

Adam Bobker

Michael Burgess

Jerry Chen

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Smart & Biggar

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

DLA Piper (Canada) LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDERESSES/

DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES

Bereskin & Parr LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE/

DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

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