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Date : 20170721


Dossier : IMM-520-17

Référence : 2017 CF 704

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Fothergill

ENTRE :

JEGAN KUNABALASINGAM

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Monsieur Jegan Kunabalasingam sollicite le contrôle judiciaire d’un examen des risques avant renvoi [ERAR] défavorable.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que l’agent d’ERAR a correctement appliqué les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et que l’analyse qui étaye la décision de l’agent d’ERAR était transparente, justifiable et intelligible. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

II.  Historique

[3]  M. Kunabalasingam est âgé de 28 ans et est citoyen du Sri Lanka. Ses parents et trois membres de sa fratrie vivent toujours au Sri Lanka. Un autre membre de sa fratrie vit en France.

[4]  M. Kunabalasingam est parti du Sri Lanka le 6 février 2011 et est entré au Canada le 18 avril 2011, après avoir transité par les Émirats arabes unis, le Brésil, Panama, le Guatemala, le Mexique et les États-Unis d’Amérique. Il a demandé l’asile à son arrivée au Canada. Sa demande a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié le 14 février 2014.

[5]  Devant la SPR, M. Kunabalasingam a déclaré que, pendant plusieurs années, lui et sa famille ont souffert sous l’occupation des Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET] et de l’armée sri lankaise [l’ASL]. Son père a été victime d’extorsion, et lui et sa fratrie ont été contraints de travailler pour les TLET. Plusieurs membres de leur parenté ont été tués. Lui et sa famille ont été déplacés de nombreuses fois. Pendant qu’ils étaient dans un camp pour personnes déplacées, l’ASL les a interrogés sur leurs liens avec les TLET. La famille a finalement été autorisée à retourner à Ramanathapuram. Toutefois, en novembre 2010 et en janvier 2011, M. Kunabalasingam a été détenu par l’ASL. Il a été interrogé et maltraité physiquement. Les deux fois, il n’a été relâché qu’après que son père eut versé un pot-de-vin.

[6]  La question déterminante que la SPR devait trancher était de savoir si M. Kunabalasingam avait une crainte objectivement fondée d’être persécuté à l’avenir. Compte tenu de son profil, de sa situation personnelle et de l’évolution de la situation politique au Sri Lanka, la SPR a conclu que ce n’était pas le cas :

[traduction]

Le tribunal reconnaît que le demandeur a été détenu par l’ASL à deux reprises après que la famille fut retournée chez elle à Ramanathapuram en mai 2010. Le témoignage du demandeur révèle qu’il a été libéré les deux fois après avoir été interrogé. Le tribunal est conscient que son père a dû verser une somme d’argent à chaque fois pour le faire libérer. Les documents de la Commission soumis en preuve indiquent que, durant la période de conflit et après la fin de la guerre entre le gouvernement du Sri Lanka et les TLET, l’ASL et d’autres autorités sri lankaises ont accepté des pots-de-vin en échange de la libération de détenus. Le tribunal conclut toutefois que le demandeur a été libéré chaque fois. Le tribunal est d’avis que si le gouvernement du Sri Lanka avait eu le sentiment que le demandeur avait eu des liens avec les TLET, il ne l’aurait pas libéré.

[7]  La SPR a souligné que M. Kunabalasingam avait pu partir du Sri Lanka en se servant de son passeport valide, ce qui étaye davantage la conclusion selon laquelle il n’était pas soupçonné par les autorités d’avoir des liens avec les TLET.

[8]  M. Kunabalasingam a demandé l’autorisation de présenter à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR, mais l’autorisation lui a été refusée le 23 juin 2014.

[9]  M. Kunabalasingam devait être renvoyé du Canada. Il a demandé que son renvoi soit reporté jusqu’à ce qu’une décision concernant son admissibilité à un ERAR soit rendue, mais cette demande a été refusée. Il a demandé l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de cette décision de refus, mais il ne l’a pas obtenue. Il a également déposé une requête en sursis à l’exécution de son renvoi du Canada, mais cette demande fut également refusée (Kunabalasingam c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2015 CF 31). Il ne s’est pas présenté à son renvoi. Lorsqu’il s’est finalement présenté à l’ASFC, il s’était écoulé suffisamment de temps pour qu’il puisse se prévaloir du processus d’ERAR.

III.  La décision faisant l’objet du contrôle

[10]  À l’appui de sa demande d’ERAR, M. Kunabalasingam a de nouveau affirmé qu’il serait exposé à un risque au Sri Lanka en raison de son profil et de ses liens présumés avec les TLET, et en raison du fait qu’il est atteint d’une maladie mentale. Il a soumis de nouveaux éléments de preuve, notamment son propre affidavit, des lettres d’appui, des rapports supplémentaires sur la situation dans le pays et un rapport de psychiatre.

[11]  L’agent d’ERAR a souligné qu’un ERAR n’est pas un appel d’une décision défavorable concernant une demande d’asile. L’agent d’ERAR a refusé d’examiner la preuve documentaire qui datait d’avant l’audience devant la SPR et qui aurait normalement pu être présentée à la SPR. L’agent d’ERAR a conclu que l’affidavit et les lettres d’appui avaient peu de valeur probante.

[12]  L’agent d’ERAR a souligné que l’origine ethnique, le lieu d’origine et l’âge de M. Kunabalasingam, ses liens présumés avec les TLET et le temps qu’il avait passé au Canada sont des éléments qui ont tous été examinés par la SPR. Le seul facteur qu’il restait à analyser était la confession hindoue de M. Kunabalasingam, mais on ne savait pas trop comment cela pouvait accroître le risque qu’il soit exposé à un préjudice ou la possibilité qu’il soit perçu comme ayant des liens avec les TLET.

[13]  L’agent d’ERAR a examiné de façon exhaustive des rapports sur la situation dans le pays avant de conclure ce qui suit :

[traduction]

Compte tenu de l’ensemble des renseignements présentés, j’estime que les éléments de preuve ne permettent pas de conclure que la situation dans le pays s’est détériorée depuis février 2014 pour les personnes ayant le profil de M. Kunabalasingam. À vrai dire, elle s’est légèrement améliorée. Par conséquent, je conclus que M. Kunabalasingam ne serait pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution. De plus, je conclus que je dispose de peu d’éléments de preuve me permettant de conclure que, selon la prépondérance des probabilités, M. Kunabalasingam, serait exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou à au risque de peines cruelles et inusitées en raison de son profil.

[14]  M. Kunabalasingam a également prétendu qu’il pourrait être pris pour cible par l’ASL du fait qu’il serait considéré comme riche. L’agent d’ERAR a conclu que toute tentative d’extorquer des fonds à M. Kunabalasingam ne serait pas motivée par la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou ses opinions politiques, et que cet argument ne pouvait donc pas étayer une demande d’asile présentée au titre de l’article 96 de la LIPR. L’agent d’ERAR a ensuite conclu qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve démontrant que des violations systématiques et généralisées des droits de la personne étaient commises au Sri Lanka pour étayer une demande d’asile présentée au titre de l’alinéa 97(1)b) de la LIPR.

[15]  Malgré qu’il ait relevé de nombreuses lacunes dans le rapport psychiatrique soumis par M. Kunabalasingam, l’agent d’ERAR a reconnu que ce dernier souffre de problèmes de santé mentale. Toutefois, l’agent d’ERAR a conclu que M. Kunabalasingam avait pu se faire soigner au Sri Lanka pour ses problèmes de santé mentale et qu’il n’avait plus besoin de soins médicaux lorsqu’il est entré au Canada en avril 2011. L’agent d’ERAR a également conclu que la preuve ne démontrait pas que M. Kunabalasingam pourrait être persécuté en raison de ses problèmes de santé mentale ou que ceux-ci auraient pour effet qu’il serait exposé à un plus grand risque de préjudice au Sri Lanka.

IV.  Les questions en litige

[16]  M. Kunabalasingam conteste la décision de l’agent d’ERAR pour plusieurs motifs, et la Cour doit donc examiner les questions suivantes :

  1. L’agent d’ERAR a‑t‑il appliqué le bon critère juridique au titre de l’article 96 de la LIPR?

  2. L’agent d’ERAR a‑t‑il exigé à tort que M. Kunabalasingam démontre qu’il serait exposé à un risque individualisé de préjudice?

  3. L’agent d’ERAR a‑t‑il conclu de façon déraisonnable que l’affidavit de M. Kunabalasingam et les lettres d’appui avaient peu de valeur probante?

  4. L’agent d’ERAR a‑t‑il conclu de façon déraisonnable que la situation au Sri Lanka ne s’était pas détériorée?

  5. L’agent d’ERAR a‑t‑il écarté de façon déraisonnable le rapport psychiatrique?

V.  Analyse

[17]  La question de savoir si l’agent d’ERAR a appliqué les bons critères juridiques lorsqu’il a apprécié les risques auxquels M. Kunabalasingam serait exposé est susceptible de contrôle par la Cour selon la norme de la décision correcte (Kaneza c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 231, au paragraphe 25).

[18]  L’application par l’agent d’ERAR des critères juridiques aux faits est une question mixte de fait et de droit, et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Talipoglu c Canada (Citoyenneté et Immigration), au paragraphe 22). Les conclusions de fait tirées par l’agent d’ERAR sont également susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Nouveau-Brunswick c Dunsmuir, 2008 CSC 9 [Dunsmuir]).

A.  L’agent d’ERAR a‑t‑il appliqué le bon critère juridique au titre de l’article 96 de la LIPR?

[19]  M. Kunabalasingam affirme que l’agent d’ERAR a à tort exigé de lui qu’il démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’il risquait d’être persécuté. Il souligne que des parties de la décision de l’agent d’ERAR semblent porter sur la question de savoir s’il existait un risque, comme le démontre l’utilisation de mots comme « serait exposé », « serait considéré » et « serait persécuté ». Bien que le requérant soit tenu d’établir ses prétentions selon la prépondérance des probabilités, il n’a tout de même pas à prouver qu’il serait plus probable qu’il soit persécuté que le contraire (Adjei c Canada (Emploi et Immigration), [1989] 2 CF 680, à la p. 2 (CAF)).

[20]  M. Kunabalasingam reconnaît que l’agent d’ERAR a énoncé le bon critère juridique au début de l’analyse et qu’il l’a réitéré dans les conclusions définitives. Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que, dans son ensemble, la décision de l’agent d’ERAR n’étaye pas la conclusion selon laquelle l’agent d’ERAR a appliqué le mauvais critère. L’agent d’ERAR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la preuve ne permettait pas d’établir les faits nécessaires pour étayer une demande d’asile présentée au titre de l’article 96 de la LIPR. L’agent d’ERAR a ensuite conclu que M. Kunabalasingam « ne serait pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution ». Il s’agissait du bon critère juridique.

B.  L’agent d’ERAR a-t-il exigé à tort que M. Kunabalasingam démontre qu’il serait personnellement exposé à un risque individualisé de préjudice?

[21]  M. Kunabalasingam affirme que l’agent d’ERAR a exigé à tort qu’il démontre qu’il serait exposé à un risque un risque individualisé de préjudice, plutôt qu’à un risque personnalisé. l. Il prétend que cela équivalait à lui demander de prouver qu’il y a au Sri Lanka une [traduction] « balle avec son nom inscrit dessus ».

[22]  L’agent d’ERAR a commencé son analyse par une description du profil de risque de M. Kunabalasingam :

[traduction]

Le demandeur craint le gouvernement sri lankais en raison de ce qu’il a vécu au Sri Lanka, et également en raison de son profil. Plus précisément, M. Kunabalasingam est un jeune Tamoul hindou souffrant de problèmes de santé mentale originaire du nord du Sri Lanka qui a été détenu à deux reprises (et libéré après que des pots-de-vin furent versés) et qui est renvoyé du Canada après que sa demande d’asile fut rejetée. [Non souligné dans l’original.]

[23]  L’analyse de l’agent d’ERAR englobait les risques auxquels étaient exposées les personnes possédant le même profil que celui de M. Kunabalasingam et elle ne portait pas exclusivement sur la situation personnelle de ce dernier :

[traduction]

Néanmoins, il ne me semble pas que le gouvernement sri lankais commet sans raison des actes de violence visant la population tamoule dans son ensemble. Lorsque des violations des droits de la personne sont commises, celles-ci semblent viser des militants de la société civile, des journalistes, et des personnes soupçonnées de sympathiser avec les TLET ou d’appartenir aux TLET.

[…]

Compte tenu de l’ensemble des renseignements soumis, j’estime que ceux-ci ne permettent pas d’établir que la situation dans le pays s’est détériorée depuis février 2014 en ce qui concerne les personnes dont le profil correspond à celui du demandeur. Au contraire, elles se sont légèrement améliorées. [Non souligné dans l’original.]

[24]  L’agent d’ERAR a conclu que le risque auquel était exposé M. Kunabalasingam n’était pas suffisamment personnel, parce que la situation dans le pays s’est légèrement améliorée, qu’il ne fait pas partie d’un groupe ciblé comme les militants, les journalistes, les membres des TLET ou leurs sympathisants et qu’il n’a pas pu démontrer que, dans les six années qui ont suivi son départ du Sri Lanka, les autorités ont continué de le cibler ou de le rechercher parce qu’elles le soupçonnaient d’avoir des liens avec les TLET. L’agent d’ERAR a examiné si M. Kunabalasingam était exposé à un risque individualisé de préjudice ou à un risque personnalisé du fait de son appartenance à un groupe social et il a conclu de façon raisonnable que celui-ci n’avait pas démontré ni l’un ni l’autre.

C.  L’agent d’ERAR a‑t‑il conclu de façon déraisonnable que l’affidavit de M. Kunabalasingam et les lettres d’appui avaient peu de valeur probante?

[25]  L’agent d’ERAR a fourni des motifs détaillés expliquant pourquoi il avait accordé peu de valeur probante à l’affidavit de M. Kunabalasingam et aux lettres d’appui :

  • a) L’affidavit de M. Kunabalasingam ne renfermait aucun nouveau renseignement, à part une déclaration selon laquelle l’ASL avait harcelé ses parents de façon intermittente, le plus récemment en avril 2016;

  • b) trois des lettres provenaient de personnes se trouvant au Canada et ces dernières ne mentionnaient pas dans les lettres si elles avaient été témoins de l’un ou l’autre des événements en question;

  • c) les lettres provenant du Sri Lanka n’étaient accompagnées d’aucun serment ni d’aucune pièce d’identité et on ne sait pas trop comment elles sont parvenues à M. Kunabalasingam;

  • d) M. Kunabalasingam a obtenu des lettres de la part de voisins au Sri Lanka, mais il n’a pas réussi à obtenir des lettres de la part de témoins directs des événements allégués, telle sa mère, par exemple.

  • e) deux des lettres étaient vagues, de nature générale et contenaient des renseignements de troisième main;

  • f) l’une des lettres décrivait un événement précis, mais on ne sait pas très bien comment l’auteur aurait pu être témoin de l’événement et, de plus, la lettre en question contenait peu d’éléments de preuve concernant les personnes qui étaient prétendument à la recherche de M. Kunabalasingam, et ne disait pas pourquoi celles-ci étaient à sa recherche.

[26]  Les motifs de l’agent d’ERAR sont transparents, justifiables et intelligibles, et ne donnent pas lieu à une erreur susceptible de contrôle (Dunsmuir, aux paragraphes 47 et 50).

D.  L’agent d’ERAR a‑t‑il conclu de façon déraisonnable que la situation au Sri Lanka ne s’était pas détériorée?

[27]  M. Kunabalasingam ne fait mention d’aucune lacune précise dans l’analyse de l’agent d’ERAR concernant l’évolution de la situation au Sri Lanka, mais il dit que l’agent d’ERAR a omis de tenir compte d’un certain nombre de rapports qui ne correspondaient pas aux conclusions tirées. Son avocat a attiré l’attention de la Cour sur un seul exemple : un rapport intitulé « Sri Lanka : dangers liés au renvoi des personnes d’origine tamoule », publié le 16 juin 2015 par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés. M. Kunabalasingam renvoie à un extrait qui décrit les arrestations, les interrogatoires et les examens minutieux que les autorités sri lankaises font subir aux personnes qui retournent au Sri Lanka munies de documents de voyage d’urgence.

[28]  Je ne suis pas convaincu que le rapport suisse fasse suffisamment autorité ou qu’il soit suffisamment contradictoire pour miner les conclusions de l’agent d’ERAR, lesquelles étaient bien étayées par des rapports publiés par le Département d’État des États-Unis, le Foreign and Commonwealth Office et le Home Office du Royaume-Uni, le Groupement international pour les droits des minorités, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, l’International Crisis Group, Human Rights Watch, Freedom House, et d’autres organismes. L’analyse de la situation au Sri Lanka faite par l’agent d’ERAR qui figurait dans sa décision comptait presque 10 pages. Elle était détaillée et approfondie.

[29]  M. Kunabalasingam a admis dans son affidavit que les autorités sri lankaises n’avaient jamais découvert l’association forcée de sa famille avec les TLET. L’agent d’ERAR a conclu que si les autorités sri lankaises étaient au courant de ces liens antérieurs, alors il serait [traduction] « raisonnable de croire que d’autres membres de la famille vivant au Sri Lanka seraient accusés d’avoir des liens avec les TLET ». Rien ne prouve que ce fût le cas.

[30]  La conclusion de l’agent d’ERAR selon laquelle M. Kunabalasingam n’a pas été capable de prouver que la situation au Sri Lanka s’était détériorée depuis le rejet de sa demande d’asile par la SPR en février 2014 est, là encore, transparente, justifiable et intelligible.

E.  L’agent d’ERAR a‑t‑il écarté de façon déraisonnable le rapport psychiatrique?

[31]  L’agent d’ERAR a relevé plusieurs lacunes dans le rapport psychiatrique soumis au nom de M. Kunabalasingam. Le clinicien utilisait parfois le nom « Jegan » et parfois le nom « Rahim » pour désigner M. Kunabalasingam. Il a parlé, sans donner d’explications, de traumatisme crânien. Il a donné peu d’explications pour étayer la conclusion de trouble schizoaffectif. Le clinicien ne savait rien sur la situation au Sri Lanka, mais il a formulé une opinion concernant l’accessibilité à des services de santé mentale dans ce pays.

[32]  L’agent d’ERAR a néanmoins reconnu que M. Kunabalasingam souffre de problèmes de santé mentale. Toutefois, l’agent d’ERAR a conclu que M. Kunabalasingam n’avait pas présenté une preuve permettant d’établir qu’il serait persécuté en raison de sa santé mentale. L’agent d’ERAR n’était pas non plus convaincu que M. Kunabalasingam serait exposé à une menace à sa vie, à un risque d’être soumis à la torture ou à un risque de traitements ou de peines cruels et inusités en raison de sa santé mentale.

[33]  M. Kunabalasingam dit que l’agent d’ERAR a mal interprété son argument, lequel portait principalement sur sa vulnérabilité à l’égard des autorités ou sur sa difficulté à résister au stress créé par l’interrogatoire ou par la possibilité d’une détention. Mais l’agent d’ERAR a traité spécifiquement de cette allégation’ :

[traduction]

L’avocat prétend que la santé mentale du demandeur le rend davantage susceptible d’être exposé à des risques et de ne pas être capable de se protéger contre les agents de persécution. Toutefois, après avoir fait une analyse détaillée dans les sections précédentes du présent ERAR, je conclus que le demandeur n’a pas démontré plus qu’une simple possibilité d’être persécuté par le gouvernement du Sri Lanka ou par un autre agent de persécution. Par conséquent, je ne peux pas conclure que la maladie mentale du demandeur l’exposerait à un risque accru de subir un préjudice.

[34]  L’évaluation faite par l’agent d’ERAR du rapport psychiatrique et de son incidence sur les risques auxquels M. Kunabalasingam était exposé au Sri Lanka est, là encore, transparente, justifiable et intelligible.

VI.  Conclusion

[35]  La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune partie ne propose qu’une question soit certifiée en vue d’un appel et la présente affaire n’en soulève aucune.

[36]  Compte tenu de la récente nomination de l’ancien sous-procureur général du Canada au poste de juge à la Cour, le procureur général du Canada est désigné comme avocat inscrit au dossier représentant le défendeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

  3. Le procureur général du Canada est désigné comme avocat inscrit au dossier représentant le défendeur.

« Simon Fothergill »

juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-520-17

 

INTITULÉ :

JEGAN KUNABALASINGAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JUILLET 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE FOTHERGILL

 

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

 

LE 21 JUILLET 2017

 

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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