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Date : 20170721


Dossier : IMM‑361‑17

Référence : 2017 CF 709

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 21 juillet 2017

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

AFEEZ AKOREDE ALIMI

demandeur

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Afeez Akorede Alimi [le demandeur] demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel des réfugiés [la SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada rejetait l’appel qu’il avait interjeté à l’encontre de la décision de la Section de la protection des réfugiés [la SPR]. La SPR a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée. La SPR a tiré de nombreuses conclusions défavorables importantes quant à la crédibilité du demandeur, que la SAR a examinées de manière indépendante et auxquelles elle a souscrit. Le demandeur vise essentiellement à ce que la Cour apprécie à nouveau les éléments de preuve, mais il ne s’agit pas du rôle de la Cour.

II.  Contexte

[3]  La demande d’asile du demandeur est fondée sur le fait qu’il est bisexuel et qu’il s’exposerait à de la persécution au Nigéria. Il allègue qu’il a été victime de mauvais traitements dans un camp d’été dans son enfance. À l’adolescence, il s’est lié d’amitié avec un autre adolescent, Charles Afolabi, qui avait aussi subi des mauvais traitements. Ils sont devenus des amis proches et ont commencé une relation à caractère sexuel le 29 mars 2014. À l’époque, le demandeur avait 17 ans.

[4]  En août 2015, le demandeur a dit au pasteur de son église qu’il était attiré par les personnes du même sexe. Le pasteur s’est rendu chez le demandeur et en a informé ses parents. Le demandeur a admis avoir subi des mauvais traitements et être attiré par les personnes du même sexe. Il n’a pas admis entretenir une relation homosexuelle. Le pasteur a ensuite communiqué l’information à son superviseur régional, et tous les paroissiens ont fini par savoir que le demandeur éprouvait des sentiments homosexuels.

[5]  Avec l’aide de ses parents, le demandeur a demandé un visa d’étudiant au Canada en octobre 2015, qu’il a obtenu en décembre 2015, en vue de suivre un programme de formation commençant en mai 2016. Le demandeur s’attendait initialement à quitter le Nigéria en mai, mais le 9 avril 2016, le superviseur régional responsable de l’église a indiqué à la mère du demandeur qu’on lui avait transmis de l’information et qu’il souhaitait s’entretenir avec le demandeur. Les parents du demandeur lui ont acheté un billet à destination du Canada dont le départ était prévu le 11 avril 2016 et ont reporté son inscription au programme en septembre. Le demandeur a présenté une demande d’asile dans un bureau intérieur en mai 2016.

III.  La décision de la SPR

[6]  La SPR a conclu que la preuve du demandeur comportait un certain nombre d’incohérences et d’omissions qui avaient pour effet de réfuter la présomption de véracité. En conséquence, la SPR a conclu que la preuve documentaire était insuffisante pour appuyer la demande d’asile du demandeur.

[7]  La SPR a relevé les contradictions et les incohérences inexpliquées suivantes dans la preuve. D’abord, l’allégation du demandeur selon laquelle ses parents voulaient le [traduction] « chasser » du Nigéria en raison de la honte causée par sa sexualité était incompatible avec le fait que ses parents l’ont laissé vivre chez eux pendant quatre autres mois après qu’il eut reçu son visa d’étudiant. Ensuite, l’affirmation du demandeur selon laquelle ses parents ont refusé de lui parler après son arrivée au Canada était incompatible avec le fait que ceux‑ci ont fourni des lettres à l’appui de sa demande.

[8]  En outre, le demandeur a omis de mentionner, dans son formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA], que ses parents soudoyaient le pasteur local afin qu’il ne divulgue pas sa sexualité. Son explication selon laquelle ce n’est qu’après son arrivée au Canada qu’il a été mis au courant de cette situation était incohérente avec ses déclarations ultérieures, dans lesquelles il a indiqué qu’il avait dû quitter le pays plus tôt que prévu pour se rendre au Canada après que sa mère eut cessé de verser des pots‑de‑vin au pasteur.

[9]  La SPR a également conclu que la preuve documentaire produite par le demandeur à l’appui de sa demande était frauduleuse. Par exemple, son père, son frère et son partenaire de même sexe prétendu ont tous fourni des lettres et un permis de conduire. Tous les permis ont été délivrés par le même bureau, le même jour; il était indiqué que les trois hommes avaient la même taille, ce qui n’était pas le cas; et l’année de naissance de son père inscrite sur les documents était 1964 plutôt que 1960. Les adresses indiquées sur les permis différaient de celles consignées dans le formulaire FDA. L’explication du demandeur selon laquelle sa famille avait déménagé après son arrivée au Canada n’a pas été acceptée : les permis ont été délivrés en 2015, soit avant son arrivée au Canada en 2016. La SPR a conclu que ce n’était pas le demandeur qui s’était procuré les documents initialement, mais qu’il avait sciemment présenté de nombreux documents frauduleux, de sorte qu’il avait perdu sa présomption de crédibilité à leur égard.

[10]  Le demandeur a déclaré que son père, son frère et son partenaire de même sexe avaient tous préparé leur propre lettre d’appui, et que son frère les avait ensuite imprimées. La SPR a remarqué que les lettres étaient toutes formulées de manière très similaire et a conclu que chaque lettre avait été rédigée par la même personne. Compte tenu du fait que le demandeur avait également présenté des pièces d’identité frauduleuses, la SPR a décidé de n’accorder aucun poids à ces lettres de la part des membres de sa famille.

[11]  Le demandeur a également présenté des lettres de soutien de différentes organisations LGBT locales qui confirmaient sa participation à diverses activités et rencontres. La SPR a conclu que les lettres attestaient de son appartenance aux organisations, mais a souligné qu’aucun des auteurs n’avait une connaissance personnelle de la sexualité du demandeur. La SPR a conclu que les motifs pour lesquels le demandeur s’était joint aux groupes avaient été minés par son manque général de crédibilité. De même, la SPR a jugé que les photographies que le demandeur avait produites montraient simplement deux hommes posant ensemble devant la caméra, et elle ne leur a accordé aucun poids.

IV.  L’appel devant la SAR

[12]  Dans le cadre de l’appel interjeté devant la SAR, le demandeur a fait valoir que la SPR avait omis de reconnaître la présomption de véracité dans son analyse de la crédibilité du demandeur.

[13]  En ce qui concerne les permis de conduire, le demandeur a soutenu qu’étant donné que les documents ne comportaient aucune anomalie à première vue, la conclusion de la SPR selon laquelle il s’agissait de documents frauduleux reposait sur le témoignage du demandeur. Puisqu’il ne s’était pas procuré les documents lui‑même, il ne pouvait pas expliquer de quelle manière ils avaient été obtenus.

[14]  En ce qui concerne son départ du Nigéria, le demandeur a fait valoir qu’un départ anticipé aurait pu causer des problèmes avec les fonctionnaires du Canada et que, de toute manière, jusqu’à ce que sa sexualité soit révélée aux paroissiens, il n’y avait pas d’urgence d’agir, étant donné qu’il croyait que le pasteur garderait ses révélations confidentielles. Le demandeur a déclaré que ses parents étaient déçus, mais qu’ils ne voulaient pas qu’il vive dans l’indigence ni qu’il soit contraint de rentrer au Nigéria, où il leur apporterait de la honte. C’est pourquoi ils voulaient que sa demande d’asile soit accueillie.

[15]  En ce qui a trait aux pots‑de‑vin, le demandeur a fait valoir à la SAR que la SPR avait omis d’envisager la possibilité que ses parents aient commencé à soudoyer le pasteur, aient cessé de le faire (ce qui aurait amené le superviseur régional à découvrir sa sexualité), aient recommencé à lui verser des pots‑de‑vin, et aient de nouveau cessé de le faire (ce qui aurait amené toute la communauté à être mise au courant de sa sexualité). Même si cette explication n’est pas acceptée, il a soutenu qu’une incohérence relative à un élément en particulier d’une demande ne signifie pas que la personne n’est pas LGBT.

[16]  Le demandeur a fait valoir que les documents des organisations LGBT avaient été préparés par des organisations impartiales et que c’est à tort qu’ils avaient été rejetés, étant donné que la SPR avait tiré une conclusion globale quant à la crédibilité et avait ensuite rejeté les documents justificatifs plutôt que de s’y reporter pour corroborer la demande d’asile du demandeur.

[17]  Bien qu’un rapport psychologique lui ait été présenté, la SPR n’en a fait aucune mention dans sa décision. Le demandeur a prié instamment la SAR de conclure que le rapport fournissait des éléments de preuve à l’appui de sa crédibilité.

V.  La décision de la SAR

[18]  Se fondant sur la décision Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, la SAR a correctement indiqué que la norme de contrôle applicable à la décision de la SPR était celle de la décision correcte, sauf en ce qui concerne les aspects au sujet desquels la SPR était mieux à même de tirer des conclusions quant à la crédibilité. Par conséquent, la SAR a mené sa propre analyse en vue d’établir si la SPR avait commis une erreur.

[19]  La SAR a brièvement résumé la décision de la SPR avant de tirer ses propres conclusions concernant chaque question.

[20]  En ce qui concerne le fait que le demandeur ait tardé à quitter le Nigéria, la SAR a souscrit à l’opinion de la SPR. La SAR a conclu que l’information concernant la sexualité du demandeur était déjà connue à l’extérieur de sa famille, et que si ses parents s’inquiétaient de nouvelles révélations, il était raisonnable de s’attendre à ce qu’ils désirent que le demandeur quitte le Nigéria plus rapidement qu’il ne l’a fait. La SAR ne croyait pas qu’un départ anticipé aurait causé des problèmes avec les agents des visas du Canada étant donné qu’il n’est pas rare que les étudiants arrivent avant le début de leur programme.

[21]  En ce qui a trait à la façon dont le demandeur a été traité par ses parents, la SAR a jugé que leur refus de répondre aux appels du demandeur était incohérent avec le fait qu’ils l’ont aidé à quitter le Nigéria. La SAR a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle y avait une incohérence entre le fait, d’une part, que les parents du demandeur l’ont aidé à obtenir les documents dont il avait besoin pour quitter le Nigéria, à payer son billet vers le Canada, à prendre les mesures nécessaires pour qu’il reporte sa scolarité et pour que l’un de leurs amis l’héberge au Canada et à présenter les documents à l’appui de sa demande et, d’autre part, qu’ils n’acceptaient même pas de répondre à ses appels.

[22]  La SAR a conclu que l’absence d’information concernant les pots‑de‑vin que ses parents avaient versés représentait une omission importante du demandeur dans son formulaire FDA, étant donné qu’il s’agissait de la raison pour laquelle il devait quitter le Nigéria lorsqu’il l’a fait. Il s’agissait également de la raison pour laquelle les paroissiens avaient appris son orientation sexuelle. La SAR a jugé qu’il aurait été raisonnable pour le demandeur d’inclure cette information dans son formulaire FDA. Elle était du même avis que la SPR en ce qui concerne le traitement des pots‑de‑vin.

[23]  La SAR a pris connaissance des conclusions tirées par la SPR concernant les documents justificatifs et les permis de conduire fournis par les membres de la famille du demandeur. Elle a pris acte des arguments du demandeur selon lesquels les documents étaient valides à première vue et qu’il existait donc une présomption quant à leur validité. La SAR a constaté la présence d’irrégularités sur les documents, notamment en ce qui concerne l’année de naissance du père, la taille des personnes ainsi que les adresses, qui ne correspondaient pas à celles fournies dans le formulaire FDA. La SAR a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle les documents étaient frauduleux et minaient la crédibilité du demandeur. La SAR a examiné les lettres d’appui provenant des membres de la famille et du partenaire du demandeur et a souscrit à la conclusion de la SPR selon laquelle les lettres avaient probablement toutes été écrites par le frère du demandeur. Étant donné qu’elles étaient accompagnées des pièces d’identité frauduleuses, la SAR n’a donné aucun poids à ces lettres.

[24]  La SAR s’est prononcée sur les lettres d’appui des organisations LGBT. Se fondant sur la décision El Bouni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 700, elle a constaté qu’aucun des auteurs des lettres n’était en mesure de confirmer un fait important dans la demande d’asile du demandeur et elle a conclu que les lettres ne répondaient pas au critère permettant de les qualifier d’éléments de preuve extrêmement probants.

[25]  Bien que la SPR ait omis de se prononcer sur le rapport du psychothérapeute, la SAR a souligné qu’elle présumait que la SPR avait tenu compte de tous les éléments de preuve portés à sa connaissance et qu’elle n’était pas tenue de faire mention de chaque document au dossier. Néanmoins, la SPR avait conclu que le demandeur n’était pas un témoin crédible en raison du nombre d’anomalies dans son récit et dans ses documents. La SAR a souligné que le rapport aurait peut‑être pu expliquer la raison pour laquelle la preuve de l’appelant comportait des problèmes. Elle a partagé l’avis du demandeur selon lequel, sur ce point, la SPR aurait dû tenir compte de l’état psychologique du demandeur décrit dans le rapport.

[26]  La SAR a pris connaissance du rapport du psychothérapeute et a constaté que celui‑ci concluait que le demandeur présentait des symptômes de trouble de stress post‑traumatique, de trouble anxieux généralisé et de trouble dépressif majeur. La SAR a constaté que le rapport manquait de clarté concernant ce à quoi on pouvait s’attendre du demandeur dans son témoignage. La SAR a écouté l’enregistrement de l’audience et a remarqué que le demandeur était en mesure de se rappeler une quantité considérable de renseignements de son passé, notamment certains éléments qui n’avaient pas été présentés précédemment. La SAR a constaté que le rapport indiquait simplement en termes généraux que le demandeur avait une incapacité potentielle, mais que le rapport n’expliquait pas les omissions du formulaire FDA ni les documents frauduleux et les explications déraisonnables du demandeur. La SAR a conclu que le rapport du psychothérapeute n’avait aucune incidence sur les conclusions quant à la crédibilité.

[27]  La SAR a conclu que, selon sa propre évaluation du dossier, la SPR n’avait commis aucune erreur dans l’appréciation de la preuve documentaire ou de la crédibilité du demandeur. Après avoir pris connaissance des mêmes éléments de preuve, la SAR est arrivée à la même conclusion que la SPR. La SAR a expressément conclu qu’elle n’acceptait pas, selon la prépondérance des probabilités, que les faits importants décrits par le demandeur dans son formulaire FDA et à l’audience devant la SPR s’étaient produits tel qu’il les avait décrits.

[28]  La SAR a conclu que le demandeur n’avait pas établi qu’il est bisexuel. Elle a conclu qu’il n’avait pas établi que sa bisexualité avait été révélée à quiconque au Nigéria ni qu’il avait été victime ou menacé de représailles par des individus au Nigéria en raison de son orientation sexuelle.

VI.  La question en litige et la norme de contrôle

[29]  La seule question en litige est de savoir si la décision de la SAR devrait être annulée. Les parties conviennent que la Cour doit procéder au contrôle de la décision de la SAR selon la norme de la raisonnabilité.

[30]  Une décision est raisonnable si le processus décisionnel est justifié, transparent et intelligible, et si la décision à laquelle il a donné lieu appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

[31]  Dans le contexte du présent contrôle en fonction de la norme de la raisonnabilité, contrôle ayant trait à des conclusions contestées en matière de crédibilité, je suis consciente du fait que « […] [la SPR] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent "l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits" doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve » : Siad c Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 RCF 608, au paragraphe 24 (C.A.). La même logique s’applique aux conclusions tirées par la SAR.

VII.  Observations

[32]  Le demandeur soutient que la SAR s’est fondée exclusivement sur les conclusions de la SPR sans procéder à une analyse indépendante. En ce qui concerne les motifs pour lesquels la décision de la SAR devrait être annulée, le demandeur présente à la Cour essentiellement les mêmes observations que celles qu’il a formulées à la SAR au sujet de la décision de la SPR. Il soutient également que la décision de la SAR reposait sur des faits qui n’étaient pas en preuve ainsi que sur des conjectures fondées sur ceux‑ci.

[33]  En ce qui concerne le temps qu’il a mis pour quitter le Nigéria, le demandeur fait valoir que la SAR a souscrit à l’avis de la SPR plutôt que d’accepter son explication. L’une des objections formulées par le demandeur est que, s’il s’était rendu au Canada cinq mois avant le début de son programme d’études, une possibilité évoquée par la SAR, cette arrivée hâtive aurait été très inhabituelle et aurait soulevé des soupçons chez les agents des visas. Le demandeur allègue que l’observation de la SAR à cet égard était une conjecture et non une inférence raisonnable.

[34]  Étant donné que la SAR doit apprécier la preuve selon la prépondérance des probabilités, le demandeur invite instamment la Cour à conclure que les conclusions défavorables quant à la crédibilité ne devraient pas toutes recevoir le même poids. En ce qui concerne les lettres d’appui de sa famille et de son partenaire, le demandeur soutient qu’à moins que l’incohérence ne touche le cœur de sa demande, les contradictions n’étaient pas importantes. Il fait valoir que la SAR a tiré une conclusion générale quant à sa crédibilité et qu’elle n’a même pas tenu compte de son orientation sexuelle. La SAR aurait dû tenir compte de la prépondérance de la preuve relative à sa sexualité.

[35]  Le défendeur soutient que le demandeur conteste simplement la façon dont la SAR a apprécié et a soupesé la preuve. Le demandeur présente d’autres interprétations et inférences qui peuvent être tirées de la preuve, mais les inférences de la SAR ne sont pas déraisonnables. Par exemple, étant donné le manque de crédibilité du demandeur, il était raisonnable que la SAR considère que les lettres de soutien des organisations LGBT ne corroboraient pas le risque de persécution du demandeur, puisque ces organisations ne possédaient aucune connaissance directe et qu’elles ne pouvaient donc pas confirmer des faits importants.

[36]  Le défendeur s’est également appuyé sur Anel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 759, aux paragraphes 24 à 26, pour faire valoir que le fait que la SAR soit d’accord avec la SPR ne signifie pas que celle‑ci n’a effectué aucune vérification indépendante du dossier.

VIII.  Analyse

[37]  Bien que le demandeur prie la Cour de conclure que la SAR s’est fiée exclusivement à la décision de la SPR et qu’elle n’a pas réalisé apprécié sa situation de manière indépendante, particulièrement en ce qui a trait à la crédibilité, je suis convaincue que la SAR a tiré des conclusions indépendantes sur chacune des questions, y compris celle du rapport du psychothérapeute.

[38]  Le demandeur conteste l’importance que la SAR et, auparavant, la SPR, ont accordée à la preuve qu’il avait présentée ainsi qu’à son témoignage. L’analyse de la SAR soulève diverses incohérences entre le témoignage du demandeur et la preuve documentaire, notamment le formulaire FDA et les pièces d’identité. Par exemple, étant donné les nombreux problèmes que comportaient les pièces d’identité (date de naissance, taille, adresse et date de délivrance), la conclusion tirée par la SAR voulant que le demandeur a présenté des documents frauduleux et les conclusions qui en ont découlé sont très raisonnables.

[39]  La SAR est peut‑être allée un peu loin en indiquant que le demandeur aurait pu partir vers le Canada cinq mois avant le début de son programme de formation. Toutefois, la SAR savait que le programme de formation commençait en mai et que le demandeur n’a quitté le pays qu’en avril. La SAR a abordé le fait que le pasteur avait été informé de l’orientation sexuelle du demandeur dès le mois d’août 2015, et compte tenu de la déclaration du demandeur selon laquelle il a quitté le Nigéria en raison de la menace que présentait la révélation de cette information au grand jour, il était raisonnable pour la SAR de s’attendre à ce que le demandeur quitte le pays dès l’obtention de son visa d’étudiant, ou à tout le moins qu’elle trouve suspect qu’il n’ait pas quitté le Nigéria plus rapidement qu’il ne l’a fait. Dans ce contexte, il était tout aussi raisonnable pour la SAR de conclure que le départ tardif du demandeur était incompatible avec sa déclaration voulant que sa famille l’ait renié et qu’il croyait qu’il s’exposait à un risque de persécution.

[40]  L’allégation du demandeur selon laquelle la SAR n’a pas apprécié la preuve de manière indépendante est sans fondement. La SAR a généralement souscrit aux conclusions de la SPR, mais elle l’a fait après avoir examiné la preuve. La preuve menait clairement aux conclusions de la SAR. La SAR a noté que la SPR n’avait pas abordé le rapport du psychothérapeute et elle a conclu que la SPR avait ainsi commis une erreur, étant donné que le rapport aurait pu expliquer certaines des incohérences dans la preuve du demandeur. La SAR a ensuite conclu, pour différentes raisons, que le rapport ne permettait pas de corroborer les dires du demandeur. À cet égard, l’analyse et la conclusion de la SAR étaient toutes deux raisonnables. Il s’agit également d’une indication que la SAR n’a pas simplement entériné machinalement la décision de la SPR, mais qu’elle a effectué un examen indépendant de cette décision. Lorsque la SAR a tiré la même conclusion que la SPR, c’était parce qu’elle souscrivait à la conclusion, et non pas en raison d’une déférence inappropriée.

[41]  Le témoignage et les documents que le demandeur a présentés à l’appui de sa demande d’asile comportaient un certain nombre d’incohérences et d’anomalies. Le fait qu’il n’ait pas mentionné, dans son formulaire FDA, que sa famille soudoyait le pasteur afin qu’il ne révèle pas son orientation sexuelle représentait une omission importante. En effet, c’est parce que ses parents ont cessé de donner des pots‑de‑vin que le demandeur a quitté le Nigéria. De même, les incohérences flagrantes dans les pièces d’identité présentées par le demandeur étaient clairement suffisantes pour réfuter toute présomption de validité qui aurait autrement été attribuée aux documents.

[42]  La SAR a pris connaissance du dossier et a écouté l’enregistrement de l’audience tenue devant la SPR. Elle a expliqué les raisons pour lesquelles elle partageait l’avis de la SPR et, en ce qui concerne le rapport psychologique, a effectué l’analyse que la SPR avait omis de faire. La SAR a certainement fait plus que simplement souscrire sans conviction réelle à la décision de la SPR. Je conviens avec le défendeur que le demandeur, n’ayant pas réussi à convaincre la SAR d’annuler les conclusions de la SPR, tente d’amener la Cour à apprécier la preuve de nouveau.

[43]  La demande est rejetée. Aucune question n’a été soumise par les parties en vue d’être certifiée et les faits n’en soulèvent aucune.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Susan Elliott »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM‑361‑17

 

 

INTITULÉ :

AFEEZ AKOREDE ALIMI c LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 JUILLET 2017

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 JUILLET 2017

 

COMPARUTIONS :

Oluwakemi Oduwole

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarké Attorneys

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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