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Date : 20170721


Dossier : IMM-399-17

Référence : 2017 CF 712

Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2017

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

YOLLANDE MPASI MOKONZI

Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

Partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse, Yollande Mpasi Mokonzi, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR], datée du 18 janvier 2017, rejetant l’appel et confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] aux termes du paragraphe 111(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

[2]               La demanderesse est citoyenne de la République Démocratique du Congo [RDC]. Elle entre au Canada le 13 septembre 2015 et présente une demande d’asile le lendemain.

[3]               Elle prétend avoir été victime de persécution en raison de ses activités à titre de chargée de finances au sein de l’organisation non gouvernementale, Assistance aux personnes vulnérables et enfants du Congo [APVEC]. Elle allègue que lors de manifestations visant à empêcher l’adoption d’une loi fédérale en janvier 2015, plusieurs personnes sont mortes aux mains de la police. Afin de connaître le nombre exact de victimes, l’APVEC lance une enquête. La demanderesse est alors ciblée par la police. En avril 2015, une fosse commune est découverte. Le gouvernement affirme qu’il s’agit de bébés non identifiés morts prématurément. L’APVEC enquête sur la véracité de ses affirmations. Le 6 avril 2015, des hommes se présentent chez la demanderesse. Comme elle n’est pas là, ils battent son mari et son frère. Une semaine plus tard, ces derniers sont à nouveau battus alors que sept (7) hommes, dont deux (2) en tenue militaire, se présentent chez la demanderesse. Le 12 septembre 2015, grâce à l’aide du président de l’APVEC, la demanderesse quitte la RDC pour le Canada munie d’un visa canadien.

[4]               Le 5 janvier 2016, la SPR rejette la demande d’asile au motif qu’elle juge la demanderesse non crédible. Premièrement, elle note que la demanderesse a été incapable de décrire la teneur des rapports qu’elle aurait préparés dans le cadre des enquêtes menées par l’APVEC et pour lesquels elle est à risque de persécution. De plus, elle estime que la demanderesse n’a pas convenablement expliqué les contradictions relativement à son état matrimonial. Alors qu’elle affirme être séparée de son époux depuis le 1er février 2014 dans son formulaire de demande générique IMM-0008, daté du 14 septembre 2015, la demanderesse indique dans son récit au soutien de son formulaire de Fondement de la demande d’asile, daté du 24 septembre 2015, que son « mari » a été menacé et battu le 6 avril 2015 et, dans sa demande de visa, datée du 12 mai 2015, n’avoir jamais été mariée ou en union de fait. Enfin, la SPR juge non crédible la menace que représentent les autorités de la RDC pour la demanderesse au motif que la demanderesse affirme d’une part être à risque de persécution pour son travail au sein de l’APVEC et d’autre part, que ce même organisme a réussi à lui obtenir un passeport authentique, en son nom, et à lui permettre de contourner les contrôles de sécurité.

[5]               Le 18 janvier 2017, la SAR rejette l’appel. Elle conclut, après avoir procédé à une évaluation indépendante du dossier et avoir écouté le témoignage de la demanderesse devant la SPR, que la SPR n’a pas commis d’erreurs dans son appréciation de la crédibilité de la demanderesse.

[6]               Dans sa décision, la SAR note que la demanderesse est hésitante lorsqu’elle est invitée à préciser le contenu des rapports qu’elle aurait préparés et qu’elle ne répond pas à une question directe sur ce sujet. Il en est de même lorsqu’on lui demande de préciser les démarches utilisées dans le cadre d’enquête. La SAR estime, comme la SPR, que l’incapacité de la demanderesse à décrire la teneur des rapports ainsi que la démarche utilisée pour mener une enquête affectent sa crédibilité.

[7]               La SAR examine ensuite la question entourant le statut matrimonial de la demanderesse. La demanderesse prétend notamment qu’elle ne peut être tenue responsable de certaines affirmations qui se trouvent dans sa demande de visa au motif que c’est le président de l’APVEC qui a fait les démarches pour l’obtention du visa. La SAR rejette cet argument, soulignant que c’est la demanderesse elle-même qui a signé les formulaires. La SAR ajoute de plus que si la demanderesse était célibataire comme il est indiqué dans sa demande de visa, elle voit mal comment son époux aurait pu être battu à deux (2) reprises par des hommes qui la recherchaient.

[8]               Enfin, la SAR conclut que la SPR n’a commis aucune erreur en jugeant qu’il n’était pas crédible que les dirigeants de l’APVEC aient réussi à lui obtenir un passeport et qu’elle ait pu contourner les contrôles de sécurité. La SAR considère que s’il était vrai que les autorités voulaient s’en prendre à la demanderesse, ces mêmes autorités n’auraient pas permis aux dirigeants de l’APVEC de lui obtenir un passeport et permis à la demanderesse de quitter le pays.

[9]               La demanderesse soutient qu’il était déraisonnable tant pour la SPR que la SAR de mettre en doute sa crédibilité parce qu’elle était incapable de décrire la démarche utilisée pour mener une enquête ainsi que la teneur des rapports qu’elle préparait dans son rôle au sein de l’APVEC. Elle prétend qu’elle a livré un témoignage détaillé, spontané et crédible sur ses autres activités au sein de l’organisme et que son témoignage aurait dû être apprécié dans son ensemble. Concernant son état matrimonial, elle réitère que sa demande de visa a été complétée par le président de l’APVEC et ajoute qu’il est fréquent de retrouver des informations mensongères dans les demandes de visa. Ce point ne peut donc être déterminant. Enfin, elle allègue ne pas savoir quelles démarches ont été prises par l’APVEC pour lui obtenir un passeport et la faire sortir du pays. La demanderesse affirme avoir témoigné devant la SPR que le ministère qui délivre les passeports n’est pas le même que celui responsable de ses problèmes. Elle considère que la SAR a spéculé en concluant qu’il n’est pas crédible que l’APVEC puisse lui obtenir un passeport et réussir à la faire sortir du pays.

[10]           La Cour ne peut souscrire aux arguments de la demanderesse.

[11]           La norme de contrôle applicable à la décision de la SAR est la norme de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93 au para 35). Elle s’applique aux conclusions de la SAR sur la crédibilité et à son évaluation de la preuve (Chen c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 539 au para 19).

[12]           Lorsque la norme du caractère raisonnable s’applique, le rôle de la Cour est de déterminer si la décision appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Si « le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité », il n’appartient pas à cette Cour d’y substituer l’issue qui lui serait préférable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47 [Dunsmuir]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 59 [Khosa]).

[13]           La Cour estime que la décision de la SAR en l’instance est raisonnable. La SAR a appliqué la norme appropriée et a procédé à une évaluation indépendante de l’ensemble de la preuve au dossier. De plus, elle a fait sa propre analyse de la crédibilité de la demanderesse, ne se limitant pas aux conclusions négatives de crédibilité de la SPR, lesquelles commandent généralement une certaine déférence. Elle a écouté l’enregistrement de l’audience devant la SPR et s’appuie sur sa propre évaluation du témoignage de la demanderesse et de la preuve au dossier pour se rallier aux conclusions de la SPR quant à l’absence de crédibilité de la demanderesse. Sa conclusion est appuyée par la preuve au dossier et sa décision est bien motivée.

[14]           Bien que la demanderesse ne soit pas d’accord avec les conclusions de la SAR ou de la SPR, il ne revient pas à cette Cour de réévaluer et de soupeser la preuve pour en arriver à une conclusion qui serait favorable à la demanderesse (Khosa au para 59).

[15]           En conclusion, la Cour est d’avis que la décision de la SAR appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » et qu’elle est justifiée d’une manière qui satisfait aux critères de transparence et d’intelligibilité du processus décisionnel (Dunsmuir au para 47).

[16]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale n’a été soumise aux fins de certification et la Cour est d’avis que cette cause n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans IMM-399-17

LA COUR STATUE que :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-399-17

INTITULÉ :

YOLLANDE MPASI MOKONZI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 juillet 2017

JUGEMENT et motifs :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 21 juillet 2017

COMPARUTIONS :

Claude Whalen

Pour le demandeur

Sherry Rafai-Far

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Claude Whalen

Avocat

Montréal (Québec)

Pour le demandeur

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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