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Date : 20170717


Dossier : T-690-15

Référence : 2017 CF 689

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

YVONNE SOULLIÈRE

demanderesse

et

SOCIÉTÉ CANADIENNE DU SANG

SANTÉ CANADA

défendeurs

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

intervenante

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La présente affaire concerne Yanhong Dewan, une jeune femme d’une bonté et d’une générosité exceptionnelles. On estime qu’un peu moins de la moitié des adultes canadiens sont admissibles à faire des dons de sang et, parmi ceux qui le sont, seuls de 3 à 5 % d’entre eux le font réellement (voir Canadian Blood Services c Freeman, 2010 ONSC 4885, au paragraphe 49 [Freeman]). Mme Dewan est l’une de ces personnes exceptionnelles qui voulait donner de son sang pour aider d’autres personnes dans le besoin. Malheureusement, elle est aussi l’une des nombreuses personnes qui, détermine‑t‑on, n’y sont pas admissibles.

[2]  La mère de Mme Dewan, Mme Soullière, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 26 mars 2015 par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) a rejeté la plainte portée contre la Société canadienne du sang (SCS), conformément au sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC (1985), c H‑6 [la Loi], le motif étant qu’il n’était pas justifié dans les circonstances de procéder à un examen plus approfondi de la plainte (la décision de la Commission). Bien qu’il soit regrettable que Mme Dewan ne puisse pas donner de son sang, je ne relève dans la décision de la Commission aucune erreur susceptible de contrôle et, pour les raisons expliquées ci‑après, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[3]  Dans une demande entendue en même temps (dossier de la Cour no T‑691‑15), Mme Soullière sollicite également le contrôle judiciaire d’une décision connexe par laquelle la Commission a rejeté la plainte qu’elle a portée contre Santé Canada (SC), conformément aussi au sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi. En partie à cause de l’issue de la présente demande de contrôle judiciaire (dossier de la Cour no T‑690‑15), j’ai également rejeté la demande de contrôle judiciaire relative à SC. Une copie des deux décisions sera versée dans chacun de ces deux dossiers de la Cour.

II.  Le contexte

[4]  La présente action a pris naissance le 5 décembre 2012 quand Mme Yvonne Soullière (la demanderesse) a déposé une plainte relative aux droits de la personne (la plainte) contre la SCS au nom de sa fille, Yanhong Dewan. Dans cette plainte, il était allégué que Mme Dewan avait été exclue en tant que donneuse de sang et considérée comme non admissible pour une période indéfinie pour cause d’incapacité à comprendre et à remplir le questionnaire de présélection des donneurs de sang, du fait de sa déficience intellectuelle.

[5]  La SCS soutient que la Commission a rejeté la plainte à juste titre, mais elle fait valoir que cette dernière a commis une erreur en ne rejetant pas la plainte au motif préliminaire que la collecte de sang n’est pas un « service [...] destiné au public », aux termes de l’article 5 de la Loi. Sauf indication contraire, tous les renvois de nature législative qui suivent se rapportent à la Loi.

A.  Mme Yanhong Dewan

[6]  La déficience intellectuelle de Mme Dewan n’a pas été expressément mentionnée. Cependant, il n’est pas contesté que c’est à cause de cette déficience qu’elle a été exclue du processus de sélection des donneurs de sang.

B.  Société canadienne du sang

[7]  La défenderesse, la SCS, est un organisme de bienfaisance chargé de gérer les réserves de sang et de composants sanguins (les réserves de sang) pour l’ensemble des provinces et des territoires du Canada, à l’exception du Québec. Cet organisme a vu le jour en 1998, en réponse à la tragédie du sang contaminé, causée par l’omission de la Société canadienne de la Croix‑Rouge de limiter la transmission du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et de l’hépatite C par l’intermédiaire des réserves de sang à la fin des années 1970 et au début des années 1980. La tragédie a, semble‑t‑il, causé l’infection de plus de 20 000 personnes qui avaient reçu du sang, ainsi que le décès de plus d’un millier de Canadiens. C’est ainsi que le gouvernement canadien a constitué la Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada, connue sous le nom de « Commission Krever » (Rapport d’enquête, au paragraphe 9).

[8]  La Commission Krever a recommandé que le Canada dispose d’un système national pour la collecte et la distribution de sang et qu’il continue d’y avoir une entité fédérale qui soit chargée de la réglementation de ce système. La SCS a donc été créée pour devenir l’exploitante nationale du système de distribution de produits sanguins au pays. Comme le Canada est d’avis que ces derniers sont des produits biologiques, la SCS est considérée comme un fabricant de médicaments biologiques assujetti à la Loi sur les aliments et drogues, LRC (1985), c F‑27, et, à ce titre, elle est assujettie à la réglementation de SC.

[9]  La SCS recueille le sang de donneurs bénévoles, elle le transforme en produits sanguins qu’elle distribue aux hôpitaux dans tout le pays. Dans le cadre du processus suivi par la SCS pour la sélection des donneurs de sang, les donneurs potentiels sont priés de remplir le « Questionnaire d’évaluation de l’état de santé du donneur » (le QEESD). Le QEESD renferme une série de questions permettant d’évaluer l’état de santé du donneur potentiel, son aptitude à donner du sang et le risque encouru par le système d’approvisionnement en sang.

C.  La plainte

[10]  Le 2 février 2012, Mme Dewan s’est présentée à un centre mobile de dons de sang à Lasalle (Ontario) dans l’intention de faire un don de sang. L’infirmière de la SCS qui était préposée à la présélection a rencontré Mme Dewan seule et a tenté de lui expliquer certaines des questions du QEESD dans un langage « simple ». Toutefois, elle a finalement exclu Mme Dewan du processus et ne lui a pas permis de faire un don. Mme Soullière est entrée en contact avec la SCS pour lui faire savoir qu’elle n’était pas d’accord avec cette décision.

[11]  Le 15 février 2012, la SCS a appris que Mme Dewan avait l’intention d’essayer de nouveau de donner du sang. Étant donné qu’elle avait récemment décidé de [traduction« reporter indéfiniment » tout don de sang de Mme Dewan et que cela ne changerait pas si elle se présentait à un centre différent, la SCS a communiqué avec Mme Soullière pour qu’elle dissuade sa fille de se présenter à la collecte de dons de sang qui allait avoir lieu prochainement.

[12]  Il y a eu par la suite diverses communications entre les parties. Le 17 août 2012, le Dr Skeate, directeur médical adjoint de la SCS, s’est entretenu au téléphone avec Mme Soullière et a offert de soumettre sa fille à un examen médical externe (EME) – un processus personnalisé que la SCS peut offrir dans les cas où la présélection et le QEESD posent problème. L’EME comporte une approche personnalisée, dont une discussion avec un membre du personnel médical de la SCS, comme le Dr Skeate. Mme Soullière n’a pas accepté l’offre d’EME pour le compte de sa fille. Les parties ne s’entendent pas sur ce qui s’est dit et a été offert exactement à propos de l’EME.

[13]  Le 7 décembre 2012, Mme Soullière a déposé une plainte à l’encontre de la SCS au nom de sa fille. Dans sa plainte, Mme Soullière a entre autres allégué que la SCS avait preuve de discrimination à l’endroit de sa fille en raison de sa déficience intellectuelle, et ce, en l’empêchant de donner du sang et en lui interdisant de le faire pendant une période indéfinie.

[14]  Le 8 février 2013, la SCS a demandé que la Commission rejette la plainte, celle‑ci n’étant pas de sa compétence, conformément à l’alinéa 41(1)c) de la Loi. Plus précisément, la SCS a fait valoir que la Commission n’avait pas compétence parce que la [traduction« possibilité de donner du sang » ne constitue pas un service au sens de l’article 5.

[15]  Après avoir examiné les observations des parties, la Commission a préparé un rapport fondé sur les articles 40 et 41 dans lequel elle recommandait qu’il soit statué sur la plainte, car il n’était pas [traduction« évident et manifeste » que la SCS ne fournissait pas un service au sens de l’article 5. Les parties ont reçu ce rapport et elles ont soumis des observations en réponse à ce dernier.

[16]  Le 18 décembre 2013, après avoir passé en revue les observations, la Commission a décidé de statuer sur la plainte conformément au paragraphe 41(1) de la Loi, concluant qu’en ce qui concernait la question du « service » :

[traduction]

La Commission devrait statuer sur la plainte parce que celle‑ci n’est pas frivole. Il n’est pas manifeste et évident que l’activité en question n’est pas un service. Pour les raisons exposées ci‑dessus, la SCS semble fournir un service lorsqu’elle présélectionne des donneurs de sang potentiels. La présélection est la première étape du système d’approvisionnement en sang. Cette première étape ne peut pas être artificiellement séparée des autres étapes du système (c.‑à‑d. la collecte, les tests, la production et la distribution) qui, la SCS le reconnaît, sont des services destinés au public.

[Rapport fondé sur les articles 40 et 41, au paragraphe 95.]

[17]  Par suite de cette décision rendue en application de l’article 41, la Commission a commencé son enquête. L’enquêtrice de la Commission (l’enquêtrice) a compilé les renseignements transmis par les parties et les témoins.

[18]  Le 29 décembre 2014, l’enquêtrice a produit le rapport d’enquête (le rapport), recommandant de rejeter la plainte parce que, dans les circonstances, il n’était pas justifié d’examiner la plainte de manière plus approfondie. Les parties ont été invitées à déposer des observations en réponse au rapport, ce qu’elles ont fait. Chacune d’elles a aussi ensuite répondu aux observations de l’autre. Conformément à la position qu’elle défend devant notre Cour, la SCS a convenu qu’il n’était pas justifié de procéder à un examen plus approfondi de la plainte, mais elle a exprimé l’avis que celle‑ci n’avait pas trait à un « service » au sens de l’article 5 de la Loi.

[19]  Dans sa décision, la Commission a finalement rejeté la plainte, confirmant la conclusion du rapport selon laquelle un examen plus approfondi était injustifié. Voici un résumé de cette décision.

III.  La décision faisant l’objet du présent contrôle

[20]  La décision de la Commission indique simplement qu’après avoir examiné le rapport et les observations déposées en réponse, la Commission rejette la plainte conformément au sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi, parce que l’examen de celle‑ci n’est pas justifié, compte tenu de l’ensemble des circonstances.

[21]  Les parties conviennent que, dans les circonstances, les motifs de la Commission sont réputés être ceux qui sont énoncés dans le rapport (Canada (Procureur général) c Sketchley, 2005 CAF 404, au paragraphe 37 [Sketchley]).

[22]  Le rapport précise au départ que la Commission ne décide pas s’il y a eu discrimination, mais plutôt s’il est nécessaire que le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) procède à un examen plus approfondi de la plainte. L’enquêtrice explique qu’avant de faire sa recommandation, elle a examiné les arguments des parties ainsi que tous les éléments de preuve documentaire que celles‑ci ont présentés. Elle ajoute qu’elle a effectué cinq entrevues téléphoniques – avec Mme Soullière et Mme Dewan, ainsi qu’avec trois représentants de la SCS : Mme Debra Freeman (l’infirmière préposée à la présélection de la SCS qui a rencontré Mme Dewan quand celle‑ci a voulu donner du sang), la Dre Mindy Goldman (directrice médicale des Services de sécurité transfusionnelle et des analyses à la SCS) et le Dr Robert Skeate (directeur médical adjoint à la SCS).

[23]  Pour ce qui est de la matrice décisionnelle, l’enquêtrice explique que le processus d’enquête doit répondre à trois questions : 1) si l’allégation de discrimination est fondée, et dans l’affirmative, 2) si l’acte discriminatoire repose sur un motif justifiable, et 3) si l’allégation de manquement à l’obligation d’accommodement est fondée. Le rapport détaillé, qui compte environ 138 paragraphes, résume de manière exhaustive la preuve et les observations qui ont été prises en compte pour chacune de ces trois questions.

A.  Étape un : L’allégation de discrimination dans l’offre d’un service destiné au public est‑elle fondée?

[24]  Le rapport indique que le service dont il est question dans la plainte est la présélection des donneurs de sang potentiels qu’effectue la SCS au moment de déterminer si une personne est admissible à donner du sang. L’enquêtrice précise que ce service est offert au public et que la SCS ne demande pas à la Cour de contrôler la décision prise par la Commission, en vertu de l’article 41, de statuer sur la plainte. Elle souligne également que la SCS a présenté une défense complète lors de l’enquête.

[25]  Le rapport souligne par ailleurs qu’il n’est pas contesté que la déficience de Mme Dewan diminue son degré de compréhension des mots et du langage, et que la SCS reconnaît avoir privé Mme Dewan de la possibilité de donner du sang parce qu’elle n’était pas en mesure de bien comprendre le processus de sélection et de don. La préposée à la présélection a décrit en ces termes pourquoi elle a décidé que Mme Dewan n’était pas admissible : [traduction« [...] la donneuse a une déficience mentale et, d’après la mère, elle a la capacité intellectuelle d’une enfant âgée de 3 à 5 ans. La mère a voulu répondre aux questions pour sa fille. La donneuse ne sait pas lire et ne comprend pas les notions de délai, de maladie transmissible – elle est incapable de comprendre les questions même quand elles sont reformulées de manière plus simple [...] » (paragraphe 22 du rapport).

[26]  Le rapport conclut, dans le cadre de cette première étape de l’analyse, que la SCS a empêché Mme Dewan d’avoir accès au service de dons de sang en raison de sa déficience.

B.  Étape deux : La norme de la SCS est‑elle justifiable?

[27]  Dans son rapport, l’enquêtrice indique que la norme sur laquelle la SCS s’est fondée pour refuser l’accès à Mme Dewan est son [traduction« incapacité à comprendre et à remplir le QEESD sans aide (autre que celle d’une préposée à la présélection de l’intimée) ». La SCS présélectionne toutes les personnes qui se portent volontaires pour donner du sang, et elle exige d’elles qu’elles comprennent le processus de don de sang, y compris le QEESD, sans l’aide d’une tierce partie autre que l’infirmière préposée à la présélection de la SCS (sauf dans deux cas, dont il sera question ci‑après). Cette mesure a un double objectif : s’assurer qu’en donnant du sang, le donneur ne mette pas sa santé en danger, et s’assurer que le sang destiné à la transfusion est sans danger. La question à laquelle l’enquêtrice devait répondre était donc celle de savoir si cette norme pouvait se justifier.

[28]  L’enquêtrice reconnaît dans son rapport que la SCS a adopté la norme de bonne foi, et pour réaliser un objectif qui est rationnellement lié à la fonction générale qu’elle assume – c’est‑à‑dire suivre les recommandations de la Commission Krever en vue d’assurer la sécurité du système d’approvisionnement en sang. La SCS exige que l’on comprenne le QEESD sans l’aide d’un tiers, sauf dans deux cas : s’il est traduit, par une personne agréée, dans l’American Sign Language (ASL) ou dans une langue étrangère. La règle et ses deux exceptions sont appliquées de manière stricte, et les donneurs potentiels doivent répondre aux questions avec exactitude et être conscients des risques d’un don de sang – tant pour eux‑mêmes que pour autrui. La SCS a expliqué qu’elle avait adopté la norme à la suite des recommandations de la Commission Krever, en conformité avec les exigences réglementaires de SC ainsi qu’avec les politiques et les pratiques d’autres grands fournisseurs sang et organismes d’élaboration de politiques du monde entier.

[29]  L’enquêtrice a ensuite examiné si la norme était raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif ou le but visé, tout en mentionnant que, pour répondre à cette question, il fallait se demander si la prise de mesures d’accommodement à l’endroit de Mme Dewan causerait une contrainte excessive sur le plan de la santé, de la sécurité ou des coûts, une question qui reposait sur la troisième étape clé de la matrice de la Commission.

C.  Étape trois : L’allégation de la plaignante quant au défaut de prendre des mesures d’accommodement qui ne constituent pas une contrainte excessive est‑elle fondée?

[30]  L’analyse contenue au rapport porte en grande partie sur les mesures d’accommodement. L’enquêtrice a recommandé le rejet de la plainte, concluant au paragraphe 131 :

[traduction]

Au vu des éléments de preuve, les raisons données par la défenderesse pour n’avoir pas pu répondre aux besoins de Mme Dewan en modifiant le QEESD ou en permettant à une tierce partie (comme la plaignante) d’aider Mme Dewan à répondre aux questions posées dans le cadre du processus de sélection des donneurs, paraissent justifiées. La preuve étaye l’idée selon laquelle le fait d’autoriser les mesures d’accommodement que demande la plaignante causerait à la défenderesse une contrainte excessive, car cela créerait un risque inacceptable pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang.

[31]  Par ailleurs, au paragraphe 130 de son rapport, l’enquêtrice a rejeté l’argument de la plaignante selon lequel la SCS avait manqué à son obligation procédurale d’accommodement, invoquant l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2014 CAF 131, au paragraphe 16 [Cruden], pour conclure qu’il n’existait aucune obligation procédurale distincte d’accommodement.

IV.  Les questions soulevées

[32]  L’avocate de Mme Soullière prétend que la Commission a commis dans sa décision quatre erreurs susceptibles de contrôle :

  1. en manquant à l’équité procédurale, c’est‑à‑dire :

    1. en se fondant sur une enquête inadéquate;

    2. en ne tenant pas compte des observations présentées par Mme Soullière en réponse au rapport, et en n’examinant pas la totalité des réponses de cette dernière;

    3. en appliquant le mauvais critère juridique pour déterminer s’il y a contrainte excessive;

    4. en manquant à l’obligation procédurale de prendre des mesures d’accommodement à l’égard de Mme Dewan en raison de sa déficience.

  2. en rendant sa décision en l’absence de preuve, notamment en ne tenant pas compte des autres mesures d’accommodement proposées par Mme Soullière;

  3. en excédant sa compétence, ayant statué sur la plainte, plutôt que d’appliquer le critère préliminaire qui permet de déterminer s’il est justifié de procéder à un examen plus approfondi;

  4. en commettant une erreur de droit, c’est‑à‑dire :

    [33]  En plus de rejeter ces prétentions, la SCS soutient qu’il était déraisonnable, en tout état de cause, que la Commission tienne pour acquis – en tant que conclusion prévisible – que la collecte de sang est un service au sens de l’article 5 de la Loi.

    [34]  Étant donné que je rédige la présente décision pour que Mme Dewan et Mme Soullière comprennent pourquoi la demande de contrôle judiciaire n’est pas accueillie, je traiterai de chacune de ces prétentions successivement, de la manière dont l’avocate de Mme Soullière les a formulées. J’examinerai également si la décision de la Commission dans son ensemble est raisonnable. Cependant, cela veut forcément dire qu’il y aura dans mes motifs quelques répétitions, car plusieurs des arguments se chevauchent.

    V.  La norme de contrôle applicable

    [35]  Nul ne conteste que la norme de contrôle qui s’applique aux questions d’équité procédurale est la décision correcte (Établissement de Mission c Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79). Mme Soullière soutient que la norme de la décision correcte devrait également s’appliquer aux questions de compétence et de droit (qui revêtent une importance capitale pour le système juridique et qui sont étrangères au domaine d’expertise de l’arbitre) qui ont été soulevées, conformément à l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 59 et 60 [Dunsmuir].

    [36]  Le pouvoir discrétionnaire qu’a la Commission de ne pas renvoyer une plainte au Tribunal est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, au paragraphe 17 [Halifax]). Néanmoins, Mme Soullière fait valoir que notre Cour a déjà conclu, dans la décision Gravelle c Canada (Procureur général), 2006 CF 251, au paragraphe 39, que les décisions portant rejet d’une plainte doivent être examinées de plus près que celles où la plainte est renvoyée au Tribunal, et ce, pour les motifs exposés dans la décision Larsh c Canada (Procureur général), [1999] ACF No 508 (CF 1re inst.), au paragraphe 36 :

    Un débouté est, après tout, une décision définitive qui empêche le plaignant d’obtenir toute réparation prévue par la loi et qui, de par sa nature même, ne saurait favoriser l’atteinte de l’objectif général de la Loi, c’est‑à‑dire protéger les personnes physiques de toute discrimination, mais qui, s’il est erroné, risque de mettre en échec l’objet de la Loi.

    [37]  Bien que les parties s’entendent de façon générale sur les grands paramètres de la norme de contrôle, elles sont en désaccord quant à la norme qui s’applique à des questions particulières, et je traiterai de ces situations à tour de rôle, ci‑après.

    VI.  Les observations et l’analyse

    A.  La Commission a‑t‑elle manqué à l’équité procédurale?

    [38]  Premièrement, Mme Soullière soutient que la Commission a commis une erreur en se fondant sur une enquête où des éléments de preuve cruciaux n’ont pas été examinés en profondeur, et où certaines de ses observations n’ont pas été abordées convenablement, notamment celles concernant les autres mesures d’accommodement qu’elle a proposées et que la SCS a rejetées. Ces mesures d’accommodement consistaient en : 1) un service d’interprétation en langage clair, par une tierce partie indépendante, habituée à travailler avec des déficients intellectuels, 2) des modèles de mesures d’accommodement, lesquels sont décrits dans le document de l’Organisation mondiale de la santé intitulé Guidelines on Assessing Donor Suitability for Blood Donation, 3) des solutions de rechange, employées dans d’autres pays, pour faire remplir les questionnaires de présélection, 4) des modèles de mesures d’accommodement, appliqués au Royaume‑Uni, qui permettent de communiquer sur d’autres supports, 5) des modèles basés sur les propres recherches de la SCS, en vue de modifier le QEESD, et 6) permettre à des personnes déficientes d’amener le QEESD à domicile afin de pouvoir se familiariser avec son contenu avant de se présenter de nouveau au processus de présélection des donneurs de sang.

    [39]  Tout en reconnaissant que l’enquêtrice a fait référence à certaines des mesures d’accommodement qu’elle proposait (mais pas toutes), Mme Soullière soutient que cette personne a simplement résumé ses observations sans en évaluer le bien‑fondé. Elle affirme que cela ne répond pas à la norme d’exhaustivité que requiert l’équité procédurale. Elle ajoute qu’elle a même porté ces lacunes à l’attention de la Commission dans les observations qu’elle a présentées en réponse au rapport, mais que la Commission, dans son refus subséquent, n’a fait état d’aucune raison au sujet des mesures d’accommodement proposées. Elle souligne le passage suivant, tiré de la décision du juge Martineau dans Dupuis c Canada (Procureur général), 2010 CF 511, au paragraphe 16 [Dupuis] :

    De plus, lorsque les observations d’une partie font état d’omissions importantes ou substantielles dans l’enquête et étayent ces affirmations, la Commission doit mentionner ces divergences et préciser pourquoi, à son avis, elles ne sont pas importantes ou ne suffisent pas à mettre en doute la recommandation de l’enquêteur; sinon, il faut conclure que la Commission a ignoré ou n’a pas pris en considération ces observations.

    [40]  Mme Soullière soutient que le fait que la Commission n’a pas traité de toutes les autres mesures d’accommodement possibles constitue un manquement à l’équité procédurale, et que la possibilité de présenter des observations en réponse aux lacunes relevées dans un rapport d’enquête ne saurait pallier un manquement à l’équité procédurale dans l’enquête lorsque des éléments de preuve n’ont pas été pris en compte (Herbert c Canada (Procureur général), 2008 CF 969, au paragraphe 18 [Herbert]; Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 CF 574 (CF 1re inst.) [Slattery], aux paragraphes 55 à 57, conf. par (1996), 205 NR 383 (CAF)).

    [41]  Deuxièmement, Mme Soullière allègue que la Commission a également porté atteinte à ses droits en matière d’équité procédurale en ne prenant pas en considération la totalité des observations qu’elle avait présentées en réponse aux deux rapports de l’enquêtrice (concernant à la fois la plainte relative à la SCS et la plainte relative à la SC). Ces observations traitaient des deux rapports d’enquête dans un seul document et, pour ce qui était de la plainte relative à la SCS, la Commission a extrait et examiné seulement les observations qui se rapportaient au rapport de la SCS, et non les parties qui concernaient le rapport d’enquête de SC. Elle soutient que certains aspects des observations relatives au rapport d’enquête de SC avaient trait aux deux plaintes.

      i.  Enquête inadéquate et défaut allégué de prendre en compte des éléments de preuve cruciaux

    [42]  Dans la décision Carroll c Canada (Procureur général), 2015 CF 287, au paragraphe 67 [Carroll], le juge Mosley a analysé les exigences de l’équité procédurale au stade d’une enquête de la Commission :

    La jurisprudence établit clairement qu’une enquête qui ne porte pas sur le fond d’une plainte, et qui n’examine pas une question pertinente ou des éléments de preuve cruciaux, est inéquitable parce qu’elle n’est pas complète. Cette iniquité s’étend à toute décision définitive de rejet rendue par la Commission. La question de savoir si la plaignante a pu présenter des observations n’est pas pertinente. Le fait que des observations aient été présentées, mais qu’on n’en ait pas tenu compte, ne rend pas l’enquête plus complète, mais au contraire moins complète.

    [43]  Les enquêtes que mène la Commission doivent être impartiales et exhaustives. Par exemple, une enquête n’est pas exhaustive si un enquêteur n’examine pas une preuve « manifestement importante » (Slattery, aux paragraphes 49 et 50; Hughes c Canada (Procureur général), 2010 CF 837, aux paragraphes 32 et 33 [Hughes]).

    [44]  Pour ce qui est de l’argument selon lequel l’enquêtrice n’a pas tenu compte de certaines des autres mesures d’accommodement possibles, je conclus que les solutions de rechange non expressément mentionnées dans le rapport sont toutes des variantes de celles qui sont expressément examinées dans le rapport. De façon générale, les mesures d’accommodement de rechange s’inscrivent sous deux thèmes : faire participer au processus un interprète en langage clair ou modifier directement le QEESD afin d’en clarifier le libellé. Dans son rapport, l’enquêtrice a étudié en détail ces solutions de rechange, ainsi que la raison pour laquelle il est impossible que la SCS mette en œuvre de telles solutions sans subir une contrainte excessive.

    [45]  La Commission a conclu, après avoir pris en considération les diverses options, que la SCS ne pouvait pas prendre de mesures d’accommodement à l’endroit de Mme Dewan sans subir une contrainte excessive. Elle n’avait pas à faire référence expressément et en détail à chacune des autres mesures d’accommodement possibles. Le rapport a porté sur les aspects essentiels des solutions de rechange, et c’est tout ce qui était requis. L’équité procédurale n’exige pas que la Commission mentionne tous les éléments de preuve (Bergeron c Canada (Procureur général), 2015 CAF 160, au paragraphe 76; Alkoka c Canada (Procureur général), 2013 CF 1102, au paragraphe 56 [Alkoka]).

    [46]  Dans la décision Hughes, au paragraphe 34, la juge Mactavish a fait état de certaines des considérations concurrentes qui se présentent quand on évalue si une enquête est lacunaire :

    L’obligation de faire preuve d’exhaustivité dans le cadre d’une enquête doit aussi être prise en considération au regard des réalités administratives et financières de la Commission. Dans ce contexte, la jurisprudence établit qu’il est possible de surmonter quelques lacunes dans l’enquête en accordant aux parties le droit de présenter des observations sur le rapport d’enquête. Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel fédérale dans Sketchley, les seules erreurs qui justifient l’intervention d’un tribunal de révision sont les « lacunes [...] à ce point fondamentales que les observations complémentaires présentées par les parties ne suffisent pas à y remédier » : au paragraphe 38.

    [47]  La Commission conserve le vaste pouvoir discrétionnaire de décider s’il est justifié de procéder à un examen plus approfondi (Alkoka, au paragraphe 41) et notre Cour a statué qu’il n’est justifié que les tribunaux interviennent que si la Commission a omis de prendre en considération des preuves « manifestement importantes », et non pour de légères omissions et lacunes que peuvent rectifier les observations supplémentaires que présentent les parties à la Commission (Slattery, aux paragraphes 56 et 57). Un enquêteur n’est pas tenu de faire référence à la totalité des éléments de preuve présentés, pas plus qu’un défaut de le faire n’indique forcément qu’il a omis de tous les prendre en compte. Et, comme il est signalé dans Herbert, au paragraphe 26, « [l]orsque les parties, dans leurs observations au sujet du rapport, ne contestent pas les conclusions de fait tirées par l’enquêteur, mais présentent simplement des arguments pour obtenir une conclusion différente, il n’est pas inapproprié pour la Commission de fournir une réponse courte sous forme de lettre type ».

    [48]  Mme Soullière fait remarquer avec raison que le rapport ne traite expressément des autres mesures d’accommodement possibles qu’au moment de relater les observations des parties. Cependant, je ne crois pas que cela revient à faire abstraction des autres mesures d’accommodement possibles. Au contraire, les longs sommaires, suivis de brèves conclusions, étaient simplement une caractéristique du style de rédaction de l’enquêtrice. Celle‑ci résume en détail les observations de la SCS quant aux limites et aux risques que présentent les autres mesures d’accommodement possibles, et elle indique que ces éléments sont convaincants. Le rapport traite du fond de la plainte, et rien n’indique que l’enquêtrice a oublié d’examiner une question pertinente ou de prendre en considération des éléments de preuve cruciaux. En conséquence, j’estime qu’il n’y a aucune iniquité procédurale, soit dans le processus que l’enquêtrice a suivi, soit, en fin de compte – et j’en traiterai ensuite – dans le fait que la Commission a fait sienne la recommandation de l’enquêtrice. Le rapport traite de toutes les observations principales, dont l’éventail des mesures d’accommodement de rechange proposées.

    [49]  En résumé, l’équité procédurale n’exige pas que la décision détaille expressément la totalité des éléments de preuve présentés. Il n’y a aucune raison, selon moi, pour conclure que l’enquêtrice ou, à son tour, la Commission, a omis de prendre en considération des éléments de preuve cruciaux. Enfin, je traiterai également, ci‑après, de l’argument des « autres mesures d’accommodement possibles » dans le cadre de l’examen approfondi de la décision au sujet de la norme de la raisonnabilité.

      ii.  Le défaut de traiter de l’intégralité des réponses de Mme Soullière

    [50]  Je ne suis pas d’accord non plus avec Mme Soullière qui allègue, toujours au sujet de l’équité procédurale, que la Commission a supprimé irrégulièrement des parties de ses observations en réponse qui se rapportaient à l’autre plainte portée contre SC, plainte à laquelle la SCS n’était pas partie. En fait, la Commission a décidé à juste titre de supprimer les parties de la réponse de Mme Soullière qui se rapportaient à la plainte contre SC. Mme Soullière a déposé deux plaintes (conformément à la procédure de la Commission) : l’une contre la SCS et l’autre contre SC. La SCS n’était pas partie à la plainte visant SC, et elle n’a eu aucune occasion de faire part d’observations sur l’une quelconque des questions soulevées dans le cadre de cette enquête (et vice versa).

    [51]  En conséquence, il aurait peut‑être été inéquitable pour la SCS sur le plan procédural si la Commission avait fusionné les deux plaintes et pris en considération des renseignements recueillis dans le cadre de l’enquête de SC au moment de tirer ses conclusions dans le cadre de la plainte relative à la SCS. Là encore, la SCS n’était pas partie à la plainte concernant SC (et vice versa). Autrement dit, le fait de supprimer les parties de la réponse de Mme Soullière qui se rapportaient à la plainte relative à SC, comme l’enquêtrice l’a fait, était une mesure à la fois appropriée et nécessaire dans les circonstances.

    [52]  C’est plutôt ce que Mme Soullière préconise qui aurait été inéquitable sur le plan procédural. L’avocate de Mme Soullière a décidé de déposer une seule réponse consolidée aux deux rapports d’enquête, qui portaient chacun sur une plainte distincte. Le fait que la Commission a eu besoin de dissocier les renseignements relatifs à chaque plainte n’aurait donc pas dû être surprenant.

    [53]  En conclusion, je ne souscris pas aux allégations d’iniquité qui ont été soulevées. Premièrement, je conclus que l’enquête a été impartiale et exhaustive et que la Commission a traité de toutes les questions pertinentes après avoir pris en considération les observations et les éléments de preuve appropriés. Deuxièmement, je ne relève aucune iniquité dans le fait que l’on a retranché la réponse de la demanderesse au rapport.

    B.  La Commission a‑t‑elle rendu sa décision en l’absence de preuve?

    [54]  Mme Soullière soutient que la conclusion de la Commission – à savoir que les mesures d’accommodement demandées occasionneraient une contrainte excessive à la SCS en créant un risque pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang – ne reposait sur aucune preuve, sur des inférences déraisonnables ou sur de simples conjectures.

    [55]  Mme Soullière affirme qu’il n’y a [traduction« aucune preuve soumise à la Commission qui donnait à penser que les autres mesures d’accommodement proposées causeraient une contrainte excessive à la SCS » (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 50). En particulier, elle soutient que rien ne prouve que la SCS a procédé à une analyse des risques fondée sur des données probantes qui étayerait sa prétention qu’elle subirait une contrainte excessive. C’est donc dire que la Commission n’a pas examiné si la SCS avait démontré qu’elle avait procédé convenablement à une analyse des risques avant de conclure que les autres mesures d’accommodement proposées posaient un risque indu pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang.

    [56]  Par contraste, Mme Soullière attire l’attention sur la politique d’inadmissibilité de la SCS au sujet des hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes. Elle soutient que, dans ce cas particulier, la SCS s’est livrée à une évaluation des risques fondée sur des éléments probants pour déterminer s’il était possible de changer la politique de non‑admissibilité sans compromettre indûment le système d’approvisionnement en sang.

    [57]  De plus, Mme Soullière indique que la SCS, dans le cadre d’un projet pilote mené en 2009, a fait l’essai de confier toutes les fonctions des centres à des employés polyvalents, plutôt qu’à des infirmières. Elle a conclu que le changement ne mettait pas en péril la sécurité et a changé de ce fait le processus de don de sang. Mme Soullière affirme que dans ces deux exemples, la SCS a recueilli des données afin de déterminer le risque réel pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang, mais qu’elle ne l’a pas fait dans le cas présent.

    [58]  Mme Soullière soutient que les faits soumis à la Commission montrent que les autres formes de mesures d’accommodement qu’elle a proposées peuvent répondre aux exigences de présélection que la SCS a établies. Pourtant la Commission n’a pas examiné les autres mesures d’accommodement comparables à l’interprétation en ASL et en langue étrangère, comme la traduction en [traduction« langage clair ». La Commission a donc rendu arbitrairement sa décision en l’absence de preuve sur les risques réels que posaient les autres formes de mesures d’accommodement.

    [59]  C’est là une des questions, mentionnées plus tôt, où les parties divergent fondamentalement d’opinion quant à la norme de contrôle applicable. Mme Soullière soutient que les conclusions ne reposant sur aucune preuve, sur des inférences déraisonnables ou sur de simples conjectures constituent des erreurs de droit assujetties à la norme de contrôle de la décision correcte, car ces erreurs se hissent au rang des « erreurs de compétence ». Mme Soullière invoque l’arrêt Fashoranti c College of Physicians and Surgeons of Nova Scotia, 2015 NSCA 25, au paragraphe 21 [Fashoranti], où la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse s’est fondée sur la décision antérieure qu’elle avait rendue dans Fadelle c Nova Scotia College of Pharmacists, 2013 NSCA 26 [Fadelle], aux paragraphes 12 à 17. Au paragraphe 15 de l’arrêt Fadelle, la cour déclare qu’une conclusion qui ne repose sur aucune preuve est une conclusion arbitraire, ainsi qu’une erreur de droit.

    [60]  Pour sa part, la SCS soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité.

      i.  L’analyse

    [61]  Pour ce qui est de la norme de contrôle, les décisions qui portent sur des questions de fait commandent la retenue (Dunsmuir, au paragraphe 53), tout comme la décision discrétionnaire de la Commission de rejeter une plainte (Halifax, au paragraphe 17).

    [62]  Dans Fadelle, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse devait se pencher sur une loi qui prévoyait un droit d’appel sur [traduction« tout point de droit », et elle devait déterminer à quel moment une erreur commise dans le processus de recherche des faits d’un tribunal administratif pouvait constituer une erreur de droit susceptible d’appel – un contexte tout à fait différent de celui dans lequel s’inscrit la présente demande de contrôle judiciaire. Comme il est indiqué dans Fashoranti au paragraphe 23, et dans Fadelle au paragraphe 12, avant d’appliquer la norme de contrôle du droit administratif, le tribunal doit isoler tout motif d’appel qu’autorise la loi (dans cette affaire, tout « point de droit »). Dans la présente espèce, il n’existe aucun motif d’appel prévu par la loi.

    [63]  Par ailleurs, il n’a pas été conclu dans Fadelle qu’une inférence fondamentalement déraisonnable peut être une erreur de droit, ou qu’une conclusion relative à un fait essentiel qui ne repose sur aucune preuve équivaut à une erreur de compétence, dans le contexte d’une analyse concernant la norme de contrôle applicable. En fait, la Cour d’appel a simplement fait remarquer que les motifs factuels contestés excédaient [traduction« la compétence d’appel de la Cour, qui se limite aux erreurs de droit » (Fadelle, au paragraphe 17; non souligné dans l’original). Il s’agit là d’une proposition tout à fait différente de celle que Mme Soullière a avancée.

    [64]  Par ailleurs, même si l’on fait abstraction du contexte différent de l’arrêt Fadelle et si l’on admet que, en l’espèce, les conclusions de fait du Tribunal ont été considérées à juste titre comme une question de droit, ces conclusions pourraient bien être assujetties maintenant à la norme de contrôle de la raisonnabilité, selon les principes du droit administratif moderne. Il n’y a tout simplement aucune indication que l’une des catégories de questions permettant de réfuter la présomption d’application de la norme de la raisonnabilité est présente en l’espèce (voir, de façon générale, Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47, aux paragraphes 22 à 24 [Edmonton East]; Keith c Canada (Service correctionnel), 2012 CAF 117, au paragraphe 48 [Keith]).

    [65]  Enfin, dans la présente affaire, la norme de contrôle applicable ne ferait aucune différence. Si une conclusion importante, comme celle de savoir si des mesures d’accommodement de rechange entraîneraient une contrainte excessive, n’était effectivement fondée sur aucune preuve, il est difficile d’imaginer des circonstances dans lesquelles une telle décision ne serait pas déraisonnable.

    [66]  Quoi qu’il en soit, j’estime que l’argument selon lequel la décision de la Commission ne repose sur aucune preuve est dénué de tout fondement. Dans le meilleur des cas, l’argument de la demanderesse en l’espèce pourrait être que la décision de la Commission a été fondée sur une preuve insuffisante.

    [67]  D’une façon ou de l’autre, je suis d’avis que la Commission a conclu raisonnablement, au vu des éléments de preuve produits, que les mesures d’accommodement proposées causeraient une contrainte excessive parce que tous les donneurs doivent comprendre les risques et les responsabilités qu’implique un don de sang, et que les propositions qui ont été faites nuiraient à la capacité de la SCS d’évaluer cette compréhension. En bref, à ce stade, j’aimerais rappeler la tragédie du sang contaminé et la mise en garde faite par la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans la décision Canadian Blood Services c Freeman, 2010 ONSC 4885, aux paragraphes 28 à 30 [Freeman], à savoir que les receveurs de sang sont eux aussi vulnérables et que [traduction« ce sont ces mêmes groupes qui, une fois de plus, subiraient les terribles conséquences d’une réduction des normes ayant pour effet d’accroître la transmission d’agents pathogènes ».

    [68]  Étant donné que, selon moi, la norme de contrôle applicable à cette question est celle de la raisonnabilité, je traiterai plus en détail, à la section suivante, des éléments de preuve qui étayent la décision de la Commission.

    C.  La décision de la Commission est‑elle raisonnable?

    [69]  Mme Soullière invoque des arguments semblables ci‑dessus, en soutenant que la décision de la Commission était inéquitable sur le plan procédural. Plus précisément, elle allègue que la Commission n’a pas pris dûment en compte toutes les autres mesures d’accommodement proposées, comme une interprétation en langage clair, et que la conclusion de contrainte excessive n’est étayée par aucune analyse des risques fondée sur des éléments probants.

    [70]  La SCS est d’avis qu’elle ne peut pas modifier le QEESD ou permettre à une tierce partie d’aider Mme Dewan à répondre aux questions relevant du processus de sélection des donneurs.

    [71]  Comme il en a été question plus tôt, le rapport expose en détail les positions des parties et traite des questions en litige et des éléments de preuve essentiels. La Commission a souscrit à la position de la SCS selon laquelle les diverses mesures d’accommodement qui étaient proposées pour Mme Dewan entraîneraient une contrainte excessive, sous la forme d’un risque indu pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang. Cette conclusion est bien étayée par la preuve qui est détaillée dans le rapport, et bien que je ne me propose pas de répéter intégralement ces détails, je soulignerai certains des éléments expliquant pourquoi le fait de passer outre aux mesures de protection établies ou de s’en écarter causerait une contrainte excessive.

    [72]  De nombreux éléments ont été produits au sujet des mesures concrètes prises par la SCS pour répondre dans la mesure du possible aux besoins de personnes telles que Mme Dewan. Il est clair selon moi que la SCS a adopté une approche proactive à l’égard de l’inclusion, en cherchant activement à tenir compte des différences. Il a été démontré qu’en élaborant le processus de présélection des donneurs, dont le QEESD n’est qu’un élément, la SCS a activement cherché à utiliser un langage clair et accessible, en collaborant notamment avec des groupes tels qu’Intégration communautaire, un organisme qui se consacre à soutenir les personnes ayant une déficience intellectuelle et à favoriser leur inclusion (Rapport, aux paragraphes 40 à 43). De plus, la SCS suit de près les normes de l’industrie à l’échelon international et elle examine les questionnaires et les processus de présélection que l’on applique à l’étranger.

    [73]  Cela dit, le processus de présélection est conçu pour être exhaustif et pour produire concrètement des renseignements fiables sur les facteurs de risques – des risques qui touchent à la fois les donneurs potentiels et les receveurs potentiels. C’est la raison pour laquelle, même si la SCS s’est efforcée de remplacer les termes médicaux par des termes clairs, certaines des questions sont forcément complexes, car les renseignements requis le sont aussi.

    [74]  En bref, la preuve démontre que le QEESD, ainsi que le processus complet de présélection, étaient déjà conçus pour être aussi simples que la sécurité le permettait. L’objectif prépondérant de la SCS est de recueillir le maximum de sang possible afin de soutenir le système canadien des soins de santé; de ce fait, elle a tout intérêt à trouver des moyens de répondre aux besoins des donneurs potentiels de façon à pouvoir les intégrer, plutôt que de les exclure. Le fait que la SCS prenne au sérieux les résultats de la Commission Krever et considère que la sécurité du système d’approvisionnement en sang est d’une importance primordiale ne veut pas dire qu’elle fait preuve de discrimination chaque fois qu’elle s’approche des limites des mesures d’accommodement possibles.

    [75]  Le processus de présélection est individualisé. La SCS exige, d’une part, que le donneur potentiel comprenne le processus, ses responsabilités en tant que donneur et les questions qui lui sont posées et, d’autre part, qu’il soit capable de répondre avec exactitude à ces questions et d’assumer les responsabilités prévues. Le fait qu’un donneur potentiel ait une déficience intellectuelle ne le rend pas inadmissible; les dons de sang de certaines personnes ayant une déficience intellectuelle sont acceptés, mais cela se fait au cas par cas, à la condition de pouvoir démontrer que l’on comprend le processus. Par ailleurs, en plus de l’évaluation individualisée qui a lieu dans le cadre du processus normal de présélection, la SCS peut recourir au processus d’EME lui permettant de consulter des médecins et des experts externes, le cas échéant.

    [76]  La SCS interdit en général à une tierce partie (autre que ses propres préposés à la présélection) d’aider un donneur potentiel. L’un des points de discorde est la règle selon laquelle la SCS fait une exception pour les services d’interprétation agréés en ASL et en langues étrangères, mais n’autorise pas la mesure d’accommodement proposée de l’interprétation en langage clair. La SCS exige que les interprètes en ASL et en langues étrangères n’aient aucun lien de dépendance avec le donneur potentiel. Par ailleurs, tous les aspects du processus de présélection doivent être traduits « mot à mot » et non modifiés de quelque manière, ce qui réduit le plus possible le risque d’une erreur d’interprétation.

    [77]  Ces types particuliers d’interprétation sont réglementés, en ce sens que les interprètes doivent être agréés pour pouvoir offrir leurs services. Rien ne prouve, toutefois, que l’interprétation en langage clair soit actuellement un service agréé et réglementé. De plus, comme il a été résumé plus tôt, la preuve indique que le QEESD est déjà le plus clair et accessible possible. Les services d’interprétation ne changent en rien l’exigence de la SCS voulant que, dans tous les cas, le préposé à la présélection doive être parfaitement convaincu que le donneur potentiel a donné un consentement éclairé et qu’il comprend parfaitement les questions posées.

    [78]  Enfin, je souligne que le rapport renvoie expressément et en détail aux observations de Mme Soullière, y compris à sa position à propos de l’interprétation en langage clair (voir le rapport, aux paragraphes 111 à 113 et 126 à 128). En fin de compte, toutefois, la Commission a privilégié les observations de la SCS quant à savoir si d’autres mesures d’accommodement entraîneraient une contrainte excessive. Après avoir examiné cet élément, l’enquêtrice conclut :

    [TRADUCTION]

    Au vu des éléments de preuve, les raisons données par l’intimée pour ne pas avoir pu répondre aux besoins de Mme Dewan en modifiant le QEESD ou en permettant à une tierce partie (comme la plaignante) d’aider Mme Dewan à répondre aux questions posées dans le cadre du processus de présélection des donneurs, paraissent justifiées. La preuve étaye l’idée selon laquelle le fait de faire droit aux mesures d’accommodement que demande la plaignante causerait à la défenderesse une contrainte excessive, car cela créerait un risque inacceptable pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang.

    (Rapport, au paragraphe 131; voir aussi le paragraphe 134.

    [79]  Revenant aux principes fondamentaux de l’appréciation du caractère raisonnable, je suis convaincu que la décision la Commission répond aux exigences relatives « à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », et qu’elle fait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). On peut ne pas être d’accord avec la conclusion de rejeter la plainte au stade de l’enquête, mais c’est une conclusion que la Commission pouvait tirer compte tenu de l’abondante quantité et de la grande qualité des éléments de preuve qui figuraient au dossier. La décision de la Commission est donc raisonnable.

    D.  La Commission a‑t‑elle excédé sa compétence et tranché la plainte?

    [80]  Mme Soullière soutient qu’en rejetant la plainte, la Commission a agi sans compétence ou qu’elle a excédé sa compétence en tranchant la plainte plutôt qu’en appliquant le critère préliminaire qui permet de déterminer si un examen est justifié. Mme Soullière cite l’analyse que fait la Cour suprême du Canada (CSC) au sujet du rôle de la Commission, par opposition à celui du Tribunal, dans l’arrêt Cooper c Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 RCS 854 [Cooper], au paragraphe 53 :

    La Commission n’est pas un organisme décisionnel; cette fonction est remplie par les tribunaux constitués en vertu de la Loi. Lorsqu’elle détermine si une plainte devrait être déférée à un tribunal, la Commission procède à un examen préalable assez semblable à celui qu’un juge effectue à une enquête préliminaire. Il ne lui appartient pas de juger si la plainte est fondée. Son rôle consiste plutôt à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l’ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L’aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s’il existe une preuve suffisante.

    [81]  Mme Soullière soutient que la Commission a outrepassé son rôle limité d’« examinateur » en rejetant la plainte sur la foi de la conclusion que les mesures d’accommodement de rechange causeraient à la SCS une contrainte excessive. Mme Soullière prétend que c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier la preuve relative à cette contrainte excessive et de rendre cette décision. Elle se fonde sur la décision Freeman, au paragraphe 5, qui montre qu’il est nécessaire des recourir à des témoignages d’expert pour comprendre la complexité du fonctionnement du système canadien d’approvisionnement en sang, le cadre réglementaire qui régit ce système, les critères de présélection des donneurs de sang qui sont appliqués dans d’autres pays, ainsi que les principes de gestion de risques qui éclairent la prise de décisions touchant à la sécurité du système d’approvisionnement en sang.

    [82]  Mme Soullière soutient également que les circonstances de l’espèce sont semblables à celles dont il est question dans Dupuis, au paragraphe 23, où notre Cour a écrit :

    D’autre part, plutôt que de se demander s’il existe un fondement factuel aux allégations de discrimination du demandeur, l’enquêteur semble s’être érigé en Tribunal des droits de la personne en se prononçant sur le bien‑fondé de la plainte, préférant, semble‑t‑il, la caractérisation donnée par l’employeur, et ce, sans véritable analyse du fondement des allégations du demandeur. Non seulement les conclusions de l’enquêteur sont‑elles arbitraires et capricieuses, mais on peut raisonnablement s’interroger sur la neutralité et la rigueur du processus d’enquête ayant donné lieu à la décision contestée.

    [83]  Si l’on commence par la question relative à la norme de contrôle, je ne souscris pas aux arguments – pas plus que je ne trouve un appui jurisprudentiel quelconque en leur faveur – que Mme Soullière a invoqués, à savoir que l’on a affaire ici à une véritable question de compétence, qui requiert un contrôle fondé sur la norme de la décision correcte. La norme de contrôle qui s’applique à la décision discrétionnaire de la Commission de rejeter une plainte en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la Loi est plutôt celle de la raisonnabilité, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit ici d’une décision définitive qui a été rendue au début de l’instance (Keith, au paragraphe 47).

    [84]  Cela dit, je reconnais que, dans la décision Gupta c Canada, 2011 CF 56 [Gupta], la norme de la décision correcte a été appliquée à la question de « compétence » qui consistait à savoir si, pour rendre la décision, l’enquêtrice et ensuite la Commission avaient outrepassé leur compétence en se comportant comme le Tribunal. Il convient toutefois de signaler que, dans cette affaire, les parties s’entendaient sur ce point (au paragraphe 18).

    [85]  Fait plus important, dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 59, la CSC souligne que la compétence « s’entend au sens strict de la faculté du tribunal administratif de connaître de la question ». Et depuis Gupta (une affaire que notre Cour a instruite il y a plus de cinq ans), la CSC tend à s’opposer au fait de qualifier les questions en litige de questions de compétence dans le cadre d’un contrôle judiciaire : voir l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers Association, 2011 CSC 61, aux paragraphes 33, 34 et 39.

    [86]  Plus récemment, dans l’arrêt Edmonton East, au paragraphe 26, les juges majoritaires de la CSC ont réitéré que la catégorie de questions touchant à la « compétence » est limitée, si tant est qu’elle ait une application moderne, en disant : « [c]ette catégorie est “restreinte” et ces questions, si tant est qu’elles existent, sont rares ». [Non souligné dans l’original.]

    [87]  Dans l’arrêt Edmonton East, les juges majoritaires ont statué qu’il était évident que le Comité pouvait entendre une plainte relative à une évaluation municipale et que la question portait donc « simplement sur l’interprétation par le Comité de sa loi constitutive dans l’exécution de son mandat consistant à entendre et à trancher les plaintes en matière d’évaluation » (Edmonton East, au paragraphe 26). Étant donné que la présomption d’application de la norme de la raisonnabilité n’a pas été réfutée pour cause de compétence ou autre, les juges majoritaires ont conclu qu’elle s’appliquait.

    [88]  Il ne fait aucun doute en l’espèce qu’il est loisible à la Commission de déterminer si elle peut rejeter ou non une plainte en vertu du sous‑alinéa 44(3)b)(i) de la Loi. Il est vrai néanmoins que la Commission n’est pas autorisée à usurper le rôle du Tribunal et à trancher une plainte sur le fond. Ce n’est toutefois pas ce qu’elle a fait en l’espèce.

    [89]  La Commission a plutôt décidé simplement que la preuve n’était pas suffisante pour justifier une audience complète sur le fond, compte tenu de la preuve préliminaire qui lui avait été présentée, laquelle avait été obtenue et évaluée dans le cadre du processus d’enquête, ainsi que la Loi l’exige. Comme l’a déclaré le juge Barnes de notre Cour dans la décision Tutty c Canada (Procureur général), 2011 CF 57, au paragraphe 14, « la décision de la Commission de rejeter ou de renvoyer une plainte requiert qu’elle apprécie la preuve afin de déterminer si elle est suffisante pour justifier une audience sur le fond », le rôle de la Commission étant analogue à celui que joue un juge à une enquête préliminaire (Cooper, au paragraphe 53).

    [90]  En d’autres termes, la Commission avance sur un chemin glissant, partagée entre ce qu’elle peut faire, c.‑à‑d. se prononcer sur le caractère suffisant de la preuve, et ce qu’elle ne peut pas faire, apprécier de façon générale cette preuve. En fait, la ligne de démarcation entre les deux peut être très mince, et l’équilibre que la Commission doit maintenir est très fragile. La meilleure façon de décrire cet équilibre est que la Commission peut vérifier la valeur probante des éléments de preuve. Cela fait partie de l’évaluation du caractère suffisant de la preuve. Comme l’a décrit le juge Zinn dans Gupta, au paragraphe 24 :

    L’appréciation de la preuve requiert d’évaluer la valeur probante de la preuve – aux fins de cet exercice, le décideur évalue le caractère convaincant d’une preuve particulière en comparaison à une autre preuve. L’évaluation de la suffisance de la preuve nécessite de considérer la valeur probante de la preuve – aux fins de cet exercice, le décideur évalue la question de savoir si la preuve tend à démontrer ou à réfuter certaines allégations, telles que les allégations de discrimination et de harcèlement. Il est généralement accepté qu’il ne relève pas du pouvoir de la Commission ou de l’enquêteur d’apprécier la preuve [...] Il relève toutefois de leur pouvoir d’évaluer la valeur probante de la preuve [...] [Renvois omis.]

    [91]  Les affaires qui portent sur la dernière étape du critère établi dans l’arrêt Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c BCGEU, [1999] 3 RCS 3 [Meiorin], à savoir si les mesures d’accommodement occasionneraient une contrainte excessive, comportent forcément une comparaison entre la preuve relative aux options d’accommodement et celle relative aux contraintes en résultant. Aucune formule scientifique ne permet de déterminer à quel moment une contrainte devient « excessive ». Cependant, la jurisprudence n’indique pas que la Commission ne peut pas décider de rejeter une plainte pour cause de contrainte excessive (c.‑à‑d. que cet aspect ne peut être évalué que par le Tribunal). En l’espèce, la décision de la Commission, qui a conclu que la preuve n’était pas suffisante pour justifier la tenue d’une audience complète devant le Tribunal, n’a pas franchi la ligne de démarcation.

    [92]  Au troisième volet du cadre établi dans l’arrêt Meiorin, il incombe au défendeur (en l’occurrence, la SCS) de justifier la norme contestée en établissant, selon la prépondérance des probabilités, qu’aucune autre mesure d’accommodement n’est possible sans contrainte excessive (Meiorin, aux paragraphes 54 et 55). Mme Soullière soutient que, s’il n’est pas évident qu’une mesure d’accommodement donnera lieu à une contrainte excessive, à cette étape de l’examen du caractère suffisant, force est de conclure que la question sera à juste titre renvoyée au Tribunal pour qu’il la tranche sur le fond.

    [93]  Je conviens que la déclaration de l’enquêtrice selon laquelle les observations portant sur la question de la contrainte excessive [traduction« semblent justifiées » n’est pas la mieux tournée, mais il est néanmoins bien connu que, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il y a lieu de considérer la décision visée « comme un tout et de s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » : SCCEP, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34, au paragraphe 54. Le rapport conclut concrètement que la [traduction« mesure d’accommodement demandée par la plaignante [...] causerait une contrainte excessive à l’intimée, car elle créerait un risque indu pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang ». [Non souligné dans l’original.] Comme nous l’avons vu plus tôt, la preuve était plus que suffisante pour tirer cette conclusion, qui a été appliquée d’une manière conforme à l’analyse effectuée dans Meiorin, comme il est expliqué ci‑après.

    [94]  En résumé, je conclus que la Commission a considéré l’ensemble de la preuve et qu’elle a raisonnablement décidé que celle‑ci n’était pas suffisante pour étayer une conclusion de discrimination. Il s’agit là d’une décision qui relève de son pouvoir discrétionnaire, qui n’empiète pas sur la compétence du Tribunal et qui commande la retenue. Et si j’ai tort d’affirmer qu’elle commande la retenue, je conclurai néanmoins que la Commission n’a pas commis d’erreur. Celle‑ci a entrepris en l’espèce un processus d’examen équilibré, un processus qui relevait de son pouvoir, comme le prescrit la Loi.

    E.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit?

      i.  La Commission a‑t‑elle appliqué le mauvais critère juridique à la question de la contrainte excessive?

    [95]  Mme Soullière soutient que la Commission a commis une erreur de droit au moment de déterminer si le fait de tenir compte de la déficience de Mme Dewan entraînerait une contrainte excessive, et ce, en n’examinant pas les autres formes de mesures d’accommodement qu’elle avait proposées, ce qui est contraire à l’arrêt Meiorin.

    [96]  Mme Soullière fait valoir que cette question est assujettie à la norme de la décision correcte, affirmant simplement qu’elle soulève un point de droit qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte et citant l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 50, sans plus de détails. Elle affirme, subsidiairement, que l’erreur serait quand même fatale au regard de la norme de la raisonnabilité.

    [97]  Dès que le plaignant a établi qu’il y a, à première vue, discrimination, comme l’a fait la Commission en l’espèce, le fardeau de la preuve revient à l’intimé. Autrement dit, c’est à la SCS qu’il incombait de démontrer qu’elle subirait une contrainte excessive si l’on recourait à une norme d’accommodement différente. L’arrêt Meiorin énonce un critère en trois volets pour déterminer si une norme discriminatoire à première vue est justifiée (au paragraphe 54) :

    1) qu’il [l’employeur] a adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

    2) qu’il [l’employeur] a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

    3) que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail. Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible de composer avec les employés qui ont les mêmes caractéristiques que le demandeur sans que l’employeur subisse une contrainte excessive.

    [98]  Bien que le critère de l’arrêt Meiorin ait été élaboré dans un contexte de discrimination en matière d’emploi, il s’applique également à la prestation de services de l’État (Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c Colombie‑Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 RCS 868, aux paragraphes 21, 22, 43 et 44).

    [99]  C’est le troisième volet du critère de l’arrêt Meiorin qui pose principalement problème en l’espèce. Dans l’affaire Meiorin, le gouvernement n’a pas réussi à démontrer que la norme aérobique particulière à laquelle la plupart des femmes ne pouvaient satisfaire était raisonnablement nécessaire pour exécuter de manière sûre et efficace le métier de pompier forestier. La CSC a conclu que le gouvernement n’avait pas établi qu’une norme différente lui imposerait une contrainte excessive, car rien ne prouvait qu’une autre norme poserait un risque indu et compromettrait l’exécution sûre du travail en cause (au paragraphe 79) :

    L’arbitre a fait remarquer, au sujet des arguments du gouvernement sur ce point, que, [traduction] « outre les éléments de preuve constitués d’anecdotes ou d’impressions relativement à l’ampleur du risque que comporte la prise de mesures pour remédier à la discrimination par suite d’un effet préjudiciable subie par l’auteur du grief, l’employeur n’a présenté aucun élément de preuve convaincant [...] à l’appui de son point de vue qu’il ne peut pas composer avec Mme Meiorin en raison de dangers pour la sécurité ». L’arbitre a conclu que la preuve n’établissait pas que Mme Meiorin présentait un risque grave pour sa propre sécurité, celle de ses collègues et celle du public en général. Par conséquent, il a conclu que le gouvernement n’avait pas composé avec elle jusqu’à ce qu’il en résulte pour lui une contrainte excessive. On n’a soumis à notre Cour aucune raison de modifier sa conclusion à ce sujet, et je refuse de le faire. Le gouvernement ne s’est pas acquitté de son obligation de démontrer que, sur le plan du but dans lequel il a adopté la norme aérobique, le recours à une norme différente l’obligerait à faire des concessions qui lui imposeraient une contrainte excessive.

    [100]  Mme Soullière souligne également que le fait que Mme Meiorin ait été soumise à un test individualisé ne protégeait pas le gouvernement car, dans cette affaire, l’évaluation individuelle n’annulait pas la discrimination. La CSC a plutôt conclu que Mme Meiorin n’avait pas été évaluée selon une norme réaliste qui reflétait ses capacités et son apport potentiel.

    [101]  Appliquant ce résultat à la présente affaire, Mme Soullière soutient qu’en n’examinant pas dûment les autres mesures d’accommodement qu’elle proposait, l’enquêtrice et, de ce fait, la Commission, n’ont pas correctement appliqué le troisième volet du critère de l’arrêt Meiorin.

    [102]  Mme Soullière affirme par ailleurs que l’enquêtrice a abordé l’enquête en trois parties, dont aucune ne répond aux questions centrales que soulèvent les trois volets du critère de l’arrêt Meiorin. Elle soutient qu’un enquêteur qui n’applique pas correctement le critère de l’arrêt Meiorin commet une erreur susceptible de contrôle, citant à cet effet la décision Walsh c Canada (Procureur général), 2015 CF 230, aux paragraphes 23 à 33 [Walsh].

    [103]  Contrairement à ces observations, je conclus que la Commission a examiné les questions en litige d’une manière qui respecte le critère de l’arrêt Meiorin, y compris le troisième volet visant à déterminer s’il était possible de tenir compte des besoins de Mme Dewan sans contrainte excessive. La présente affaire ne ressemble pas à l’affaire Walsh, dans laquelle l’enquêteur n’avait pas tenu compte du troisième volet, crucial, du critère de l’arrêt Meiorin et n’avait pris aucunement en considération la question de la mesure d’accommodement ne constituant une contrainte excessive (Walsh, aux paragraphes 31 à 33).

    [104]  En l’espèce, l’enquêtrice a traité de la question de savoir s’il y aurait une contrainte excessive et elle a conclu que ce serait le cas, compte tenu de la preuve portant sur les risques pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang que causerait l’adoption de l’une des nombreuses mesures d’accommodement proposées (examinées dans le rapport, aux paragraphes 40 à 101). Aux paragraphes 93 et 95 du rapport, l’enquêtrice a noté l’observation de la SCS selon laquelle les vies des [traduction« patients dépendent du fait [que la SCS] s’acquitte de son mandat d’assurer un approvisionnement adéquat en produits sanguins sûrs et de grande qualité », et que d’exiger la prise de certaines mesures d’accommodement ayant pour effet de mettre en danger la vie d’autres personnes défie toute logique (citant Simcoe (County) c Ontario Public Service Union (2009), 314 DLR (4th) 756, au paragraphe 30 (C. Div. Ont.), [2009] OJ No 5221).

    [105]  La conclusion que la Commission a pris en compte les autres mesures d’accommodement possibles et la contrainte que celles‑ci occasionneraient est donc parfaitement raisonnable. Il s’agit d’une autre variante du même argument qui a été rejeté plus tôt (sous la rubrique de l’« équité procédurale » et de l’« absence de preuves »). D’une façon ou d’une autre, comme la Commission a adopté le bon critère juridique, je ne trouve rien à redire à la façon dont celui‑ci a été appliqué. Les trois étapes, énoncées au début du rapport et analysées aux paragraphes 23 à 31 qui précèdent, correspondent étroitement au cadre établi dans l’arrêt Meiorin.

    [106]  Quant à la question cruciale de savoir si la défenderesse a satisfait au troisième volet de l’arrêt Meiorin, l’enquêtrice a dûment vérifié – contrairement à l’affaire Walsh –si la SCS avait pris des mesures d’accommodement à l’égard de personnes présentant les caractéristiques de Mme Dewan au point d’en subir une contrainte excessive, en s’attardant aux façons dont la SCS aurait pu répondre aux besoins de Mme Dewan.

    [107]  Comme l’enquêtrice le mentionne dans le rapport, la SCS a procédé à une évaluation individualisée de Mme Dewan, après avoir conçu le processus pour qu’il soit aussi accessible que possible et aussi simple que la sécurité le permette, d’après le témoignage de la Dre Goldman. Ce témoignage a révélé, et l’enquêtrice l’a noté dans son rapport, que les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle ne sont pas nécessairement exclues, hormis celles qui ne sont pas en mesure de comprendre le processus. Malheureusement, Mme Dewan fait partie de cette dernière catégorie, ce que personne ne souhaitait. La preuve sur laquelle repose la décision de la Commission n’était pas simplement anecdotique ou fondée sur des impressions.

    [108]  En fin de compte, après avoir pris en considération les autres mesures d’accommodement possibles, l’enquêtrice conclut que l’application des autres mesures d’accommodement demandées par Mme Soullière, pour le compte de sa fille, causerait une contrainte excessive en créant un risque indu pour la sécurité du système d’approvisionnement en sang – une conclusion raisonnable.

      ii.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit en refusant de reconnaître qu’elle est tenue à une obligation procédurale d’accommodement?

    [109]  Mme Soullière soutient que la Commission a commis une erreur en rejetant son argument voulant qu’elle soit tenue à une obligation procédurale autonome et distincte de prendre une mesure d’accommodement sous le régime de la Loi. Selon Mme Soullière, la Commission a mal appliqué l’arrêt Cruden dans lequel la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il n’existe aucune obligation procédurale si le défendeur a satisfait au critère en trois volets de l’arrêt Meiorin, qui vise à déterminer s’il y a contrainte excessive.

    [110]  Mme Soullière soutient que, pour conclure à l’existence d’une contrainte excessive et au respect du critère établi dans l’arrêt Meiorin, il est nécessaire que la défenderesse démontre qu’il serait impossible de répondre aux besoins de sa fille. La SCS devrait donc procéder à une évaluation des autres mesures d’accommodement possibles, et [traduction« [c’]est pourquoi l’obligation procédurale d’accommodement est pertinente pour ce qui est de l’obligation de fond de prendre des mesures d’accommodement et de l’examen de la contrainte excessive » (mémoire des faits et du droit de la demanderesse, au paragraphe 71).

    [111]  Autrement dit, Mme Soullière est d’avis qu’en manquant à son obligation procédurale de de chercher d’autres formes de mesures d’accommodement, la SCS a manqué à son obligation de fond. Cela étant, Mme Soullière – encore là, pour cette raison – soutient qu’il est justifié de procéder à un autre examen pour déterminer si les autres mesures d’accommodement causeraient une contrainte excessive. Elle estime que l’empressement avec lequel la SCS l’a informée que Mme Dewan [traduction« ne pourrait jamais » donner de sang, était symptomatique du défaut de la SCS de prendre des mesures d’accommodement sur le plan procédural ou de chercher d’autres mesures d’accommodement.

    [112]  Je ne suis pas d’accord. La Commission a correctement appliqué l’arrêt Cruden, dans lequel la Cour d’appel fédérale conclut que l’obligation d’accommodement ne comporte aucun élément procédural indépendant (au paragraphe 16). Cet arrêt lie notre Cour. Le passage de l’arrêt Meiorin qui a été invoqué à cet égard, au paragraphe 18 de l’arrêt Cruden, se lit comme suit :

    66  Malgré le chevauchement des deux examens, il peut souvent se révéler utile, en pratique, d’examiner séparément, d’abord, la procédure, s’il en est, qui a été adoptée pour étudier la question de l’accommodement, et, ensuite, la teneur réelle d’une norme plus conciliante qui a été offerte ou, subsidiairement, celle des raisons pour lesquelles l’employeur n’a pas offert une telle norme: voir, de manière générale [...].

    [Meiorin, précité, au paragraphe 66; non souligné dans l’original.]

    [113]  Ce paragraphe est un simple commentaire sur le troisième volet du critère établi dans l’arrêt Meiorin, qui n’était pas destiné à créer un droit d’accommodement procédural distinct (Cruden, au paragraphe 21). Le processus que la défenderesse a suivi pour déterminer si une mesure d’accommodement était possible n’est qu’un des facteurs à prendre en compte au troisième volet du critère, où le fardeau de la preuve lui incombe. C’est également ce qui se dégage de l’une des considérations dont la CSC fait mention dans l’arrêt Meiorin, au paragraphe 65 : « [l’]employeur a-t-il cherché à trouver des méthodes de rechange qui n’ont pas d’effet discriminatoire, comme les évaluations individuelles en fonction d’une norme qui tient davantage compte de l’individu? »

    [114]  Comme il a été conclu que la Commission n’a commis aucune erreur de droit, la plainte de Mme Soullière qui sous‑tend cet argument – à savoir que la SCS et, ensuite, la Commission, n’ont pas pris en considération la totalité des autres mesures d’accommodement possibles – a déjà été examinée et réglée plus tôt. Il s’agit là d’une autre variante de cet argument, et j’ai déjà exposé plus tôt ma conclusion selon laquelle la SCS s’efforce activement de répondre aux besoins de Mme Dewan et des personnes qui présentent des caractéristiques semblables.

    [115]  Enfin, en présentant cet argument, Mme Soullière a mentionné qu’on avait dit à Mme Dewan qu’elle ne pourrait « jamais » donner de sang. Selon le rapport, tout don de sang de Mme Dewan est considéré par la SCS comme étant [traduction« reporté indéfiniment », ce qui veut dire, comme la SCS l’a confirmé après l’audience, que Mme Dewan pourrait donner du sang dans l’avenir si les circonstances changent et qu’elle est en mesure de franchir l’étape de la sélection préliminaire. Il ressort du dossier que Mme Dewan, bien qu’intellectuellement déficiente, continue de se développer. Dans cet esprit, j’espère sincèrement qu’un jour Mme Dewan se sera suffisamment développée pour pouvoir franchir avec succès l’étape de la sélection préliminaire et réaliser ainsi son admirable espoir de donner du sang.

    F.  La Commission a‑t‑elle commis une erreur en reconnaissant que la plainte se rapportait à un « service » au sens de la Loi?

    [116]  Avant que la décision visée par le présent contrôle judiciaire – et fondée sur l’art. 44 – soit rendue, la SCS avait demandé à la Commission de ne pas statuer sur la plainte au stade de l’examen préliminaire, conformément à l'article 41 de la Loi. À ce stade, la Commission a décidé qu’il n’était pas « manifeste et évident » que l’activité en question n’était pas un service, et elle a donc donné suite à la plainte. Quand la SCS a soulevé de nouveau cet argument au stade de l’article 44, il a été rejeté au motif que la Commission avait déjà examiné la question.

    [117]  La SCS a donc fait valoir que, même si notre Cour devait conclure que la Commission a commis une erreur en décidant de rejeter la plainte au vu de la preuve produite, aucun examen ne serait justifié, car la collecte de sang n’est pas un « service » offert aux donneurs au sens de l’article 5 de la Loi.

    [118]  La Commission, qui est intervenue en l’espèce, a fait valoir que la Cour n’a pas besoin de se prononcer sur cette question de « service » pour statuer sur la présente demande. En fait, elle a soutenu qu’il suffit à la Cour de décider si la décision de la Commission de rejeter la plainte en vertu de l’article 44 de la Loi était raisonnable. Quoi qu’il en soit, la Commission a fait valoir que, si la SCS avait voulu contester la décision, fondée sur l’article 41 et datée du 18 décembre 2013, de statuer sur la plainte, elle aurait dû demander à ce moment que la décision soit soumise à un contrôle judiciaire.

    [119]  Sur ce dernier point, je suis d’accord avec la SCS – et la jurisprudence; la SCS aurait pu valablement attendre que la décision fondée sur l’article 44 (et qui est visée par le présent contrôle) ait été rendue pour contester la question du service.

    [120]  Cependant, comme j’ai conclu que la Commission n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en rejetant la plainte déposée contre la SCS en vertu de l’article 44, il n’y a pas lieu d’examiner sa décision sur la question du « service ». Pour que les choses soient bien claires, mon opinion n’est pas une approbation ou un rejet de la décision de la Commission sur la question du « service ».

    VII.  Conclusion

    [121]  Pour tous les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je ne vois aucune raison de conclure que la décision était inexacte ou déraisonnable. De ce fait, il n’y a pas lieu de statuer sur l’argument de la SCS selon lequel elle ne fournit pas un « service » au sens de la Loi.

    [122]  Les parties ont convenu qu’il n’y aurait aucune adjudication de dépens.


    JUGEMENT RENDU DANS LE DOSSIER T‑690‑15

    LA COUR STATUE :

    1. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

    2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

    « Alan S. Diner »

    Juge


    COUR FÉDÉRALE

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


    DOSSIER :

    T‑690‑15

     

    INTITULÉ :

    YVONNE SOULLIÈRE c SOCIÉTÉ CANADIENNE DU SANG, SANTÉ CANADA et COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

     

    LIEU DE L’AUDIENCE :

    Toronto (Ontario)

     

    DATE DE L’AUDIENCE :

    LES 15 ET 16 mai 2017

     

    JUGEMENT ET MOTIFS :

    LE JUGE DINER

     

    DATE DES MOTIFS :

    LE 17 JUILLET 2017

     

    COMPARUTIONS :

    Tess Sheldon

    Karen Spector

     

    POUR LA demanderesse

     

    Karen Jensen

     

    POUR LA défenderesse

    SOCIÉTÉ CANADIENNE DU SANG

     

    Joseph Cheng

     

    POUR LE défendeur

    SANTÉ Canada

     

    Ikram Warsame

     

    POUR L’INTERVENANTE

     

    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

    ARCH Disability Law Centre

    Avocats

    Toronto (Ontario)

     

    POUR LA demanderesse

     

    Norton Rose Fulbright

    Avocats

    Toronto (Ontario)

     

    POUR LA défenderesse

    SOCIÉTÉ CANADIENNE DU SANG

     

    Nathalie G. Drouin

    Sous‑procureure générale du Canada

    Toronto (Ontario)

     

    POUR LE défendeur

    SANTÉ Canada

     

    Commission canadienne des droits de la personne

    Division des services du contentieux

    Toronto (Ontario)

     

    POUR L’INTERVENANTE

     

     

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