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Date : 20161011


Dossiers : T-1741-08

T-1946-09

Référence : 2016 CF 1130

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 octobre 2016

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

EXCALIBRE OIL TOOLS LTD., EXCALIBRE DOWNHOLE TOOLS LTD., KUDU INDUSTRIES INC., CARDER INVESTMENTS LP, CARDER MANAGEMENT LTD. ET LOGAN COMPLETION SYSTEMS INC.

demandeurs

et

ADVANTAGE PRODUCTS INC., LYNNE P. TESSIER, JAMES L. WEBER ET JOHN P. DOYLE

défendeurs

Dossier : T-1946-09

ET ENTRE :

ADVANTAGE PRODUCTS INC., LYNNE P. TESSIER, JAMES L. WEBER ET JOHN P. DOYLE

demandeurs

et

EXCALIBRE OIL TOOLS LTD., EXCALIBRE DOWNHOLE TOOLS LTD., KUDU INDUSTRIES INC., CARDER INVESTMENTS LP, CARDER MANAGEMENT LTD. ET LOGAN COMPLETION SYSTEMS INC.

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]               Cette ordonnance est rendue dans le contexte de l’instruction d’une action en contrefaçon de brevet. Les défendeurs dans le dossier T-1741-08 [les parties Advantage Products Inc. ou API] :

a)      sollicitent une ordonnance en vertu de l’article 289 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, enjoignant aux demandeurs [les parties Excalibre] d’inclure, dans leurs extraits consignés en preuve conformément à l’article 288 des Règles, des extraits additionnels des transcriptions des questions posées et des réponses données par James Weber et Lynn Tessier lors des interrogatoires préalables des défendeurs;

b)      s’opposent à la proposition des demandeurs de consigner en preuve les questions et les réponses données par Lynn Tessier aux pages 80 à 82 de la transcription des interrogatoires préalables ou, à titre subsidiaire, d’ajouter des extraits additionnels se trouvant à la page 82 de cette transcription.

I.                   Extraits pertinents

[2]               L’article 288 des Règles permet à une partie de présenter en preuve à l’instruction des dépositions recueillies lors de l’interrogatoire préalable d’une partie adverse. L’article 289 des Règles porte que la Cour peut ordonner d’inclure tout autre extrait de ces dépositions qui ne devrait pas être omis. L’article 290 des Règles permet à une partie de présenter en preuve tout ou partie d’une déposition recueillie lors de l’interrogatoire préalable d’une personne incapable de témoigner à l’instruction en raison d’une maladie et pour certaines autres raisons.

Utilisation de l’interrogatoire préalable lors de l’instruction

Use of Examination for Discovery at Trial

Extrait des dépositions

Reading in examination at trial

288 Une partie peut, à l’instruction, présenter en preuve tout extrait des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable d’une partie adverse ou d’une personne interrogée pour le compte de celle-ci, que la partie adverse ou cette personne ait déjà témoigné ou non.

288 A party may introduce as its own evidence at trial any part of its examination for discovery of an adverse party or of a person examined on behalf of an adverse party, whether or not the adverse party or person has already testified.

Extraits pertinents

Qualifying answers

289 Lorsqu’une partie présente en preuve des extraits des dépositions recueillies à l’interrogatoire préalable, la Cour peut lui ordonner de produire tout autre extrait de ces dépositions qui, à son avis, est pertinent et ne devrait pas être omis.

289 The Court may order a party who uses part of an examination for discovery as its own evidence to introduce into evidence any other part of the examination for discovery that the Court considers is so related that it ought not to be omitted.

Non-disponibilité d’un déposant

Unavailability of deponent

290 La Cour peut, à l’instruction, autoriser une partie à présenter en preuve tout ou partie d’une déposition recueillie à l’interrogatoire préalable, à l’exception de celle d’une personne interrogée aux termes de la règle 238, si les conditions suivantes sont réunies :

a) l’auteur de la déposition n’est pas en mesure de témoigner à l’instruction en raison d’une maladie, d’une infirmité ou de son décès, ou il ne peut être contraint à comparaître;

b) sa déposition ne peut être recueillie par voie de commission rogatoire.

 

290 The Court may permit a party to use all or part of an examination for discovery of a person, other than a person examined under rule 238, as evidence at trial if

(a) the person is unable to testify at the trial because of his or her illness, infirmity or death or because the person cannot be compelled to attend; and

(b) his or her evidence cannot be obtained on commission.

[3]               Il y a quatre extraits consignés en preuve par les parties Excalibre qui sont en litige : deux en lien avec l’interrogatoire préalable de James Weber le 20 décembre 2010, et deux en lien avec l’interrogatoire préalable de Lynn Tessier le 6 janvier 2011. Aucune des questions et réponses visées par une objection ne repose sur un manque de pertinence :

  1. Onglet B – les lignes 122:2 à 122:15 avec 123:27 à 124:22 fournissent supposément un contexte;
  2. Onglet B – les lignes 132:13 à 132:27 avec 132:4 à 132:12 fournissent supposément un contexte;
  3. Onglet D – les lignes 80:15 à 82:11 avec 82:2 à 82:17 fournissent supposément un contexte;
  4. Onglet D – les lignes 182:16 à 183:19 avec 182:7 à 182:15 fournissent supposément un contexte (« pièce no 7 »).

[4]               Une seule série de questions et réponses est visée par une objection au motif qu’elle constitue du ouï-dire (ONGLET D – lignes 80:15 à 82:11). En ce qui concerne les trois autres séries de questions et réponses que les demandeurs cherchent à consigner en preuve, les défendeurs souhaitent y ajouter des questions et réponses additionnelles, au motif que ces additions clarifient les extraits consignés, en expliquent le contexte et ajoutent une valeur importante à l’appréciation de la preuve par la Cour. Les demandeurs s’opposent à ces additions au motif que l’action de clarifier ou d’expliquer ne veut pas dire qu’on peut faire intégrer au dossier d’autres questions et réponses, lorsqu’un témoin a donné une réponse différente à la même question, afin de clarifier ou d’expliquer la réponse originale (Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) c. Fast, 2002 CFPI 542, aux paragraphes 1 et 2 (C.F. 1re inst.); MediaTube Corp et al v Bell Canada (Mediatube), 2016 FC 1066, aux paragraphes 5 à 8 [MediaTube]).

[5]               La décision du juge Locke dans MediaTube, précitée, concerne l’autorisation de corrections aux réponses d’extraits pertinents, et se distingue du cas en l’espèce.

[6]               En l’espèce, les questions ont trait au fait de savoir si les passages consignés par les demandeurs manquent de contexte ou de matière, à l’exception du passage visé par une objection parce qu’il constitue du ouï-dire.

[7]               Je suis d’avis que le juge Gibson (tel était alors son titre) a exprimé dans la décision Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd., 2001 CFPI 1404 (CF 1re inst.), aux paragraphes 112 et 113, quel était le critère à appliquer pour autoriser des extraits qui sont pertinents ou qui apportent une précision :

112 Je crois comprendre qu’il n’est pas rare dans les affaires comme celle qui fait l’objet des présents motifs que les avocats aient de la difficulté à s’entendre sur l’étendue des extraits à verser au dossier provenant des interrogatoires préalables. En l’espèce, l’avocat des défenderesses a fait valoir que je devrais accepter certaines additions aux extraits à introduire en preuve pour le compte de la demanderesse. Il a cité la décision Foote et al. c. Royal Columbian Hospital et al., où le juge en chef McEachern a écrit à la page 98 :

[traduction] À mon avis, la Cour peut, de sa propre initiative ou sur demande d’une partie, introduire en preuve toutes les parties qui se rattachent raisonnablement à des parties d’un interrogatoire qui ont déjà été introduites en preuve. Pour déterminer si des parties de l’interrogatoire sont rattachées, la Cour peut prendre en compte le fil des idées ou du sujet, le but visé par l’introduction de la preuve en premier lieu et l’équité, au sens où la preuve devrait représenter la réponse complète du témoin sur ce qui fait l’objet de l’enquête dans la mesure où le témoin l’a exprimée dans les réponses qu’il a données au cours de son interrogatoire préalable. De cette manière, la Cour cherche à faire en sorte que le témoignage sur chaque question soit complet, mais la Cour doit, bien sûr, aussi veiller avec soin à ce que ne soient pas admises en preuve des réponses qui, compte tenu du déroulement de l’instruction, devraient être présentées, si tant est qu’elles peuvent l’être, par la voie de témoignages oraux.

113 J’ai accepté en preuve les éléments additionnels des interrogatoires préalables proposés pour le compte des défenderesses. Au [sic] pages 838 et 839 du volume 9 de la transcription, ma décision est consignée de la façon suivante, toujours avec des modifications de forme seulement :

[traduction] [L’avocat de la demanderesse] m’a décliné un ensemble de règles, notamment donner un sens à ce qui en est dépourvu ou fournir des explications, inclure tout ce qui modifie, contredit une réponse ou en restreint la portée, tout ce qui complète une réponse dans des circonstances où cela n’est pas inéquitable; quant à moi, pour mes propres besoins, je ferais la synthèse de toutes ces règles dans un seul terme, la « mise en contexte ». Tout ce qui ne met pas en contexte, n’est pas rattaché ne devrait pas être admis. Mais tout ce qui met en contexte ce qu’une partie se propose d’introduire, que ce soit par la voie d’explication, d’amplification, de contradiction, de restriction, quel que soit le terme employé – toutes choses que j’inclus dans la « mise en contexte » – devrait être admis, particulièrement dans les circonstances où la mise en contexte permet au juge qui préside d’accorder le poids voulu.

[8]               Ce point de vue est, en grande partie, conforme à la décision de la Cour dans Weatherford Canada Ltd. v. Corlac Inc., 2009 FC 449, aux paragraphes 2 et 3 :

[traduction]

2    Le principe fondamental de l’article 289 des Règles n’est pas contesté, soit de veiller à ce que les extraits des réponses aux questions reflètent de façon juste les vraies réponses fournies. Le juge Pelletier (tel était son titre) dans Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’Immigration) c. Fast, 2002 CFPI 542, a brièvement résumé la manière d’aborder la question – soit en se demandant si le témoignage supplémentaire indiquait soit que le témoin n’avait pas compris la question en cause, ou que le texte qu’on voulait faire intégrer était trompeur, au sens où il suggérait qu’à ce moment-là, le témoin disait une chose, alors qu’en fait il en disait une autre.

3    Le juge Gibson, dans la décision Almecon Industries Ltd. c. Anchortek Ltd. (2002), 17 C.P.R. (4th) 74, a donné à l’article un sens légèrement plus large et il a fait référence à la mise en contexte. Je ne retiens de cette décision que le fait que les questions et les réponses doivent être examinées en contexte.

[9]               En ayant à l’esprit les principes directeurs qui précèdent, je conclus que :

  1. les extraits pertinents aux lignes 123:27 à 124:22 ne devraient pas être autorisés, puisqu’ils constituent une série de questions distincte qui n’explique pas les questions posées et jointes en tant qu’extraits pour les demandeurs et n’y ajoute aucun contexte;
  2. l’extrait pertinent aux lignes 132:4 à 132:12 devrait être autorisé, puisqu’il constitue une réflexion apparentée qui explique les extraits et fournit le contexte nécessaire;
  3. les extraits aux lignes 80:15 à 82:1, à l’exception des lignes 80:21 à 80:27 et 81:1 qui constituent du ouï-dire et devraient être exclues, ont été correctement portés à l’attention du témoin à l’instruction; les extraits pertinents aux lignes 82:2 à 82:17 ne sont pas autorisés, parce qu’ils constituent du ouï-dire et n’expliquent pas le contexte.
  4. les extraits pertinents aux lignes 182:7 à 182:15 sont autorisés, puisqu’ils fournissent un contexte et aident à expliquer les extraits associés.

JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                  les extraits pertinents aux lignes 123:27 à 124:22 ne devraient pas être autorisés, puisqu’ils constituent une série de questions distincte qui n’explique pas les questions posées et jointes en tant qu’extraits pour Excalibre et n’y ajoute aucun contexte;

2.                  l’extrait pertinent aux lignes 132:4 à 132:12 devrait être autorisé, puisqu’il constitue une réflexion apparentée qui explique les extraits et fournit le contexte nécessaire;

3.                  les extraits aux lignes 80:15 à 82:1, à l’exception des lignes 80:21 à 80:27 et 81:1, qui constituent du ouï-dire et devraient être exclues, ont été correctement portés à l’attention du témoin à l’instruction; les extraits pertinents aux lignes 82:2 à 82:17 ne sont pas autorisés, parce qu’ils constituent du ouï-dire et n’expliquent pas le contexte.

4.                  les extraits pertinents aux lignes 182:7 à 182:15 sont autorisés, puisqu’ils fournissent un contexte et aident à expliquer les extraits associés.

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1741-08

 

INTITULÉ :

EXCALIBRE OIL TOOLS LTD., EXCALIBRE DOWNHOLE TOOLS LTD., KUDU INDUSTRIES INC., CARDER INVESTMENTS LP, CARDER MANAGEMENT LTD. ET LOGAN COMPLETION SYSTEMS INC. c. ADVANTAGE PRODUCTS INC., LYNNE P. TESSIER, JAMES L. WEBER ET JOHN P. DOYLE

 

ET DOSSIER :

T-1946-09

 

INTITULÉ :

ADVANTAGE PRODUCTS INC., LYNNE P. TESSIER, JAMES L. WEBER ET JOHN P. DOYLE c. EXCALIBRE OIL TOOLS LTD., EXCALIBRE DOWNHOLE TOOLS LTD., KUDU INDUSTRIES INC., CARDER INVESTMENTS LP, CARDER MANAGEMENT LTD. ET LOGAN COMPLETION SYSTEMS INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 SEPTEMBRE 2016

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 OCTOBRE 2016

 

COMPARUTIONS :

M. Doak Horne

M. Shaun Cody

POUR LES DEMANDEURS

 

M. Christopher Kvas

M. William Regan

M. Dominic Venturo

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GOWLING WLG

Calgary (Alberta)

 

Pour les demandeurs

 

NEW HORIZON LAW

Calgary (Alberta)

POUR LES DEMANDEURS

PIASETZKI NENNIGER KVAS LLP

Toronto (Ontario)

Pour les DÉFENDEURS

 

 

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