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Date : 20170705


Dossier : IMM-5034-16

Référence : 2017 CF 653

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2017

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

CARSANDRA ALEXANDER

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse, Carsandra Alexander, a quitté la Grenade pour venir au Canada en 1999. Elle a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en décembre 2011 et elle a obtenu le droit de s’établir à titre de résidente permanente en janvier 2013.

[2]               En octobre 2013, la demanderesse a épousé M. Yvan Denroy Burke, son conjoint de fait avec qui elle habitait prétendument depuis 1997.

[3]               La demanderesse a présenté une demande en vue de parrainer son époux en août 2014. Pour ce faire, elle a présenté une demande de parrainage à l’intérieur du Canada au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

[4]               Dans une lettre datée du 16 novembre 2016, un agent du Centre de traitement des demandes d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), à Mississauga, a déclaré que la demanderesse n’était pas autorisée à parrainer son époux parce qu’elle avait omis de déclarer l’existence de son conjoint de fait dans sa demande de résidence permanente faite en 2011 et que, de ce fait, elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 125(1)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). Cette disposition vise à empêcher qu’un étranger soit considéré comme un membre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada s’il était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et s’il n’a pas fait l’objet d’un contrôle au moment où le répondant a présenté sa demande de résidence permanente et a obtenu le droit de s’établir à ce titre.

[5]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de cette décision. Elle prétend qu’elle a déclaré l’existence de son conjoint de fait à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) lorsqu’elle a présenté sa demande de résidence permanente en 2011, puisque ce renseignement était indiqué dans le formulaire Renseignements supplémentaires ainsi que dans l’affidavit joint à sa demande. Quant au fait que son conjoint de fait n’a pas fait l’objet d’un contrôle en 2011, elle fait valoir que l’agent de CIC qui a traité sa demande a dû déterminer que son conjoint n’avait pas à faire l’objet d’un contrôle et qu’en conséquence, il était visé par l’exception à l’exclusion, aux termes du paragraphe 125(2) du Règlement. Sinon, l’agent de CIC a manqué à son obligation en ne l’informant pas des conséquences que pouvait avoir le fait que son conjoint de fait ne fasse pas l’objet d’un contrôle, aux termes du paragraphe 125(3) du Règlement.

[6]               Le défendeur affirme que lorsque la demanderesse a présenté sa demande de résidence permanente en 2011, elle a été tenue de remplir le Formulaire de demande générique pour le Canada. Dans ce formulaire, elle devait déclarer son « état matrimonial actuel », la date du mariage ou du début de l’union de fait et le nom de son « époux/conjoint de fait actuel ». Elle devait également déclarer si le membre de la famille déclaré l’accompagnerait au Canada et, dans la négative, pour quel motif. Malgré le libellé clair du formulaire, la demanderesse a déclaré qu’elle était « célibataire » et elle n’a rien indiqué dans les autres champs. Le défendeur soutient qu’il n’était pas déraisonnable, pour l’agent d’IRCC, de conclure que la demanderesse avait omis de déclarer l’existence de son conjoint de fait dans sa demande de résidence permanente et qu’elle n’était donc pas autorisée à le parrainer, conformément à l’alinéa 125(1)d) du Règlement, et ce, même si l’existence de son conjoint de fait était mentionnée ailleurs dans sa demande.

[7]               Au début de l’audience, j’ai indiqué aux avocats des parties que j’avais certaines préoccupations concernant l’inclusion, dans le dossier de demande de la défenderesse, de documents qui n’étaient pas contenus dans le dossier certifié du tribunal (DCT), plus particulièrement la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse en 2011. Les deux parties ont fait valoir que la demande présentée en 2011 aurait dû être intégrée au DCT puisqu’elle devrait normalement avoir été examinée par l’agent d’IRCC dans le cadre de la demande de parrainage présentée en 2014 ou que l’agent aurait dû, à tout le moins, y avoir accès. Il semble y avoir eu une certaine confusion concernant le contenu du DCT puisque la Cour a reçu une copie initiale le 18 avril 2017 et des documents supplémentaires le 23 juin 2017. Les parties ont convenu que je devais procéder comme si la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse en 2011 faisait partie du DCT, étant donné qu’elle est pertinente en ce qui concerne la décision de l’agent d’IRCC et que les deux parties y ont fait amplement référence dans leurs observations tant écrites qu’orales.

[8]               Par conséquent, après examen de tous les documents présentés par les parties, ainsi que de leurs observations orales et écrites, je conclus que la décision de l’agent d’IRCC est déraisonnable.

[9]               Les décisions d’un agent d’IRCC concernant les demandes de résidence permanente au titre de la catégorie du regroupement familial comportent des questions mixtes de fait et de droit, et sont assujetties à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Thakor c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 400, au paragraphe 26). Au moment d’examiner une décision selon la norme du caractère raisonnable, la Cour doit prendre en considération la justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi que l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59; Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

[10]           Les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) qui étayent la décision de l’agent d’IRCC, datées du 19 mai 2016, indiquent ce qui suit : [traduction] « Le statut de résidente permanente a été octroyé le 30 janvier 2013 et rien n’indique que la relation a été déclarée/examinée au moment où le statut a été octroyé ». Cette déclaration est entachée d’erreur flagrante puisqu’il a été démontré que la demanderesse a déclaré l’existence de son conjoint de fait lorsqu’elle a présenté une demande de résidence permanente en 2011. Même si ce renseignement n’était pas indiqué dans le Formulaire de demande générique, la demanderesse a bel et bien déclaré l’existence de son conjoint de fait à la section 5 du formulaire Renseignements supplémentaires (IMM-5283), ainsi que dans l’affidavit joint à sa demande.

[11]           Ni la décision ni le dossier n’indiquent clairement de quelle façon l’agent d’IRCC en est arrivé à la conclusion que rien n’indiquait que la demanderesse avait déclaré l’existence de son conjoint de fait. La Cour est incapable de déterminer si l’agent d’IRCC est passé à côté du renseignement dans le formulaire Renseignements supplémentaires et dans l’affidavit joint à la demande ou s’il a fait fi du renseignement et a déduit que la demanderesse n’avait pas déclaré l’existence de M. Burke du fait que celui-ci n’avait pas fait l’objet d’un contrôle, aux termes de l’alinéa 125(1)d) du Règlement. Dans un cas comme dans l’autre, la décision ne répond pas aux critères d’intelligibilité et de transparence. De plus, comme le prétend la demanderesse, il est également possible que l’agent de CIC qui a traité sa demande de résidence permanente en 2011 ait déterminé, aux termes du paragraphe 125(2) du Règlement, qu’il n’était pas nécessaire que M. Burke fasse l’objet d’un contrôle, auquel cas la décision de l’agent d’IRCC serait infondée et manifestement déraisonnable.

[12]           Comme il est possible que le DCT soit incomplet, et en l’absence de documents supplémentaires relativement à la demande présentée en 2011 (y compris les notes du SMGC), je ne suis pas en mesure de déterminer, sans me livrer à des spéculations, de quelle façon l’agent d’IRCC en est arrivé, en 2016, à la conclusion que rien n’indiquait que la demanderesse avait déclaré l’existence de son conjoint de fait au moment où elle a présenté sa demande de résidence permanente et obtenu le droit de s’établir à titre de résidente permanente.

[13]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’IRCC pour un nouvel examen.

[14]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-5034-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1)      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour un nouvel examen.

2)      L’intitulé de la cause est modifié de façon à indiquer « ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » plutôt que « ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté ».

3)      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5034-16

INTITULÉ :

CARSANDRA ALEXANDER c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 juin 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

Le 5 juillet 2017

COMPARUTIONS :

Ronald Poulton

Pour la demanderesse

Christopher Crighton

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Poulton Law Office

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

 

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