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Date : Le 4 juillet 2017


Dossier : IMM-112-17

Référence : 2017 CF 644

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2017

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

MARIE NERLANDE EDMOND

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               Cette demande de révision judiciaire, qui fait suite à une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (SPR) le 18 novembre 2016, est faite en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. La SPR a conclu que la demanderesse n’était ni une réfugiée, ni une personne à protéger. La seule question en litige porte sur la crédibilité de cette demanderesse. La SPR a conclu qu’elle constituait la question déterminante.

[2]               Mme Edmond, une citoyenneté d’Haïti, déclare qu’elle craint d’être persécutée en raison de son orientation sexuelle dans son pays de nationalité.

I.                    Les faits

[3]               La demanderesse est née en Haïti en 1984. En 2005, elle a entamé une relation avec un homme. Or, cette relation s’est détériorée, et il l’a agressée physiquement et l’a menacée de la tuer si elle le quittait. La relation a donc pris fin en 2008.

[4]               L’une des amies d’enfance de la demanderesse l’a soutenue pendant sa relation de violence et est devenue sa confidente. La demanderesse affirme qu’elle est tombée amoureuse de cette femme et lui a déclaré son amour en mars 2010. Cependant, elles ont gardé secrète leur relation à cause de la discrimination et de la stigmatisation dont sont victimes les personnes homosexuelles en Haïti. Il semble que dans certains segments de la population, le terrible séisme de 2010 soit imputé aux homosexuels, qui auraient attiré sur le pays la colère de Dieu.

[5]               À compter de 2013, des résidents du voisinage auraient remarqué la relation, et les insultes ont suivi. Le 19 mai 2015, des individus ont attaqué la demanderesse et sa famille à leur domicile en leur lançant des pierres. Ils ont menacé de brûler la maison si la demanderesse ne quittait pas le voisinage. Malgré une plainte déposée le lendemain par le frère de la demanderesse, la police n’a effectué aucun suivi autre qu’une visite au domicile. Étonnamment, la demanderesse a déclaré que c’est ce même jour de 2015 que sa famille a appris qu’elle était homosexuelle.

[6]               Par conséquent, la demanderesse est partie du domicile familial pour aller vivre ailleurs avec une amie, mais elle soutient que les menaces à son endroit n’ont pas cessé. En octobre 2015, elle a emménagé dans un appartement avec ses deux sœurs.

[7]               La demanderesse a obtenu un visa pour voyager aux États-Unis en avril 2016 pour suivre un stage de 15 jours à un collège de Miami. Elle possède une formation d’infirmière, mais semble n’avoir jamais exercé cette profession. Après son stage, elle est retournée en Haïti, puis elle a pris un vol pour New York le 18 juin 2016 avec le même visa américain. Deux mois plus tard, le 2 août 2016, elle a traversé l’État de New York pour atteindre la frontière canadienne à Fort Erie. Elle a rempli une demande d’asile et est allée vivre chez sa sœur, qui était déjà résidente permanente et vivait dans la région de Toronto. La demande d’asile a été déposée le 13 août 2016.

II.                 Décision de la SPR

[8]               Essentiellement, la SPR n’a pas ajouté foi au récit de la demanderesse. Elle n’a pas cru qu’elle entretenait une relation romantique avec une autre femme, que sa famille avait été attaquée en mai 2015 et qu’elle était homosexuelle. Elle a également tiré des conclusions défavorables quant à la décision de la demanderesse de se réclamer à nouveau de la protection d’Haïti en 2016 et de ne pas déposer une demande d’asile aux États-Unis. En fait, la demanderesse a eu deux occasions de faire une demande d’asile, mais elle a déclaré qu’elle préférait le Canada. En conclusion, le tribunal a conclu que la demanderesse ne courait pas le risque d’être persécutée si elle retournait en Haïti.

[9]               La décision repose en premier lieu sur la relation de la demanderesse avec sa prétendue partenaire en Haïti. La SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse était vague, eu égard au type de relation qu’elle disait avoir avec cette personne. Elle s’attendait à ce que la demanderesse donne des réponses plus détaillées aux questions concernant cette personne, ce qu’elle n’a pas fait. Selon la SPR, le témoignage de la demanderesse était composé de généralités. Aux questions précises portant par exemple sur la façon dont la demanderesse se procurait confort et soutien après sa séparation de son petit ami, les réponses étaient au mieux générales. Similairement, la SPR a noté le manque de précision des activités que le couple réalisait ensemble.

[10]           En outre, la SPR estime que la brève lettre de soutien de la prétendue partenaire, consignée au dossier, est peu détaillée et parle simplement en termes généraux des menaces de violence subies en Haïti. Elle a noté que la lettre n’est pas entièrement conforme au témoignage de la demanderesse sur un aspect important. Alors que la demanderesse a affirmé en termes généraux que sa partenaire l’aimait en raison des choses qu’elle faisait et de sa façon de lui parler, la lettre est un peu plus précise en ce qui a trait aux contacts physiques et à l’allégation selon laquelle [traduction] « elle est venue à elle avec des arguments voulant que la demanderesse serait heureuse avec [sa partenaire] » (paragraphe 10 de la décision de la SPR).

[11]           La SPR a aussi été frappée par le manque d’éléments de preuve concernant les communications que la demanderesse a prétendu avoir poursuivies avec sa partenaire depuis son arrivée au Canada. La demanderesse a expliqué qu’elle avait supprimé toute la correspondance avec sa partenaire, comme elle avait l’habitude de le faire en Haïti. Qu’elle ait maintenu cette habitude malgré la situation très différente au Canada, et qu’elle soutienne qu’elle avait peur de retourner en Haïti en raison de son homosexualité, laisse perplexe. De l’avis de la SPR, ce n’est tout simplement pas raisonnable.

[12]           La décision se fonde également sur le récit de la demanderesse de l’incident du 19 mai 2015. La SPR s’est dite préoccupée par le manque d’éléments de preuve de la part du frère et des sœurs de la demanderesse relativement à un incident qui a prétendument eu lieu à leur domicile tandis qu’ils s’y trouvaient. La seule explication fournie par la demanderesse est qu’elle n’a pas demandé ce genre de preuve à l’appui. Cette préoccupation est exacerbée par le fait que certains documents semblent avoir été envoyés d’Haïti par le frère de la demanderesse sans aucune tentative de témoigner par un affidavit ou une lettre. L’emménagement de la demanderesse avec une autre femme à la suite de l’incident du 19 mai 2015 suscite le même genre de préoccupation. Cette personne n’a fourni aucun élément de preuve, et le tribunal a été très peu impressionné parce que [traduction] « la demanderesse n’a fourni aucune information supplémentaire sur les raisons pour lesquelles elles ne communiquent pas ni aucune explication raisonnable quant aux motifs pour lesquels elle ne pouvait pas obtenir une lettre de [cette personne] » (paragraphe 19 de la décision de la SPR).

[13]           Au sujet du témoignage de la demanderesse relatif à l’incident, la SPR note qu’il s’agit du seul cas de violence allégué par la demanderesse. Pourtant, elle n’a pas pu, ou n’a pas voulu, parler des réactions de ses sœurs et de son frère au fait que des gens, selon ce qu’elle prétend, aient lancé des pierres sur leur maison. Par conséquent, d’après la prépondérance des probabilités, le SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas prouvé que l’incident du 19 mai 2015 avait eu lieu ou [traduction] « était relié à sa prétendue orientation sexuelle » (paragraphe 23 de la décision de la SPR).

[14]           La SPR a également tranché en défaveur de la demanderesse à l’égard du stage qu’elle a suivi à Miami, en Floride, du 2 au 15 mai 2016. Le stage, payé avec de l’argent emprunté, a été présenté par la demanderesse comme une occasion pour elle puisqu’elle était en danger en Haïti. Quoi qu’il en soit, elle n’a pas déposé de demande d’asile aux États-Unis à cette occasion parce que, selon ses dires, les organisateurs auraient conservé son passeport. Elle a ajouté ne pas parler anglais. La SPR a conclu que cette demanderesse, une personne raffinée qui possède un diplôme d’infirmière et avait 32 ans au moment du stage, n’a pas réussi à justifier le fait qu’elle n’a pas demandé l’asile pendant qu’elle se trouvait à Miami alors qu’elle affirmait craindre pour sa vie si elle retournait en Haïti. Le simple fait qu’elle n’avait pas son passeport en main n’explique pas pourquoi elle a dû retourner en Haïti après son stage. En effet, elle ne parlait toujours pas anglais un mois plus tard à son arrivée à New York, ni deux mois plus tard lorsqu’elle a franchi la frontière du sud de l’Ontario.

[15]           Comme l’a mentionné la SPR, l’explication est particulièrement simpliste [traduction« considérant qu’elle ne se trouvait pas illégalement aux États-Unis à ce moment et qu’elle y est retournée en vue de venir au Canada, où elle a de la famille, un mois plus tard » (paragraphe 26).

[16]           De plus, la SPR a souligné la réticence de la demanderesse à répondre aux questions sur son orientation sexuelle et la persécution qu’elle a conséquemment subie. C’est pourquoi la SPR a retenu contre elle son incapacité à répondre directement aux questions répétées concernant les répercussions, sur sa vie, de la dissimulation de son orientation sexuelle. De même, on s’attendait à ce que la demanderesse explique plus en détail comment sa famille a réagi lorsque, selon ses dires, elle a découvert son orientation sexuelle à la suite de l’incident de mai 2015 alors que, toujours selon ses dires, sa communauté la harcelait déjà depuis quelques années.

[17]           Enfin, la SPR n’a accordé aucun poids à la lettre fournie par l’organisme FrancoQueer de Toronto. Essentiellement, cette lettre relate ce que la demanderesse a raconté à l’organisme et représente donc [traduction] « de l’information déclarée par l’intéressée ». Les faits ne deviennent pas plus vrais ou plus crédibles une fois rapportés par un tiers, si celui-ci ne fait que répéter l’information entendue du demandeur. Somme toute, il ne s’agit pas d’une preuve indépendante. La lettre ne peut donc pas appuyer les affirmations de la demanderesse.

III.               Norme de contrôle

[18]           La seule question en litige en l’espèce consiste à déterminer si le récit de la demanderesse a du poids à la lumière de l’évaluation de la crédibilité réalisée par la SPR. Les parties conviennent que la norme de révision applicable dans les circonstances est la norme de la décision raisonnable. En effet, la jurisprudence de la Cour est cohérente à cet égard (Manege c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 374, au paragraphe 14; Ramirez Martin c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 664, au paragraphe 11; Shukriya v. Canada (Citizenship and Immigration), 2016 FC 1375, au paragraphe 11).

[19]           Il en découle que la Cour doit observer la norme d’examen fondée sur la retenue relativement aux conclusions de la SPR. Si la décision de la SPR appartient aux issues possibles acceptables en considération des faits et de la loi, elle ne doit pas être modifiée. De même, la décision est raisonnable si elle tient principalement à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

IV.              Analyse

[20]           L’évaluation de la crédibilité est fondée sur l’expérience de vie. Il ne fait nul doute que la SPR possède une expertise spéciale pour évaluer les affaires qui lui sont présentées. Dans leur traité The Law of Evidence, 7e édition (Toronto : Irwin law, 2015), les auteurs David Paciocco et Lee Stuesser disent :

[traduction] En général, le juge des faits ne peut que faire preuve de bon sens et faire appel à son expérience humaine pour déterminer si les éléments de preuve sont crédibles et décider quel usage en faire, le cas échéant, afin de tirer une conclusion de fait.

[21]           Récemment, la juge Tremblay-Lamer a formulé une observation similaire dans Haramicheal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1197 :

[15]      Notre Cour a établi clairement les principes qui régissent l’appréciation de la crédibilité d’un demandeur dans le contexte de l’asile. La SAR est loisible de tirer des conclusions relatives à la crédibilité en tenant compte des invraisemblances, du bon sens et de la raison (Lubana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116). Elle doit éviter toutefois de faire des inférences négatives quant à la crédibilité par suite d’un examen à la loupe de questions secondaires ou non pertinentes à une affaire (Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444).

En réalité, la SPR doit prendre en considération l’ensemble de la preuve. Cependant, si la majorité de la preuve vient d’un seul déposant, et que celui-ci n’est pas cru, il est évidemment probable que le demandeur ne puisse s’acquitter du fardeau de convaincre qu’il est un réfugié ou une personne à protéger. Ce fardeau n’est pas léger, parce que le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le décideur a tiré des conclusions déraisonnables quant à sa crédibilité.

[22]           Le juge Henry Brown a fourni un résumé très utile de l’autorité en matière d’évaluation de la crédibilité dans Gong v Canada (Citizenship and Immigration), 2017 FC 165 :

[9]        [traduction] Les pouvoirs supplémentaires quant à l’évaluation de la crédibilité et de la vraisemblance sont résumés comme suit. Premièrement, la SPR dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour préférer certains éléments de preuve à d’autres et déterminer l’importance à accorder à ceux qu’elle accepte : Medarovik c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2002 CFPI 61, au paragraphe 16, juge Tremblay-Lamer; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 867, juge Blais. Deuxièmement, la Cour d’appel fédérale confirme que les conclusions de fait et les conclusions relatives à la crédibilité sont au cœur de l’expertise de la SPR : Giron c. Canada (Emploi et Immigration), (1992) 143 N.R. 238 (CAF) [Giron]. Troisièmement, la SPR est reconnue comme ayant une expertise dans l’évaluation des demandes d’asile et est autorisée par voie législative à faire usage de sa connaissance spécialisée : Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 805, au paragraphe 10, juge O’Reilly; et voir Siad c. Canada (Secrétaire d’État), [1997] 1 CF 608, au paragraphe 24 (CAF), où la Cour d’appel fédérale a dit que la SPR « [...] se trouve dans une situation unique pour apprécier la crédibilité d’un demandeur du statut de réfugié. Les décisions quant à la crédibilité, qui constituent “l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits”, doivent recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire, et elles ne sauraient être infirmées à moins qu’elles ne soient abusives, arbitraires ou rendues sans tenir compte des éléments de preuve ». Troisièmement, il est bien établi que la SPR peut tirer des conclusions relatives à la crédibilité en tenant compte des invraisemblances, du bon sens et de la raison, bien qu’elle doive éviter de faire des inférences négatives quant à la crédibilité « par suite d’un examen à la loupe de questions secondaires ou non pertinentes à une affaire » : Haramicheal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1197, au paragraphe 15, juge Tremblay-Lamer, citant Lubana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 10 et 11, juge Martineau [Lubana]; Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444 (CAF). Quatrièmement, la SPR peut rejeter des preuves non réfutées si celles-ci « ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve » : Lubana, précité, au paragraphe 10. Cinquièmement, la SPR peut à bon droit conclure qu’un demandeur n’est pas crédible « à cause d’invraisemblances contenues dans la preuve qu’il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés “en termes clairs et explicites” » : Lubana, précité, au paragraphe 9.

[Non souligné dans l’original.]

[23]           Malgré les vaillants efforts de l’avocat de la demanderesse, la Cour doit conclure que la décision de la SPR est raisonnable. Comme je l’ai mentionné précédemment, il ne suffit pas d’affirmer que la SPR peut s’être trompée : il faut démontrer que sa décision n’est pas justifiée, transparente ou intelligible, ou qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables. J’ai lu attentivement la transcription du témoignage de la demanderesse devant la SPR et j’en arrive à la conclusion que la décision appartient aux issues possibles acceptables et est amplement justifiée.

[24]           La SPR avait la possibilité de juger les faits non plausibles et la demanderesse non crédible en examinant l’ensemble des éléments de preuve. La demanderesse donne très peu d’information lorsqu’elle parle de la relation qui l’a forcée à quitter son pays de nationalité par crainte d’être victime de violence. Le seul incident de violence manifeste n’est pas non plus décrit en détail. Même si un frère et une sœur étaient prétendument présents, la demanderesse, qui reconnaît dans son témoignage qu’elle aurait pu demander leur soutien pour obtenir le statut de réfugiée au Canada, n’a reçu aucune assistance de la sorte.

[25]           La partenaire de la demanderesse a supposément envoyé une lettre, mais elle est tapée à la machine et porte une signature qui semble étrange. La SPR a fait remarquer des divergences entre certains éléments de la lettre et le témoignage de la demanderesse, et ce, malgré le manque de détails.

[26]           Bien que la demanderesse ait emprunté de l’argent pour suivre un stage à Miami, en Floride, ce qui lui permettait d’échapper à la peur d’être tuée en Haïti, elle est retournée dans son pays parce que son passeport avait été conservé par les organisateurs du stage pendant celui-ci et qu’elle ne parlait pas anglais. Ce fait en soi est surprenant. Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est que la demanderesse ait trouvé des ressources financières pour se rendre de nouveau aux États-Unis à peine un mois plus tard, ait traversé l’État de New York pour parvenir à Fort Erie et ait ensuite franchi la frontière canadienne dans le sud de l’Ontario, où son manque de connaissance de l’anglais continuerait d’être problématique.

[27]           L’avocat de la demanderesse a habilement décortiqué les questions et les réponses durant l’audience de la SPR pour exprimer son désaccord avec les conclusions au sujet de la crédibilité. Ce faisant, il a effectué le même genre d’examen à la loupe des questions en litige qui est souvent critiqué lorsqu’il est fait par un tribunal administratif. Je suis d’avis qu’il y a désaccord sur certaines des conclusions, mais que rien ne démontre que celles-ci n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables. En l’espèce, ce sont les éléments de preuve dans leur ensemble qui doivent être évalués, en faisant preuve de bon sens et en faisant appel à l’expérience humaine. Je ne vois rien qui me fait croire que les décisions quant à la crédibilité, qui constituent l’essentiel du pouvoir discrétionnaire des juges des faits, sont abusives ou arbitraires. Or, cela ne signifie pas que toutes les conclusions concernant la crédibilité tirées par le SPR soient raisonnables. Cela signifie simplement qu’un tribunal, qui a une expertise dans l’évaluation des demandes d’asile, lorsque la crédibilité du demandeur se trouve au cœur de l’affaire, doit recevoir une déférence considérable à l’occasion d’un contrôle judiciaire.

[28]           Dans l’affaire en instance, j’estime que les conclusions sont étayées par de nombreux éléments de preuve. Contrairement à ce qui a été allégué, les motifs sont pleinement justifiés, transparents et intelligibles dans le cadre du processus décisionnel.

[29]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Aucune question n’est certifiée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-112-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune question n’est certifiée.

« Yvan Roy »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-112-17

 

INTITULÉ :

MARIE NERLANDE EDMOND c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 21 juin 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS

LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 4 juillet 2017

 

COMPARUTIONS :

Richard Wazana

 

Pour la demanderesse

 

Melissa Mathieu

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wazana Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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